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22/06/2011 | FRANCE | N°10-18573

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 juin 2011, 10-18573


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2010), que la société Urbapac, maître de l'ouvrage, a chargé la société Carrières Sablières des Isles (société CSI) de la réalisation d'un ensemble de travaux de voies et réseaux divers (VRD) ; que la société CSI a, par devis accepté du 3 septembre 2007, sous-traité les travaux de pavage à la société Les Compagnons Paveurs ; que la société CSI ayant été placée en redressement judiciaire le 25 octobre 2007, la société Les Compagnons

Paveurs a, le 21 novembre 2007, déclaré sa créance, et, demandé, par lettres recomm...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2010), que la société Urbapac, maître de l'ouvrage, a chargé la société Carrières Sablières des Isles (société CSI) de la réalisation d'un ensemble de travaux de voies et réseaux divers (VRD) ; que la société CSI a, par devis accepté du 3 septembre 2007, sous-traité les travaux de pavage à la société Les Compagnons Paveurs ; que la société CSI ayant été placée en redressement judiciaire le 25 octobre 2007, la société Les Compagnons Paveurs a, le 21 novembre 2007, déclaré sa créance, et, demandé, par lettres recommandées avec avis de réception des 20 et 21 novembre 2007, au maître de l'ouvrage de lui régler le montant des factures demeurées impayées des 28 septembre et 26 octobre 2007 en application de la loi du 31 décembre 1975 relative au paiement direct des sous-traitants ; que n'ayant pas obtenu satisfaction, la société Les Compagnons Paveurs a, par acte du 3 janvier 2008, assigné la société Urbapac en paiement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Les Compagnons Paveurs fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, que le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies par la loi, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations, même si l'entrepreneur principal fait l'objet d'une procédure collective et si le sous-traitant a achevé les travaux qui lui étaient confiés ; que la cour d'appel, pour rejeter l'action formée par la société Les Compagnons Paveurs contre la société Urbapac, a retenu qu'il ne pouvait être reproché à cette dernière de s'être abstenue de mettre en demeure la société CSI de lui faire agréer la société Les Compagnons Paveurs par la procédure prévue à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 puisqu'il n'était nullement établi que la société Urbapac ait pu avoir connaissance de l'existence de ce sous-traité, et que la société CSI n'étant plus in bonis depuis le jugement du tribunal de commerce d'Evreux prononçant son redressement judiciaire le 25 octobre 2007, la société Les Compagnons Paveurs ne peut soutenir utilement que la société Urbapac était encore en mesure à partir du 20 novembre 2007 de mettre en demeure la société CSI de s'acquitter de ses obligations dès lors qu'elle lui avait notifié ce jour-là son action directe puisque, du fait de cette notification, la société Urbapac était désormais au courant de son existence ; qu'en statuant ainsi, en refusant de tirer les conséquences de la connaissance de l'existence du sous-traitant résultant pour le maître de l'ouvrage de la notification de l'action directe, et en se fondant à tort sur l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé les articles 3, 14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Les Compagnons Paveurs ne s'était manifestée auprès du maître de l'ouvrage en qualité de sous-traitant de la société CSI qu'après le redressement judiciaire de cette société "pour lui notifier son action directe" et que le maître de l'ouvrage n'avait jamais eu connaissance de son existence avant cette date, la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que la société Urbapac n'était plus en mesure de mettre en demeure la société CSI, elle-même, de s'acquitter des obligations définies à l'article 3 de la loi du 31 décembres 1975, a pu en déduire que le maître de l'ouvrage n'avait pas commis de faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Compagnons Paveurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la société Les Compagnons paveurs
En ce que l'arrêt attaqué a débouté la SA Les Compagnons Paveurs de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la SA Urbapac,
Aux motifs que les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels ils ont répond par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; qu'il convient seulement de souligner que par une des treize pièces versées aux débats par la société Les Compagnons Paveurs ne démontre que la société URBAPAC avait à tout le moins connaissance, à défaut de l'avoir agréée, de l'existence de la société les Compagnons Paveurs ; que la société URBAPAC communique pour sa part régulièrement trente deux pièces dont aucune ne fait même une simple allusion à la présence sur le chantier de la société Les Compagnons Paveurs ; qu'aucun compte-rendu de chantier ne cite cette entreprise ; que s'agissant du lot «pose des pavés», seule la société Carrières Sablières des Isles est mentionnée ; que dans son devis accepté contenant un «quantitatif/descriptif» de ses prestations, la société Carrières Sablières des Isles indique que les pavés qu'elle se propose de poser proviendront de la société «pavés de rue» à Luisant ; qu'en revanche, la société Carrières Sablières des Isles ayant sous-traité à la société MARIETTE T.P. la fourniture et la mise en oeuvre d'enrobés sur voirie a bien pris soin de rédiger un acte d'engagement de sous-traitance ; que sa demande d'acceptation de ce sous-traitant contenant les conditions de paiement du contrat de sous-traitance a été agréée par la société URBAPAC ; qu'il ne peut être reproché à la société URBAPAC d'avoir commis une faute quasi-délictuelle emportant la déchéance du droit d'invoquer le défaut d'agrément pour s'être délibérément abstenue de mettre en demeure la société Carrières Sablières des Isles de lui faire agréer la société les Compagnons Paveurs par la procédure prévue à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 puisqu'il n'est nullement établi que la société URBAPAC a pu avoir connaissance de l'existence de ce sous-traitant ; que la société Carrières Sablières des Isles n'étant plus in bonis depuis le jugement du tribunal de commerce d'Evreux prononçant son redressement judiciaire le 25 octobre 2007, la société Les Compagnons Paveurs ne peut soutenir utilement que la société URBAPAC était encore en mesure à partir du 20 novembre 2007 de mettre en demeure la société Carrières Sablières des Isles de s'acquitter de ses obligations dès lors qu'elle lui avait notifié ce jour-là son action directe puisque, du fait de cette notification, la société URBAPAC était désormais au courant de son existence ; que la mise en demeure adressée à l'entrepreneur principal doit précéder d'un mois l'exercice directe à l'encontre du maître de l'ouvrage car ce n'est que dans l'hypothèse où l'entrepreneur principal ne paierait pas un mois après avoir été mis en demeure les sommes qui sont dues au sous-traitant en vertu du contrat de sous-traitance que le sous-traitant peut s'adresser au maître de l'ouvrage en lui joignant copie de la mise en demeure qu'il aura adressée un mois auparavant à l'entrepreneur principal ; qu'avisée le 19 novembre 2007 par le mandataire judiciaire chargé du redressement judiciaire de la société Carrières Sablières des Isles qu'il y avait lieu pour elle de lui faire parvenir sa déclaration de créance, la société Les Compagnons Paveurs a, dès le lendemain, exercé son action directe à l'encontre de la société URBAPAC ; que le 21 novembre 2007, la société les Compagnons Paveurs a procédé à sa déclaration de créance auprès du mandataire judiciaire ; que le même jour, la société Les Compagnons Paveurs a confirmé à la société URBAPAC qu'elle exerçait l'action directe « suivant la jurisprudence issue de la loi du 31 décembre 1975 ; que la société les Compagnons Paveurs n'a jamais transmis au maître de l'ouvrage copie d'une mise en demeure qui aurait été adressée à la société Carrières Sablières des Isles, et pour cause puisqu'elle ne pouvait adresser une mise en demeure à une société qui n'était plus in bonis ; qu'à supposer que la déclaration de créance produite entre les mains du mandataire judiciaire puisse tenir lieu de mise en demeure adressée à l'entrepreneur principal, ce document n'a, lui non plus, jamais été adressée par la société «Les Compagnons Paveurs» en copie au maître de l'ouvrage ; qu'à défaut d'avoir fait l'objet d'un agrément par le maître de l'ouvrage et d'avoir respecté la procédure de mise en demeure de l'article 12, alinéa 1 de la loi du 31 décembre 1975, la société Les Compagnons Paveurs est irrecevable en son action ainsi que l'ont énoncé les premiers juges ; et aux motifs adoptés du jugement confirmé que la société Les Compagnons Paveurs demande à la société Urbapac de lui payer, sur le fondement de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance, la somme de 22 440,79 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2007 ; que la société URBAPAC, en tant que maître d'ouvrage, a conclu un marché avec la société CSI pour la réalisation d'un ensemble de travaux de VRD, que ce marché comportait la réalisation de travaux de pavage ; que selon un devis accepté du 3 septembre 2007, la société CSI a confié la réalisation des travaux de pavage à la société Les Compagnons Paveurs ; que la société CSI ayant été admise au redressement judiciaire le 25 octobre 2007, la société Les Compagnons Paveurs a demandé, par lettres RAR des 20 et 21 novembre 2007, à la société URBAPAC, le paiement direct de sa créance ; que par lettre RAR d 21 novembre 2007, la société URBAPAC s'y est opposée, invoquant l'absence d'agrément ; que la loi du 31 décembre 1975 prévoit, dans ses dispositions générales, à l'article 3, que l'entrepreneur qui entend exécuter un marché en recourant à la sous-traitance doit faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; que l'article 12 de ladite loi, qui stipule que le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entreprise ne le paie pas, se situe dans le cadre des dispositions générales énoncées ci-dessus, que conformément à la jurisprudence, cette action directe n'est ouverte au sous-traitant que s'il a été agréé par le maître d'ouvrage ; que la société les Compagnons Paveurs ne rapporte pas la preuve de cet agrément, qu'elle invoque que la société URBAPAC avait connaissance de son intervention sur le chantier, mais qu'elle ne le démontre pas, qu'en tout état de cause, il ressort de la jurisprudece que la simple connaissance par le maître de l'ouvrage de l'existence du sous-traitant ne suffit pas à caractériser son acceptation ni l'agrément de ses conditions de paiement, que l'accord du maître de l'ouvrage doit se manifester par un acte non équivoque (Cass. civ. 14 mars 2006) ;
1°/ Alors que le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies par la loi, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations, même si l'entrepreneur principal fait l'objet d'une procédure collective et si le sous-traitant a achevé les travaux qui lui étaient confiés ; que la cour d'appel, pour rejeter l'action formée par la SA Les Compagnons Paveurs contre la SA Urbapac, a retenu qu'il ne pouvait être reproché à cette dernière de s'être abstenue de mettre en demeure la société Carrières Sablières des Isles de lui faire agréer la société Les Compagnons Paveurs par la procédure prévue à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 puisqu'il n'était nullement établi que la société Urbapac ait pu avoir connaissance de l'existence de ce sous-traitant, et que la société Carrières Sablières des Isles n'étant plus in bonis depuis le jugement du tribunal de commerce d'Evreux prononçant son redressement judiciaire le 25 octobre 2007, la société Les Compagnons Paveurs ne peut soutenir utilement que la société Urbapac était encore en mesure à partir du 20 novembre 2007 de mettre en demeure la société Carrières Sablières des Isles de s'acquitter de ses obligations dès lors qu'elle lui avait notifié ce jour-là son action directe puisque, du fait de cette notification, la société Urbapac était désormais au courant de son existence ; qu'en statuant ainsi, en refusant de tirer les conséquences de la connaissance de l'existence du sous-traitant résultant pour le maître de l'ouvrage de la notification de l'action directe, et en se fondant à tort sur l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé les articles 3, 14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, et 1382 du code civil ;
2°/ Alors que le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance, et copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes formées par la société Les Compagnons Paveurs contre la société Urbapac, a retenu que la société Les Compagnons Paveurs n'avait jamais transmis au maître de l'ouvrage copie d'une mise en demeure qu'elle ne pouvait plus adresser à une société qui n'était plus in bonis, n'avait ainsi pas respecté la procédure de mise en demeure de l'article 12, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 2007 et était ainsi irrecevable en son action ; qu'en statuant ainsi, tout en se référant à l'assignation délivrée le 3 janvier 2008 à la requête de la SA Les Compagnons Paveurs, soit plus d'un mois après la déclaration de créances du 21 novembre 2007 valant mise en demeure de l'entrepreneur principal, régulièrement communiquée et produite dans le cadre de l'instance, la cour d'appel a violé l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 ;
3°/ Alors que la société Les Compagnons Paveurs a invoqué la volonté délibérée du maître de l'ouvrage de se procurer un enrichissement sans cause et sa mauvaise foi, en faisant valoir que le maître d'ouvrage s'était empressé de contester la validité de l'action directe au lieu de mettre l'entrepreneur principal en demeure de régulariser la situation du sous-traitant, et avait soutenu ne plus être débitrice de l'entrepreneur principal avant de reconnaître le contraire en cours d'instance (conclusions du 16 décembre 2009, p. 6 et 7) ; que la cour d'appel qui a rejeté les demandes formées par la société Les Compagnons Paveurs contre la société Urbapac, notamment sur le fondement de l'article 1382 du code civil, sans s'expliquer sur l'attitude du maître de l'ouvrage, a privé sa décision de base légale au regard de cet article.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-18573
Date de la décision : 22/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Rapports avec le maître de l'ouvrage - Connaissance de la présence du sous-traitant - Moment - Concomitance avec la notification de l'action directe du sous-traitant après le redressement judiciaire de l'entreprise principale - Portée

CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Rapports avec le maître de l'ouvrage - Connaissance de la présence du sous-traitant - Mise en demeure à l'entrepreneur principal de le faire agréer - Défaut - Faute - Exclusion - Cas

Ne commet pas de faute, le maître de l'ouvrage qui n'est plus en mesure de mettre en demeure l'entreprise principale elle-même, de s'acquitter des obligations définies à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, dès lors que le sous-traitant ne s'est manifesté auprès de lui "pour lui notifier son action directe" qu'après le redressement judiciaire de l'entreprise principale, et qu'il n'avait pas eu connaissance de l'existence de ce sous-traitant avant cette date


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 22 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 jui. 2011, pourvoi n°10-18573, Bull. civ. 2011, III, n° 110
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, III, n° 110

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: Mme Lardet
Avocat(s) : SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.18573
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