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21/06/2011 | FRANCE | N°10-16091

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2011, 10-16091


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 février 2010), que Mme X... a été engagée le 29 novembre 1994 par la société ABB France (la société) ; qu'en dernier lieu elle était responsable des ressources humaines ; qu'alors qu'elle était en arrêt de travail depuis le 26 mars 2007, elle a été licenciée le 24 septembre suivant "en raison de la désorganisation causée à l'entreprise par son absence prolongée" ; que, faisant valoir que cette absence était la conséquence du harcèlement moral dont elle avait

été victime de la part du responsable marketing, M. Y..., elle a saisi la ju...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 février 2010), que Mme X... a été engagée le 29 novembre 1994 par la société ABB France (la société) ; qu'en dernier lieu elle était responsable des ressources humaines ; qu'alors qu'elle était en arrêt de travail depuis le 26 mars 2007, elle a été licenciée le 24 septembre suivant "en raison de la désorganisation causée à l'entreprise par son absence prolongée" ; que, faisant valoir que cette absence était la conséquence du harcèlement moral dont elle avait été victime de la part du responsable marketing, M. Y..., elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la réparation de son dommage et voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les premier et second moyens, réunis :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... des dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi et pour licenciement illicite, alors, selon les moyens :
1°/ que le harcèlement moral n'est caractérisé qu'en présence d'actes répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que les difficultés de collaboration opposant un salarié à un autre ne caractérisent pas un tel harcèlement moral ; qu'en déduisant en l'espèce l'existence d'un harcèlement de «difficultés de collaboration» entre Mme X... et M. Y..., lequel se serait opposé à sa nomination, aurait fait preuve d'«animosité» à son encontre, aurait indiqué ne pas souhaiter travailler avec elle et aurait rendu sa mission de responsable ressource humaine plus difficile à exécuter en refusant de communiquer directement avec elle, pour en déduire qu'elle avait été victime de harcèlement moral, quand «la manifestation du conflit entre Mme X... et M. Y...» ne caractérisait pas une situation de harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
2°/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en l'espèce, pour considérer que Mme X... établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel s'est fondée sur son propre courriel du 12 octobre 2006 adressé à M. Z... dans laquelle elle dénonçait l'attitude «inacceptable» de M. Y... et prétendait être victime de son animosité et être gênée dans son travail par son mode de fonctionnement ; qu'en statuant ainsi lorsque nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°/ que les juges du fond doivent viser et analyser les documents sur lesquels ils se fondent et ne peuvent se borner à se référer aux documents de la cause ; qu'en relevant, pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, l'existence de courriels établissant «les difficultés de collaboration» dont la salariée faisait état, la cour d'appel, qui s'est déterminée par le seul visa des documents de la cause sans procéder à l'analyse de ces courriels sensés établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordant laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits versés aux débats ; qu'en l'espèce, dans sa lettre du 8 décembre 2006, M. Z... avait uniquement rappelé à M. Y... les allégations de Mme X... à son encontre qui «se déclare victime de harcèlement moral de ta part qui se serait manifesté par une attitude systématiquement hostile et critique à ton égard», qui «estime être brimée par une mise à l'écart des réunions de direction opérationnelles que tu tiens régulièrement la privant d'informations indispensables à l'exercice de sa fonction», et qui considérait que «le harcèlement dont elle estime être victime se manifesterait aussi par des relances incessantes que tu lui adresses par mail sur des dossiers en cours de traitement ou par des demandes redondantes d'informations…» ; que M. Z... n'avait ainsi nullement reconnu la matérialité, la réalité ou le caractère inacceptable des faits de harcèlement dénoncés par Mme X... ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
5°/ que l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et notamment en matière de harcèlement moral, a l'obligation de prendre toutes mesures préventives qu'il estime utiles à la protection de son personnel dès lors qu'il a connaissance d'un éventuel harcèlement moral ; que de telles mesures préventives ne valent pas reconnaissance de sa part des faits de harcèlement dénoncés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Z..., alerté le 12 octobre 2006 par Mme X... d'une situation avec M. Y... qualifiée par elle d'«inacceptable» et de sa dénonciation de faits de harcèlement, avait réagi en adressant le 8 décembre 2006 à M. Y... une mise en garde pour que cette situation cesse et lui avait interdit tout contact avec elle ; qu'en tirant de cette mise en garde la conclusion que l'employeur reconnaissait la matérialité, la réalité et la gravité des faits de harcèlement dénoncés par la salariée lorsque cette mesure préventive, qui s'imposait à l'employeur en vertu de son obligation de sécurité de résultat, ne valait par reconnaissance des faits de harcèlement dénoncés, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1154-1 et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
6°/ que relève de son pouvoir de direction et ne constitue pas un acte de harcèlement moral, la décision de l'employeur, après que le salarié a commis une faute dans la gestion d'un dossier et invoqué une surcharge de travail, de confier ce dossier à une autre personne et d'en informer les personnes concernées ; qu'en l'espèce, Mme X... ne contestait pas avoir commis une faute en omettant d'informer les représentants du personnel par voie d'affichage de l'organisation d'élections professionnelles, qu'elle faisait cependant valoir dans ses écritures que cette faute était due à une surcharge de travail, ce dossier lui ayant été exceptionnellement attribué en plus de son travail habituel compte tenu de l'absence du juriste normalement responsable des élections ; qu'en jugeant que la décision de l'employeur de confier la gestion et le suivi des élections professionnelles à une autre personne et d'en informer les trois représentants du personnel concernés constituait une sanction disproportionnée ayant aggravé les conséquences des faits de harcèlement subi par la salariée sans s'expliquer sur la surcharge de travail invoquée, de nature à justifier une telle décision, ni préciser en quoi la diffusion d'une telle information aux représentants du personnel concernés aurait pu être évitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
7°/ que le fait pour l'employeur d'adresser un avertissement à une salariée, pour une faute de surcroît non contestée, relève de l'exercice de son pouvoir disciplinaire et ne constitue pas un fait de harcèlement moral, même si cet avertissement est par la suite qualifié d'excessif ou de disproportionné ; qu'en l'espèce, Mme X... ne contestait pas avoir commis une faute en omettant d'informer les représentants du personnel par voie d'affichage de l'organisation d'élections professionnelle ; qu'en jugeant qu'en sanctionnant cette faute par un avertissement, qualifié de disproportionnée, l'employeur aurait aggravé les conséquences des faits de harcèlement subis par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
8°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt jugeant que Mme X... avait été victime de faits de harcèlement moral ayant eu pour conséquence son placement en arrêt maladie jusqu'à son licenciement et lui accordant des dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi (critiqué au premier moyen) entraînera l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt lui accordant des dommages-intérêts pour licenciement illicite, comme prononcé en conséquence des faits de harcèlement moral qu'elle aurait subi, en application de l'article 624 du cde de procédure civil ;
Mais attendu qu'usant de son pouvoir souverain d'appréciation de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qu'elle n'a pas dénaturés, la cour d'appel a relevé que M. Y... s'était opposé à la nomination de la salariée, avec laquelle il ne souhaitait pas travailler, au poste de DRH, que cette opposition n'ayant pas été prise en compte, Mme X..., après avoir dû subir la réaction extrêmement violente de l'intéressé avait rapidement fait part à M. Z..., son supérieur hiérarchique, de l'animosité à son égard de son collègue et des relations très difficiles avec celui-ci, qu'elle produisait des courriels attestant de ces difficultés dont un émanant de M. Y... où celui-ci confirmait en termes non équivoques sa volonté de ne pas travailler avec elle ; que l'arrêt ajoute que M. Z... n'avait jamais contesté la matérialité des faits dénoncés et avait adressé des mises en garde à leur auteur en l'incitant à prendre "toute mesure et résolution visant à modifier le mode et les moyens de sa relation avec Mme X...", ce qui n'avait pas modifié la situation, laquelle avait au contraire encore été aggravée par la réaction disproportionnée de l'employeur, en avril 2007, à la suite d'un incident survenu lors des élections professionnelles ; qu'en l'état de ces motifs dont elle a déduit que la salariée établissait la matérialité de faits laissant présumer l'existence du harcèlement dont elle se plaignait, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors qu'aucune justification de ces agissements n'était alléguée, que la demande de dommages-intérêts de Mme X... était fondée ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ABB France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ABB France à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société ABB France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS ABB FRANCE à payer à Mme X... la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi, 45.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement illicite, outre 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE Sur la demande au titre du harcèlement moral ; l'article L. 1152-1 du code du travail dispose : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel"; qu'il résulte de ce texte que les actes de harcèlement moral sont prohibés, qu'ils soient ou non intentionnels, et qu'ainsi la mauvaise foi ou l'intention de nuire ne sont pas des éléments constitutifs du harcèlement moral; qu'il suffit en outre que les agissements dont le salarié a été victime soient de nature à porter atteinte à ses droits et à sa dignité sans que ces conséquences soient nécessairement établies; que par ailleurs, si la seule altération de l'état de santé n'est pas de nature à établir l'existence du harcèlement moral, elle n'est pas indispensable pour qu'il soit reconnu; que l'interdiction susvisée vise non seulement l'employeur ou son représentant et toute personne ayant une fonction d'autorité, mais aussi tout salarié à l'égard d'un collègue qu'il soit ou non de même niveau hiérarchique; que l'article L. 1154-1 du Code du travail dispose : "Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles"; qu'il en résulte qu'il convient de prendre en compte l'ensemble des éléments de fait apportés par le salarié, d'en vérifier la matérialité, de rechercher s'ils permettent ou non de présumer l'existence d'un harcèlement moral et le cas échéant de vérifier si l'employeur apporte la preuve que les faits en cause sont étrangers à tout harcèlement moral; qu'en l'espèce, Madame X... a été nommée aux fonctions de Responsable Ressources Humaines à compter du mois d'avril 1999 sous l'autorité du Directeur des Ressources Humaines Monsieur Henri Z...; que nommée à ce poste au sein de la Société ABB Diffusion en décembre 201, ses fonctions ont été étendues notamment aux termes d'un avenant du 1er février 2002 aux sociétés Entrelec commercial France et Entrelec Services; que Madame X... s'est vue confier en février 2006 la responsabilité des Ressources Humaines de l'activité MDD pour laquelle Monsieur Y... exerçait les fonctions de Directeur Marketing et Développement stratégique; qu'or, il résulte des courriels produits aux débats que Monsieur Y... était opposé à cette nomination, qu'il avait fait part de ses objections à Monsieur Z... indiquant qu'il ne souhaitait pas travailler avec Madame X... en qui il n'avait pas confiance; que malgré les objections exprimées par Monsieur Y... à l'encontre de Madame X..., Monsieur Z... a régulièrement manifesté sa confiance en Madame X... en lui confiant des tâches supplémentaires et en lui demandant d'assurer l'intérim d'autres RRH ou le sien en cas d'absence et ce notamment en mars 2006; que par courriel du 12 octobre 2006, Madame X... informait Monsieur Z... que la situation avec Monsieur Y... était selon elle "inacceptable"; qu'elle rappelait la réaction violente de ce dernier à sa nomination au poste de RRH de sa division, estimant que malgré les explications verbales qu'ils avaient eues à l'époque, Monsieur Y... manifestait toujours de l'animosité à son égard; qu'elle dénonçait en outre le fonctionnement de Monsieur Y... indiquant qu'il ne lui communiquait directement aucune information sur l'activité de sa division, qu'elle ne pouvait participer à aucune réunion avec ses équipes ce qui rendait sa mission de RRH très difficile à exécuter, qu'il s'immisçait dans sa propre gestion en passant ses consignes directement à sa collaboratrice obligée de la tenir informée; que Madame X... produit des courriels établissant les difficultés de collaboration dont elle fait état, et notamment un message qui lui a été adressé personnellement par Monsieur Y... le 12 octobre 2006 aux termes duquel il confirmait en termes non équivoques ne pas souhaiter travailler avec elle, rappelant son désaccord sur sa nomination au poste de RRH; qu'alerté par Madame X..., Monsieur Z... n'a contesté ni la matérialité des faits dénoncés par Monsieur X... ni leur caractère inacceptable; qu'il a au contraire informé Monsieur Y... de la nécessité de rencontrer Madame X... dans le cadre de l'harmonisation du système d'attribution des primes des vendeurs, exprimant le souhait d'une rencontre très proche "pour rétablir des relations normales"; que par lettre du 8 décembre 2006, Monsieur Z... qui n'ignorait rien de l'origine et de la manifestation du conflit entre Madame X... et Monsieur Y..., a adressé à ce dernier "une mise en garde" pour que la situation dénoncée par Madame X... dans sa lettre du 12 octobre 2006 cesse et qu'il prenne "toute mesure et résolution visant à modifier le mode et les moyens de (sa) relation avec Anne X..."; que s'il utilise le conditionnel pour rapporter les griefs adressés par Madame X..., les termes de son courrier ne comportent aucune équivoque quant à la réalité des faits dénoncés, leur imputabilité à Monsieur Y..., leur gravité et la nécessité de prendre des mesures immédiates pour protéger Madame X...; qu'alors qu'il fait état de harcèlement dénoncés par Madame X..., il notifie à Monsieur Y... une interdiction d'entrer en contact avec elle et exprime le souhait que cette lettre l'amène "à une réflexion indispensable face à une situation que la loi a très nettement prise en compte"; que Monsieur Y... a immédiatement protesté contre cette mise en garde, rappelant qu'il avait exprimé les raisons pour lesquelles il ne souhaitait pas travailler avec Madame X... et demandant à Monsieur Y... d'inviter Madame X... à suivre la procédure interne en vigueur en cas de harcèlement; que la Société ABB France ne justifie pas avoir remis en cause l'analyse de la situation telle qu'elle ressort du courrier non équivoque adressé par Monsieur Z... à Madame Y... qui, en ce qui le concerne, n'estimait nullement devoir modifier son attitude, rappelant au contraire que Madame X... avait été nommé RHH de sa division "contre (sa) volonté" son employeur "étant informé de cette situation"; qu'alors qu'il n'est pas établi, ni même soutenu, que Madame X... a été avisée de cette mise en garde adressée à Monsieur Y... et qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il ait changé d'attitude à l'égard de la salariée, la sévérité excessive avec laquelle la Société ABB France a sanctionné le 5 avril 2007 le défaut d'affichage reproché à Madame X... dans le cadre des élections du personnel a aggravé de manière incontestable la situation vécue par cette dernière; que la Société ABB France, qui n'ignorait rien des difficultés générées par l'opposition de Monsieur Y... aux fonctions confiées à Madame X..., a en outre dès le 22 mars 2007, adressé un message destiné aux trois représentants du personnel avec une large diffusion pour les informer que la gestion et le suivi des élections professionnelles du site de Montluel et des établissements rattachés étaient désormais confié à un autre collaborateur; que le fait que, lors de son dernier entretien d'évaluation du 12 janvier 2007 conduit par Monsieur Z..., Madame X... n'ait pas fait état des faits qu'elle venait de dénoncer auprès de ce dernier en respectant en cela le code de bonne conduite mis en place au sein de la Société, n'est pas de nature à remettre en cause ni la réalité ni la gravité du comportement de Monsieur Y... à son égard auquel Monsieur Z... a estimé qu'il devait être mis fin immédiatement; que la Société ABB France en sanctionnant de manière disproportionnée Madame X... fragilisée par la remise en cause de ses attributions et de sa légitimité exprimée de manière répétée par Monsieur Y... a aggravé les conséquences des faits de harcèlement subi par la salariée; que depuis l'entretien du 24 mars 2007 ayant pour objet l'erreur d'affichage précité, Madame X... a été placée en arrêt maladie pour un "syndrome anxio-dépressif", à la suite de cette nouvelle remise en cause de ses compétences; qu'il convient en conséquence, réformant le jugement entrepris, de conclure que Madame X... a été victime de faits de harcèlement moral prohibés par l'article L. 1152-1 du Code du travail qui ont eu pour conséquence son placement en arrêt maladie jusqu'à son licenciement; qu'il y a donc lieu de faire droit à sa demande d'indemnisation et de lui accorder la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
1° - ALORS QUE le harcèlement moral n'est caractérisé qu'en présence d'actes répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que les difficultés de collaboration opposant un salarié à un autre ne caractérisent pas un tel harcèlement moral ; qu'en déduisant en l'espèce l'existence d'un harcèlement de « difficultés de collaboration » entre Madame X... et Monsieur Y..., lequel se serait opposé à sa nomination, aurait fait preuve d'« animosité » à son encontre, aurait indiqué ne pas souhaiter travailler avec elle et aurait rendu sa mission de Responsable Ressource Humaine plus difficile à exécuter en refusant de communiquer directement avec elle, pour en déduire qu'elle avait été victime de harcèlement moral, quand « la manifestation du conflit entre Madame X... et Monsieur Y... » ne caractérisait pas une situation de harcèlement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du Code du travail ;
2° - ALORS QUE nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en l'espèce, pour considérer que Madame X... établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour d'appel s'est fondée sur son propre courriel du 12 octobre 2006 adressé à Monsieur Z... dans laquelle elle dénonçait l'attitude « inacceptable » de Monsieur Y... et prétendait être victime de son animosité et être gênée dans son travail par son mode de fonctionnement ; qu'en statuant ainsi lorsque nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
3° - ALORS QUE les juges du fond doivent viser et analyser les documents sur lesquels ils se fondent et ne peuvent se borner à se référer aux documents de la cause ; qu'en relevant pour retenir l'existence d'un harcèlement moral l'existence de courriels établissant « les difficultés de collaboration » dont la salariée faisait état, la Cour d'appel qui s'est déterminée par le seul visa des documents de la cause sans procéder à l'analyse de ces courriels sensés établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordant laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4° - ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits versés aux débats ; qu'en l'espèce, dans sa lettre du 8 décembre 2006 Monsieur Z... avait uniquement rappelé à Monsieur Y... les allégations de Madame X... à son encontre qui « se déclare victime de harcèlement moral de ta part qui se serait manifesté par une attitude systématiquement hostile et critique à ton égard », qui « estime être brimée par une mise à l'écart des réunions de direction opérationnelles que tu tiens régulièrement la privant d'informations indispensables à l'exercice de sa fonction », et qui considérait que « le harcèlement dont elle estime être victime se manifesterait aussi par des relances incessantes que tu lui adresses par mail sur des dossiers en cours de traitement ou par des demandes redondantes d'informations… » ; que Monsieur Z... n'avait ainsi nullement reconnu la matérialité, la réalité ou le caractère inacceptable des faits de harcèlement dénoncés par Madame X... ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
5°- ALORS QUE l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et notamment en matière de harcèlement moral, a l'obligation de prendre toutes mesures préventives qu'il estime utiles à la protection de son personnel dès lors qu'il a connaissance d'un éventuel harcèlement moral ; que de telles mesures préventives ne valent pas reconnaissance de sa part des faits de harcèlement dénoncés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur Z..., alerté le 12 octobre 2006 par Madame X... d'une situation avec Monsieur Y... qualifiée par elle d'« inacceptable » et de sa dénonciation de faits de harcèlement, avait réagi en adressant le 8 décembre 2006 à Monsieur Y... une mise en garde pour que cette situation cesse et lui avait interdit tout contact avec elle ; qu'en tirant de cette mise en garde la conclusion que l'employeur reconnaissait la matérialité, la réalité et la gravité des faits de harcèlement dénoncés par la salariée lorsque cette mesure préventive, qui s'imposait à l'employeur en vertu de son obligation de sécurité de résultat, ne valait par reconnaissance des faits de harcèlement dénoncés, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1154-1 et L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ;
6° - ALORS QUE relève de son pouvoir de direction et ne constitue pas un acte de harcèlement moral, la décision de l'employeur, après que le salarié a commis une faute dans la gestion d'un dossier et invoqué une surcharge de travail, de confier ce dossier à une autre personne et d'en informer les personnes concernées ; qu'en l'espèce, Madame X... ne contestait pas avoir commis une faute en omettant d'informer les représentants du personnel par voie d'affichage de l'organisation d'élections professionnelles, qu'elle faisait cependant valoir dans ses écritures que cette faute était due à une surcharge de travail, ce dossier lui ayant été exceptionnellement attribué en plus de son travail habituel compte tenu de l'absence du juriste normalement responsable des élections ; qu'en jugeant que la décision de l'employeur de confier la gestion et le suivi des élections professionnelles à une autre personne et d'en informer les trois représentants du personnel concernés constituait une sanction disproportionnée ayant aggravé les conséquences des faits de harcèlement subi par la salariée sans s'expliquer sur la surcharge de travail invoquée, de nature à justifier une telle décision, ni préciser en quoi la diffusion d'une telle information aux représentants du personnel concernés aurait pu être évitée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du Code du travail ;
7° - ALORS QUE le fait pour l'employeur d'adresser un avertissement à une salariée, pour une faute de surcroît non contestée, relève de l'exercice de son pouvoir disciplinaire et ne constitue pas un fait de harcèlement moral, même si cet avertissement est par la suite qualifié d'excessif ou de disproportionné ; qu'en l'espèce, Madame X... ne contestait pas avoir commis une faute en omettant d'informer les représentants du personnel par voie d'affichage de l'organisation d'élections professionnelle ; qu'en jugeant qu'en sanctionnant cette faute par un avertissement, qualifié de disproportionnée, l'employeur aurait aggravé les conséquences des faits de harcèlement subis par la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du Code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS ABB FRANCE à payer à Mme X... la somme de 45.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite ;
AUX MOTIFS QUE Sur la demande au titre du licenciement : que l'article L. 1152-3 du Code du travail dispose ; "Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul"; qu'il en résulte qu'un employeur ne peut se prévaloir de l'absence prolongée et de la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié en arrêt maladie si cette absence est la conséquence du harcèlement moral dont le salarié avait fait l'objet; que dans cette hypothèse, le salarié licencié peut prétendre, s'il ne demande pas sa réintégration, d'une part aux indemnités de rupture, d'autre par à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue à l'article L. 1235-11 du Code du travail"; qu'en l'espèce, Madame X... a été licenciée par lettre du 24 septembre 2007 en raison de la désorganisation générée par son absence depuis plus de 5 mois rendant nécessaire son remplacement définitif; que l'absence prolongée pour arrêt maladie de Madame X... étant la conséquence des faits de harcèlement moral subi et dénoncés par cette dernière, le licenciement qui lui a été notifié après 13 années d'ancienneté est illicite et il y a lieu de lui accorder à titre de dommages-intérêts la somme de 45.000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette rupture ;
ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt jugeant que Madame X... avait été victime de faits de harcèlement moral ayant eu pour conséquence son placement en arrêt maladie jusqu'à son licenciement et lui accordant des dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi (critiqué au premier moyen) entraînera l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt lui accordant des dommages-intérêts pour licenciement illicite, comme prononcé en conséquence des faits de harcèlement moral qu'elle aurait subi, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-16091
Date de la décision : 21/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 19 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2011, pourvoi n°10-16091


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16091
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