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16/06/2011 | FRANCE | N°10-15439

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 juin 2011, 10-15439


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 11 et 275 du code de procédure civile ;

Attendu qu'Amélie X... est décédée le 12 décembre 2003 en laissant pour lui succéder ses deux filles Germaine Z... et Annie Y... ; que Mme Z..., qui reproche notamment à sa soeur d'avoir bénéficié, de la part de leur mère, de dons manuels qu'elle l'accuse d'avoir dissimulés à la succession, l'a fait assigner aux fins d'obtenir, en particulier, sa condamnation à rapporter les

sommes en cause à la succession et l'application à son encontre des dispositions ré...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 11 et 275 du code de procédure civile ;

Attendu qu'Amélie X... est décédée le 12 décembre 2003 en laissant pour lui succéder ses deux filles Germaine Z... et Annie Y... ; que Mme Z..., qui reproche notamment à sa soeur d'avoir bénéficié, de la part de leur mère, de dons manuels qu'elle l'accuse d'avoir dissimulés à la succession, l'a fait assigner aux fins d'obtenir, en particulier, sa condamnation à rapporter les sommes en cause à la succession et l'application à son encontre des dispositions régissant le recel successoral ;

Attendu que pour débouter Mme Z... de ses demandes l'arrêt, après avoir constaté l'existence de retraits en espèce anormalement élevés sur le compte d'Amélie X... retient qu'il ne résulte ni des travaux de l'expert ni des pièces produites la preuve certaine que ces retraits ont été effectués au bénéfice de Mme Y... qui n'était pas titulaire d'une procuration et que sa réticence à fournir à l'expert ses propres relevés de compte n'est pas de nature à établir cette preuve ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi les justificatifs réclamés en vain par l'expert ne pouvaient être de nature à établir que les retraits litigieux avaient été effectués au bénéfice de Mme Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu que la cassation de l'arrêt sur la première branche du moyen emporte la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif critiqués par les cinquième et sixième branches relatifs à la demande de rapport à la succession et d'application des règles du recel successoral ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième, troisième et quatrième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur les demandes de Mme Z... tendant à la condamnation de Mme Y... à rapporter à la succession de sa mère la somme de 48 584, 42 euros et à l'application des dispositions sur le recel successoral, l'arrêt rendu le 17 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, D'AVOIR débouté Madame Z... de sa demande tendant à la condamnation de Madame Y... à rapporter à la succession de leur mère décédée, Madame X..., la somme de 48. 584, 42 € ; et de lui appliquer les dispositions régissant le recel successoral ;

AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire a examiné les mouvements de fonds sur les comptes bancaires d'Amélie X... et a constaté, depuis 1991, des retraits en espèces sur le compte n° 27143791200 pour des montants annuels excédant souvent 30. 000 francs ; qu'il indique que ces retraits, qui ne correspondent pas aux dépenses de la vie courante pour l'essentiel réglées par chèques ou prélèvements automatiques sur un autre compte, apparaissent anormalement élevés compte tenu de l'âge d'Amélie X... et de la circonstance qu'elle vivait à la campagne ; que, pour autant, il ne résulte ni des travaux de l'expert ni des pièces produites par Madame Z... la preuve certaine que les retraits en cause ont été effectués au bénéfice de Madame Y..., d'autant que cette dernière n'était pas titulaire d'une procuration sur le compte bancaire de sa mère concerné par lesdits retraits ; que la seule exception concerne une somme de 60. 000 francs retirée par Madame Y... le 18 octobre 2000 mais dont l'expert a constaté qu'elle avait été restituée à Amélie X... le 17 septembre 2001 ; que la réticence de Madame Y... à fournir les justificatifs réclamés par l'expert n'est pas davantage de nature à faire la preuve de ce qu'elle aurait bénéficié des retraits constatés ; qu'il s'ensuit que la preuve des dons manuels faits au profit de Madame Y... sous forme de liquidités n'étant pas rapportée, il convient de réformer le jugement en ses dispositions retenant l'existence de tels dons pour un montant global de 48. 484, 42 €, condamnant l'intéressée à rapporter cette somme à la succession et faisant application des règles du recel successoral à son encontre (arrêt attaqué, p. 3) ;

1°) ALORS QUE les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus ; qu'elles doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission et que la juridiction de jugement peut tirer toute conséquence de droit du défaut de communication des documents à l'expert sans avoir égard aux règles gouvernant la charge de la preuve ; qu'en l'espèce, la cour avait constaté la réticence de Madame Y... à fournir les justificatifs réclamés par l'expert ; qu'en refusant néanmoins de tirer les conséquences de la carence de Madame Y... au détriment de celle-ci et au profit de Madame Z..., la cour a violé les articles 11 et 275 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, pour retenir l'existence d'autant de dons au profit de Madame Y..., qu'il y avait eu de retraits non justifiés par son train de vie sur les comptes de Madame X..., les premiers juges s'étaient fondés sur les nombreuses faveurs dont avait bénéficié Madame Y..., sur l'absence de réponse de l'intéressée aux différentes relances de l'expert tendant à la production de pièces et notamment de certains relevés de comptes bancaires dont elle était titulaire durant la période considérée ; qu'en infirmant le jugement sans réfuter ces motifs, la cour a privé son arrêt de base légale au regard des articles 11 et 275 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en l'espèce où, sans énoncer de nouveaux moyens, elle avait conclu devant la cour à la confirmation du jugement, Madame Z... était réputée s'en approprier les motifs fondés tant sur les nombreuses faveurs dont avait bénéficié Madame Y..., que sur l'absence de réponse de l'intéressée aux différentes relances de l'expert tendant à la production de pièces et notamment de certains relevés de comptes bancaires dont elle était titulaire durant la période considérée ; qu'en laissant ces écritures sans réponse, la cour a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et d'une violation des articles 954 alinéa 4, et 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le principe d'égalité des armes implique la possibilité, pour chaque partie, d'être entendue de manière équitable et raisonnable par le juge, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation évidente de désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en conséquence, constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable le fait d'exiger de l'une des parties une preuve impossible à rapporter ; qu'au cas présent, l'arrêt infirmatif attaqué a constaté que Madame Y... avait été réticente à fournir les justificatifs réclamés par l'expert pour rechercher le bénéficiaire des liquidités retirées des comptes bancaires de feue Madame X... ; qu'il résultait de cette constatation que l'obstruction de Madame Y... avait mis l'expert ainsi que Madame Z... dans l'impossibilité de démontrer la destination des retraits litigieux ; qu'en estimant néanmoins que n'était pas rapportée la preuve de dons manuels faits au profit de Madame Y... sous forme de liquidités, parce qu'il n'était pas établi que les sommes d'argent retirées auraient bénéficié à cette dernière, la cour d'appel a posé une exigence de preuve impossible à rapporter rompant ainsi l'égalité des armes entre les parties en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°) ALORS QUE tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; qu'au cas présent, la cassation à intervenir sur la première branche du moyen de cassation entraînera la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt infirmatif attaqué, en ce qu'il a débouté Madame Z... de sa demande tendant à condamner Madame Y... à rapporter à la succession de feue Madame X... la somme de 48. 584, 42 € ;

6°) ALORS QUE le délit civil de recel successoral est constitué par toutes fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage notamment en dissimulant la possession des effets de la succession ; qu'au cas présent, Madame Z... avait démontré dans ses écritures d'appel (p. 6) que la carence de Madame Y... à fournir les justificatifs réclamés par l'expert, aux fins d'établir les mouvements entre ses comptes bancaires et ceux de la défunte, caractérisait une fraude et manifestait sa volonté de priver sa soeur, Madame Z..., de sa part successorale ; que ces éléments, relevés par le premier juge, constituant le délit de recel successoral, la cassation à intervenir sur la première branche du moyen de cassation entraînera la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt infirmatif attaqué, en ce qu'il a refusé de faire application des règles du recel successoral.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-15439
Date de la décision : 16/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 17 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 jui. 2011, pourvoi n°10-15439


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.15439
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