LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Bernard X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-9, en date du 18 mars 2010, qui, pour infraction à la législation sur les substances vénéneuses, incitation à l'usage, facilitation à l'emploi de substances ou procédés dopants à l'occasion de compétitions ou manifestations sportives ou en vue de celles-ci et exercice illégal de la médecine, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont douze mois avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires personnel, ampliatif et en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 5, 6, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 6, 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme, des articles préliminaire et 384, 385, 459, 507, 508, 512, 513, 567, 584, 590, 591, 593, 598 et 599 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni des pièces de procédure que M. X... ait fait valoir devant la cour d'appel l'absence de réponse de la part du bureau d'aide juridictionnelle à ses demandes de nomination d'huissiers dans le cadre de l'aide juridictionnelle aux fins de faire citer des témoins ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, nouveau et mélangé de fait, est, comme tel, irrecevable ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 113-6 et 113-8 du code pénal, L. 5432-1, L. 5132-1, L. 5132-8, L. 4161-1, L. 4162-5 du code de la santé publique, 689, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a confirmé la condamnation du prévenu pour des faits commis en Belgique ;
"aux motifs qu'il convient, au préalable, d'examiner si la justice française est valablement saisie des faits commis sur le territoire belge en 2002 et pour lesquels M. X... a été mis en examen et qui font l'objet de la prévention ; à l'examen des différentes pièces de la procédure il est établi que :
- ces faits constituent, en les supposant établis, des infractions en Belgique ainsi que le précisent les textes légaux et réglementaires belges visés dans l'acte de leur dénonciation par les autorités belges ;
- ils n'ont pas été poursuivis sur le territoire belge, ils ont été commis par un citoyen français et n'ont fait l'objet d'aucune plainte par un particulier en Belgique ;
- ils ont été régulièrement dénoncés par les autorités belges sur le fondement de l'article 21 de la Convention judiciaire en matière pénale ;
dès lors, les poursuites exercées en France pour des faits commis en Belgique et visées dans la prévention sont régulières ;
"alors que la cour d'appel ne pouvait confirmer la condamnation du prévenu, de nationalité française, pour des infractions commises en Belgique, en se contentant d'une prétendue dénonciation des autorités belges sans vérifier que les faits étaient punis en Belgique et que les poursuites avaient été exercées par le ministère public et précédée d'une véritable dénonciation officielle" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que M. X..., de nationalité française, a été poursuivi notamment pour avoir, en 2002, sur le territoire belge, détenu des substances classées comme vénéneuses, soumises à réglementation et exercé illégalement la profession de médecin ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le prévenu, les juges du second degré constatent que les faits reprochés à M. X... sont punis par la législation du pays où ils ont été commis, qu'ils n'ont pas été poursuivis sur le territoire belge et ont été régulièrement dénoncés par les autorités belges sur le fondement de l'article 21 de la Convention judiciaire en matière pénale ;
Qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 111-3, 112-1 du code pénal, L. 4161-1, L. 4161-5 du code de la santé publique, L. 232-9, L. 232-10, L. 237-27 du code du sport, 7 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a confirmé la condamnation du prévenu du chef de délit d'exercice illégal de la médecine ;
"aux motifs que le délit d'exercice illégal de la médecine est constitué dès lors qu'une personne pose un diagnostic ou traite une maladie, habituellement ou par direction suivie, sans avoir le diplôme requis pour être médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme ; qu'en l'espèce, il résulte des différentes auditions des personnes ayant rencontré M. X... que, avant de donner des conseils nutritionnels ou de remettre des flacons d'un liquide à utiliser par voie orale, celui-ci établissait des diagnostics et effectuait même de véritables consultations médicales ; que, de plus, il se faisait remettre le bilan sanguin de sportifs dont il affirmait pouvoir améliorer les performances, donnant également des conseils sur l'utilisation de médicaments – qu'ils soient dopants ou non important peu pour l'infraction considérée – que les personnes venues le consulter se voyaient prescrire ; que, n'étant pas médecin, et n'ayant, par ailleurs, pas apporté la preuve de la possession d'un diplôme d'ostéopathe ou d'homéopathe qu'il a affirmé détenir –diplômes qui ne lui permettraient d'ailleurs pas, au regard des lois françaises, de pratiquer des actes réservés aux seuls médecins-, M. X... a commis le délit d'exercice illégal de la médecine ;
"alors que la cour d'appel a omis de répondre à l'argument essentiel soutenu par la défense selon lequel le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère aurait été méconnu ; qu'en particulier les conclusions, qui faisaient valoir que la loi du 23 mars 1999 venant aggraver les peines de deux d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement en les portant à une peine de cinq ans d'emprisonnement et une amende de 500 000 francs ne pouvait trouver application à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur, n'ont pas reçu de réponse" ;
Attendu que le moyen, qui critique la partie de l'arrêt relative au délit d'exercice illégal de la médecine en se fondant sur la modification des textes qui répriment l'incitation à l'usage, la facilitation à l'emploi de substances ou procédés dopants à l'occasion de compétitions ou manifestations sportives ou en vue de l'exercice de celles-ci, ne peut être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 111-4 du code pénal, L. 3631-1, L. 3633-3 du code de la santé publique, L. 232-9, L. 232-10, L. 232-26, L. 232-27 du code du sport, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a confirmé la condamnation de M. X... du chef de facilitation à l'utilisation de produits dopants et incitation à leur usage ;
"aux motifs que les différentes investigations font apparaître des éléments permettant d'établir la réalité de cette infraction ; qu'en effet, les perquisitions opérées établissent que M. X... disposait d'un document relatif à un bilan sanguin en relation avec le transport d'oxygène ; qu‘il est établi qu'il s'agit d'un marqueur utilisé pour vérifier le dopage à l'EPO par les instances de contrôle ; que, de plus, l'explication concernant les cent capillaires retrouvés lors de la perquisition à son domicile font également partie du matériel habituellement utilisé pour vérifier ce taux d'hématocrite lors des contrôles anti-dopage ; que les conseils concernant l'utilisation du Céphyl, produit contenant de la caféine, ne peuvent être retenus contre M. X... en raison de la règle de la rétroactivité in mitius, rappelée par l'article 112-1 du code pénal ; qu'en effet, le principe actif de ce produit – la caféine – n'est plus considéré comme un produit dopant par le décret 2008-35 du 10 janvier 2008 (JO du 12 janvier 2008) ; que, plusieurs des coureurs cyclistes en relation avec M. X... ont fait état des conseils, avisés selon eux, que celui-ci leur donnait pour éviter d'être "positifs" aux contrôles anti-dopage ou sur l'utilisation de produits interdits dans les compétitions cyclistes car dopants, produits qu'ils utilisaient pour améliorer leurs performances ; qu'il résulte en effet des surveillances téléphoniques et des déclarations des coureurs entendus, que M. X... prodiguait de tels conseils et donnait des indications aux coureurs cyclistes qui le sollicitaient – contre rémunération – pour qu'ils bénéficient de l'apport de produits dopants et améliorent ainsi leurs performances sans être contrôlés "positifs" ; qu'ainsi, M. Y... précisait que M. X... lui conseillait des produits interdits mais divisait la dose par deux ou par trois et M. Z... indiquait qu'il ne lui avait jamais donné de produits interdits mais le conseillait sur l'usage de ces produits ; que de même, les conseils concernant la fluidification du sang par la consommation d'aspirine (conseillée notamment à M. A...) permettaient aux coureurs de subir sans crainte les contrôles anti-dopages réalisés à partir du taux d'hématocrite ; que, de plus, en ayant connaissance des bilans sanguins, en recevant les confidences des coureurs lors des examens qu'il faisait avant de leur donner des conseils alimentaires ou médicaux, M. X... ne pouvait ignorer – contrairement à ses affirmations – la réalité de la prise de produits dopants par la majorité des coureurs qu'il conseillait, dopage d'ailleurs confirmé par les prélèvements biologiques effectués lors de leur interpellation ; qu'enfin, le caractère quasi-clandestin des relations existant entre M. X... et les coureurs qu'il soignait ou conseillait (termes codés pour les produits à utiliser lors des conversations téléphoniques, remises de produits - ou mises en relation – par l'intermédiaire de l'avocat Me B..., rémunération de ses prestations quasi-exclusivement en espèces, absence de traces écrites des "consultations", conforte le caractère prohibé des interventions de M. X... ; qu'une telle discrétion n'aurait en effet aucune justification s'il s'agissait de fournir des produits homéopathiques ou de simples conseils diététiques ;
"alors que l'infraction de facilitation à l'utilisation de produits dopants et incitation à leur usage supposait de déterminer qu'elle avait bien été commise au cours d'une compétition ou d'une manifestation sportive ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen tiré de l'absence de vérification de cette condition, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de facilitation à l'utilisation de produits dopants et incitation à leur usage, dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 111-4 du code pénal, L. 5132-1, L. 5132-8, L. 5432-1 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a, pour fixer le quantum de la peine, dans son dispositif, condamné M. X... du chef de détention de substance classée comme vénéneuse sur le territoire français en 1998, 1999, jusqu'au 7 mai 1999, en l'espèce du Diprostène, du Proviron, de la Testostérone et des Corticoïdes ainsi que du Redoxon ; qu'il résultait de ses motifs que le produit Redoxon étant le principe actif de la vitamine C, il ne peut être considéré comme une substance vénéneuse ; que, pour les autres produits, les différentes surveillances téléphoniques, d'une part, et les déclarations des différentes personnes ayant reçu des conseils et acquis des produits susceptibles d'avoir des effets bénéfiques pour leur santé ou leur performances sportives, d'autre part, n'ont pas fait état de l'acquisition des différentes substances classées comme vénéneuses énumérées dans la prévention ; que la cession ne pourra être retenue ; que, concernant leur détention, compte tenu des quantités faibles qui ont été saisies – aucun des produits n'était stocké en grand quantité – et des explications données par M. X... sur leur détention, essentiellement
pour son usage personnel – explications qui ne peuvent être écartées bien qu'elles soient étonnantes de la part d'une personne prônant les médecines douces-, le délit de détention ne sera pas retenu ;
"alors qu'en affirmant dans ses motifs que les infractions de cession et de détention de substance vénéneuse n'étaient pas constituées tout en condamnant du chef de détention le prévenu, dans son dispositif, la cour d'appel s'est manifestement contredite" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à leur absence ;
Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs que le délit de détention de diprostène, syncortyl, proviron, testostérone et de corticoïdes n'est pas retenu compte tenu des faibles quantités saisies et des explications données par le prévenu, l'arrêt, dans son dispositif, déclare celui-ci coupable d'infraction à la législation sur les substances vénéneuses commise en 1998 et 1999 et concernant ces produits ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait besoin d'examiner le cinquième moyen de cassation proposé :
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 mars 2010, en ses seules dispositions relatives à la détention de diprostène, syncortyl, proviron, testostérone et de corticoïdes ainsi que sur la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la Fédération française de cyclisme et du Conseil national de l'ordre des médecins, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;