La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2011 | FRANCE | N°08-45568

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juin 2011, 08-45568


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties :
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'engagement religieux d'une personne n'est susceptible d'exclure l'existence d'un

contrat de travail que pour les activités qu'elle accomplit pour le compte...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties :
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'engagement religieux d'une personne n'est susceptible d'exclure l'existence d'un contrat de travail que pour les activités qu'elle accomplit pour le compte et au bénéfice d'une congrégation ou d'une association cultuelle légalement établie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est devenu pasteur de la Fédération des églises adventistes du 7e Jour de la Martinique (la Fédération) en septembre 1971 ; qu'après des études de théologie aux USA de septembre 1977 à juin 1983, il a repris ses fonctions en juillet 1983 en qualité de "responsable de district" ; que convoqué par le président de la Fédération à un entretien préalable devant se tenir le 26 septembre 2001, il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 24 octobre 2001 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités de rupture ;
Attendu que pour dire la juridiction prud'homale incompétente, l'arrêt retient que les fonctions pastorales de M. X... au sein de son église étaient exclusives de tout lien de subordination, la situation juridique du fidèle qui s'est consacré au service spécifique de son église demeurant dans une sphère excluant le salariat et avec lui l'existence d'un contrat de travail, qu'aucun contrat de travail n'avait été signé entre les parties, que la fédération appelante faisait partie intégrante de l'organisation mondiale de l'Eglise adventiste du 7e jour, et qu'il importait peu que, à supposer ce fait établi, les églises locales composant la Fédération de la Martinique soient constituées en association de la loi de 1901, et non en association cultuelle ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne la Fédération des églises adventistes du 7e Jour de la Martinique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Fédération des églises adventistes du 7e Jour de la Martinique à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les fonctions pastorales de Monsieur X... (salarié) au sein de son église, la FEDERATION DES EGLISES ADVENTISTES DU 7ème JOUR DE LA MARTINIQUE (employeur), étaient exclusives de tout lien de subordination, et D'AVOIR, en conséquence, déclarée incompétente la juridiction prud'homale, en l'absence de contrat de travail, au profit du Tribunal de grande instance de FORT DE France ;
AUX MOTIFS QUE l'Eglise adventiste du 7ème jour a pour vocations de "porter l'Evangile au monde entier", mission qui ne se limite pas "à la prédication du message" mais inclus "la persévérance et la croissance spirituelle des personnes gagnées à la foi"; qu' "Un tel contexte" rendant nécessaire "une organisation" elle adoptait un "système représentatif (ou fédératif ou presbytérien) où la direction de l'Eglise est partagée entre les membres de l'Eglise locale et une assemblée formée de représentant des diverses Eglises composant l'organisation entière" ; que c'est ainsi que "chez les adventistes du 7ème jour, chaque membre est relié à l'organisation mondiale de l'Eglise par l'intermédiaire des quatre échelons suivants : 1. L'Eglise locale, qui réunit en un seul corps les croyants individuels ; 2. La fédération, autrement appelée la mission ou le champ local, composée des Eglises de plusieurs (…) territoires ; 3. L'union, qui embrasse plusieurs fédérations ou missions (…) ; 4. La Conférence générale, qui représente le corps tout entier et englobe la totalité des unions établies dans toutes les parties du monde" (cf "manuel d'Eglise" Chap 4) ; que Joël X... est devenu pasteur de la fédération de la Martinique ("ouvrier" au sens des statuts de l'Eglise) en septembre 1971 ; qu'après des études de théologie aux USA de septembre 1977 à juin 1983, il reprenait ses fonctions en juillet 1983 avec la responsabilité de "responsable de district" ; que, convoqué par le président de la fédération à un entretien préalable devant se tenir le 26 septembre 2001, il était licencié pour faute grave par lettre commandée avec AR du 24 octobre 2001 pour avoir abusé de ses fonctions de Pasteur en pratiquant des attouchements et faisant des propositions d'ordre sexuel à Roselyne Y..., alors qu'elle était mineure, "dans la sacristie de l'église de Smyrne et au domicile parental" ;
QU'il résulte des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat que la République ne reconnaît ni ne salarie ou subventionne aucun culte, assurant toutefois la liberté de conscience déjà consacrée par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et garantissant le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public ; que si les exigences de l'ordre public étatique doivent l'emporter sur les prescriptions contraires des sociétés religieuses vivant en son sein, est reconnu en droit prié le fait religieux sous ses données à la fois individuelles et institutionnelles ; que "par respect de la liberté de conscience, le droit français, non seulement tient compte des choses religieuses sous leur aspect individuel pour arbitrer les litiges entre particuliers, en permettant au croyant de faire respecter ses convictions là où elles seraient offensées et inversement de les affirmer (…), mais encore il accepte de prendre en considération les aspects institutionnels du fait religieux, dans la trame des règles d'organisation et de fonctionnement des Eglises, aussi bien en s'abstenant d'imposer ses propres qualifications dans la définition de la situation juridique des ministres du culte en leur Eglise ou des religieux en leur congrégation – notamment par refus d'admettre l'existence d'un louage de services dans la fonction purement religieuse – (…) par acceptation, sans les apprécier, des décisions disciplinaires prises par la hiérarchie ecclésiastique ou encore par reconnaissance ou non de la condition de salarié selon qu'une fonction profane externe est exercée par consentement personnel ou sur affectation d'autorité ; que "précisément, l'Eglise adventiste du 7ème jour constitue un fait religieux dont notre droit garanti la manifestation culturelle dans la juste mesure de l'ordre public. Ellemême, se méfiant de la concentration des pouvoirs, et partisane absolue de la séparation de l'église et de l'Etat" (Extrait des conclusions de M. l'Avocat Général CHAUVY, publiées à la Gazette du Palais du 12 et 14 octobre 1997) ; que la charge de pasteur, sans objet matériel, sans aspect économique mais à finalité spirituelle occupe un espace hors du commun dans l'environnement professionnel : liée à une fonction de spiritualité, elle suppose un engagement entier et pour la vie de la personne au service d'un idéal surnaturel, se caractérisant par une autonomie qui touche non seulement aux dogmes mais à l'organisation interne ; que parce que l'on se trouve en présence d'une charge spirituelle, l'activité ecclésiale n'est pas "travail" au sens comme du terme ; qu'il s'en déduit que la situation juridique du fidèle qui s'est consacré au service spécifique de son Eglise demeure dans une sphère excluant le salariat et avec lui l'existence d'un contrat de travail.
QUE la "fédération" appelante est membre de "l'union Antilles Guyane des églises adventistes du 7ème jour", qui fait elle-même partie d'une "division" regroupant plusieurs pays d'Amérique centrale et de la Caraïbe, ellemême coiffée par la "conférence générale", et qu'elle fait donc partie intégrante de l'organisation mondiale de l'Eglise adventiste du 7ème jour ; qu'il importe peu dans ces conditions que les Eglises locales composant la Fédération de la Martinique soient constituées en association de la loi de 1901 et non en association cultuelle, contrairement à la situation en métropole ; qu'aucun contrat de travail n'a été signé entre les parties dont les relations sont régies par les documents statutaires propres à l'Eglise adventiste du 7ème jour, dans le contexte général de "l'égalité de tous les pasteurs et responsables d'Eglise" inhérent au "système représentatif" (cf le "manuel d'Eglise" chap. 4) ; que "l'Eglise" étant "le moyen que Dieu a choisi pour faire connaître le salut aux hommes. Etablie pour servir, elle a pour mission de proclamer l'Evangile" (cf "le manuel d'église", chap. 5), Monsieur X... devait, en sa qualité de pasteur et dans le cadre général de cette mission, "assurer la prédication" et "prendre soin de l'Eglise de Dieu" ; qu'il tirait sa légitimité, non d'un contrat mais d'une "lettre de créance", dont la nature et la finalité sont définies de la façon suivante par le "manuel d'Eglise" repris par le "mémento du pasteur" : "par l'entremise des fédérations, l'ensemble des Eglises confère à certains hommes le droit de les représenter et de parler pour elles en tant que pasteur ou évangéliste. Ce droit est garanti par la délivrance de lettres de créance qui doivent être datées et signées par les responsables de la fédération" ; qu'en ce qui concerne la rémunération, si les parties développent peu ce point, il est constant qu'elle était assurée par les contributions des Eglises locales ; que, si les règles d'organisation propres à l'Eglise adventiste du 7ème jour et les nombreuses correspondances échangées par les parties démontrent que ce ministère s'exerçait dans le cadre d'un service organisé par, ou sous le contrôle de la fédération, les relations entre les parties s'inscrivaient, non pas dans le cadre d'un pouvoir hiérarchique, mais dans celui de relations égalitaires si ce n'est fraternelles entre les membres d'une même communauté ecclésiale remplissant des fonctions différentes ; que les termes utilisés par Monsieur X... dans ses courriers traduisent une attitude affranchie de toute subordination envers ses interlocuteurs et dénuée de toute révérence ; que les contrôles et prescriptions de la FEDERATION concernaient les aspects matériels, notamment financiers, de sa fonction mais non l'essence même de son ministère, à savoir le contenu de sa "prédication" et ses relations avec les Eglises locales qui lui étaient confiées ; que Monsieur X... indique dans ses conclusions que sa "lettre de créance" ne lui a jamais été retirée ; qu'il a même expressément soutenu que son embauche par la fédération du Nord de la France de l'Eglise adventiste à partir du 1er octobre 2001, soit avant la notification du licenciement, n'entraînait pas la "rupture des relations contractuelles" mais caractérisait un "transfert indépendant" lequel "permet à tout pasteur adventiste qui en fait la demande sans qu'il y ait rupture des relations contractuelles. Ce transfert s'est d'ailleurs effectué avec l'accord des instances hiérarchiques de l'église, c'est-à-dire de l'union et de la division, qui se sont dispensées de l'accord de la fédération parce que celle-ci refusait le jeu normal des procédures en vigueur au sein de l'église dans ses relations avec le pasteur X..." (cf conclusions intimé) ; qu'on ne saurait mieux dire que les règles propres à l'Eglise adventiste du 7ème jour régissant les "pasteurs" et les dispositions du code du travail sont antinomiques et que l'intéressé ne peut prétendre bénéficier des règles protectrices du droit du travail quand cela l'arrange et s'en affranchir le reste du temps ; que c'est à tort que les relations entre les parties s'inscrivaient dans le cadre d'un lien de subordination caractérisant un contrat de travail ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt, d'une part, que Monsieur X... était soumis aux contrôles et prescriptions de la FEDERATION DES EGLISES ADVENTISTES DU 7ème JOUR DE LA MARTINIQUE en ce qui concerne les aspects matériels de son activité, et notamment financiers, son ministère s'exerçant dans le cadre d'un service organisé ou sous le contrôle de la Fédération, d'autre part, que Monsieur X... était rémunéré en contrepartie de ses prestations pastorales, et enfin, qu'il a été licencié par la Fédération pour faute grave ; que ces circonstances traduisent l'existence d'un pouvoir pour la Fédération de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, ainsi que le travail au sein d'un service organisé dont l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; que la Cour d'appel aurait dû en déduire l'existence d'un lien de subordination ; qu'en écartant l'existence d'un contrat de travail aux motifs inopérants que Monsieur X... exerçait une activité religieuse au sein d'une association à caractère religieux, dont les statuts et lettres de créance écartaient l'application du contrat de travail et qu'en outre, l'exposant s'affranchissait de tout lien de subordination dans son comportement, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé par fausse application les articles L.1221-1 et L.1411-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE Monsieur X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, de première part, que ses bulletins de salaire faisaient apparaître les prélèvements de cotisations et la mention d'une rémunération fixe, de deuxième part, qu'il était soumis à des directives de son employeur qui avaient provoqué des tensions en raison du refus de la Fédération de lui accorder un congé de formation, un congé sans solde et un entretien préalable à une sanction disciplinaire, de troisième part, que, lors de la rupture, la Fédération avait délivré un certificat de travail et une attestation ASSEDIC, et enfin, qu'en conséquence de son licenciement pour faute grave et en application du règlement de la Division, il avait perdu le bénéfice de la retraite interne de la Fédération adventiste dont le montant équivalait à un salaire et à laquelle il aurait eu droit au terme de 40 ans de service ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, desquelles il se déduisant l'existence d'un contrat de travail, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile;
ET ALORS ENFIN QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en ne s'expliquant aucunement sur les pièces produites aux débats par Monsieur X... qui étaient déterminantes sur la question de savoir s'il existait un contrat de travail, dès lors qu'elles révélaient, d'une part, que celui-ci avait l'obligation d'élaborer et de respecter des plans annuels de travail imposant des temps de préparation et d'études, des heures de stage, des temps de démarches, d'administration, de comité/rencontres, d'action directe et de déplacement, d'autre part, que Monsieur X... devait remettre à l'employeur des comptes-rendus mensuels d'activité, qu'en outre, il ne pouvait s'absenter pour une formation sans autorisation de l'employeur, et qu'enfin, en cas de manquements à ses obligations, il était ou pouvait être sanctionné, en application des règles prévues par le Code du travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et L.1411-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45568
Date de la décision : 08/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Fort-de-France, 25 septembre 2008, 07/00071

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 25 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2011, pourvoi n°08-45568


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:08.45568
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award