LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 227-6 du code de commerce et L. 1232-6 du code du travail, et 1984 et 1998 du code civil ;
Attendu que si, selon le premier de ces textes, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, si ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui d'engager ou de licencier les salariés de l'entreprise ; que, par ailleurs, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé depuis le 27 octobre 1998 en dernier lieu par la société par actions simplifiée Sécuritas aux droits de laquelle se trouve la société Loomis France, a été licencié le 18 mars 2008 pour faute grave par lettre signée du directeur d'agence ; qu'il a contesté la mesure devant la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour déclarer nul le licenciement et condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que la lettre de licenciement doit émaner soit du président de la société par actions simplifiée, soit de la personne autorisée par les statuts à recevoir délégation pour exercer le pouvoir de licencier détenu par le seul président ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il annule le licenciement entraîne par voie de conséquence l'annulation des dispositions relatives aux indemnités de rupture ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué au salarié diverses indemnités en raison de la nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 18 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la demande d'annulation du licenciement ;
Rejette la demande d'annulation du licenciement ;
Renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Versailles pour statuer sur les chefs restant en suspens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour la société Loomis France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Loomis France à payer à Monsieur X... la somme de 45 000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 227-6 du Code de commerce la société par actions simplifiée est représentée par son président, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par cet article et les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers ; que les salariés sont, nonobstant leur participation au fonctionnement de la société, juridiquement des tiers par rapport à cette dernière ; que la lettre de licenciement devait, pour que le licenciement soit valable, émaner soit du président de la SAS soit de la personne autorisée par les statuts à recevoir délégation pour exercer le pouvoir de licencier ; que cette délégation de pouvoir ne pouvait d'ailleurs être implicite dès lors que l'article 15, 10° du décret du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce dispose que doivent être déclarés, pour figurer à ce registre, notamment les noms, prénoms des associés et tiers ayant le pouvoir d'engager la société ; que la lettre de licenciement de Monsieur X... a été signée par Monsieur Y... engagé par la SAS Loomis en qualité de directeur d'agence ; que sa mission consistait notamment à assumer la responsabilité de l'administration et de la gestion du personnel ; que l'absence de versement aux débats des statuts de la SAS ne permet pas de vérifier que la délégation y était prévue ; que le contrat de Monsieur Y... avait été signé par le Directeur régional dont le contrat de travail n'est pas produit et dont rien ne permet de retenir qu'il aurait reçu une quelconque délégation ; qu'aucune sub-délégation n'est au demeurant produite ; que la preuve que la lettre de licenciement ait été signée par une personne statutairement habilitée n'étant pas en l'espèce rapportée, il s'ensuit que le licenciement de Monsieur X... était nul, le défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement constituant un irrégularité de fond qui affecte la validité même du licenciement ;
1° - ALORS QUE, que l'article L. 227-6 du code de commerce, qui prévoit que la société par actions simplifiée est représentée par son président et que les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles ces pouvoirs de représentation générale sont éventuellement attribués à un directeur général ou un directeur délégué n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire aux dirigeants statutaires de déléguer certains de leurs pouvoirs à des cadres dirigeants de la société ; qu'en décidant que le pouvoir de licencier ne pouvait être exercé que par le président de la SAS ou une personne statutairement habilitée comme directeur général ou directeur délégué, sans pouvoir être délégué à une quelconque autre personne, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé le texte susvisé par fausse application ;
2° - ALORS QUE l'article 15-10° du décret du 30 mai 1984, aujourd'hui codifié à l'article R. 123-54 du code de commerce, qui prescrit de déclarer, en immatriculant une société, l'identité des personnes ayant qualité pour engager la société à titre habituel concerne les seuls pouvoirs de représentation générale de la société et non les délégations de pouvoirs spécialement consenties pour l'exercice d'attributions déterminées ; qu'en retenant, au visa de ce texte, qu'il ne pourrait y avoir de délégation implicite de pouvoir dans une société commerciale, la cour d'appel a violé celui-ci par fausse application ;
3° - ALORS subsidiairement QUE la lettre de licenciement qui émane d'une personne apparemment habilitée à le prononcer engage l'employeur, quelle que soit la forme sous laquelle celui-ci exerce ; que le dépassement par le mandataire de ses pouvoirs n'entraîne pas la nullité des actes juridiques qu'il a accomplis, lesquels peuvent être ratifiés par l'employeur ; que, tenue de tirer de ses propres observations les conséquences légales qui en découlaient, la cour d'appel, qui constatait expressément que la mission du directeur d'agence qui avait signé la lettre de licenciement consistait notamment à assumer la responsabilité de l'administration et de la gestion du personnel, et implicitement que la société Loomis se prévalait elle-même de ce licenciement au cours de la procédure qui l'avait suivi, ce dont il résultait que le mandat apparent de signer la lettre de licenciement avait été ratifié, ne pouvait décider que le salarié n'avait pas été valablement licencié ; qu'en statuant comme ci-dessus, elle a violé les articles L. 1232-6 du Code du travail et 1984 et 1998 du Code civil.
4° - ET ALORS, plus subsidiairement encore, QU'en matière de licenciement ne sont admises que les causes de nullité prévues expressément par la loi ou découlant d'une atteinte à une liberté fondamentale du travailleur ; qu'aucune loi ne prévoit la nullité du licenciement prononcé en violation de l'article L. 227-6 du Code de commerce ; qu'en statuant comme ci-dessus, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-2 du Code du travail.