LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 241-13 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale, et L. 5422-13 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la réduction des cotisations patronales prévue au premier d'entre eux n'est pas applicable aux rémunérations du personnel des communes et aux entreprises qui ne sont pas tenues de s'assurer contre le risque de privation d'emploi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle effectué courant 2006, l'URSSAF du Puy-de-Dôme a demandé à la Régie des eaux minérales de Royat (la régie) de cesser d'appliquer cette réduction à compter du 1er juillet 2007 ; que la régie, représentée par le maire de Royat, a contesté cette décision devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour dire que la régie était éligible au bénéfice de cette réduction, l'arrêt énonce que selon la Cour de justice des communautés européennes, un organe exerçant des activités économiques de caractère industriel et commercial ne doit pas nécessairement posséder une personnalité juridique distincte pour être considéré comme une entreprise distincte, et que, selon la même juridiction, la notion d'entreprise, dans le contexte du droit de la concurrence, comprend toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, et relève que la régie était assujettie à la taxe à la valeur ajoutée ainsi qu'à l'impôt sur les sociétés ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que la régie municipale, dépourvue de personnalité morale, ne pouvait être considérée comme un employeur distinct de la commune de Royat qui l'avait créée et qu'en tant que collectivité locale, aucune obligation d'adhésion à l'assurance chômage ne pesait sur celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la Régie des eaux minérales de Royat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Régie des eaux minérales de Royat, la condamne à payer à l'URSSAF du Puy-de-Dôme la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour l'URSSAF du Puy-de-Dôme.
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que la REGIE DES EAUX MINERALES DE ROYAT est éligible au bénéfice de la réduction de cotisations prévue par l'article L.241-13 II du code de la sécurité sociale, dite réduction de cotisations « Fillon » ;
AUX MOTIFS QUE « selon la Cour de Justice des Communautés Européennes, et ainsi qu'elle l'a constaté dans le contexte de la directive 80/723/CEE de la commission du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques, et au regard de l'article 86 du traité CEE, un organe exerçant des activités économiques de caractère industriel et commercial ne doit pas nécessairement posséder une personnalité juridique distincte de l'Etat pour être considéré comme une entreprise publique (C.J.C.E. arrêt du 16 juin 1987, Commission/Italie, et arrêt du 27 octobre 1993, demande de décision préjudicielle dans une procédure pénale ouverte contre Francine Y... épouse Z...) ; que selon la même juridiction, la notion d'entreprise, dans le contexte du droit de la concurrence, comprend toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêt du 23 avril 1991, Klaus A... et Fritz B... contre Marcoron GmbH) ; qu'en l'espèce, l'URSSAF ne conteste pas que la Régie exerce une activité économique de caractère industriel et commercial, puisqu'elle constitue un service public de nature industriel et commercial ; que la Direction Générale des Impôts, par lettre du 11 décembre 1989, a d'ailleurs fait savoir à la régie qu'elle devait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, dans la mesure où son activité est tout à fait analogue à celle de sociétés de droit privé et qu'il convient d'éviter toute distorsion dans les conditions de la concurrence avec le secteur privé ; que la Régie est aussi assujettie à l'impôt sur les sociétés ; qu'il s'ensuit pour être considéré comme une entreprise et un employeur au sens de l'article L. 5422-14 du code du travail, il n'est pas nécessaire que la Régie ait une personnalité morale distincte de celle de la commune de Royat ; qu'en outre, les règles du code du travail sont applicables au personnel des régies municipales assurant un service public industriel et commercial, hormis celles relatives à la représentation du personnel et à la négociation collective ; qu'en vertu de cette règle, 80 % des personnes (essentiellement des salariés saisonniers) employées par la Régie sont liées à elle par des contrats de travail soumis aux dispositions du code du travail ; que dans ces conditions la Régie doit être considérée comme un employeur, au sens de l'article L. 5422-14 du code du travail, soumis à l'obligation d'assurance contre le risque de privation d'emploi de ses salariés et elle a droit en conséquence à la réduction de cotisation prévue par l'article L. 241-13 II du code de la sécurité sociale » ;
ALORS QUE, premièrement, dès lors que la régie est un service non personnalisé de la Commune, le droit à réduction, tel que prévu par l'article L.241-13 du code de la sécurité sociale, est écarté par l'effet du renvoi de ce texte à l'article R.711-1 figurant au chapitre Ier du titre I du livre VII ; qu'en refusant de tirer les conséquences de ce que la régie n'avait pas la personnalité morale, pour écarter le droit à réduction, les juges du fond ont violé les articles L.241-13 du code de la sécurité sociale et R.711-1 du même code, ensemble les articles L.1412-1, L.221-4, L.2221-11 à L.2221-14, R.2221-3 et R2221-63 à R.2221-94 du code général des collectivités territoriales ;
ALORS QUE, deuxièmement, réserve faite des cas prévus à l'article L.5424-1 du code du travail, dans lesquels l'employeur assure lui-même la charge et la gestion de l'allocation d'assurance, le droit à réduction postule l'obligation de s'assurer au sens de l'article L.5422-13 du code du travail, texte auquel renvoie l'article L.241-13 du code de la sécurité sociale ; qu'une telle obligation ne pèse pas sur la commune et la régie étant un service non personnalisé de la commune, les juges du fond, en consacrant un droit à réduction, ont en tout état de cause violé les articles L.241-13 du code de la sécurité sociale et L.5422-13 du code du travail, ensemble les articles L.1412-1, L.2221-4, L.2221-11 à L.2221-14, R.2221-3 et R2221-72 à R.2221-94 du code général des collectivités territoriales ;
ALORS QUE, troisièmement, dès lors que le droit de la sécurité sociale est une discipline autonome, c'est sans pertinence que les juges du fond ont fait état de la notion d'entreprise au sens du droit communautaire ou se sont référés aux règles du droit fiscal, ou bien encore à la circonstance que les règles du droit du travail étaient largement applicables au personnel de la régie ; que de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article L.241-13 du code de la sécurité sociale et du principe selon lequel le droit de la sécurité sociale est autonome.