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31/05/2011 | FRANCE | N°09-67501

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2011, 09-67501


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 7-1 et 8 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie Française et l'article 93 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., épouse Y..., nommée chef du service du tourisme par arrêté du 31 décembre 2001,

a été engagée par le gouvernement de la Polynésie Française en qualité d'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 7-1 et 8 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie Française et l'article 93 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., épouse Y..., nommée chef du service du tourisme par arrêté du 31 décembre 2001, a été engagée par le gouvernement de la Polynésie Française en qualité d'agent contractuel par un contrat du 21 mai 2002 dont l'article 3 précisait qu'elle prenait acte que la mise fin à ses fonctions de chef de service du tourisme décidée en conseil des ministres est une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'elle a été licenciée par une lettre du 9 juin 2006 énonçant que son licenciement était motivé par la décision de fin de fonctions en qualité de chef du service du tourisme prise par le Conseil des ministres par arrêté du 10 mai 2006 et par les dispositions de l'article 3 de son contrat de travail ;
Attendu que pour dire que le licenciement a une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient que l'article 93 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut de la Polynésie Française, qui dispose que les chefs de service sont nommés en Conseil des ministres, qu'il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions, et que leurs emplois sont laissés à la décision du gouvernement territorial, permet de rompre discrétionnairement, par une décision non motivée, un contrat de travail de droit privé et que, dés lors, doit recevoir application la clause du contrat de travail de Mme X..., épouse Y..., stipulant que la décision du Conseil des ministres de mettre fin à ses fonctions de chef de service est une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Attendu, cependant, que si l'article 29 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie Française, devenu l'article 93 de la loi organique n° 2004-92 du 27 février 2004 prévoit que les chefs de service sont nommés en Conseil des ministres..., qu'il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions et que ces emplois sont laissés à la décision du gouvernement de la Polynésie Française, ce texte n'autorise pas la rupture sans motifs du contrat de travail des agents contractuels engagés pour occuper ces emplois par des contrats soumis aux dispositions de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail notamment aux articles 7-1 et 8 qui prévoient que le licenciement ne peut intervenir sans cause réelle et sérieuse, le juge appréciant les motifs invoqués par l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la seule cessation des fonctions de chef de service résultant de l'arrêté pris par le Conseil des ministres ne pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement et que la clause énoncée par l'article 3 du contrat de travail devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne l'administration Polynésie Française aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Madame X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir, en conséquence, déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, Clarisse X... épouse Y... n'était ni fonctionnaire, ni agent contractuel soumis à un statut de droit public ; que son contrat de travail relevait donc de la loi du 17 juillet 1986 ; que toutefois, aux termes de l'article 93 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, les chefs de service sont « nommés en conseil des ministres... il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions » et « ces emplois sont laissés à la décision du Gouvernement de la Polynésie française » ; que la loi, non censurée par le Conseil constitutionnel, admet ainsi qu'un contrat de travail de droit privé peut être rompu de façon discrétionnaire, par une décision non motivée, mais soumise au contrôle du juge administratif qui en apprécie la légalité externe et interne ; que la mention du contrat de travail du 21 mai 2002 selon laquelle la décision du conseil des ministres de mettre fin aux fonctions de chef du service du tourisme est une cause réelle et sérieuse de licenciement est donc légale et applicable ; que Clarisse X... épouse Y... ne conteste pas la légalité de l'arrêté du 11 mai 2006 mettant fin à ses fonctions de chef de service et qu'elle n'a pas saisi le Tribunal administratif d'un quelconque recours à l'encontre dudit arrêté ; que la lettre de licenciement du 9 juin 2006 est motivée par l'arrêté du 11 mai 2006 et que la procédure de licenciement a été respectée ; que par ailleurs, n'étant pas fonctionnaire, Clarisse X... épouse Y... ne peut invoquer une réintégration et que l'article 8 de la délibération n° 96-177 APF du 19 décembre 1996 dispose que « l'agent public non titulaire occupant un emploi de chef de service... n'a pas vocation à être titularisé dans l'un des cadres d'emploi de la fonction publique territoriale... » ;
ALORS QUE, DE PREMIERE PART, aux termes de l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT, qui est d'application directe en droit interne, un travailleur ne peut être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à son aptitude ou à sa conduite ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ; que la clause contractuelle selon laquelle la mise fin aux fonctions de chef de service, décidée en conseil des ministres, est une cause réelle et sérieuse de licenciement, est contraire à cette convention ; qu'en effet, les emplois de chef de service étant, en application de l'article 93 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, laissés à la décision du Gouvernement de la Polynésie Française, cette clause instaure une faculté de licenciement sans motivation ; qu'elle doit, en conséquence, être réputée non écrite ; qu'en décidant néanmoins qu'elle était applicable et que le licenciement de l'intéressée, prononcé sur son fondement, reposait sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT ;
ALORS QUE, DE DEUXIEME PART, est nulle toute obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; que l'article 3 du contrat de travail de la salariée, prévoyant que la mise fin aux fonctions de chef de service, décidée en conseil des ministres, est une cause réelle et sérieuse de licenciement, doit s'analyser comme une condition potestative qui fait dépendre le licenciement de l'intéressée de la cessation de ses fonctions de chef de service qu'il était du seul pouvoir du Gouvernement de Polynésie Française de faire arriver ; que cette condition est frappée de nullité en vertu de l'article 1174 du Code civil ; qu'en admettant néanmoins sa validité, ainsi que celle du licenciement prononcé sur son fondement, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 1174 du Code civil et L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, selon l'article 29 de la loi organique n096-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie Française, devenu l'article 93 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, les chefs de service sont « nommés en conseil des ministres... il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions » et « ces emplois sont laissés à la décision du Gouvernement de la Polynésie française » ; que le fait que le Gouvernement puisse mettre fin aux fonctions de chef de service à sa décision ne signifie pas qu'il puisse discrétionnairement licencier l'agent contractuel de l'administration qui demeure soumis aux dispositions de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail ; qu'en décidant cependant que la loi du 27 février 2004 admet qu'un contrat de travail de droit privé peut être rompu de façon discrétionnaire, par une décision non motivée, la Cour d'appel a violé ladite loi par fausse interprétation ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, le litige relatif à un arrêté mettant fin aux fonctions d'un agent contractuel de l'administration de Polynésie Française ne relève pas de la compétence des juridictions administratives (CE 26 juillet 1996) ; qu'en se fondant cependant sur le fait, pour juger que le licenciement de Madame X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, que cette dernière ne contestait pas la légalité de l'arrêté du 11 mai 2006 mettant fin à ses fonctions de chef de service et n'avait pas saisi le Tribunal administratif d'un quelconque recours à l'encontre dudit arrêté, la Cour d'appel a violé la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail en Polynésie Française ;
ALORS QUE. DE CINQUIEME PART. dans ses conclusions d'appel (p. 10 de la requête du 18 février 2008 ; p. 5 des conclusions du 9 septembre 2008) la salariée faisait valoir qu'ayant été licenciée une première fois au mois de février 2006 alors quelle était encore en congé maternité, son licenciement était entaché de nullité ; qu'en jugeant le licenciement de l'intéressée fondé sur une cause réelle et sérieuse sans répondre à ce moyen décisif, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-67501
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

OUTRE-MER - Polynésie française - Lois et règlements - Loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 - Article 7-1 - Licenciement - Cause réelle et sérieuse - Nécessité - Domaine d'application - Détermination - Portée

OUTRE-MER - Polynésie française - Lois et règlements - Loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 - Article 8 - Appréciation des motifs de licenciement par le juge - Domaine d'application - Détermination - Portée OUTRE-MER - Polynésie française - Lois et règlements - Loi organique n° 2004-92 du 27 février 2004 - Article 93 - Domaine d'application - Exclusion - Agents contractuels de droit privé CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut - Applications diverses - Agents contractuels de droit privé occupant un emploi laissé à la décision du gouvernement de la Polynésie française - Rupture sans motif décidé en conseil des Ministres de la Polynésie française

L'article 93 de la loi organique n° 2004-92 du 27 février 2004 qui prévoit que les chefs de service sont nommés en conseil des ministres, qu'il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions et que ces emplois sont laissés à la décision du gouvernement de la Polynésie française, n'autorise pas la rupture sans motifs du contrat de travail des agents contractuels engagés pour occuper ces emplois par des contrats soumis aux dispositions de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail notamment aux articles 7-1 et 8 qui prévoient que le licenciement ne peut intervenir sans cause réelle et sérieuse, le juge appréciant les motifs invoqués par l'employeur


Références :

article 93 de la loi organique n° 2004-92 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française
articles 7-1 et 8 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie française

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 19 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2011, pourvoi n°09-67501, Bull. civ. 2011, V, n° 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 131

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: Mme Terrier-Mareuil
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.67501
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