LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Paul X... et son épouse Françoise sont décédés le 5 septembre 1989, laissant pour héritiers quatre enfants ; que l'un d'eux, Edmond X..., est décédé le 23 septembre 1997 ; que le partage de la succession et une expertise préalable aux opérations de partage ont été ordonnés par jugement du 23 juin 2000 ; que le rapport de l'expert a été établi le 30 juillet 2002 ; qu'une partie des droits dépendant de la succession a été cédée à la société MGM ; qu'un jugement du 26 juillet 2005 a constaté l'accord des parties sur le rapport d'expertise, dit que cette cession portait sur des droits indivis figurant au nombre des biens à partager, ordonné l'attribution préférentielle à Mme Y... et fixé la soulte à un certain montant ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu qu'à l'audience du 8 janvier 2007, la cour d'appel a révoqué l'ordonnance de clôture et aussitôt clôturé l'instruction avant de statuer au fond ;
Qu'en procédant ainsi, sans ordonner la réouverture des débats, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur les troisième et quatrième moyens :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt du 6 février 2007 entraîne l'annulation par voie de conséquence des arrêts du 20 octobre 2009 et du 9 mars 2010 qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 6 février 2007, 20 octobre 2009 et 9 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société MGM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt mixte du 6 février 2007, à l'audience du 8 janvier 2007, après avoir révoqué l'ordonnance de clôture rendue le 18 décembre 2006, a fixé la clôture à la date du 8 janvier 2007 et statué au fond au vu des conclusions déposées par les parties à cette même date ;
Aux motifs qu'à l'audience du 8 janvier 2007, l'ordonnance de clôture qui avait été rendue le 18 décembre 2006 a été révoquée ; l'instruction de l'affaire a aussitôt été clôturée avant que la parole n'ait été donnée aux conseils des parties (arrêt attaqué, p. 3) ;
Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en procédant ainsi, sans ordonner la réouverture des débats, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble les articles 784 et 910 de ce code.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)En ce que l'arrêt mixte du 6 février 2007, infirmant le jugement dont appel en ce qui concerne l'attribution préférentielle et le montant de la soulte due à la société MGM, a, avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à monsieur Z..., avec pour mission notamment de fixer le montant de la soulte devant être acquittée par la partie qui sera, le cas échéant, bénéficiaire d'une attribution préférentielle du tout après avoir chiffré la part successorale de chaque héritier eu égard à la quotité disponible en tenant compte des legs opérés, de l'imputation des libéralités et en calculant l'indemnité de réduction ;
Aux motifs que Magali X... épouse Y... sollicite l'attribution préférentielle, en vertu de l'article 382 ancien du code civil, des murs et du fonds de l'hôtel de Val d'Isère ainsi que des deux terrains cadastrés 247 et 261 qui, selon l'expert B..., sont de fait des " dépendances directes et indissociables " de l'unité hôtelière ; il convient donc de surseoir à statuer sur cette demande dans l'attente des conclusions d'une nouvelle expertise immobilière devant être ordonnée quant à l'estimation de ces divers biens. Celle de M. B..., déjà ancienne, remontant à juillet 2002, ne peut servir de support au dénouement du litige alors que leur valeur doit être déterminée au jour le plus proche du partage et qu'a évolué le marché immobilier en région Rhône-Alpes au cours de ces cinq dernières années ; que M. B..., expert, valorise en effet les murs de l'hôtel, le fonds de commerce et les terrains à 1 643 700 € et les parts sociales à 1524 € de sorte que la candidate à l'attribution préférentielle, si elle était reçue en sa demande, devrait à la MGM, venant aux droits des consorts X..., une soulte de 1 556 555 €. La SA MGM produit pour sa part une étude de M. C..., expert, qui aboutit à des prix divers très supérieurs ; il convient donc d'ordonner une nouvelle expertise, ainsi que le demande subsidiairement la SA MGM, selon les modalités ci-dessous prévues au dispositif, étant précisé que ne fait pas obstacle à sa prescription la circonstance que les parties aient précédemment acquiescé à celle de M. B..., le litige n'étant pas tranché ;
1°/ Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en rejetant la fin de non recevoir tirée par les consorts X...- Y...de ce que les parties avaient de concert conclu à l'homologation du rapport d'expertise de M. B...par le moyen, relevé d'office, que le litige n'était pas tranché sans inviter les parties à s'en expliquer contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ Et alors, en tout état de cause, que l'échange de conclusions identiques par les parties tendant à l'homologation d'un rapport d'expertise, constaté par le juge, consacre un accord judiciaire qui interdit aux parties de le remettre en cause ; qu'en statuant comme elle a fait par le motif inopérant que « le litige n'était pas tranché » au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance, dont le tribunal avait pris acte pour homologuer le rapport de l'expert M. B..., que les parties avaient conjointement conclu à l'homologation pure et simple de ce rapport ne constituait pas un accord s'imposant à elles, en ce compris la société MGM, venant aux droits des consorts X...- D...-E..., leur interdisant d'en contester le contenu par la formulation d'une demande, qui lui était contraire, de nouvelle expertise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 408 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt infirmatif attaqué du 20 octobre 2009 a fixé le montant de la soulte due par madame Magali X... épouse Y... à la SA MGM, venant aux droits des consorts X...- D...-E..., à la somme de 1 898 875 € ;
Aux motifs que les murs de l'hôtel ont été estimés par l'expert B...à une somme de 716 000 euros, l'expert Z...étant parvenu à un chiffre de 1 099 300 euros en page 61 de son rapport. L'estimation de ce sachant doit être retenue dès lors qu'elle a été actualisée en novembre 2008 alors que l'étude de M. B...est de juillet 2002 et donc plus ancienne de six années. Il est observé en outre que l'expert Z...a eu connaissance des différentes investigations de M. B...qu'il a intégrées dans sa réflexion d'ensemble et que la demanderesse à l'attribution préférentielle a pu faire valoir son opinion par communication de dires exprimés selon courrier en date du 30 septembre 2008 signé de son conseil joint au rapport Z.... Elle doit être ainsi retenue en regard de ce que l'expert Z...a inclus dans son étude très documentée, sérieuse et fiable tous les éléments tendant à tirer le prix vers le haut mais aussi tous ceux de nature à l'abaisser. Il a ainsi relevé que l'hôtel-restaurant de Val d'Isère-comprenant sept étages dont un rez-de-chaussée et trois niveaux au sous-sol a été construit dans les années cinquante et affiche une façade traditionnelle sans luxe ostentatoire. Mais occupant au sol une ample assiette, il est aussi situé au centre de la ville dans une riche et célèbre station de ski de renommée internationale. Il présente une importante capacité d'accueil de 120 personnes, hors salariés et gestionnaires, et est notamment composé de 22 chambres destinées aux clients. Il est doté d'une grande salle de restaurant d'une contenance de 50 couverts avec de belles cuisines, d'un bar, d'un sauna, d'une petite piscine extérieure chauffée, de 6 chambres pour le personnel, d'un bureau et de diverses pièces techniques. C'est ainsi un bâtiment hôtelier qui dispose d'une solide infrastructure. L'expert Z...situe cet hôtel, en page 61 de son rapport, dans le bas de gamme des établissements trois étoiles. Il y a lieu d'observer également que cet expert a bien noté que si des chambres sont d'une surface de 16 mètres carrés, d'autre sont de moins de 10 mètres carrés, que toutes ne sont pas équipées de douche et que certaines présentent un confort plutôt vieillot, quoique non dénué de charme, l'ensemble de ces pièces étant propres, bien finies et accueillantes au vu des photos produites. Les consorts X... ont produit en pièce 22 une attestation de leur comptable d'où il ressort que le chiffre d'affaires de la SARL X... à Val d'Isère diminue depuis quatre années ayant été de 605 783 euros en 2005-2006 pour tomber à 464 917 euros en 2008-2009. Il demeure qu'un tel chiffre d'affaire demeure important et que, dans ces conditions, la valorisation du fonds de commerce à 574 700 euros par l'expert B...est insuffisante, celle de 834 500 euros arrêtée par l'expert Z...en page 84 de son rapport étant plus réaliste au regard des données concrètes précédentes étant rappelé que l'immeuble se situe à Val d'Isère dans une station mondialement connue et recherchée.
L'expert B...a estimé il y a six ans à 307 200 euros la parcelle AD 261 d'une contenance de 6 ares et 71 centiares qui consiste en un terrain d'agrément avec piscine, tandis que l'expert Z...l'a évaluée en page 106 de son rapport à 393 800 euros, après avoir tenu compte de ce qu'elle est située en bordure immédiate d'une voie de circulation, ce qui diminue sa valeur marchande, mais après avoir aussi justement observé qu'elle se situe au centre ville, ce qui l'accroit. L'estimation plus récente de l'expert Z...doit être seule prise en compte. L'expert B...a estimé à 45 800 euros le terrain AD 247 d'une contenance de 2 ares et de 43 centiares qui constitue un parking de quinze places. L'expert Z...l'a valorisé à 70 900 euros en page 110 de son rapport. Ce chiffre doit être retenu pour la même raison que celle-ci-dessus précisée au sujet de l'autre terrain (….) Nul ne conteste que Magali X... épouse Y... remplit les conditions légales pour être par préférence attributaire des biens dont s'agit qui forment une unité économique et dont il n'est pas discuté qu'elle l'exploite depuis une longue période après avoir aidé ses parents dans sa gestion. Par ailleurs, la loi ne subordonne pas l'attribution préférentielle à la preuve de la solvabilité de l'attributaire. Les biens en cause lui seront donc attribués à charge pour elle de payer à la SA MGM la somme issue du calcul ci-dessous. Il y a lieu de constater que les biens dont s'agit sont valorisés à une somme totale de 2 398 500 euros (addition de 1 099 300 pour les murs de l'hôtel, de 834 400 pour le fonds de commerce, de 383 800 pour le terrain AD 261 et de 70 900 pour le terrain AD 247). Les parties conviennent que leurs droits respectifs sur ces biens sont de 75 % pour la SA MGM et de 25 % pour Magali Y... de sorte que ces biens lui étant attribués, cette dernière doit verser à la SA MGM la somme de 1 898 875 euros (arrêt attaqué, p. 3 et 6) ;
Alors que la cassation à intervenir de l'arrêt du 6 février 2007 entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile, l'annulation de l'expertise Z...qui en était l'exécution et, partant, la cassation du chef de l'arrêt du 20 octobre 2009 qui statue définitivement sur le montant de la soulte mise à la charge de madame Magali X... épouse Y... sur le fondement exclusif des conclusions de cette expertise.
QUATRIEME MOYEN D'ANNULATION
En ce que l'arrêt rectificatif attaqué du 9 mars 2010 a dit qu'au troisième paragraphe de la page 3 de l'arrêt du 20 octobre 2009, la somme de 1 099 300 est remplacée par celle de 1 550 970 suivie de la mention « en page 63 de son rapport » (et non en page 61), qu'au deuxième paragraphe de la page 4 dudit arrêt la somme de 393 800 est remplacée par celle de 1 665 800, qu'au troisième paragraphe de la page 4 du même arrêt, la somme de 300 000 remplace celle de 70 900, et qu'au dernier paragraphe de la page 4, la somme de 3 263 452 remplace celle de 1 898 875 ;
Aux motifs que c'est ensuite d'erreurs matérielles que la cour, dans son arrêt du 20 octobre 2009 rendu entre les parties et dont la rectification est à bon droit demandée, a retenu des prix de 1989 au lieu de retenir les estimations de 2008 du rapport d'expertise Z...s'agissant de la valorisation des biens litigieux. Ainsi, les valeurs que la cour a entendu retenir en réalité sont celles de 2008, soit les plus proches du partage comme il est de règle, et non de 1989, de sorte que les biens sont ainsi estimés en euros à :
1 550 970 pour les murs de l'hôtel,
834 500 pour le fonds commerce de l'hôtel (pas d'erreur)
1 665 800 pour la parcelle cadastrée Section AD 261
300 000 pour la parcelle cadastrée Section AD 247
L'addition de ces sommes donne celle de 4 351 270 euros de sorte que la soulte devant être versée par Magali Y... à MGM est de 3 263 452 euros dès lors que la cour a dit, dans son arrêt du 20 octobre 2009 précité, que les droits respectifs des parties sur ces biens étaient de 75 % pour la SAS MGM et de 25 % pour Magali Y... ;
Alors que la cassation à intervenir du chef de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 20 octobre 2009 statuant sur le montant de la soulte mise à la charge de madame X...- Y...entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt du 9 mars 2010 qui l'a rectifié.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)En ce que l'arrêt rectificatif attaqué du 9 mars 2010 a dit qu'au troisième paragraphe de la page 3 de l'arrêt du 20 octobre 2009, la somme de 1 099 300 est remplacée par celle de 1 550 970 suivie de la mention « en page 63 de son rapport » (et non en page 61), qu'au deuxième paragraphe de la page 4 dudit arrêt la somme de 393 800 est remplacée par celle de 1 665 800, qu'au troisième paragraphe de la page 4 du même arrêt, la somme de 300 000 remplace celle de 70 900, et qu'au dernier paragraphe de la page 4, la somme de 3 263 452 remplace celle de 1 898 875 ;
Aux motifs que c'est ensuite d'erreurs matérielles que la cour, dans son arrêt du 20 octobre 2009 rendu entre les parties et dont la rectification est à bon droit demandée, a retenu des prix de 1989 au lieu de retenir les estimations de 2008 du rapport d'expertise Z...s'agissant de la valorisation des biens litigieux. Ainsi, les valeurs que la cour a entendu retenir en réalité sont celles de 2008, soit les plus proches du partage comme il est de règle, et non de 1989, de sorte que les biens sont ainsi estimés en euros à :
1 550 970 pour les murs de l'hôtel,
834 500 pour le fonds commerce de l'hôtel (pas d'erreur)
1 665 800 pour la parcelle cadastrée Section AD 261
300 000 pour la parcelle cadastrée Section AD 247
L'addition de ces sommes donne celle de 4 351 270 euros de sorte que la soulte devant être versée par Magali Y... à MGM est de 3 263 452 euros dès lors que la cour a dit, dans son arrêt du 20 octobre 2009 précité, que les droits respectifs des parties sur ces biens étaient de 75 % pour la SAS MGM et de 25 % pour Magali Y... ;
Alors que l'article 462 du code de procédure civile ne permet que la seule rectification des erreurs ou omissions matérielles affectant une décision ; qu'une juridiction ne peut, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, modifier les droits et obligations résultant, pour les parties, d'une précédente décision ; qu'en statuant comme elle a fait et en prenant en compte une erreur commise dans la date d'évaluation des biens au prix d'une modification des droits et obligations résultant pour les parties de sa précédente décision, la cour d'appel a violé les dispositions de ce texte.