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26/05/2011 | FRANCE | N°10-13780

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 mai 2011, 10-13780


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, par un acte du 29 décembre 1989 établi par M. X..., notaire, la Société de crédit pour le logement (SOCRELOG), aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Auxiliaire du crédit foncier de France (l'ACFF), a consenti à la SCI Villeneuve (la SCI) un prêt de 2 950 000 francs en vue de l'acquisition à Rochefort, auprès de la société SAT, promoteur, d'un immeuble en l'état futur d'achèvement, l'acte notarié prévoyant, à titre de sûretés, une hypothèque de premier rang sur le

lot acquis, la caution personnelle de M. Y..., gérant de la SCI, et une hypo...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, par un acte du 29 décembre 1989 établi par M. X..., notaire, la Société de crédit pour le logement (SOCRELOG), aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Auxiliaire du crédit foncier de France (l'ACFF), a consenti à la SCI Villeneuve (la SCI) un prêt de 2 950 000 francs en vue de l'acquisition à Rochefort, auprès de la société SAT, promoteur, d'un immeuble en l'état futur d'achèvement, l'acte notarié prévoyant, à titre de sûretés, une hypothèque de premier rang sur le lot acquis, la caution personnelle de M. Y..., gérant de la SCI, et une hypothèque de deuxième rang sur la maison d'habitation des époux Y... sise à La Rochelle ; que la SCI n'ayant pas remboursé le prêt, la SOCRELOG a fait procéder à la saisie immobilière du lot, mais a été primée dans la distribution du montant de l'adjudication, soit 950 000 francs ou 147 826,57 euros, par la SARL White Gestion, venant aux droits de la banque La Hénin, laquelle, à l'issue d'une procédure d'ordre, a été colloquée pour l'intégralité du prix de la vente forcée en raison de l'inscription préalable, sur le lotissement, d'une hypothèque garantissant un prêt et une ouverture de crédit consentis à la société SAT, ensuite mise en liquidation judiciaire ; qu'un protocole d'accord transactionnel a été signé les 3 avril et 15 mai 1998 entre l'ACFF, la SCI et les époux Y..., aux termes duquel ces derniers se sont engagés à payer à l'ACFF, pour solde de tout compte, la somme de 1 300 000 francs immédiatement et celle de 950 000 francs pour le cas où l'ACFF ne pourrait percevoir cette somme dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du notaire, en contrepartie de quoi l'ACFF, créancière d'un montant de 4 538 532,44 francs, s'est engagée à renoncer définitivement à poursuivre les époux Y... en paiement du solde de sa créance, le règlement de la somme totale de 2 250 000 francs devant emporter solde de tout compte, et s'est également engagée à donner mainlevée de la procédure de saisie de l'immeuble de La Rochelle dès réception de la somme de 1 300 000 francs ainsi qu'à donner mainlevée de l'hypothèque conventionnelle prise sur cet immeuble, dès réception de l'intégralité de la somme de 2 250 000 francs ; que, reprochant à M. X... l'absence de levée de l'état hypothécaire relatif à l'immeuble, objet de la garantie du prêt accordé par la société SOCRELOG, et le dommage subi consistant dans l'impossibilité de recouvrer la totalité de sa créance faute de l'inscription hypothécaire de premier rang prévue à l'acte, la société ACFF a, le 6 mars 2001, assigné le notaire en responsabilité professionnelle, lequel a appelé en garantie la SCI et les époux Y... ; que ceux-ci ont également demandé à l'encontre du notaire l'indemnisation de leur préjudice à concurrence de la somme de 147 826,57 euros ; qu'après cassation de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers qui avait retenu la responsabilité du notaire (Cass. 1ère chambre, 19 septembre 2007 : pourvoi n° 05-18.814), la même cour d'appel, cour de renvoi autrement composée, a rejeté les demandes de l'ACFF, de la SCI Villeneuve et des époux Y... à l'encontre de M. X... ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi principal des époux Y... et de la SCI Villeneuve, et sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi incident de la société ACFF, qui sont identiques :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'action indemnitaire de la société ACFF à l'encontre de M. X..., alors, selon les moyens des pourvois :

1°/ que la perte d'une garantie et donc d'une chance de recouvrer le montant total de sa créance constitue en elle-même un préjudice certain et réparable ; que la société ACFF avait établi que les autres garanties affectées en sûreté du remboursement de sa créance étaient insuffisantes à la remplir de ses droits et par là même l'existence, la certitude et l'actualité du préjudice qu'elle subissait du fait de la faute du notaire, si bien qu'en décidant que la société ACFF ne justifiait pas d'un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que, subsidiairement, la mise en jeu de la responsabilité notariale n'est pas subordonnée à la poursuite préalable contre d'autres débiteurs ; qu'en déduisant de l'absence de poursuite à l'encontre de M. Y..., en qualité de caution, le caractère non indemnisable du préjudice de la société ACFF, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer les clauses claires et précises d'une convention ; que la transaction conclue entre les époux Y..., la SCI Villeneuve et l'ACFF stipulait expressément d'une part, que « les époux Y... s'engagent, pour le cas où l'Auxiliaire du crédit foncier de France ne pourrait percevoir la somme de 950 000 frs hors intérêts dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du Notaire, à la désintéresser à hauteur de ces 950 000 frs » et d'autre part, qu'en contrepartie du désistement de l'action en responsabilité engagée par les époux Y... et la SCI Villeneuve à l'encontre de la société SOCRELOG, aux droits de laquelle vient l'ACFF, celle-ci « s'engage à renoncer définitivement à poursuivre les époux Y... en paiement du solde de sa créance, le règlement de la somme de 2 250 000 frs devant emporter solde de tout compte », ce dont il ne résultait pas que la créance de SOCRELOG à hauteur de cette somme, c'est à dire y compris les 950 000 F, était seulement conditionnelle, la SOCRELOG n'ayant renoncé à aucun droit à cet égard, mais que les modalités de paiement de celle-ci étaient aménagées, la cour d'appel a dénaturé les termes de la transaction et violé les articles 1134 du code civil ;

4°/ que la transaction se renferme sur son objet et, faite par l'un des intéressés, ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ; qu'en décidant que la concession consentie par la société ACFF aux époux Y... et à la SCI Villeneuve avait amoindri les droits de la société SOCRELOG et faisait ainsi obstacle à son action envers M. X..., cependant que la transaction n'avait pour effet que de mettre fin au litige existant entre les époux Y..., la SCI Villeneuve et la société ACFF et de prévoir les modalités de règlement de la créance de cette dernière dont le montant était arrêté à 2 250 000 frs, en ce y compris la somme qui n'avait pû être versée à la société ACFF en raison de la faute de M. X..., la cour d'appel a violé les articles 2048 et 2051 du code civil ;

Attendu que la SCI Villeneuve et les époux Y... sont recevables à invoquer un tel moyen en raison du lien de dépendance entre les dispositions critiquées concernant la société ACFF et celles qui rejettent leurs prétentions également dirigées contre M. X..., dès lors que du résultat de l'action introduite par la société ACFF dépend l'obligation qu'ils ont contractée envers celle-ci par l'effet de la transaction ;

Attendu, cependant, qu'ayant constaté que la société ACFF ne se prévalait ni ne justifiait d'aucune diligence concernant la mise en oeuvre du cautionnement personnel consenti par M. Y... en garantie du remboursement de l'emprunt souscrit par la SCI Villeneuve, ce dont il ressort que cette société n'avait pas exercé toutes les voies de droit dont elle pouvait se prévaloir pour le recouvrement de sa créance en vertu du contrat de prêt dressé par le notaire, la cour d'appel, qui, sans dénaturer la transaction conclue entre la société ACFF, la SCI Villeneuve et les époux Y..., a énoncé que cette transaction conditionnait l'obligation de ces derniers envers la société ACFF à l'échec de son action en responsabilité engagée par celle-ci contre le notaire, lequel était en droit d'invoquer la renonciation aux dites voies de droit que la transaction renfermait ainsi, a, par ce seul motif, justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que le rejet du premier moyen emporte celui du deuxième moyen par voie de conséquence ;

Sur le second moyen du pourvoi incident de la société ACFF :

Attendu, d'abord, que l'arrêt relève que la transaction n'avait pas été causée par la faute du notaire mais avait eu pour cause l'action en responsabilité professionnelle engagée à l'encontre de la société ACFF, ès qualités de dispensateur de crédit, par la SCI Villeneuve et les époux Y..., leur propre concession ayant consisté à se désister de cette action en responsabilité, et qu'elle renfermait la renonciation, dont le notaire pouvait se prévaloir, à la mise en oeuvre du cautionnement personnel consenti par M. Y... ; qu'ensuite, il retient, sans dénaturation de la transaction, que celle-ci conditionnait l'obligation des époux Y... envers la société ACFF à l'échec de son action en responsabilité contre le notaire, pour en déduire exactement que l'exigibilité de la créance de la société ACFF envers les époux Y... demeurait suspendue à la réalisation de cette condition ; que le moyen, inopérant en ses première et troisième branches et manquant en fait en sa deuxième branche, ne peut être accueilli ;

Mais, sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi principal des époux Y... et de la SCI Villeneuve :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que, pour écarter la responsabilité de M. X... et rejeter la demande en dommages-intérêts des époux Y... et de la SCI Villeneuve à son encontre, l'arrêt retient, d'une part, que le notaire ne disposait d'aucun pouvoir pour faire lever l'inscription hypothécaire de la banque La Hénin, d'autre part, que, à supposer, pour les besoins du raisonnement, que la contestation de cette inscription fût fondée, la SCI Villeneuve en avait perdu l'opportunité par sa faute, et, de troisième part, que la dette de cette SCI envers la société ACFF avait pour causes directes l'octroi par cette dernière d'un crédit disproportionné et la défaillance de l'emprunteuse dans le remboursement de son emprunt ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la faute du notaire, consistant en l'omission de lever un état hypothécaire relatif au lot acquis par la SCI Villeneuve et d'informer les parties à l'acte de vente dudit lot de l'existence de l'inscription de l'hypothèque de premier rang de la banque La Hénin, n'avait pas fait perdre à la SCI Villeneuve et aux époux Y... la chance, d'une part, de voir le bien immobilier affecté au paiement de la société ACFF, dont l'hypothèque était reléguée au deuxième rang, en réduction de leurs propres engagements financiers à hauteur du montant de l'adjudication, et, d'autre part, étant mieux informés, de vérifier l'affectation du montant de leur emprunt au paiement de la banque créancière de leur vendeur et, partant, à la mainlevée de l'hypothèque dont celle-ci disposait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a rejeté les demandes formées par la SCI Villeneuve et les époux Y... à l'encontre de M. X..., l'arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Villeneuve et les époux Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'action indemnitaire de la société ACFF à l'encontre de Maître X...,

AUX MOTIFS QUE seul est juridiquement indemnisable le préjudice direct, actuel et certain ; que le préjudice invoqué par la société ACFF est constitué par la somme de 950.000 F correspondant au prêt immobilier qu'elle avait octroyé à la SCI VILLENEUVE en vertu de l'acte reçu par Maître X... le 29/12/1989, montant auquel elle a réduit sa créance pour solde de tout compte dans la transaction conclue les 3 avril et 15 mai 1998 avec la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., après paiement par ces derniers d'une somme de 1.300.000F, la société ACFF n'ayant perçu aucun fonds dans le cadre de la procédure d'ordre consécutive à l'adjudication de l'immeuble de Rochefort (lot n° 4 du lotissement) ; qu'ainsi que le fait valoir Maître X..., la société ACFF ne justifie pas du caractère définitif, et donc actuel et certain, de son préjudice, dès lors qu'elle ne justifie pas avoir mobilisé les autres garanties dont elle dispose envers les époux Y... pour recouvrer ladite créance de 950.000 F, et donc qu'elle n'établit pas son impossibilité d'obtenir un apurement, au moins partiel, de sa créance ; qu'en vertu de l'acte du 29/12/1989, indépendamment de l'hypothèque inscrite sur le lot n° 4 de Rochefort dont les effets sont épuisés par la procédure d'ordre consécutive à l'adjudication du bien, infructueuse pour la société ACFF, les époux Y... ont affecté hypothécairement leur maison d'habitation de La Rochelle, et Jean-François Y... s'est porté caution personnelle de la SCI VILLENEUVE ; qu'aucune disposition de l'acte du 29/12/1989 ne stipule la primauté ou la subsidiarité de l'une ou l'autre des trois garanties ; que l'affirmation contraire de la société ACFF (page 14 in fine de ses dernières conclusions) constitue une dénaturation de l'acte du 29/12/1989, clair et non équivoque ; qu'il ne peut être davantage soutenu que l'hypothèque prise sur l'immeuble de Rochefort aurait eu vocation à désintéresser totalement le prêteur ACFF, et que, dès lors les deux autres garanties auraient été subsidiaires, alors que l'efficience économique d'une hypothèque est conditionnées par les fluctuations et aléas du marché immobilier et qu'en l'occurrence, l'immeuble hypothéqué a été adjugé en 1997 pour un montant (950.000 F) ne représentant que moins du tiers de la créance garantie (2.950.000 F) ; que dès lors, la société ACFF a eu la faculté de mobiliser concurrement les trois garanties consenties par la SCI VILLENEUVE et les époux Y... ; qu'en premier lieu, concernant l'affectation hypothécaire de la maison de La Rochelle, il est établi que, si la société ACFF a engagé une procédure de saisie immobilière de ce bien, elle s'en est ensuite désistée, en exécution des dispositions du protocole transactionnel qu'elle a conclu les 3/04 et 15/05/1998 avec les époux Y... et la SCI VILLENEUVE ; qu'à cet égard, Maître X... est fondé à opposer à la société ACFF le fait que, en renonçant à la mise en oeuvre de cette sûreté dans le cadre d'une concession transactionnelle, ladite société a concouru à la réalisation du préjudice qu'elle invoque, en se privant d'une voie de droit propre à lui permettre d'obtenir le paiement de la créance dont elle érige le non-recouvrement en préjudice ; qu'en effet, d'une part, bien que Maître X... n'ait pas été partie à ladite transaction, l'effet relatif des contrats, qui interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ne les prive pas de la possibilité d'invoquer la renonciation à un droit contenue dans la transaction ; que d'autre part, la teneur du protocole des 3/04 et 15/05/1998 révèle que cette concession transactionnelle consentie par la société ACFF n'a aucunement été causée par la faute commise par Maître X... (absence de levée d'état hypothécaire en temps utile), mais a eu pour cause l'action en responsabilité professionnelle engagée à l'encontre de la société ACFF (précédemment SOCRELOG) ès qualités de dispensateur de crédit, par la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., leur propre concession transactionnelle ayant consisté à se désister de cette action en responsabilité ; qu'en second lieu, la société ACFF ne se prévaut, ni subsidiairement ne justifie, dans ses dernières conclusions d'aucune diligence concernant la mise en oeuvre du cautionnement personnel consenti par Jean-François Y... en garantie du remboursement de l'emprunt souscrit par la SCI VILLENEUVE ; qu'enfin il ne saurait être valablement soutenu par la société ACFF qu'elle n'aurait pu mobiliser les garanties précitées en raison de la clause suivante stipulée dans le protocole transactionnel du 3/04 et 15/05/1998 : « les époux Y... s'engagent, pour le cas où la société ACFF ne pourrait percevoir la somme de 950.000 F, hors intérêts, dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du notaire à la désintéresser à hauteur de 950.000 F » ; que cette clause stipule l'exigibilité, à l'encontre des époux Y..., du solde de créance de la société ACFF de 950.000 F sous la double condition suspensive négative de non-recouvrement de sa créance dans le cadre de la procédure d'ordre, et de non-recouvrement d'indemnité dans le cadre de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Maître X... ; qu'en application de cette clause, l'exigibilité de la créance de la société ACFF envers les époux Y... demeure suspendue tant que la seconde condition suspensive négative n'est pas défaillie, et donc tant que l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Maître X... n'est pas définitivement jugée ; que toutefois, par la clause transactionnelle précitée, la société ACFF a consenti à substituer à sa créance originelle purement et simplement exigible envers la SCI VILLENEUVE, une créance conditionnellement exigible envers les époux Y... ; qu'en renonçant ainsi à une partie de ses droits, elle a volontairement amoindri ses facultés de recouvrement de sa créance, et n'est dès lors pas fondée à s'en prévaloir à l'encontre de Maître X..., au titre d'une créance prétendument irrecouvrable, constitutive d'un préjudice actuel et certain ; que faute de justification, par la société ACFF, de l'existence d'un préjudice juridiquement indemnisable, son action indemnitaire formée à l'encontre de Maître X... doit être rejetée, en infirmation du jugement entrepris ;

1) ALORS QUE la perte d'une garantie et donc d'une chance de recouvrer le montant total de sa créance constitue en ellemême un préjudice certain et réparable ; que la société ACFF avait établi que les autres garanties affectées en sûreté du remboursement de sa créance étaient insuffisantes à la remplir de ses droits et par là même l'existence, la certitude et l'actualité du préjudice qu'elle subissait du fait de la faute du notaire, si bien qu'en décidant que la société ACFF ne justifiait pas d'un préjudice indemnisable, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2) ALORS QUE, subsidiairement, la mise en jeu de la responsabilité notariale n'est pas subordonnée à la poursuite préalable contre d'autres débiteurs ; qu'en déduisant de l'absence de poursuite à l'encontre de Monsieur Y..., en qualité de caution, le caractère non indemnisable du préjudice de la société ACFF, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3) ALORS QUE le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer les clauses claires et précises d'une convention ; que la transaction conclue entre les exposants et l'ACFF stipulait expressément d'une part, que « les époux Y... s'engagent, pour le cas où l'Auxiliaire du Crédit Foncier de France ne pourrait percevoir la somme de 950.000 frs hors intérêts dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du Notaire, à la désintéresser à hauteur de ces 950.000 frs » et d'autre part, qu'en contrepartie du désistement de l'action en responsabilité engagée par les époux Y... et la SCI VILLENEUVE à l'encontre de la société SOCRELOG, aux droits de laquelle vient l'ACFF, celle-ci « s'engage à renoncer définitivement à poursuivre les époux Y... en paiement du solde de sa créance, le règlement de la somme de 2.250.000 frs devant emporter solde de tout compte », ce dont il ne résultait pas que la créance de SOCRELOG à hauteur de cette somme, c'est à dire y compris les 950.000 F, était seulement conditionnelle, la SOCRELOG n'ayant renoncé à aucun droit à cet égard, mais que les modalités de paiement de celle-ci étaient aménagées, la Cour d'appel a dénaturé les termes de la transaction et violé les articles 1134 du Code civil ;

4) ALORS ENFIN QUE la transaction se renferme sur son objet et, faite par l'un des intéressés, ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ; qu'en décidant que la concession consentie par la société ACFF aux époux Y... et à la SCI VILLENEUVE avait amoindri les droits de la société SOCRELOG et faisait ainsi obstacle à son action envers Maître X..., cependant que la transaction n'avait pour effet que de mettre fin au litige existant entre les exposants et la société ACFF et de prévoir les modalités de règlement de la créance de cette dernière dont le montant était arrêté à 2.250.000 frs, en ce y compris la somme qui n'avait pû être versée à la Société ACFF à raison de la faute de Maître X..., la Cour d'appel a violé les articles 2048 et 2051 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la disposition du jugement ayant constaté l'extinction de la dette de la SCI VILLENEUVE et des époux Y... au profit de la société ACFF ;

AU MOTIF QUE le jugement entrepris a constaté l'extinction de la dette de la SCI VILLENEUVE et des époux Y... envers la société ACFF aux motifs « que la condamnation de Maître X... à indemniser la société ACFF de son préjudice a pour effet l'extinction de la dette de la SCI VILLENEUVE et des époux Y... au profit de la société ACFF, et ce par application de l'accord transactionnel conclu entre les parties » ; qu'en vertu des motifs qui précèdent (cf. § 1), la demande indemnitaire de la société ACFF à l'encontre de Maître X... est rejetée, la disposition précitée du jugement entrepris doit être infirmée ;

ALORS QU'en cas d'indivisibilité entre deux chefs de dispositif, la cassation de l'un entraîne la cassation de l'autre ; que la cassation du chef de dispositif ayant débouté la société ACFF de sa demande indemnitaire à l'encontre de Maître X... entraînera, par voie de conséquence, en raison de leur indivisibilité, la cassation du chef de dispositif ayant infirmé le jugement en ce qu'il avait constaté l'extinction de la dette des exposants envers l'ACFF, par application de l'article 624 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame Y... et la SCI VILLENEUVE de leur demande tendant à la condamnation de Maître X... à leur verser la somme de 147.826,57 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU'en premier lieu, concernant la faute alléguée, si Maître X... a commis une faute en n'informant pas les parties à l'acte du 29/12/1989 de la pré-existence de l'inscription hypothécaire de 1er rang grevant l'immeuble acquis par la SCI VILLENEUVE au profit de la banque LA HENIN, en revanche, Maître X... n'a disposé d'aucun pouvoir de nature à lui permettre de « faire le nécessaire pour faire lever » cette inscription ; qu'aucune faute ne lui est donc imputable à ce titre ; qu'en revanche, la SCI VILLENEUVE, débitrice saisie dans le cadre de la saisie immobilière de l'immeuble de Rochefort diligentée par la société ACFF, avait la faculté, dans la procédure d'ordre subséquente, de contester l'inscription hypothécaire de 1er rang de la société WHITE GESTION venant aux droits de la banque LA HENIN ; qu'à supposer, pour les seuls besoins du raisonnement, que cette contestation fût fondée, et que la SCI VILLENEUVE fût en droit d'obtenir la collocation de sa créancière SOCRELOG (ou ACFF) en rang utile, cette opportunité a été perdue par la faute de la SCI VILLENEUVE dont l'appel du jugement sur contredit du procès-verbal de règlement provisoire a été jugé irrecevable comme tardif ; qu'en second lieu, la dette de la SCI VILLENEUVE envers la société ACFF, invoquée par la première et par les époux Y... à titre de préjudice, a pour causes directes l'octroi par la société ACFF d'un crédit disproportionné (qu'ont invoqué la SCI VILLENEUVE et les époux Y... au fondement de leur action en responsabilité engagée à l'encontre de la société SOCRELOG, dont ils se sont ensuite désistés à titre transactionnel), et/ou la défaillance de la SCI VILLENEUVE dans le remboursement de l'emprunt souscrit par elle ; que cette dette n'a pas pour cause directe les agissement de Maître X... ;

1) ALORS QUE la fonction de la responsabilité civile est de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que les époux Y... et la SCI VILLENEUVE faisaient valoir qu'en raison de la faute du notaire leur patrimoine immobilier avait été amputé sans contrepartie tandis qu'en absence de faute du notaire leur créancier aurait été colloqué en premier rang sur l'immeuble de Rochefort, puisqu'informé de sa position de créancier hypothécaire de second rang postérieurement à l'acte de prêt il n'aurait pas libéré les tranches subséquentes du prêt sans s'être assuré que le créancier hypothécaire le primant avait été désintéressé, et sa créance diminuée d'autant ; qu'en décidant que la dette des exposants n'avait pas pour cause directe les fautes commises par Maître X..., la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2) ALORS QUE la victime ne peut se voir imposer, à la suite de la situation dommageable occasionnée par la faute du notaire, l'exercice d'une voie de droit qui n'avait pas été initialement prévue ; qu'en affirmant, pour dénier l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par le notaire et le préjudice subi par les époux Y... et la SCI VILLENEUVE, que ceux-ci auraient dû contester l'inscription hypothécaire de la société WHITE GESTION dans le cadre de la procédure d'ordre, cependant que cette voie de droit n'était pas initialement prévue puisque l'inscription hypothécaire de l'ACFF aurait dû être inscrite en premier rang, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

3) ALORS QUE la fonction de la responsabilité civile est de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'à supposer même qu'une partie des dettes des époux Y... et de la SCI VILLENEUVE eût pu être la conséquence d'un endettement excessif imputable à la SOCRELOG, la diminution de leur patrimoine sans contrepartie était seulement la conséquence de la faute commise par Maître X... ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Auxiliaire du Crédit Foncier de France.

PREMIER MOYEN DU POURVOI INCIDENT

IL EST REPROCHE à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté tous chefs de demande formés par la société AUXILIAIRE du CREDIT FONCIER de FRANCE à l'encontre de Maître X... ;

AUX MOTIFS QUE « seul est juridiquement indemnisable le préjudice direct, actuel et certain ; que le préjudice invoqué par la société ACFF est constitue par la somme de 950.000 F correspondant au prêt immobilier qu'elle avait octroyé à la SCI VILLENEUVE en vertu de l'acte reçu par Maître X... le 29/12/1989, montant auquel elle a réduit sa créance pour solde de tout compte dans la transaction conclue les 3 avril et 15 mai 1998 avec la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., après paiement par ces derniers d'une somme de 1.300.000 F, compte dans la transaction conclue les 3 Avril et 15 Mai 1998 avec la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., après paiement par ces derniers d'une somme de 1.300.000 F, la société ACFF n'ayant perçu aucuns fonds dans le cadre de la procédure d'ordre consécutive à l'adjudication de l'immeuble de Rochefort (lot n° 4 du lotissement) ; que, ainsi que le fait valoir Maître X..., la société ACFF ne justifie pas du caractère définitif, et donc actuel et certain, de son préjudice, dès lors qu'elle ne justifie pas avoir mobilisé les autres garanties dont elle dispose envers les époux Y... pour recouvrer ladite créance 950.000 F, et donc qu'elle n'établit pas son impossibilité d'obtenir un apurement, au moins partiel, de sa créance ; qu'en vertu de l'acte du 29/12/1989, indépendamment de l'hypothèque inscrite sur le lot n°4 de Rochefort dont les effets sont épuisés par la procédure d'ordre consécutive à l'adjudication du bien, infructueuse pour la société ACFF, les époux Y... ont affecté hypothécairement leur maison d'habitation de la Rochelle, et Jean-François Y... s'est porté caution personnelle de la SCI VILLENEUVE ; qu'aucune disposition de l'acte du 29/12/1989 ne stipule la primauté ou la subsidiarité de l'une ou l'autre des trois garanties consenties ; que l'affirmation contraire de la société ACFF (page 14 in fine de ses dernières conclusions) constitue une dénaturation de l'acte du 29/12/1989, clair et non équivoque ; qu'il ne peut être davantage soutenu que l'hypothèque prise sur l'immeuble de Rochefort aurait eu vocation à désintéresser totalement le prêteur ACFF, et que, dès lors, les deux autres garanties auraient été subsidiaires, alors que l'efficience économique d'une hypothèque est conditionnée par les fluctuations et aléas du marché immobilier et qu'en l'occurrence, l'immeuble hypothéqué a été adjugé en 1997 pour un montant (950.000 F.) ne représentant que moins du tiers de la, créance garantie (2.950.000 F) ; que dès lors, la société ACFF a eu la faculté de mobiliser concurremment les trois garanties consenties par la SCI VILLENEUVE et les époux Y... ; qu'en premier lieu, concernant l'affectation hypothécaire de la maison de la Rochelle, il est établi que, si la société ACFF a engagé une procédure de saisie immobilière de ce bien, elle s'en est ensuite désistée, en exécution des dispositions du protocole transactionnel qu'elle a conclu les 3/04 et 15/05/1998 avec les époux Y... et la SCI VILLENEUVE ; que, à cet égard, Maître X... est fondé à opposer à la société ACFF le fait que, en renonçant à la mise en oeuvre de cette sûreté dans le cadre d'une concession transactionnelle, ladite société a concouru à la réalisation du préjudice qu'elle invoque, en se privant d'une voie de droit propre à lui permettre d'obtenir le paiement de la créance dont elle érige le non recouvrement en préjudice ; qu'en effet, d'une part, bien que Maître X... n'ait pas été partie à ladite transaction, l'effet relatif des contrats, qui interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ne les prive pas de la possibilité d'invoquer la renonciation à un droit contenue dans la transaction ; que d'autre part, la teneur du protocole des 3/04 et 15/05/1998 révèle que cette concession transactionnelle consentie par la société ACFF n'a aucunement été causée par la faute commise par Maître X... (absence de levée d'état hypothécaire en temps utile), mais a eu pour cause l'action en responsabilité professionnelle engagée à l'encontre de la société ACFF (précédemment SOCRELOG) ès qualités de dispensateur de crédit, par la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., leur propre concession transactionnelle ayant consisté à se désister de cette action en responsabilité ; qu'en second lieu, la société ACFF ne se prévaut, ni subsidiairement ne justifie, dans ses dernières conclusions, d'aucune diligence concernant la mise en oeuvre du cautionnement personnel consenti par Jean-François Y... en garantie du remboursement de l'emprunt souscrit par la SCI VILLENEUVE ; qu'enfin, il ne saurait être valablement soutenu par la société ACFF qu'elle n'aurait pu mobiliser les garanties précitées en raison de la clause suivante stipulée dans le protocole transactionnel du 3/04 et 15/05/1998 : "Les époux Y... s'engagent, pour le cas où la société ACFF ne pourrait percevoir la somme de 950.000 F, hors intérêts, dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du notaire à la désintéresser à hauteur de 950.000 F" ; que cette clause stipule l'exigibilité, à l'encontre des époux Y..., du solde de créance de la société ACFF de 950.000 F sous la double condition suspensive négative de non-recouvrement de sa créance dans le cadre de la procédure d'ordre, et de non-recouvrement d'indemnité dans le cadre de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Maître X... ; qu'en application de cette clause, l'exigibilité de la créance de la société ACFF envers les époux Y... demeure suspendue tant que la seconde condition suspensive négative n'est pas défaillie, et donc tant que l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Maître X... n'est pas définitivement jugée ; que toutefois, par la clause transactionnelle précitée, la société ACFF a consenti à substituer, à sa créance originelle purement et simplement exigible envers la SCI VILLENEUVE, une créance conditionnellement exigible envers les époux Y... ; qu'en renonçant ainsi à une partie de ses droits, elle a volontairement amoindri ses facultés de recouvrement de sa créance, et n'est dès lors pas fondée à s'en prévaloir à l'encontre de Maître X..., au titre d'une créance prétendument irrécouvrable, constitutive d'un préjudice actuel et certain ; que faute de justification, par la société ACFF, de l'existence d'un préjudice juridiquement indemnisable, son action indemnitaire formée à l'encontre de Maître X... doit être rejetée » ;

1°/ ALORS QUE la perte d'une garantie et donc d'une chance de recouvrer le montant total de sa créance constitue en elle-même un préjudice certain et réparable ; que la société ACFF avait établi que les autres garanties affectées en sûreté du remboursement de sa créance étaient insuffisantes a la remplir de ses droits et par la même l' existence, la certitude et l'actualité du préjudice qu'elle subissait du fait de la faute du notaire, si bien qu'en décidant que la société ACFF ne justifiait pas d' un préjudice indemnisable, la Cour d' appel a viole l'article 1382 du Code civil ;

2°/ ALORS QUE subsidiairement, la mise en jeu de la responsabilité notariale n'est pas subordonnée à la poursuite préalable contre d'autres débiteurs ; qu'en déduisant de l'absence de poursuite à l'encontre de Monsieur Y..., en qualité de caution, le caractère non indemnisable du préjudice de la société ACFF, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3°/ ALORS QUE le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer les clauses claires et précises d'une convention ; que la transaction conclue entre l'ACFF d'une part, la SCI VILLENEUVE, Monsieur et Madame Y... d'autre part, stipulait que « les époux Y... s'engagent, pour le cas où l'Auxiliaire du Crédit Foncier de France ne pourrait percevoir la somme de 950.000 frs hors intérêts dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du Notaire, à la désintéresser à hauteur de ces 950.000 frs» et qu'en contrepartie du désistement de l'action en responsabilité engagée par les époux Y... et la SCI VILLENEUVE à l'encontre de la société SOCRELOG, aux droits de laquelle vient l'ACFF, celle-ci « s'engage à renoncer définitivement à poursuivre les époux Y... en paiement du solde de sa créance, le règlement de la somme de 2.250.000 frs devant emporter solde de tout compte » ce dont il ne résultait pas que la créance de SOCRELOG à hauteur de cette somme, c'est à dire y compris les 950.000 F, était seulement conditionnelle, la SOCRELOG n'ayant renoncé à aucun droit à cet égard, mais que les modalités de paiement de celle-ci étaient aménagées, la Cour d'appel a dénaturé les termes de la transaction et a violé l'articles 1134 du Code civil ;

4°/ ALORS QUE la transaction se renferme sur son objet et, faite par l'un des intéressés, ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ; qu'en décidant que la concession consentie par la société ACFF aux époux Y... et à la SCI VILLENEUVE avait amoindri les droits de la société SOCRELOG et faisait ainsi obstacle à son action envers Maître X..., cependant que la transaction n'avait pour effet que de mettre fin au litige existant entre les époux Y... et la SCI VILLENEUVE d'une part et la société ACFF d'autre part et de prévoir les modalités de règlement de la créance de cette dernière dont le montant était arrêté à 2.250.000 frs, en ce y compris la somme qui n'avait pu être versée à la Société ACFF à raison de la faute de Maître X..., la Cour d'appel a violé les articles 2048 et 2051 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté tous chefs de demande formés par la société AUXILIAIRE du CREDIT FONCIER de FRANCE à l'encontre de Maître X... ;

AUX MOTIFS QUE « seul est juridiquement indemnisable le préjudice direct, actuel et certain ; que le préjudice invoqué par la société ACFF est constitue par la somme de 950.000 F correspondant au prêt immobilier qu'elle avait octroyé à la SCI VILLENEUVE en vertu de l'acte reçu par Maître X... le 29/12/1989, montant auquel elle a réduit sa créance pour solde de tout compte dans la transaction conclue les 3 avril et 15 mai 1998 avec la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., après paiement par ces derniers d'une somme de 1.300.000 F, compte dans la transaction conclue les 3 Avril et 15 Mai 1998 avec la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., après paiement par ces derniers d'une somme de 1.300.000 F, la société ACFF n'ayant perçu aucuns fonds dans le cadre de la procédure d'ordre consécutive à l'adjudication de l'immeuble de Rochefort (lot n° 4 du lotissement) ; que, ainsi que le fait valoir Maître X..., la société ACFF ne justifie pas du caractère définitif, et donc actuel et certain, de son préjudice, dès lors qu'elle ne justifie pas avoir mobilisé les autres garanties dont elle dispose envers les époux Y... pour recouvrer ladite créance 950.000 F, et donc qu'elle n'établit pas son impossibilité d'obtenir un apurement, au moins partiel, de sa créance ; qu'en vertu de l'acte du 29/12/1989, indépendamment de l'hypothèque inscrite sur le lot n°4 de Rochefort dont les effets sont épuisés par la procédure d'ordre consécutive à l'adjudication du bien, infructueuse pour la société ACFF, les époux Y... ont affecté hypothécairement leur maison d'habitation de la Rochelle, et Jean-François Y... s'est porté caution personnelle de la SCI VILLENEUVE ; qu'aucune disposition de l'acte du 29/12/1989 ne stipule la primauté ou la subsidiarité de l'une ou l'autre des trois garanties consenties ; que l'affirmation contraire de la société ACFF (page 14 in fine de ses dernières conclusions) constitue une dénaturation de l'acte du 29/12/1989, clair et non équivoque ; qu'il ne peut être davantage soutenu que l'hypothèque prise sur l'immeuble de Rochefort aurait eu vocation à désintéresser totalement le prêteur ACFF, et que, dès lors, les deux autres garanties auraient été subsidiaires, alors que l'efficience économique d'une hypothèque est conditionnée par les fluctuations et aléas du marché immobilier et qu'en l'occurrence, l'immeuble hypothéqué a été adjugé en 1997 pour un montant (950.000 F.) ne représentant que moins du tiers de la, créance garantie (2.950.000 F) ; que dès lors, la société ACFF a eu la faculté de mobiliser concurremment les trois garanties consenties par la SCI VILLENEUVE et les époux Y... ; qu'en premier lieu, concernant l'affectation hypothécaire de la maison de la Rochelle, il est établi que, si la société ACFF a engagé une procédure de saisie immobilière de ce bien, elle s'en est ensuite désistée, en exécution des dispositions du protocole transactionnel qu'elle a conclu les 3/04 et 15/05/1998 avec les époux Y... et la SCI VILLENEUVE ; que, à cet égard, Maître X... est fondé à opposer à la société ACFF le fait que, en renonçant à la mise en oeuvre de cette sûreté dans le cadre d'une concession transactionnelle, ladite société a concouru à la réalisation du préjudice qu'elle invoque, en se privant d'une voie de droit propre à lui permettre d'obtenir le paiement de la créance dont elle érige le non recouvrement en préjudice ; qu'en effet, d'une part, bien que Maître X... n'ait pas été partie à ladite transaction, l'effet relatif des contrats, qui interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ne les prive pas de la possibilité d'invoquer la renonciation à un droit contenue dans la transaction ; que d'autre part, la teneur du protocole des 3/04 et 15/05/1998 révèle que cette concession transactionnelle consentie par la société ACFF n'a aucunement été causée par la faute commise par Maître X... (absence de levée d'état hypothécaire en temps utile), mais a eu pour cause l'action en responsabilité professionnelle engagée à l'encontre de la société ACFF (précédemment SOCRELOG) ès qualités de dispensateur de crédit, par la SCI VILLENEUVE et les époux Y..., leur propre concession transactionnelle ayant consisté à se désister de cette action en responsabilité ; qu'en second lieu, la société ACFF ne se prévaut, ni subsidiairement ne justifie, dans ses dernières conclusions, d'aucune diligence concernant la mise en oeuvre du cautionnement personnel consenti par Jean-François Y... en garantie du remboursement de l'emprunt souscrit par la SCI VILLENEUVE ; qu'enfin, il ne saurait être valablement soutenu par la société ACFF qu'elle n'aurait pu mobiliser les garanties précitées en raison de la clause suivante stipulée dans le protocole transactionnel du 3/04 et 15/05/1998 : "Les époux Y... s'engagent, pour le cas où la société ACFF ne pourrait percevoir la somme de 950.000 F, hors intérêts, dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du notaire à la désintéresser à hauteur de 950.000 F" ; que cette clause stipule l'exigibilité, à l'encontre des époux Y..., du solde de créance de la société ACFF de 950.000 F sous la double condition suspensive négative de non-recouvrement de sa créance dans le cadre de la procédure d'ordre, et de non-recouvrement d'indemnité dans le cadre de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Maître X... ; qu'en application de cette clause, l'exigibilité de la créance de la société ACFF envers les époux Y... demeure suspendue tant que la seconde condition suspensive négative n'est pas défaillie, et donc tant que l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Maître X... n'est pas définitivement jugée ; que toutefois, par la clause transactionnelle précitée, la société ACFF a consenti à substituer, à sa créance originelle purement et simplement exigible envers la SCI VILLENEUVE, une créance conditionnellement exigible envers les époux Y... ; qu'en renonçant ainsi à une partie de ses droits, elle a volontairement amoindri ses facultés de recouvrement de sa créance, et n'est dès lors pas fondée à s'en prévaloir à l'encontre de Maître X..., au titre d'une créance prétendument irrécouvrable, constitutive d'un préjudice actuel et certain ; que faute de justification, par la société ACFF, de l'existence d'un préjudice juridiquement indemnisable, son action indemnitaire formée à l'encontre de Maître X... doit être rejetée » ;

1. ALORS QUE la transaction se renferme sur son objet et, faite par l'un des intéressés, ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ; que le créancier qui, bénéficiant de plusieurs sûretés, perd le bénéfice de l'une d'elles par la faute du notaire, peut exercer une action en responsabilité contre ce dernier en réparation du préjudice que la perte de cette sûreté lui a causée, dès lors qu'il établit l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de mettre en oeuvre utilement les autres sûretés initialement prévues, cette impossibilité pouvant se déduire de la conclusion, en dehors de toute fraude, d'une transaction avec l'un des garants ; qu'en l'espèce, la Cour d'Appel a constaté que les époux Y... avaient consenti sur leur immeuble d'habitation de la ROCHELLE une hypothèque qui ne pouvait plus être utilement mis en oeuvre, du fait du désistement intervenu à la suite de la transaction conclue avec les Consorts Y... et la SCI VILLENEUVE ;
qu'en renonçant à cette sûreté, la Société ACFF avait elle-même contribué à la réalisation de son propre dommage, ce qui lui interdisait, du chef du préjudice en résultant, de rechercher la responsabilité du notaire quand bien même celui-ci aurait-il commis une faute à l'origine de la perte de la sûreté représentée par l'hypothèque constituée sur l'immeuble de ROCHEFORT, la Cour d'Appel s'est déterminée par un motif impropre à exonérer Maître X... de la responsabilité qu'il encourait, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil ;

2. ALORS QUE le protocole transactionnel stipulait : « Les époux Y... s'engagent, pour le cas où la société ACFF ne pourrait percevoir la somme de 950.000 F, hors intérêts, dans le cadre de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du notaire à la désintéresser à hauteur de 950.000 F" ; que cette clause stipule l'exigibilité, à l'encontre des époux Y..., du solde de créance de la société ACFF de 950.000 F sous la double condition suspensive négative de non-recouvrement de sa créance dans le cadre de la procédure d'ordre, et de non-recouvrement d'indemnité dans le cadre de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Maître X... » ; que la Cour d'Appel, qui déduit de cette clause l'impossibilité, en l'état de se prononcer sur l'action en responsabilité engagée contre le notaire, action dont l'examen aurait supposé, selon la clause précitée, que la non recouvrabilité de la créance de dommages et intérêts contre le notaire fût acquise, la Cour d'Appel, qui a vidé de son sens et de son objet le protocole litigieux, l'a dénature, en violation de l'article 1134 du Code Civil ;

3. ALORS QU'en déduisant de cette clause que la Société ACFF avait substitué à une créance certaine contre les époux Y... une créance purement conditionnelle, quand cette condition tenait précisément à l'examen préalable de l'action en responsabilité de l'ACFF contre Maître X..., action dont la Cour était présentement saisie et qu'il lui appartenait de trancher, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code Civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-13780
Date de la décision : 26/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 17 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 mai. 2011, pourvoi n°10-13780


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.13780
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