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24/05/2011 | FRANCE | N°10-83107

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mai 2011, 10-83107


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Christian A..., partie civile,

contre l'arrêt n° 1182 de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2009, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. Gérard X..., Mme Nathalie Y... et M. Jean-Marc Z... du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, pour le premier, et de complicité de ce délit, pour les deux derniers ;

Vu les mémoires en demande et en défense produits ; <

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Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Christian A..., partie civile,

contre l'arrêt n° 1182 de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2009, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. Gérard X..., Mme Nathalie Y... et M. Jean-Marc Z... du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, pour le premier, et de complicité de ce délit, pour les deux derniers ;

Vu les mémoires en demande et en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé M. X... du chef de diffamation et M. Z... et Mme Y... du chef de complicité de diffamation et a en conséquence rejeté les demandes formées contre eux par M. A... ;

" aux motifs propres que « a) Sur la culpabilité ; que Mme Y... est prévenue de s'être à Epinal (88) et dans le département des Vosges en tout cas sur le territoire national, au cours du mois de septembre 2007 et depuis temps non prescrit, rendue complice du délit de diffamation envers une personne publique par parole, écrit, image ou moyen audiovisuel, reproché à M. X..., en l'espèce en fournissant des informations au journal « La liberté de l'Est » ayant permis la publication d'un article daté du 21 septembre 2007 intitulé « Nathalie Y... au coeur du dossier comportant des allégations ou imputations d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération de M. A..., président du Sénat, sénateur des Vosges et président du conseil général des Vosges, en l'espèce : " Quel est le rapport entre Modulex et l'affaire Y... ? Le Canada, me direz-vous. Bien vu, mais la réponse est incomplète. Le deuxième lien s'appelle Christian A.... Le second personnage de l'Etat a joué un rôle déterminant dans la libération de Nathalie Y.... Il ne s'en est d'ailleurs jamais caché, bien au contraire. (…). Ce qu'on sait moins, en revanche, c'est que le dossier Modulex a servi de monnaie d'échange. Cette réalité apparaît dans une « bourde » révélée par le journal GALA. (…) Sauf que dans ce flot d'intimités, il y a une déclaration pour le moins surprenante. A la question : « Comment finalement avez-vous réussi à sortir du Canada ? », Nathalie Y... répond : « Par un troc. Christian A..., Président du Sénat et sénateur des Vosges m'a échangée contre des terrains. Les usines Moulinex (sic) venaient de fermer. Il y avait 500 emplois à sauver. Une entreprise de chalets canadienne devait s'installer. A... a simplement dit aux autorités de ce pays : Je vous donne les terrains et Nathalie Y... est rapatriée en France ». Renversant. (…) Il m'apparaît clairement que Nathalie Y... n'a pas pu inventer les détails aussi précis, d'autant que le propos n'a jamais été démenti, ni par elle-même, ni par Christian A.... (…) Ce deal entre A..., le gouvernement canadien et sans doute SEB, explique ensuite beaucoup de choses. (…) Cette imbrication des deux affaires peut alors expliquer pourquoi Christian A... a fait des pieds et des mains pour obtenir une signature rapide, le 8 décembre. Alors même, que le dossier n'était pas ficelé. On comprend mieux aussi pourquoi le dossier Modulex, bien qu'économiquement délirant, est toujours en discussion. Tout simplement parce que le Président du Conseil Général des Vosges a une dette envers les Canadiens. Et qu'à six mois des élections cantonales, lui qui est renouvelable à Remiremont, ne peut se permettre de se lancer dans la mêlée en traînant un tel boulet " ;
Infraction prévue et réprimée par les articles 121-7 et 121-6 du Code pénal et Art. 32 al. 1 par 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 30, 31 al. 1 et 42 de la loi du 29/ 07/ 1881. Art. 93-3 LOI 82-652 du 29/ 07/ 1982 et réprimée par Art. 32 al. 1 LOI du 29/ 07/ 1881 ; que M. Z... est prévenu de s'être à Epinal (88) et dans le département des Vosges en tout cas sur le territoire national, le 21 septembre 2007 et depuis temps non prescrit, étant journaliste à la Liberté de l'Est et auteur d'un article intitulé : « Nathalie Y... au coeur du dossier » le 21 septembre 2007 dans le journal La liberté de l'Est, Edition des Vosges, rendu complice d'avoir porté des allégations ou imputations d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération de Christian A..., président du Sénat, sénateur des Vosges et président du conseil général des Vosges, telles que précitées ; que M. X... est prévenu de s'être à Epinal (88) et dans le département des Vosges en tout cas sur le territoire national, le 21 septembre 2007 et depuis temps non prescrit, en sa qualité de directeur de la publication du journal La liberté de l'Est, à l'occasion d'un article intitulé : « Nathalie Y... au coeur du dossier » le 21 septembre 2007 dans le journal La liberté de l'Est, Edition des Vosges, rendu complice d'avoir porté des allégations ou imputations d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération de Christian A..., président du Sénat, sénateur des Vosges et président du conseil général des Vosges, telles que précitées ; que de l'information et du dossier résultent les faits suivants : qu'à la suite de la parution, le 21 septembre 2007, par le quotidien « La Liberté de l'est » de l'article intitulé : « Nathalie Y... au coeur du dossier », contenant les passages incriminés, ci-dessus mentionnés, M. A..., Président du Sénat, sénateur des Vosges et président du conseil général des Vosges a, le 5 octobre 2007, déposé une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction d'Epinal, par l'intermédiaire de ses conseils, du chef de diffamation à l'encontre du quotidien La liberté de l'Est ; que mis en examen le 25 mars 2008, M. X... n'a pas contesté qu'il était directeur de la publication de l'article litigieux ; que, mis en examen à la même date, M. Z... a confirmé être l'auteur de l'article ; que mise en examen en qualité de complice de l'infraction le 23 juin 2008, Mme Y... a déclaré qu'elle n'avait pas tenu les propos litigieux au journaliste ; qu'elle a indiqué qu'elle avait eu au téléphone plusieurs journalistes, et qu'elle ne pouvait pas se rappeler chaque interview, mais qu'elle savait qu'elle n'avait jamais dit ça, car cela ne correspond pas à la réalité ; qu'il n'avait jamais été question de troc ou d'échange ; que Mme Y... est restée sur sa position à l'audience de la Cour ; que M. A... a déposé devant la Cour des conclusions reprenant en substance celles dont il avait saisi le tribunal, dans lesquelles il explique qu'il lui est clairement imputé d'avoir, en sa qualité de Président du Sénat et de sénateur des Vosges, opéré un « troc » entre la libération d'une femme incarcérée et de son enfant et l'attribution de terrains vosgiens à l'entreprise canadienne Modulex ; qu'en outre, il est affirmé que ces négociations auraient été menées par M. A... alors que le projet n'était pas économiquement viable en ce qui concerne Modulex et qu'il aurait agi à des fins électoralistes, puisqu'il est fait clairement référence à des prochaines élections cantonales à Remiremont ; que M. A... considère que cette imputation de faits précis est la cause d'une atteinte indélébile à son honneur et à sa considération, puisqu'il est explicitement présenté comme ayant procédé à une forme d'échange entre le destin d'une femme incarcérée et de son enfant et les terrains de l'entreprise SEB dans les Vosges, et ce à des fins de prétendue carrière électoraliste personnelle ; qu'il observe que les trois prévenus ont renoncé à rapporter, dans les délais requis, la preuve de la vérité des imputations diffamatoires poursuivies, et qu'ils ont préféré tenter de se réfugier derrière l'excuse de bonne foi ; qu'il fait valoir que toutefois, les critères jurisprudentiels de la bonne foi ne sont pas réunis en l'espèce, de sorte que les prévenus ne peuvent s'en prévaloir et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation à leur égard ; que la cour retient que les propos litigieux, que Mme Y... conteste catégoriquement avoir tenus, ont trait aux conditions de l'intervention de M. A... dans sa libération, et se proposent d'expliquer le rôle tenu par M. A... à cette occasion ; que le « troc » auquel M. A... est accusé de s'être livré exprime en termes familiers que M. A..., dans la négociation relative à la libération de Mme Y..., aurait mis dans la balance des arguments économiques propres à déterminer les autorités canadiennes à libérer Mme Y... ; que le fait qui lui est ainsi imputé ne constitue pas toutefois une manoeuvre inavouable, et en tout cas un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération, mais relève au lecture l'opiniâtreté et le souci de M. A..., tout à son avantage, dont il a fait montre en vue de mettre un terme à l'incarcération de Mme Y..., dont s'était émue l'opinion publique ; que, dans le dernier paragraphe du texte critiqué, le journaliste se borne à donner un avis sur les raisons qui ont pu conduire M. A... à précipiter le cours des événements ; que critiquant au passage le dossier Modulex, qu'il qualifie de délirant, il émet l'hypothèse selon laquelle la perspective des élections cantonales proches aurait constitué l'une de ses motivations de M. A... ; que ce propos toutefois, ne porte pas davantage atteinte à l'honneur et à la considération de M. A..., mais reste cantonné dans les limites de la liberté d'expression, dans la mesure où il concerne M. A... en sa qualité d'homme politique et où il s'inscrit, à l'évidence, dans le cadre d'une polémique d'ordre politique dont la cour constate qu'elle n'excède pas les lois du genre ; que c'est dans ces conditions à bon droit que le jugement déféré est entré en voie de relaxe à l'égard des prévenus » ;

" et aux motifs éventuellement adoptés que, sur les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenus : que l'élément matériels de la diffamation n'est pas caractérisé ; qu'en effet, l'échec du contrat Modulex qui était un événement important pour la situation de l'emploi local a tout naturellement suscité une enquête de la part des journalistes ; que les conclusions prises sont exprimées dans des termes d'un niveau d'écriture compréhensible quelque peu familier comme « se lancer dans la mêlée en traînant un tel boulet » ; que cependant, il s'agit de termes mesurés qui parlent d'un homme politique qui, du fait de sa longévité, est nécessairement rompu à la critique inhérente à toutes fonctions politiques élevées ; que ces propos relèvent de la simple liberté d'expression et ne portent pas atteinte à l'honneur et à la considération de M. A... dont les qualités sont connues au niveau national et international et dont les mandats sont reconduits à chaque élection du suffrage universel local ; qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer la relaxe des prévenus ; que, sur les éléments constitutifs de la complicité : que faute d'infraction pénale principale, Mme Y... poursuivie en qualité de complice est relaxée » ;

" 1°) alors que, constitue une diffamation toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée ; que porte atteinte à l'honneur ou à la considération l'imputation au président du Sénat, par ailleurs sénateur et président du conseil général des Vosges, d'être intervenu pour obtenir la libération d'un ressortissant français détenu à l'étranger en échange d'un avantage économique consenti à une société ressortissante de cet Etat dans l'exercice de ses fonctions publiques et ce, à des fins électorales ; qu'au cas d'espèce, en considérant au contraire que l'imputation faite à M. A... d'être intervenu dans la libération de Mme Y..., alors détenue au Canada, en obtenant ce résultat par l'attribution à une société canadienne de terrains situés dans sa circonscription et ce, à des fins électorales, ne portait pas atteinte à son honneur ou à sa considération, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que les allégations ou imputations diffamatoires doivent s'apprécier non d'après le mobile les ayant inspirées mais selon la nature du fait sur lequel elles portent ; qu'en outre, pour déterminer si l'allégation ou l'imputation d'un fait porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne, les juges du fond n'ont pas à rechercher quelles peuvent être les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci concernant la notion de l'honneur ou de la considération, pas plus qu'à tenir compte de l'opinion que le public a de cette personne ; qu'au cas d'espèce, en ce que les juges du fond se sont fondés sur la circonstance que M. A... serait à son avantage dans l'article litigieux qui montrerait son opiniâtreté et son souci de mettre un terme à l'incarcération de Mme Y..., laquelle avait provoqué de l'émotion au sein de l'opinion publique, ou bien encore sur la circonstance que M. A... présenterait des qualités connues au niveau national et international, et que ses mandats seraient reconduits à chaque élection, quand ces éléments étaient parfaitement indifférents à l'appréciation du caractère diffamatoire des propos litigieux, les juges du fond ont à cet égard encore violé les textes susvisés ;

" 3°) alors que, si la circonstance que les propos dénoncés comme diffamatoires ont été tenus dans un contexte de polémique politique peut être de nature à abaisser les exigences de la bonne foi en déliant le journaliste de son devoir de prudence dans l'expression, et si la protection de la réputation d'un homme politique doit être conciliée avec la libre discussion de son aptitude à exercer des fonctions électives, ainsi qu'avec la nécessité d'éclairer les électeurs sur son activité publique, au cas d'espèce, l'article litigieux ne s'inscrivait pas dans le contexte d'une polémique politique dès lors qu'il avait été publié six mois avant les élections cantonales concernées et sans que les juges du fond aient relevé un quelque élément qui montrait que les faits imputés à M. A... avaient fait l'objet d'un débat ou d'une discussion dans le cadre du débat politique ; qu'en estimant néanmoins que les propos litigieux restaient cantonnés dans les limites de la liberté d'expression dans la mesure où ils s'inscrivaient dans le cadre d'une polémique d'ordre politique n'excédant pas les lois du genre, les juges du fond ont à cet égard encore violé les textes susvisés ;

" 4°) alors que, et subsidiairement, les exigences de la bonne foi, en matière de diffamation, ne sont atténuées, s'agissant des propos s'inscrivant dans une polémique politique, que pour autant que ceux-ci portent sur les opinions et les doctrines relatives au rôle et au fonctionnement des institutions fondamentales de l'Etat ; que tel n'était pas le cas en l'espèce dès lors que les faits imputés à M. A... consistaient à avoir « marchandé » la libération d'une ressortissante française détenue à l'étranger en échange de l'attribution d'un avantage à une société de cet Etat étranger, et ne concernaient donc ni le rôle ni le fonctionnement des institutions fondamentales de l'Etat ; qu'à cet égard encore, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

" 5°) et alors que, si la circonstance qu'un propos diffamatoire s'inscrive dans le cadre d'une polémique politique peut dispenser, à certaines conditions, le journaliste de son devoir de prudence dans l'expression, il ne le dispense pas pour autant des autres exigences pour que la bonne foi soit reconnue dont la poursuite d'un but légitime, l'absence d'animosité personnelle et la nécessité d'une enquête préalable sérieuse, tous éléments dont le prévenu assume en outre la charge de la preuve ; qu'au cas d'espèce, en toute hypothèse, faute d'avoir relevé que les prévenus rapportaient la preuve de ce qu'ils avaient respecté les autres conditions nécessaires à l'existence de la bonne foi, les juges du fond ont en tout état de cause privé de base légale leur décision au regard des textes susvisés " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a exactement apprécié le sens et la portée des propos litigieux et a, à bon droit, estimé qu'ils ne constituaient pas le délit de diffamation ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Divialle conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-83107
Date de la décision : 24/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 15 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mai. 2011, pourvoi n°10-83107


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.83107
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