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18/05/2011 | FRANCE | N°10-81671

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mai 2011, 10-81671


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Jacques X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 2 février 2010, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie et abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 460, 513 et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce qu

e l'arrêt qui constate que M. X... était présent à l'audience de la cour d'appel ne l'a pas entendu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Jacques X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 2 février 2010, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie et abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 460, 513 et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt qui constate que M. X... était présent à l'audience de la cour d'appel ne l'a pas entendu ;

"alors qu'en application de l'article 513, alinéa 3, du code de procédure pénale, après que l'appelant ou son représentant a sommairement indiqué les motifs de son appel, les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460 ; que si l'arrêt attaqué permet de constater que le conseil de l'appelant a été entendu, il n'est pas indiqué que ce dernier, condamné à réparer le préjudice subi par les parties civiles, ait lui-même été entendu sur les faits alors que la cour constate qu'il était présent aux débats ; que, faute d'avoir entendu l'appelant présent, la cour d'appel a méconnu les articles susénoncés" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les dispositions susvisées ont été respectées, dès lors que l'action publique était éteinte par la chose jugée ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de déclarer l'action civile de certaines parties civiles irrecevables du fait qu'une action en indemnisation de leur préjudice avait déjà été engagée devant le juge civil ;

"aux motifs que si les parties civiles suivantes (…) ont engagé une action au civile, les actions ainsi invoquées par M. X... sont dirigées contre la société Alco et divers organismes et non contre M. X... ; que de telles actions sont différentes de celles dont est actuellement saisie la chambre correctionnelle de la cour d'appel qui est dirigée contre M. X... ;

"alors qu'étant le commercial à l'origine des ventes litigieuses, condamné en qualité de coauteur des pratiques, l'appelant devait être considéré comme le représentant de la société Alco et à ce titre se voir assimilé à ladite société ; que dans ces conditions, la condition d'identité de parties permettant de déterminer dans quelles cas l'action civile exercée devant les juridictions civiles exclut la possibilité de saisir le juge répressif comme le prévoit l'article 5 du code de procédure pénale, était remplie ; que faute de l'avoir admis, la cour d'appel a méconnu l'article précité" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif, a refusé de faire droit à la demande de limitation de la responsabilité de M. X... fondée sur la faute des victimes qui connaissaient nécessairement la situation des véhicules ;

"aux motifs qu'il ne peut être retenu, contrairement à ce que soutient M. X..., que les parties civiles ont participé en toute connaissance à la réalisation de leur préjudice ; que le fait qu'elles aient espéré faire une bonne affaire en achetant d'occasion des véhicules de location à des prix intéressants est constant mais ne suffit pas à caractériser leur mauvaise foi dès lors qu'il est légitime pour tout consommateur, et même professionnel, de rechercher le meilleur prix ; que ce prix pouvait, en l'espèce, s'expliquer par le fait qu'il s'agissait de véhicules de location, subissant de ce seul fait une décote rapide et importante, au regard des craintes entretenues sur leur état mécanique s'agissant de véhicules conduits par de multiples locataires successifs ; que les documents remis ne suffisaient pas à alerter les acheteurs sur les infractions commises dès lors qu'il leur était expliqué par M. X... que la carte grise, au nom de la société de financement n'était que provisoire, en attente des papiers définitifs, et qu'il leur était remis dans cette attente un contrat de location et un courrier en cas d'accident ou de vol ; qu'il ne peut être reproché à la société Vendôme Lease d'avoir eu connaissance des agissements délictueux commis par M. X... alors que celle-ci n'a pas été avertie de la vente des véhicules lui appartenant que dans le deuxième semestre 2002 après qu'elle ait vainement mis en demeure la société Aleo de lui restituer les véhicules – et ce d'autant plus que les loyers lui étaient normalement payés par la société Aleo ; que la société Vendôme Lease n'avait d'ailleurs aucun intérêt à tolérer les détournements de véhicules alors qu'elle bénéficiait d'un engagement de rachat du constructeur au concessionnaire ; que le bilan 2000 remis par la société Aleo en 2001 ne pouvait leur permettre de déceler les détournements intervenus fin 2001 ; que la société Aleo ne justifie aucunement de l'envoi par la société Vendome Lease, chaque mois, d'un état, mentionnant la vente de véhicules objet du présent litige ; qu'aucune faute en relation avec la réalisation de son préjudice n'est caractérisée à l'encontre de Vendôme Lease ; qu'en ce qui concerne la société FCE bank, il apparaît de même qu'aucune négligence, aucune faute en relation avec les détournements commis par M. X..., n'est caractérisée alors que les véhicules livrés à la société Aleo et appartenant à la société FCE bank PLC étaient destinés à la location courte durée et ne pouvaient être cédés ; qu'aucun élément du dossier ne vient corroborer la connaissance par la société FCE bank des ventes réalisées avant le terme de la location ; qu'en ce qui concerne les professionnels de l'immobilier, il ne peut être valablement soutenu par M. X... que ceux-ci ne pouvaient ignorer le système mis en place ; qu'en effet, la remise de la carte grise au nom de l'organisme financier était présentée comme une mesure temporaire, avec assurance de régularisation et que la faiblesse relative du prix pouvait s'expliquer comme relevé ci-avant par le fait qu'il s'agissait de véhicules de location ; que le fait que certains particuliers avaient pu être démarchés par des convoyeurs de la société Aleo n'a pas d'incidence sur la responsabilité de M. X... qui a organisé le système frauduleux, avec M. Z... ; que de même, il n'est aucunement établi que certaines parties civiles aient été de la famille de M. X... et aient de ce simple fait, eu connaissance des détournements lors de l'achat ; que le paiement en espèce d'une partie du prix de commissions par les acheteurs n'implique pas leur connaissance des détournements opérés ; que la mauvaise foi des acquéreurs non professionnels n'est nullement établie ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. X... visant à voir dire que dans les rapports entre eux, M. Z... supportera 80% des condamnations civiles ; qu'il n'est en effet pas établi que la responsabilité de M. X... dans les faits délictueux commis soit plus faible que celle de M. Z... ;

"1°) alors que la personne qui ne peut ignorer l'origine délictuelle d'un bien qu'elle acquiert ne peut prétendre être indemnisée pour le préjudice causé par l'infraction ayant permis de lui transmettre ce bien ; que, dès lors, la société Alco établissait des contrats de location concernant les véhicules en même temps qu'elle les cédaient, ce qui ne se serait pas imposé si elle avait été propriétaire de ces biens au moment de la vente, les acheteurs ne pouvaient prétendre ignorer que leur étaient vendus des véhicules qui n'appartenaient pas à ladite société : qu'ils les acquéraient nécessairement à leur risque et périls ; que, de plus, dès lors qu'ils se voyaient présenter une carte grise au nom d'une autre personne que le vendeur qu'était la société Alco, comme le constate la cour d'appel, les acheteurs ne pouvaient prétendre ignorer que le véritable propriétaire n'était pas informé de ces ventes, auquel cas, ils auraient directement passé le contrat avec celui-ci ; qu'en refusant de tirer les conséquences de ses propres constatations, d'où il se déduisait que les acheteurs, et en particulier les professionnels, ne pouvaient ignorer qu'ils acquéraient des véhicules n'appartenant pas à la société Alco, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors que, s'agissant des acquéreurs, professionnels de la vente de véhicule, ils ne pouvaient ignorer les règles s'appliquant en matière de transfert de la carte grise concernant les intermédiaires dans la vente de véhicules d'occasion prévues par l'article R. 322-4 du code de la route, qui n'avaient pas été respectées en l'espèce, ce qui établissait d'autant plus la connaissance par ces professionnels du fait que la société Alco n'était pas propriétaire des véhicules et qu'il n'existait aucune certitude qu'elle puisse leur vendre ces véhicules, sans l'accord du propriétaire ; qu'ainsi, en refusant de considérer que ces professionnels avaient concouru à leur propre préjudice, la cour d'appel a méconnu les articles 1382 du code civil et 2 du code de procédure pénale ;

"3°) alors que, dès lors qu'il résulte des conclusions de certains des professionnels de l'automobile, et en particulier la société Garage de la libération, qu'ils ont eux-mêmes été condamnés à verser des dommages-intérêts à leurs clients auxquels ils avaient vendus des véhicules acquis auprès la société Alco, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaitre l'autorité de ces décisions qu'elle prenait en compte pour l'indemnisation de ces professionnels, considérer qu'ils n'avaient commis aucune faute ayant concouru à leur propre préjudice ;

"4°) alors que, s'agissant de la connaissance des pratiques en cause par l'un des établissement de financement, propriétaires des véhicules, la société FCE bank, la cour d'appel considère que rien n'établit qu'elle savait que ses véhicules étaient revendus par la société Alco ; que, dès lors qu'elle constatait également que ses véhicules étaient destinés à la location de courte durée par la société Alco et alors que la prévention concerne une période de plus de trois ans, la cour d'appel aurait dû rechercher pourquoi cet établissement ne s'était pas étonné de ne pas récupérer ses véhicules après ces courtes périodes et s'il n'avait pas trouvé son intérêt dans le maintien de la location ; que faute de l'avoir fait, elle n'a pu exclure la connaissance des pratiques délictuelles en cause par le propriétaire des véhicules et ainsi la responsabilité de ce dernier dans son dommage ;

"5°) alors que, en considérant que la société Vendôme Lease n'avait aucun intérêt dans l'opération de vente de ses véhicules dès lors qu'elle était garantie du rachat de ces véhicules par les concessionnaires ou constructeurs qui les lui avaient vendues, la cour d'appel, qui constate que cet établissement trouvait aussi son avantage dans la location du véhicule et qui ne s'est pas expliquée sur son intérêt à voir ainsi maintenir artificiellement la location, a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., travaillant pour la société Alco, a été déclaré coupable d'abus de confiance et d'escroquerie pour avoir vendu des véhicules détenus, aux fins de mise en location, par cette société qui n'en avait pas la propriété ;

Attendu que, pour admettre la recevabilité des demandes des parties civiles qui avaient déjà engagé une action devant une juridiction civile et refuser de retenir que les acquéreurs des véhicules avaient participé en connaissance de cause à la réalisation de leur préjudice, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en statuant ainsi, les juges n'ont pas méconnu les textes susvisés dès lors que, d'une part, l'article 5 du code de procédure pénale ne trouve à s'appliquer qu'en cas d'identité d'objet, de cause et de parties entre les actions, d'autre part, aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison d'une imprudence de la victime, le montant des réparations civiles dues à celle-ci par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la condamnation de M. X... à verser à la société Garage Rolfo, la somme de 33 222,04 euros en réparation de son préjudice matériel ;

"alors que le préjudice doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'il résulte des écritures déposées pour la société Garage Rolfo qu'une l'indemnisation accordée correspond au prix payé à la société Alco pour l'achat d'un véhicule 16 312,04 euros et 140 euros de frais de port et à la somme payée au véritable propriétaire la société Deluc pour l'acquisition dudit véhicule, correspondant à la somme de 16 770,00 euros ; qu'ainsi, le véhicule en question a finalement été acquis par la société Rolfo à titre gratuit, ce qui a nécessairement créé un bénéfice au profit de cette société en méconnaissance du principe rappelé" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la condamnation de M. X... à verser à la société Garage de la libération une somme de 324 433,98 euros au titre du préjudice matériel subi ;

"alors que, devant le juge répressif, la partie civile a droit à réparation du seul préjudice personnel résultant directement de l'infraction poursuivie ; qu'il résulte des conclusions déposées devant la cour d'appel que la société Garage de la libération a obtenu dans le cadre de son indemnisation le remboursement des dommages et intérêts qui avaient été mis à sa charge dans les procédures civiles engagées par des clients auxquels elle avait vendu des véhicules ; que de tels dommages-intérêts ne pouvaient découler que de sa propre faute et n'étaient donc pas la conséquence directe des escroqueries dont la société Garage de la libération prétendait être victime ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait condamner l'appelant à réparer un tel préjudice qui ne résultait pas directement des escroqueries commises, sans méconnaitre l'article 2 du code de procédure pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, faute d'avoir été proposés devant les juges du fond, les moyens, mélangés de fait, sont nouveaux et, comme tels, irrecevables ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que M. Jacques X... devra payer, d'une part, à M. A..., d'autre part, à la société Vendôme Lease au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Bloch conseiller rapporteur, Mme Desgrange conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-81671
Date de la décision : 18/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mai. 2011, pourvoi n°10-81671


Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.81671
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