LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2411-7 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Guy X..., engagé le 1er août 1990 par la société Bagelec, a refusé le 13 mars 2006 de recevoir en main propre une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement ; que par lettre reçue le 14 mars 2006, le syndicat CFDT a demandé à l'employeur d'organiser les élections des délégués du personnel et a annoncé la candidature de Guy X... ; que le même jour, l'employeur lui a adressé, en recommandé, une lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement ; que l'intéressé a été licencié le 6 avril 2006 sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail ; qu'invoquant la violation par l'employeur de son statut protecteur, il a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes indemnitaires ; que Guy X... étant décédé en cours de procédure, l'instance a été reprise par ses ayants-droits ;
Attendu que l'arrêt retient que l'employeur ayant eu connaissance de la candidature imminente de Guy X... le 14 mars 2006 et le salarié ayant été convoqué le même jour à l'entretien préalable, il bénéficiait de la protection prévue à l'article L. 2411-7 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable le 13 mars 2006, par lettre remise en main propre qu'il avait refusé de recevoir, ce dont il se déduisait que la procédure de licenciement ayant été engagée antérieurement à l'annonce par le syndicat CFDT de sa candidature imminente aux fonctions de délégué du personnel, l'intéressé ne pouvait se prévaloir du bénéfice du statut protecteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bagelec à payer à la succession de Guy X... la somme de 17 218 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 8 953, 14 euros au titre de l'indemnité pour licenciement illicite, l'arrêt rendu le 22 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Bagelec Réunion.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Bagelec Réunion à payer à la succession de Monsieur X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour licenciement illicite, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, ainsi qu'un rappel de salaires pour mise à pied injustifiée, et d'avoir ordonné la remise sous astreinte d'un certificat de travail modifié ;
AUX MOTIFS QU'il est produit au débat une lettre du syndicat CFDT-BTP en date du 13 mars 2006, adressée au gérant de la société Bagelec, lui demandant d'organiser les élections professionnelles des délégués du personnel dans son entreprise et l'informant de la candidature imminente de Guy X... ; que l'employeur ne saurait soutenir de bonne foi qu'il ne s'estimait pas concerné par la lettre du 13 mars, précitée, adressée à la société Bagelec, et non à la société Bagelec Réunion, alors que l'adresse était conforme et qu'elle mentionnait un salarié qu'il connaissait comme appartenant à son personnel ; que par ailleurs, la protection offerte au candidat à une élection professionnelle est applicable dès que l'employeur a reçu la lettre désignant le salarié et s'applique même avant la réception de la lettre de désignation, si ce salarié peut faire la preuve que l'employeur a eu antérieurement connaissance de l'imminence de sa désignation ; que de fait, dès la réception de cette lettre, soit le 14 mars 2006, l'employeur avait connaissance de la candidature imminente de Guy X... à une fonction représentative du personnel et ce dernier bénéficiait de la protection offerte au candidat à une élection professionnelle ; qu'en conséquence, la lettre de convocation à l'entretien préalable ayant été postée par l'employeur le 14 mars 2006, soit le jour même de la réception du courrier portant à sa connaissance la candidature imminente de Guy X... à une fonction représentative du personnel, ne saurait être opposée à ce salarié qui pouvait régulièrement invoquer la protection de l'article L. 2411-7 du Code du travail ; que par ailleurs, il ne saurait être déduit de fraude du refus dudit salarié de recevoir en mains propres une lettre de convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement sauf à rapporter également la participation du syndicat CFDT à ladite fraude, qui aurait imaginé de faire état de l'imminence de candidature de ce salarié dans le seul but de le placer dans le cadre d'une protection légale ; que cette preuve n'étant pas rapportée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement de Guy X... était illicite ; que le salarié protégé, qui ne demande pas la poursuite de son contrat, a le droit d'obtenir au titre de la méconnaissance de son statut protecteur le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection ; que cette indemnité est au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail ; qu'il apparaît que le jugement entrepris a confondu la condamnation pénale pour violation du statut protecteur du salarié punissable d'une amende de 3. 750 € et les dommages intérêts dus au salarié en réparation de la violation de son statut protecteur ; que conformément au texte précité, les dommages intérêts octroyés en réparation de la violation de son statut protecteur ne sauraient être inférieurs aux six derniers mois de salaires ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confondu la condamnation pénale pour violation du statut protecteur et les dommages intérêts octroyés au salarié en réparation de la violation de son statut protecteur, et de relever le montant de cette indemnité à la somme de 8. 953, 14 € correspondant aux six derniers mois de salaires de Guy X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le licenciement de Monsieur X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour absence de motif ; qu'il résulte de l'article 1235-2 que le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée ; qu'il convient d'accorder à la succession de Monsieur X... la somme de 17. 218 € au titre de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QUE lorsque l'employeur engage la procédure de licenciement avant d'avoir connaissance d'une candidature ou de son imminence, le salarié ne bénéficie pas au titre de la procédure en cours, du statut protecteur des représentants du personnel ; que la remise en main propre d'une lettre de convocation à un entretien préalable, nonobstant le refus du salarié de la recevoir, constitue l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en ne recherchant pas dès lors si la lettre de convocation à l'entretien préalable que le salarié avait refusé de recevoir en main propre ne lui avait pas été présentée par l'employeur avant que ce dernier, comme il le soutenait dans ses conclusions d'appel, ait été informé de l'imminence de la candidature du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232 et L. 2411-7 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE la fraude est constituée lorsque la candidature a pour unique but d'assurer la protection personnelle du salarié et de faire échec à la mesure de licenciement envisagée ; que l'arrêt attaqué qui constate que le salarié a refusé de recevoir en main propre la lettre de convocation à l'entretien préalable sans rechercher si, comme le soutenait l'employeur, sa candidature n'était pas postérieure à ce refus, en sorte qu'en l'absence de toute activité antérieure du salarié en faveur du personnel, cette candidature avait pour seul objectif de faire échec à la procédure de licenciement qu'il savait engagée contre lui, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2411-7 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE l'indemnité pour licenciement illicite, qui vient réparer le préjudice résultant de la nullité du licenciement, ne se cumule pas avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en condamnant l'employeur à payer au salarié, à la fois à une indemnité pour licenciement illicite et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles L. 2411-7 et L. 2422-1 du Code du travail.