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18/05/2011 | FRANCE | N°09-71396

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2011, 09-71396


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail ;
Attendu selon ces textes, que l'employeur a l'obligation de payer à l'échéance normale le temps alloué pour l'exercice de leurs fonctions aux salariés titulaires de mandats représentatifs, sauf à contester ensuite devant la juridiction compétente l'usage fait du temps alloué, après avoir demandé au salarié, le cas échéant par la voie judiciaire, l'indication des activités au

titre desquelles ont été prises les heures de délégation ;
Attendu, selon l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail ;
Attendu selon ces textes, que l'employeur a l'obligation de payer à l'échéance normale le temps alloué pour l'exercice de leurs fonctions aux salariés titulaires de mandats représentatifs, sauf à contester ensuite devant la juridiction compétente l'usage fait du temps alloué, après avoir demandé au salarié, le cas échéant par la voie judiciaire, l'indication des activités au titre desquelles ont été prises les heures de délégation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 9 octobre 1992 en qualité d'employé libre service par la Société d'exploitation des magasins Score de la Réunion (SODEXMAR), M. X..., titulaire de plusieurs mandats électifs et syndicaux, a contesté les retenues opérées par l'employeur sur ses salaires entre janvier et juin 2008 ;
Attendu que pour le débouter de ses demandes de rappel de salaires, l'arrêt retient que le litige ne concerne pas l'utilisation des heures de délégation mais leur existence puisque les retenues opérées par l'employeur correspondent à des absences injustifiées du salarié qui, soutenant que toute absence de sa part devait être considérée comme justifiée par l'un de ses mandats, a refusé de se soumettre au contrôle par pointeuse imposé à partir du 1er janvier 2008 à tout le personnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le litige concernait le paiement des heures de délégation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen et sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 août 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la Société d'exploitation des magasins Score de la Réunion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société d'exploitation des magasins Score de la Réunion à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire ainsi que de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par les retenues litigieuses et pour procédure abusive.
AUX MOTIFS QU'il est constant qu'à partir du 1er janvier 2008, la direction du groupe Vendémia auquel appartient la Sodexmar a entendu soumettre tout le personnel, y compris les délégués du personnel, syndicaux, membres du comité d'entreprise etc … au contrôle par pointeuse du temps de présence sur leur lieu de travail ; que Mario X... a refusé de pointer jusqu'au 13 juin 2008 ; que l'article L. 2143-17 du Code du travail dispose certes que « les heures de délégation (dont bénéficient les délégués syndicaux) sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire » ; que le problème n'est toutefois pas, en l'espèce, l'utilisation de telles heures mais leur existence, M. X... entendant que toute absence de sa part soit considérée comme justifiée par l'un de ses mandats alors que l'existence d'un mandat syndical ou assimilé ne supprime pas le lien de subordination inhérent au contrat de travail et qu'il appartient à son titulaire d'informer sa hiérarchie en temps utile de ce qu'il entend en faire usage ; que tel est l'objet de la pratique des bons de délégation dont l'intimé reconnaît, dans certains courriers (cf sa lettre du 11 mars 2008) ne pas faire systématiquement usage ; que l'absence du moindre contrôle de l'employeur sur les absences de titulaires de tels mandats ne constituait pas un usage d'entreprise mais une tolérance à laquelle il pouvait être mis fin sans préavis, ce qui a été fait ; l'obligation déclarative imposée à partir du 1er janvier 2008 était nécessaire d'une part au contrôle du non dépassement du ou des crédits d'heures, d'autre part s'agissant des fonctions de conseiller prud'hommes, à l'application de l'article R. 1423-59 du Code du travail ; qu'il convient enfin de rappeler que les salariés titulaires de mandats passent une partie de leur temps de travail dans l'entreprise et qu'un litige peut survenir sur l'existence ou le nombre d'heures de travail effectuées, pour lequel l'article L. 3171-4 du même Code prévoit la mise en place d'un système d'enregistrement automatique supposant un minimum de coopération des salariés ; que c'est donc à juste titre que la Sodexmar a retenu sur les salaires de l'intimé la rémunération correspondant à des absences non autorisées et dont elle ne savait pas à quoi elles correspondaient (…) ; que l'employeur n'a, enfin, commis aucune faute génératrice d'un préjudice pour M. X... ; ce dernier sera donc débouté de sa dernière demande de dommages intérêts.
ALORS QU'aux termes des articles L 2143-17, L 2315-3 et L 2325-7 du Code du travail, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale et que l'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire ; que, selon l'article L 2141-10 du Code du travail, aucune limitation ne peut être apportée par décision unilatérale de l'employeur aux dispositions relatives à l'exercice du droit syndical ; qu'il en résulte que l'employeur qui conteste le paiement d'heures de délégation, quel que soit le motif invoqué au soutien de sa contestation, est tenu de payer les heures à échéance normale et de saisir le juge d'une demande de remboursement desdites heures ; qu'en jugeant licites les retenues de salaire au motif que la contestation patronale portait non sur « l'utilisation » mais « l'existence » des heures de délégation, la Cour d'appel a, par fausse interprétation, violé les textes susvisés.
ALORS encore QU'aux termes de l'article L 1331-2 du Code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont prohibées ; qu'en jugeant que c'est à juste titre que la société a retenu la rémunération correspondant à des absences non autorisées alors que ces retenues constituent une sanction pécuniaire et sont donc prohibées, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
ET ALORS en outre QUE lorsqu'elle réunit les critères de généralité, de constance et de fixité, une pratique constitue un usage d'entreprise qui obéit au régime juridique des engagements unilatéraux ; que la dénonciation par l'employeur d'un engagement unilatéral doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations et être notifiée, outre aux représentants du personnel, à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite ; que la dénonciation ne peut être effective qu'à une date postérieure à ces formalités ; que la Cour d'appel, pour écarter l'application de ces règles, s'est bornée à affirmer, de manière péremptoire, que la pratique tenant à l'absence de contrôle de l'employeur sur les absences de représentants des salariés ne constituait pas un usage d'entreprise mais « une tolérance » ; qu'en statant ainsi alors qu'il lui appartenait de rechercher si ladite pratique réunissait ou non les critères constitutifs d'un usage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles susvisées.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale.
AUX MOTIFS QU'il ne résulte des attestations produites aucun indice de la discrimination que Mario X... se plaint d'avoir subie à cet égard ; que Dominique A... et Jean-Patrick Y..., tous deux délégués syndicaux CFDT, pointent sur leur lieu de travail et justifient des absences liées à l'exercice de leurs mandats respectifs ; que le fait que Marlène Z... s'en soit toujours abstenue n'est pas pertinent, l'intéressée ayant quitté l'entreprise courant 2007, soit avant qu'il soit mis fin à la tolérance dont bénéficiaient ses pairs.
ALORS d'une part QU'en application des articles L 1132-1 et L 2141-5 du Code du travail, l'employeur ne peut prendre une mesure fondée sur l'appartenance ou l'activité syndicale d'un salarié ; qu'une retenue salariale fondée sur des « absences non autorisées » d'un représentant du personnel ayant fait usage de ses heures de délégation constitue une discrimination à raison de l'activité syndicale lorsqu'il est établi que d'autres représentants n'ont pas subi une même retenue alors qu'ils se trouvaient dans la même situation ; qu'en jugeant que la discrimination à raison de l'activité syndicale n'était pas établie sans rechercher si, comme le soutenait le salarié, les autres représentants du personnel utilisant des heures de délégation sans se conformer à l'obligation de déclarer les temps de présence avaient également fait l'objet de retenues sur leur rémunération, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles susvisés.
ALORS d'autre part QUE, pour considérer qu'il ne résulte des attestations produites aucun indice de la discrimination alléguée par le salarié, la Cour d'appel a retenu que les deux délégués ayant témoigné « pointent sur leur lieu de travail et justifient des absences liées à l'exercice de leurs mandats respectifs » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des termes clairs et précis desdites attestation qu'au contraire, ces deux représentants ne se soumettent pas au dispositif de contrôle des temps de présence institué par l'employeur lorsqu'ils font usage de leurs heures de délégation, la Cour d'appel a dénaturé lesdites attestations et, partant, a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-71396
Date de la décision : 18/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 25 août 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2011, pourvoi n°09-71396


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71396
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