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04/05/2011 | FRANCE | N°10-85719

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 mai 2011, 10-85719


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Groupe Serveur, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 29 juin 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs d'abus de confiance aggravé et recel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 et 314-1 du code pénal, 80, 81,

85, 156, 199, 206, 207, 211, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Groupe Serveur, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 29 juin 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs d'abus de confiance aggravé et recel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 et 314-1 du code pénal, 80, 81, 85, 156, 199, 206, 207, 211, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre sur les chefs d'abus de confiance aggravé et recel d'abus de confiance, dit qu'il n'y avait pas lieu à disqualification en escroquerie et que le juge d'instruction était matériellement incompétent pour connaître du délit prévu et puni par l'article L. 465-2 du code monétaire et financier ;
"aux motifs que sur la plainte des chefs d'abus de confiance aggravé et recel d'abus de confiance aggravé : la plainte a été déposée des chefs d'abus de confiance aggravé et recel d'abus de confiance aggravé sans donner de précision sur la date du détournement qui serait susceptible d'être retenu comme étant l'élément matériel constitutif de l'infraction ; que les dispositions sur l'abus de confiance répriment le fait d'avoir détourné ou dissipé au préjudice de son propriétaire des fonds ou des biens qui n'ont été remis qu'à titre précaire, à charge de les rendre, de les restituer ou d'en faire un usage déterminé ; que l'abus de confiance est donc exclusif de tout contrat portant sur la disposition de la chose et notamment les contrats de vente ou d'échange ; qu'en l'espèce, il ressort des écritures mêmes de la partie civile que la société plaignante, Groupe Serveur, a apporté 70% des parts de sa filiale, Serveur Internet à la société Elia au mois de juin 2000 ; qu'après absorption par la société Elia de sa propre holding Finelia, des actions nouvelles ont été attribuées aux fondateurs qui en ont immédiatement cédé une partie à la société Groupe Serveur ; que, dans ces conditions, un transfert effectif de propriété ayant eu lieu sur les titres remis, l'infraction d'abus de confiance au regard des sommes versées en contrepartie n'est pas établie au préjudice de la société Groupe Serveur ; qu'il importe peu que les conséquences financières de ces opérations et les versements de fonds correspondant se soient étendus au delà du 31 décembre 2000 ; que par la suite, mais postérieurement à cette opération, qui s'est déroulée en juillet 2000, la société Tracing Server a été introduite sur le marché et a levé des fonds sur les marchés financiers, conformément à l'accord préétabli ; que la société Groupe Serveur n'a pas participé, à ce stade de l'opération à des achats d'actions, l'introduction sur le nouveau marché ayant eu lieu en fin d'année 2000, de sorte qu'elle ne saurait invoquer à cette date une infraction quelconque d'abus de confiance aucun détournement n'ayant postérieurement à cette date été commis, puisqu'elle n'a rien remis à la société Tracing Server à titre précaire ; qu'aucun délit d'abus de confiance aggravé et par voie de conséquence de recel n'est juridiquement constitué, que ce soit au titre des paiements faits suite à l'acquisition d'actions de juin 2000 et à plus forte raison, à la suite des faits de décembre 2000, la société Groupe Serveur n'ayant remis aucun fonds dans le cadre de l'introduction de la société Tracing Server au second marché en décembre 2000 ; que dans ces écritures, la partie civile invoque une remise provoquée frauduleusement ; que cependant, aucune escroquerie, dont la manoeuvre déterminante doit nécessairement être antérieure à la remise, n'est constituée, alors que l'appel public à l'épargne et le prospectus litigieux ont été établis et utilisés à l'égard de tiers postérieurement aux opérations sur les titres ;
qu'au surplus l'absence de gain ou les pertes réalisées lors de la revente des titres de la société ne saurait constituer le préjudice exigé par la définition tant du délit d'abus de confiance, pas plus que celui de l'escroquerie ; qu'au surplus l'information n'a pas permis de caractériser une infraction d'escroquerie ou d'abus de confiance aggravé à l'égard de tiers ; que les termes du prospectus indiquant que l'augmentation de capital avait principalement pour objet de permettre à Tracing Server de mener à bien son développement sur trois ans, développer son offre, poursuivre sa stratégie de croissance et de se donner les moyens d'anticiper et de s'adapter aux évolutions technologiques rapides de son secteur ; qu'elle devait encore servir en partie à financer l'accroissement du besoin de fonds de roulement né de l'augmentation du chiffre d'affaires ainsi que les investissements matériels et promotionnels requis par le plan de développement et constituer une réserve d'acquisition potentielle pour Tracing Server dans le cadre de sa stratégie de conquête de parts de marchés et de développement, ne sont pas suffisants pour caractériser une infraction qui doit nécessairement être intentionnelle, alors que l'évolution du marché a confronté la société à des difficultés, et notamment une baisse du chiffre d'affaires qui l'a contrainte dix-huit mois plus tard, pour préserver la continuité de l'exploitation, à procéder différemment et a solliciter un nouvel emprunt bancaire pour financer son besoin de fonds de roulement ; qu'au surplus, affecter les sommes au remboursement de dettes liées à l'achat récent de sociétés, dont les chiffres d'affaires n'ont pas tenu leurs promesses, n'était pas un objectif contraire au développement de la société, mais permettait d'y contribuer en assurant sa stabilité financière ; que l'AMF n'a relevé aucune faute à l'égard de la société Tracing Server ; que dès lors, l'ordonnance de non lieu rendue du chef des délits visés dans la plainte ou de toute autre qualification de substitution fondée sur les mêmes faits sera confirmée ; que l'article L. 465-2 du code monétaire et financier prévoit et punit un délit consistant à répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours ; que si le délit de diffusion de fausse information n'a pas été visé expressément dans la plainte avec constitution de partie civile, celle-ci visait toute infraction que le développement de l'information permettrait de caractériser ; qu'en application de l'article 704-1 du code de procédure pénale, cette infraction qualifiée pour la première fois par la partie civile dans ses observations au vu du réquisitoire définitif de non-lieu du procureur de la République, et à la supposer établie, est de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris ; qu'au surplus en l'espèce, la société Groupe Serveur n'est pas directement concernée par cette infraction, puisqu'elle n'a pas souscrit d'actions dans le cadre de l'opération vantée par le prospectus litigieux ; que dans ces conditions, le juge d'instruction, qui n'avait pas à statuer sur ces faits, ne pouvait comme il l'a fait rendre une ordonnance de non-lieu général, mais devait se déclarer incompétent pour instruire sur ces faits ;
"1) alors que selon l'article 314-1 du code pénal, l'abus de confiance est caractérisé par le détournement, au préjudice d'autrui, de fonds remis à charge d'en faire un usage déterminé ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir la société Groupe Serveur dans son mémoire, le détournement constitutif d'un abus de confiance résultait de ce que les dirigeants de la société Tracing Server avaient utilisé la somme de 11 640 000 euros levée par la société Tracing Server au moyen de son introduction sur le marché boursier Euronext, pour rembourser des dettes bancaires, alors qu'ils s'étaient engagés aux termes du protocole d'accord conclu le 14 mai 2000 avec la société Groupe Serveur à utiliser les fonds ainsi levés pour assurer la croissance externe à venir de la société Tracing Server, le financement de son développement par ce biais constituant la condition déterminante de la prise de participation de la société Groupe Serveur dans la société Tracing Server ; que dès lors, en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'utilisation par les dirigeants de la société Tracing Server des fonds levés sur le marché boursier à des fins étrangères à celles contractuellement prévues ne caractérisait pas un abus de confiance commis au préjudice de la société Groupe Serveur, aux motifs erronés, dès lors qu'ils ajoutent au texte légal, que ce délit était exclusif de tout contrat portant sur la disposition de la chose et que rien n'avait été remis à la société Tracing Server à titre précaire, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ;
"2) alors, en tout état de cause, que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que l'escroquerie est le fait, notamment par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; qu'en l'espèce, dans son mémoire en appel, la société Groupe Serveur soutenait, en se prévalant à ce titre du rapport d'expertise amiable du cabinet Ricol-Lasteyrie préconisant le recours à une expertise judiciaire approfondie des comptes de la société Tracing Server au titre des exercices 1999 à 2003, que le dirigeant de la société Elia, devenue la société Tracing Server, lui avait volontairement communiqué des prévisions comptables et un projet stratégique erronés, consistant en la promesse de l'introduction future de la société Tracing Server au nouveau marché Euronext, après que la société Groupe Serveur en soit devenue l'actionnaire de référence, dans le prétendu but de lever, au moyen de l'appel à l'épargne publique, les fonds nécessaires à son développement externe et à sa valorisation rapide sur le marché boursier, tout en lui dissimulant la véritable situation financière de la société Tracing Server, ce aux fins de la déterminer à entrer au capital social de ladite société, ce qu'elle avait fait en juillet 2000 en apportant à la société Elia, devenue Tracing Server, 100% de sa filiale, le Serveur Internet, et en acquérant 104 000 actions complémentaires de la société Elia moyennant le prix de 6 048 567 euros ; que dès lors, en omettant de rechercher, comme elle y était invitée, si la manoeuvre frauduleuse consistant à présenter à la société Groupe Serveur des prévisions et un projet stratégique erronés pour la déterminer à entrer au capital social de la société Tracing Server moyennant un investissement financier considérable ne caractérisait pas le délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
"3) alors, en outre, que les arrêts sont nuls quant ils ne contiennent pas les motifs propres à justifier le dispositif ; qu'il en est de même lorsqu'il a été omis de répondre à un chef péremptoire des conclusions ; qu'en l'espèce, dans son mémoire en appel, la demanderesse soutenait qu'en lui présentant un prévisionnel erroné au cours de l'année 2000, lequel masquait volontairement ses agissements frauduleux consistant notamment à affecter au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1999, la totalité des produits issus de la passation de contrats de location conclus pour une durée trois ans, plutôt que de les répartir sur plusieurs exercices, ce qui privait la société Tracing Server d'une importante partie de son chiffre d'affaires pour les années futures, le dirigeant de la société Tracing Server l'avait sciemment trompée sur la véritable situation financière de ladite société en vue de la déterminer à entrer à son capital social ; que dès lors, en omettant de répondre à ce moyen, pourtant de nature à caractériser le délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a méconnu les exigences de motivation édictées par l'article 593 du code de procédure pénale ;
"4) alors, enfin, que l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient, devant les juridictions de l'instruction, à tous ceux qui ont personnellement souffert des conséquences directes de l'infraction ; qu'il suffit pour qu'une constitution soit recevable devant la juridiction d'instruction, que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible le préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que découle directement du délit d'escroquerie le préjudice subi par une société qui, déterminée par les manoeuvres frauduleuses de son auteur, a versé des fonds ; qu'en l'espèce, comme elle le soutenait dans son mémoire en appel, la société Groupe Serveur avait subi un préjudice direct du fait de l'infraction commise par le dirigeant de la société Tracing Server, puisqu'elle avait été déterminée par les manoeuvres frauduleuses de celui-ci à apporter à ladite société les actions de sa filiale, le Serveur Internet, valorisée à la somme de 7 676 343 euros, et à acquérir 104 000 actions complémentaires de la société Tracing Server moyennant le versement d'un prix de 6 048 567 euros, titres qu'elle avait par suite été contrainte de céder aux associés fondateurs de la société Tracing Server au prix dérisoire de 400 000 euros ; que dès lors, en affirmant que la demanderesse n'avait pas subi le préjudice exigé par la définition du délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a violé les articles 2 du code de procédure pénale et 313-1 du code pénal" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-85719
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 29 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 mai. 2011, pourvoi n°10-85719


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.85719
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