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04/05/2011 | FRANCE | N°10-13607

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mai 2011, 10-13607


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2009), que M.
X...
, engagé le 1er décembre 1975 par la société Suburbaine, aux droits de laquelle vient la société SPAC, a été licencié pour faute grave par lettre du 29 mars 2004, à la suite d'une altercation l'ayant opposé sur le lieu du travail à un autre ouvrier, employé d'une société intérimaire ;

Attendu que M.
X...
fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-in

térêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif, alors, selon le moyen :

1°/ que ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2009), que M.
X...
, engagé le 1er décembre 1975 par la société Suburbaine, aux droits de laquelle vient la société SPAC, a été licencié pour faute grave par lettre du 29 mars 2004, à la suite d'une altercation l'ayant opposé sur le lieu du travail à un autre ouvrier, employé d'une société intérimaire ;

Attendu que M.
X...
fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif, alors, selon le moyen :

1°/ que le seul fait pour un salarié de se défendre lors de l'agression de l'un de ses collègues ne peut justifier son licenciement ; qu'en se bornant à retenir que « les violences volontaires à l'encontre de M.
Y...
, dont la matérialité et la gravité sont certaines, constituent bien un motif réel et sérieux de licenciement », sans rechercher si, comme le soutenait M.
X...
, les gestes qui lui étaient reprochés ne procédaient pas d'une légitime défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3, du code du travail ;

2°/ qu'en retenant le caractère réel et sérieux du licenciement, tout en constatant que les violences reprochées à M.
X...
« ont été réciproques » et surtout que " leurs conséquences médicales sont nettement plus importantes pour M.
X...
que pour M.
Y...
qui serait pourtant selon l'employeur la seule victime des violences ", ce dont il résultait que M.
X...
avait été la victime de M.
Y...
et non son agresseur lors de leur altercation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'examinant l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'établir lequel des deux protagonistes était à l'origine de l'altercation, a décidé que les violences volontaires commises par M.
X...
, dont la matérialité et la gravité étaient certaines quelles qu'en aient été les conséquences pour M.
X...
lui-même, constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M.
X...
aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M.
X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur
X...
de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour licenciement abusif en réparation du préjudice moral et pécuniaire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ; qu'il appartient à ce dernier, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Suburbaine invoque deux motifs essentiels constitutifs d'une faute grave : des violences physiques à l'encontre d'un intérimaire, frappé à coups de pelle sur la tête et un comportement agressif et insultant à l'égard du personnel d'origine africaine ; que ces motifs sont totalement contestés par Monsieur
X...
; que la société Suburbaine et monsieur
X...
ne fournissent en appel aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision du premier juge lequel a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause, étant observé :- qu'il est établi par les pièces produites aux débats (constat d'huissier du 29 novembre 2004, certificat médical du docteur Z...de l'hôpital Nord 92, déclaration d'arrêt de travail, attestation de la responsable de l'agence Synergie que 9 mars 2004, une bagarre a éclaté entre Monsieur Houne Y..., ouvrier intérimaire de la Société Synergie, et monsieur
X...
, conducteur d'engin ; que Houne
Y...
a reçu deux coups de pelle sur la tête lui causant une plaie suturée à l'hôpital et donnant lieu à un arrêt de travail de 5 jours, reconnu comme accident du travail ; que Ahmed
X...
, a lui-même été blessé au cours de cette altercation et a subi une incapacité de travail de 28 jours pour une entorse du métacarpe d'un doigt de la main droite, du bras droit et des plaies superficielles du visage ; que malgré ses demandes et protestations, son arrêt maladie n'a pas été reconnu comme accident du travail ; que celui-ci a par ailleurs porté plainte le 9 mars 2004 au commissariat de Taverny pour violences volontaires ;- qu'aucun témoin direct des violences n'a pu témoigner en faveur de l'un ou l'autre des salariés, la cour relevant, comme le juge départiteur en première instance, que le témoignage de monsieur B...Moussa, présentant Ahmed
X...
comme la victime de Houne
Y...
, est apparu trop tardivement dans la procédure (15 juin 2004) pour être sincère et authentique ;- que les attestations produites par la société Suburbaine tendant à établir le comportement agressif de Monsieur
X...
(attestation de Monsieur Robert C...et de Monsieur Hafid D...ne sont ni datées ni circonstanciées ; que la lettre de Monsieur Moussa E...du 22 mars 2004 faisant état de menaces avec un couteau à l'encontre de luimême et de Monsieur
Y...
est postérieure à l'entretien préalable ;- que si le comportement agressif et raciste ne peut résulter de ces seuls éléments et constituer une cause sérieuse de licenciement, en revanche les violences volontaires à l'encontre de Monsieur
Y...
, dont la matérialité et la gravité sont certaines, constituent bien un motif réel et sérieux de licenciement ;- que compte tenu toutefois de l'ancienneté de Monsieur
X...
dans l'entreprise (28 ans), de l'absence d'avertissement antérieur pour un motif disciplinaire, du caractère réciproque des violences, et du maintien du salarié dans l'entreprise pendant le préavis, les faits ne sauraient en revanche constituer une faute grave ; qu'il y a donc lieu dans ce contexte de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter tant la société Suburbaine que monsieur
X...
de l'intégralité de leurs demandes lus amples et contraires ;

AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est en premier lieu reproché à monsieur
X...
d'adopter un comportement agressif, d'insulter et de menacer ses collègues de travail ; que l'employeur produit à cet égard deux attestations qui ne sont pas datées et une lettre d'un salarié du 22 mars 2004, soit postérieure à l'entretien préalable ; que monsieur D..., chef d'équipe au sein de la société Suburbaine vient attester à propos de monsieur
X...
de ce que « parfois, son emportement vis à vis de certains collègues a été agressif » ; que monsieur Robert C..., comptable de la société Suburbaine atteste que « j'ai eu affaire à monsieur
X...
. Au cours de l'une de ses nombreuses sollicitations, je n'ai pas pu satisfaire rapidement à sa demande. Cela lui a fort déplu ; il me l'a fait comprendre avec beaucoup d'agressivité et m'a attendu environ une heure après son travail afin que l'on s'explique physiquement, avant de se raviser » ; que la SA Suburbaine produit également une lettre de monsieur E...Moussa datée du 22 mars 2004 qui écrit en ces termes : « la première fois qu'il discutait avec Mr
Y...
je n'étais pas à cette place, il m'a mêlé dedans cause que je suis noir comme
Y...
; après le troisième jour de cet événement, quand je suis arrivé, il m'a accusé que je lui ai pas donné bonjour et je lui ai répondu que lui qui m'a vu premier a refusé me dire bonjour ; sur place il a sorti un couteau disant qu'il va tuer un de nous deux :
Y...
et moi (...) » ; que monsieur
X...
produit quant à lui une pétition signée de 48 de ses collègues le 18 mars 2004 et ainsi rédigée : « Nous, les salariés de l'entreprise Suburbaine témoignons que Monsieur X... Ahmed n'a jamais été agressif ni violent envers ses collègues de travail. Monsieur X...est un homme sociable et honnête dans son travail » ; que les accusations portées contre monsieur
X...
apparaissent trop imprécises, elles ne sont confortées par aucun témoignage ou preuve matérielle et ne sauraient suffire à fonder une cause réelle et sérieuse de licenciement pour un salarié qui justifie de près de trente années d'ancienneté sans incident ; qu'il est en second lieu reproché à monsieur
X...
d'avoir commis des violences sur un collègue de travail le 9 mars 2004 ; que Monsieur
Y...
a témoigné par l'intermédiaire d'un huissier de Justice de ce que : « Le 9 mars 2004, vers 9 heures, je me trouvais sur un chantier et travaillais dans une tranchée. Subitement j'ai été agressé par un collègue de travail, Monsieur X... Ahmed Ce dernier m'a frappé en me donnant deux coups de pelle sur la tête. J'ai tenté de me dégager de cette attaque et monsieur H..., Chef de chantier est alors intervenu pour nous séparer. Il m'a par la suite conduit à l'hôpital pour me faire soigner » ; que monsieur
X...
a contesté par lettre RAR du 18 mars 2004 cette version des faits. II explique ainsi « je ne suis en rien responsable dans cette situation. Je suis la victime puisque c'est le salarié qui m'a agressé le premier. Le certificat médical en date du 9 mars 2004 et l'examen a constaté des différents coups et blessures dont j'ai été victime » ; que monsieur
X...
produit un récépissé du dépôt de sa plainte au Commissariat de Taverny en date du 9 mars 2004, pour violences volontaires ; que des certificats médicaux ont été versés aux débats pour prouver la matérialité de ces violences ; que monsieur
X...
a subi une Incapacité totale de travail de 28 jours pour entorse du métacarpe du doigt droit, hématome du bras droit et plaies superficielles du visage ; que le même jour, le même service hospitalier a délivré un certificat médical à monsieur
Y...
décrivant une plaie du cuir chevelu et fixant son incapacité totale de travail à 5 jours ; qu'il ressort de la lecture de ces certificats médicaux que les violences ont été réciproques et que leurs conséquences médicales sont nettement plus importantes pour monsieur
X...
que pour monsieur
Y...
qui serait pourtant selon l'employeur la seule victime des violences ; que cet incident a été déclaré en accident du travail par la Société d'intérim qui employait monsieur
Y...
le 10 mars 2004 ; que monsieur
X...
a quant à lui fait cette déclaration auprès de la CPAM seulement le 19 avril 2004 ; qu'il cite dans cette déclaration comme unique témoin des faits Monsieur Hafid D..., chef de chantier ; que monsieur Hafid D...a pourtant précisé dans une attestation produite aux débats qu'il n'a pas été témoin de l'accident survenu entre messieurs
X...
et
Y...
car il se trouvait assez loin ; qu'aucun témoin direct des violences n'a pu témoigner en faveur de l'un ou l'autre des salariés concernés ; que le témoin cité par monsieur
X...
, monsieur Moussa B...est en effet apparu trop tardivement dans la procédure pour apparaître sincère et authentique ; qu'il n'en ressort pas moins que le comportement violent et dangereux de monsieur
X...
le 9 mars 2004 a constitué un motif réel et sérieux de licenciement ; que cependant, eu égard à l'ancienneté du salarié et aux circonstances particulières entourant les faits qui lui sont reprochés, il peut être considéré que ces faits n'ont pas rendu impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise pendant la durée du préavis et donc n'ont pas constitué une faute grave ; qu'en conséquence le licenciement de monsieur
X...
prononcé pour faute grave sera requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à indemnité de préavis et de licenciement ;

1) ALORS QUE le seul fait pour un salarié de se défendre lors de l'agression de l'un de ses collègues ne peut justifier son licenciement ; qu'en se bornant à retenir que « les violences volontaires à l'encontre de Monsieur
Y...
, dont la matérialité et la gravité sont certaines, constituent bien un motif réel et sérieux de licenciement » (arrêt p. 4 § 7), sans rechercher si, comme le soutenait monsieur
X...
(conclusions p. 7 à 11), les gestions qui lui étaient reprochés ne procédaient pas d'une légitime défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3, du code du travail ;

2) ALORS QU'en retenant le caractère réel et sérieux du licenciement, tout en constatant que les violences reprochées à monsieur
X...
« ont été réciproques » et surtout que « leurs conséquences médicales sont nettement plus importantes pour monsieur
X...
que pour monsieur
Y...
qui serait pourtant selon l'employeur la seule victime des violences » (jugement p. 4 § 11), ce dont il résultait que monsieur
X...
avait été la victime de monsieur
Y...
et non son agresseur lors de leur altercation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3, du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-13607
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mai. 2011, pourvoi n°10-13607


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.13607
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