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04/05/2011 | FRANCE | N°09-71655

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mai 2011, 09-71655


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 octobre 2009), qu'engagé en qualité de négociateur à compter du 1er octobre 2003 par la société Jacques X..., M. Y... a été licencié pour faute grave le 2 novembre 2007, par la société Foncia Maine à laquelle avait été cédée la société X..., pour avoir insulté et menacé le directeur des installations holding ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de paiement des i

ndemnités dues au titre de la rupture, alors selon le moyen :
1°/ que la Cour de c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 octobre 2009), qu'engagé en qualité de négociateur à compter du 1er octobre 2003 par la société Jacques X..., M. Y... a été licencié pour faute grave le 2 novembre 2007, par la société Foncia Maine à laquelle avait été cédée la société X..., pour avoir insulté et menacé le directeur des installations holding ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de paiement des indemnités dues au titre de la rupture, alors selon le moyen :
1°/ que la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification de faute grave qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en outre, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la gravité des faits qui ont conduit au licenciement ; qu'à cet égard ne peut être considéré comme satisfaisant à cette obligation l'employeur qui entend prouver le fait d'insultes et de menaces par la seule production de trois attestations, dont l'une émanait de la prétendue victime qui était un membre de la direction-peu important qu'il ne soit pas agi d'un dirigeant de droit-, dont la deuxième émanait également d'une personne représentant la direction de l'employeur et dont la dernière émanait d'une personne n'ayant pas été témoin des faits ; qu'en jugeant néanmoins en l'espèce que de telles attestations suffisaient à établir la gravité des faits reprochés à M. Y... par la société Foncia Maine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
2°/ que ne saurait justifier un licenciement pour faute grave un fait isolé de violence verbale commis par un salarié ayant une certaine ancienneté, intervenu au surplus dans un contexte particulier générateur de tensions ; qu'en l'espèce, M. Y... avait fait valoir que l'échange verbal un peu vif qu'il avait eu avec le directeur des installations holding de la société Foncia Maine revêtait un caractère exceptionnel et s'inscrivait dans un climat de tensions découlant de l'impossibilité pour l'exposant et ses collègues agents immobiliers de travailler dans des conditions normales depuis une semaine et de la reprise des contrats de travail qui s'était accompagnée du refus pour sa part d'une proposition de modifications importantes de ses secteurs d'intervention et de son mode de rémunération ; qu'au surplus M. Y... produisait plusieurs attestations de ses anciens collègues et clients témoignant d'une personnalité agréable et d'un caractère égal ; que dans ces conditions, en retenant néanmoins la qualification de faute grave au seul motif qu'une autre salariée ayant refusé la modification de son contrat de travail qui lui était proposée était toujours au service de la société repreneuse la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant souverainement apprécié la valeur et la portée des attestations, la cour d'appel, qui a retenu que le contexte de tension n'était pas établi et que l'ancienneté de quatre ans du salarié, ainsi que le caractère isolé des faits fautifs, n'étaient pas de nature à leur retirer leur caractère de gravité, a pu en déduire que le comportement agressif et insultant de l'intéressé à l'encontre d'un supérieur hiérarchique, rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux conseils pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Y... était justifié par une faute grave et d'avoir en conséquence débouté l'intéressé de toutes ses prétentions ;
AUX MOTIFS QUE « si, en matière de faute grave, c'est à l'employeur d'apporter la preuve d'une telle faute, il n'en reste pas moins qu'en matière prud'homale, cette preuve est libre ; Qu'en l'espèce, pour prouver la réalité de « l'incident » du 16 octobre 2007 l'ayant amenée à licencier Joël Y... pour faute grave, la société FONCIA MAINE produit aux débats trois attestations, parfaitement régulières en la forme, qui lui ont été fournies par les témoins Z..., B... et C..., attestations littéralement (et pour l'essentiel) rédigées en ces termes :

La première : « Suite à la reprise du cabinet X... par la société FONCIA, j'ai été amené à me déplacer sur le site de Saint-Georges sur Loire dans le cadre de ma mission de formation et de mise en en place des procédures dans le cadre de la gestion locative. Le 16 octobre 2007, j'étais ainsi en mission au sein de cette agence lorsque j'ai été violemment pris à partie par Monsieur Y.... Ce dernier s'est d'abord plaint de la gêne occasionnée par les travaux en cours dans l'agence et s'est mis, sans raison, à considérer que j'étais responsable de cet état de fait ; Je lui ai expliqué calmement que cette situation n'était bien entendu que temporaire et qu'il convenait qu'il y mette du sien pour que l'agence puisse fonctionner normalement pendant les travaux. C'est alors qu'il s'est mis à m'insulter. Il m'a ensuite menacé physiquement. Fort heureusement, Monsieur X... (ancien gérant de la société éponyme, aux droits de laquelle vient la société FONCIA MAINE) s'est interposé alors que Monsieur Y... en venait aux mains. Cette altercation m'a particulièrement choqué. En effet, alors que j'ai l'habitude d'intervenir sur des reprises qui peuvent s'avérer difficiles, je n'ai jamais rencontré une telle hostilité de la part d'un collaborateur … » ;

La seconde : « Ma fonction est attachée de direction au sein du service gestion locative de la holding FONCIA (et) consiste notamment à mettre les procédures de gestion sur les nouveaux sites.
A ce titre, je me suis rendue à l'agence FONCIA-MAINE de Saint-Georges sur Loire le 16 octobre 2007 avec Monsieur Philippe Z.... Sans raison apparente, Monsieur Y... s'en est pris à Monsieur Z.... Il l'a menacé et insulté. Il nous a été impossible de la raisonner. Heureusement, Monsieur X... a pu intervenir et intimé à Monsieur Y... de se calmer et de quitter l'agence. En réalité, j'ai pu constater que Monsieur Y... était particulièrement réfractaire à l'arrivée de FONCIA et que le moindre prétexte était sujet à altercation » ;

Et la troisième : « Le 16 octobre 2007, j'étais dans le cadre de ma mission à l'agence d'Angers (de la société FONCIA MAINE) lorsque j'ai été contacté téléphoniquement par mon président qui m'a demandé de me rendre d'urgence à l'agence de Saint-Georges sur Loire. En effet, une rixe venait d'éclater entre Monsieur Joël Y... et le collaborateur de la holding dépêché sur place. Je suis arrivé à l'agence une vingtaine de minutes plus tard et les collaborateurs présents m'ont confirmé que Monsieur Y... s'en était violemment pris à Monsieur Z... et menaçait d'en venir aux mains. J'ai donc confirmé à Monsieur Y... son envoi en prospection conformément aux directives de Monsieur X... » ;

Que contrairement à ce qui a pu être jugé en première instance, ces témoignages concordants, clairs et précis ne peuvent être écartés des débats aux prétendus motifs, notamment, que le premier de leurs auteurs, qui n'est pas le (ou l'un des) dirigeant (s) de droit de la société FONCIA MAINE (cf en particulier la pièce n° 7 de la société FONCIA MAINE) « ne peut utiliser une attestation en sa faveur, l'intégrité de cette dernière étant tout naturellement mise en cause » et/ ou qu'ils « resteraient évasifs », en ce sens qu'ils ne préciseraient pas la teneur exacte des insultes ou menaces proférées par Joël Y... à l'égard de Philippe Z..., ce qu'aucun texte ou principe n'exige, alors surtout, d'une part, qu'abstraction faite d'attestations de divers collègues qui le décrivent seulement et globalement, comme « un collègue agréable », Joël Y... ne produit pas aux débats le moindre témoignage de nature à contredire, ne serait-ce que partiellement, ceux fournis à la société FONCIA MAINE, de l'autre, que Joël Y... s'est bien gardé de solliciter (et/ ou n'a pu obtenir) le témoignage de l'ancien dirigeant de droit de la société X..., alors qu'il affirme lui-même, en page 8 de ses écritures d'appel, « conserver encore aujourd'hui des rapports amicaux avec son ancien employeur (soit précisément ce X...) », et enfin que l'intimé, sans contester expressément les faits qui lui étaient ainsi reprochés dans sa lettre de licenciement, consacre l'essentiel de ses écritures à soutenir que ces faits, à les supposer établis, ne constitueraient pas une faute grave pour les motifs exposés dans ces écritures ;
Qu'en outre, en l'état des pièces produites aux débats, Joël Y... n'apporte pas le moindre commencement de preuve du fait que son licenciement aurait en réalité été lié soit à son refus de signer un avenant à son contrat de travail, soit au « climat de tension » qui existait à l'époque – par principe – au sein de la société FONCIA MAINE, étant au contraire observé, par exemple, que l'une des collègues de l'intéressé, une dame A..., a pu attester du fait qu'elle est toujours au service de la société FONCIA MAINE en dépit de son refus de signer les nouvelles conditions contractuelles qui lui étaient proposées par cette société ;
Que dans ces conditions, les faits dénoncés par la société FONCIA MAINE dans la lettre de licenciement sont bien constitutifs d'une faute grave, en ce sens qu'ils ne permettaient pas le maintien, même provisoire, du salarié au sein de l'entreprise, peu important à cet égard que ces faits n'aient été qu'isolés et/ ou que Joël Y... ait eu une ancienneté de quatre ans au service de la société FONCIA MAINE à la date à laquelle ils ont été commis ;
Qu'abstraction faite de moyens de fait qui restent à l'état de simples allégations et/ ou qui sont dès lors sans intérêt pour la solution du présent litige, il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée ;
Qu'en effet outre le fait que Joël Y... ne reprend pas expressément cette prétention en appel, il résulte de l'article 10 de la convention collective nationale de l'immobilier que, sauf accord contractuel contraire dont il n'est pas justifié en l'espèce, le « droit de suite » du salarié, entendu comme le « droit aux commissions (que ce salarié) aurait perçues dans le cas où le contrat de travail n'aurait pas expiré » est limité à six mois, de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont alloué à ce titre à Joël Y... une somme de 3 167 euros, alors surtout cette fois-ci que rien, dans le dossier de l'intéressé, ne justifie du principe et/ ou du montant de ces prétendues commissions ; »
ALORS D'UNE PART QUE la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification de faute grave qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en outre, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la gravité des faits qui ont conduit au licenciement ; qu'à cet égard ne peut être considéré comme satisfaisant à cette obligation l'employeur qui entend prouver le fait d'insultes et de menaces par la seule production de trois attestations, dont l'une émanait de la prétendue victime qui était un membre de la direction-peu important qu'il ne soit pas agi d'un dirigeant de droit-, dont la deuxième émanait également d'une personne représentant la direction de l'employeur et dont la dernière émanait d'une personne n'ayant pas été témoin des faits ; qu'en jugeant néanmoins en l'espèce que de telles attestations suffisaient à établir la gravité des faits reprochés à Monsieur Y... par la société FONCIA MAINE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE et en tout état de cause, ne saurait justifier un licenciement pour faute grave un fait isolé de violence verbale commis par un salarié ayant une certaine ancienneté, intervenu au surplus dans un contexte particulier générateur de tensions ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... avait fait valoir que l'échange verbal un peu vif qu'il avait eu avec le directeur des installations holding de la société FONCIA MAINE revêtait un caractère exceptionnel et s'inscrivait dans un climat de tensions découlant de l'impossibilité pour l'exposant et ses collègues agents immobiliers de travailler dans des conditions normales depuis une semaine et de la reprise des contrats de travail qui s'était accompagnée du refus pour sa part d'une proposition de modifications importantes de ses secteurs d'intervention et de son mode de rémunération ; qu'au surplus Monsieur Y... produisait plusieurs attestations de ses anciens collègues et clients témoignant d'une personnalité agréable et d'un caractère égal ; que dans ces conditions, en retenant néanmoins la qualification de faute grave au seul motif qu'une autre salariée ayant refusé la modification de son contrat de travail qui lui était proposée était toujours au service de la société repreneuse la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1234-1 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-71655
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 13 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mai. 2011, pourvoi n°09-71655


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71655
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