LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Maximo depuis 2001 et délégué du personnel depuis 2004, a saisi le conseil des prud'hommes en 2006 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de diverses demandes indemnitaires ;
Sur le pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :
Attendu que la société Maximo fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, alors, selon le moyen :
1°/ que ne justifie pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la notification de mises à pied disciplinaires rapprochées, justifiées par l'insuffisance de résultats persistante du salarié depuis plusieurs années ; que la cour d'appel a constaté que le salarié avait fait l'objet de reproches écrits ou de mises à pied disciplinaires en 2003, 2004 et 2005, justifiés par ses insuffisances de résultats ; qu'elle a en outre constaté que les mises à pied prononcées les 24 janvier et 28 avril 2006 étaient également justifiées par les mauvais résultats du salarié, toujours inférieurs à ses objectifs et à ceux de ses collègues et que la mise à pied du 30 juin 2006 était motivée par le non-respect par le salarié des horaires le soir, un défaut de visite de plusieurs clients en mai 2006, une prospection insuffisante et un défaut d'amélioration des performances ; qu'elle a retenu par ailleurs que, jusqu'à la fin de l'année 2005, les remontrances et sanctions prises à l'encontre du salarié étaient justifiées par des insuffisances de résultats avérées par rapport aux objectifs prévus et à la moyenne des autres commerciaux, des non-respects de consignes ou des fautes caractérisées ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations sur les insuffisances de résultats, non-respect de consignes ou fautes du salarié persistant de janvier 2003 à mars 2006, d'où il résultait que la notification de trois mises à pied de cinq jours au cours du premier semestre 2006 ne pouvait, nonobstant les retenues sur salaires en résultant, les recommandations de l'inspection du travail ou un engagement pris en février 2006 de respecter une période d'observation de six mois, justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
2°/ que ne justifie pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur la constatation d'un syndrome dépressif du salarié qui ne caractérise en tant que tel aucun manquement de l'employeur aux obligations nées du contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'après plusieurs sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié entre 2003 et 2005 pour insuffisance de résultats, l'employeur avait, malgré l'engagement pris auprès de l'inspecteur du travail de respecter une période d'observation de six mois, décidé de trois nouvelles mises à pied disciplinaires sur une période rapprochée ; qu'elle a pu en déduire, peu important que l'insuffisance de résultats invoquée par l'employeur ait été réelle, que l'accumulation des sanctions sur une courte période à l'encontre d'un salarié affaibli moralement rendait celles-ci inutiles et excessives, et qu'elle a souverainement estimé que les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le pourvoi principal du salarié :
Vu les articles 1184 du code civil et L. 2421-3 du code du travail ;
Attendu que pour limiter l'indemnisation du salarié au titre de la rupture de son contrat de travail à une indemnité fondée sur les articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel, après avoir énoncé que la résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, relève que le salarié ne rapporte pas la preuve que la perte de son mandat de délégué du personnel confié dans l'intérêt collectif des salariés aurait engendré pour lui un préjudice personnel et qu'il n'y a donc pas lieu à indemnisation complémentaire au titre de la perte du mandat ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, en sus de l'indemnisation du préjudice lié à la rupture, au paiement, au titre de la violation de son statut protecteur, d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à 12 000 euros les dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ses demandes au titre du statut protecteur, l'arrêt rendu le 10 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Maximo aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Maximo à payer à M. X... la somme de 302,79 euros et à la SCP Vincent et Ohl la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour M. X....
En ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir confirmé le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS MAXIMO, a rejeté la demande de l'exposant, délégué du personnel, tendant à une indemnité pour perte de mandat, sa demande pour non-respect de la procédure et a limité le montant des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail et de rappel de salaire et de congés payés y afférents.
Alors, d'une part que le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit au paiement d'une indemnité au titre de la violation de son statut protecteur ; qu'en l'espèce, il était constant que l'exposant avait bien été élu délégué du personnel en mars 2004 et que son mandat était toujours en cours ; que, par suite, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, ensemble l'article L. 2421-3 du code du travail ;
Alors d'autre part, qu'outre la sanction de la méconnaissance du statut protecteur, le salarié protégé qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a le droit d'obtenir non seulement des indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 devenu l'article L. 1235-3 du code du travail ; par suite la Cour d'appel a violé les textes susvisés.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Maximo.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé les mises à pied disciplinaires des 24 janvier, 28 avril et 30 juin 2006, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société MAXIMO et condamné celle-ci à payer à M. X..., d'une part, la somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et, d'autre part, le montant des salaires et des congés payés correspondant aux périodes de mise à pied annulées ;
AUX MOTIFS QUE le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur lorsque des manquements à ses obligations d'une gravité suffisantes sont établis à l'encontre de celui-ci ; que M. X... fait valoir qu'étant entré dans la société en 2001, il a figuré rapidement parmi les meilleurs vendeurs, mais qu'à partir de son élection comme délégué du personnel, il a été victime de la part de l'employeur de sanctions injustes, de dénigrement s'apparentant à du harcèlement moral et de discrimination syndicale et ce, malgré plusieurs interventions en sa faveur de l'inspection du travail ; que la première sanction est prononcée en janvier 2003, soit plus d'un avant l'élection de M. X... comme délégué du personnel ; qu'il lui est infligé un avertissement pour fausse déclaration de client et que cette sanction n'a pas suscité de réaction ; que par lettre du 8 juin 2004, l'employeur rappelle au salarié que ses résultats sont inférieurs de 13,1 % aux objectifs ; que suite à la réaction du salarié, l'employeur lui précise, par lettre du 13 juillet 2004, qu'il est classé 215ème vendeur sur 222, que ces mauvais chiffres sont basés sur les périodes de présence, tiennent compte des arrêts maladie et sont d'autant plus surprenants qu'il bénéficiait d'un bonus client ; que par lettre du 23 juillet 2004 l'employeur reproche à M. X... des résultats insuffisants (ventes quotidiennes de produits et ventes additionnelles) et le fait de ne pas utiliser les outils informatiques à sa disposition ; que par lettre du 27 octobre 2004, une mise à pied disciplinaire d'un jour est prononcée contre M. X... pour ne pas avoir tenu compte des remarques précédentes (manque de dynamisme pour la prospection et la fidélisation des clients, non-utilisation des outils commerciaux), sanction suivie d'une réponse du salarié du 8 novembre 2004, qui prétend travailler comme les autres et être seul inquiété ; que sur l'année 2004, les remontrances et sanctions apparaissent justifiées par les insuffisances de résultats sur les ventes épiceries ; que par lettre du 9 février 2005, il est reproché au salarié de n'avoir pas tenu ses objectifs en janvier, de ne pas respecter les horaires et de ne pas utiliser les outils informatiques ; qu'une mise à pied disciplinaire de cinq jours lui est infligée le 31 mars 2005 pour manipulation frauduleuse du fichier client en vue d'accroître le chiffre d'affaires (recréation d'un client supprimé du fichier pour impayé, sous un nom modifié et avec un autre numéro de téléphone, commande non honorée par le client) ; que la sanction est contestée par le salarié le 26 mai 2005 et maintenue néanmoins ; qu'une nouvelle mise à pied disciplinaire de cinq jours intervient le 8 novembre 2005, pour persistance de l'insuffisance de résultats ; que les résultats de M. X... sur l'ensemble de 2005 sont toujours inférieurs à ses objectifs, à la moyenne de l'établissement et à ceux de ses collègues ; qu'il présente la balance fichier négative la plus importante de l'établissement en fin d'année ; que le 24 janvier 2006, une mise à pied disciplinaire de cinq jours intervient pour persistance de l'insuffisance des résultats en décembre 2005 malgré les soutiens qui lui ont été donnés ; que le 28 avril 2006, une mise à pied disciplinaire de cinq jours est prononcée pour persistance à ne pas mener d'actions de prospection et de fidélisation de la clientèle, omission de renseigner son PDA (qui permet de suivre ses actions de prospection) contrairement aux consignes, résultats mauvais en mars ; que les résultats de M. X... sur le mois de mars 2006 surtout en ce qui concerne les surgelés sont toujours inférieurs à ses objectifs, à la moyenne de l'établissement et à ceux de ses collègues ; que cette sanction a été annoncée préalablement à l'inspection du travail le 20 avril 2006 et que dans un courrier du 9 juin 2006, celle-ci reproche à l'employeur d'avoir sanctionné à nouveau le salarié malgré un engagement de respecter une période d'observation de six mois ; que le 30 juin 2006, une mise à pied disciplinaire de cinq jours est néanmoins prononcée pour non-respect des horaires le soir, défaut de visite de plusieurs clients en mai 2006, prospection insuffisante, défaut d'amélioration des performances ; que contrairement à ce qu'il soutient, M. X... a été sanctionné dès avant son élection comme délégué du personnel ; que jusqu'à la fin de l'année 2005, les remontrances et sanctions prises individuellement par la société MAXIMO à son encontre apparaissent justifiées puisqu'elles sont motivées par des insuffisances de résultats avérées par rapport aux objectifs prévus et à la moyenne des autres commerciaux, par des non-respects de consignes, ou par des fautes caractérisées ; que pour la même période, l'employeur justifie avoir réprimandé ou sanctionné par des avertissements ou mises à pied huit autres salariés de l'entreprise, dont deux à deux reprises ; qu'en revanche, à partir de janvier 2006, les mises à pied disciplinaires toujours motivées par l'insuffisance de résultats, sont prononcées à intervalles de plus en plus rapprochés (trois mises à pied de cinq jours au cours du seul premier semestre 2006) et pénalisent durement le salarié par des retenues sur salaires importantes ; que l'accumulation des sanctions en aussi peu de temps, au mépris des recommandations de l'inspection du travail et surtout d'un engagement pris en février 2006 de respecter une période d'observation de six mois, apparaît excessive et injustifiée dès lors que l'employeur ne laisse plus le temps au salarié, affaibli moralement, de répondre à sa demande et traduit de la part de l'employeur une volonté « d'usure » du salarié ; qu'un syndrome dépressif majeur sera d'ailleurs constaté en novembre 2006 par les médecins de la consultation de souffrance au travail ; que ce comportement assimilable à un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, est d'une gravité suffisante pour justifier à la fois l'annulation des mises à pied disciplinaires des 24 janvier, 28 avril et 30 juin 2006 et la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ne justifie pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la notification de mises à pied disciplinaires rapprochées, justifiées par l'insuffisance de résultats persistante du salarié depuis plusieurs années ; que la cour d'appel a constaté que le salarié avait fait l'objet de reproches écrits ou de mises à pied disciplinaires en 2003, 2004 et 2005, justifiés par ses insuffisances de résultats ; qu'elle a en outre constaté que les mises à pied prononcées les 24 janvier et 28 avril 2006 étaient également justifiées par les mauvais résultats du salarié, toujours inférieurs à ses objectifs et à ceux de ses collègues et que la mise à pied du 30 juin 2006 était motivée par le non-respect par le salarié des horaires le soir, un défaut de visite de plusieurs clients en mai 2006, une prospection insuffisante et un défaut d'amélioration des performances ; qu'elle a retenu par ailleurs que, jusqu'à la fin de l'année 2005, les remontrances et sanctions prises à l'encontre du salarié étaient justifiées par des insuffisances de résultats avérées par rapport aux objectifs prévus et à la moyenne des autres commerciaux, des non-respects de consignes ou des fautes caractérisées ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations sur les insuffisances de résultats, non respect de consignes ou fautes du salarié persistant de janvier 2003 à mars 2006, d'où il résultait que la notification de trois mises à pied de cinq jours au cours du premier semestre 2006, ne pouvait, nonobstant les retenues sur salaires en résultant, les recommandations de l'inspection du travail ou un engagement pris en février 2006 de respecter une période d'observation de six mois, justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE ne justifie pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur la constatation d'un syndrome dépressif du salarié qui ne caractérise en tant que tel aucun manquement de l'employeur aux obligations nées du contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil.