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28/04/2011 | FRANCE | N°10-81803

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 avril 2011, 10-81803


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Albert X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 3 février 2010, qui, pour aggression sexuelle aggravée sur une mineure de 15 ans, atteintes sexuelles aggravées sur un mineur de 15 ans et corruption de mineur, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris

de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'h...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Albert X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 3 février 2010, qui, pour aggression sexuelle aggravée sur une mineure de 15 ans, atteintes sexuelles aggravées sur un mineur de 15 ans et corruption de mineur, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22, 222-29, 1°, 229-30,2°, du code pénal, des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés sur la personne de Mme Y..., l'a condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont dix-huit mois de sursis, à plusieurs mesures de contrôle et à l'obligation de se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation et, d'autre part, à payer à Mme Y... une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que Mme Y... a dénoncé un fait de fellation pratiquée par M. X... alors qu'elle était âgée de sept ou huit ans lorsqu'elle était auditionnée dans le cadre d'une autre procédure ; qu'elle ne voulait pas porter plainte pour oublier cet événement douloureux ; qu'elle a été honnête la dénonciation de cet acte ; qu'elle a devant le juge d'instruction dit que cela ne s'était passé qu'une seule fois et qu'elle a donné des détails qui ne permettent pas de mettre en doute ses paroles ; que d'ailleurs à l'évocation de ces faits devant le juge d'instruction elle s'est mise à pleurer ; que l'expert psychiatre qui l'a examinée pendant l'enquête n'a relevé aucun signe de mythomanie chez elle ; que les révélations qu'elle a faites ne l'ont pas été comme il est soutenu par le prévenu à l'audience pour minimiser sa responsabilité dans le cadre de l'affaire de drogue pour laquelle elle était entendue, ni par vengeance ni par complot familial puisque au moment de ses révélations, sa mère n'était ni au courant de l'acte qu'elle avait subi, la fille s'étant toujours tue, ni au courant qu'elle était entendue par les gendarmes ; que l'acte dénoncé a été commis sous la contrainte, menace ou surprise à un moment où elle se trouvait seule avec le compagnon de sa mère au domicile alors qu'elle avait très peur de lui parce qu'il se montrait souvent violent avec elle en lui portant des coups ; qu'il a par ailleurs admis qu'il pouvait être très nerveux ; qu'enfin, elle a indiqué qu'elle avait du mal à faire confiance aux autres et qu'elle était gênée dans ses relations amoureuses ;
"1) alors que le respect de la présomption d'innocence suppose que les juges du fond ne déduisent pas la culpabilité des seules affirmations de la partie civile sans qu'aucun élément extérieur ne vienne les étayer ; que la cour d'appel, qui a déduit la culpabilité de M. X... des seules déclarations de la victime et de leur apparente sincérité sans faire état d'un quelconque élément extérieur à ces déclarations qui auraient pu les étayer, n'a pas légalement justifié son arrêt ;
"2) alors que le délit d'agression sexuelle suppose que soit constaté l'usage de violence, menace, contrainte ou surprise ; que ne constituent pas une contrainte, une menace ou une surprise, la crainte générale qu'inspire à la victime, l'auteur de l'infraction en l'absence de tout élément de nature à établir qu'au moment des faits, celui-ci ait effectivement usé de contrainte, menace ou surprise ; que la cour d'appel, qui a déduit l'existence d'une contrainte, menace ou surprise du seul fait que M. X... inspirait de la crainte à Mme Y..., avec laquelle il se serait parfois montré violent, sans relever un quelconque élément de nature à établir qu'à les supposer établis, celui-ci ait effectivement usé, au moment des faits, de contrainte, menace ou surprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-22, 227-25, 227-26,1°, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a reconnu M. X... coupable d'atteinte sexuelle et de corruption de mineur sur la personne de M. Y... et a condamné celui-ci, d'une part, à une peine d'emprisonnement de quatre ans dont dix-huit mois avec sursis, à certaines mesures de contrôle et à l'obligation particulière de se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation et, d'autre part, à payer à M. Y... une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que, sur les faits d'atteinte sexuelle, M. X... a tout au long de la procédure nié les faits qui lui reprochés ; qu'il a persisté devant le tribunal et devant la cour ; que M. Y... n'a jamais varié dans ses déclarations par lesquelles il a affirmé avoir été l'objet d'attouchements sexuels de la part du concubin de sa mère, celui-ci le masturbant ou se faisant masturber, soit dans la salle de bains, soit dans le lit conjugal et parfois en présence de la mère ; qu'il a toujours été très précis dans l'évocation des faits sans chercher à accabler l'auteur ; qu'il a donné des détails pertinents quant au différents attouchements qu'il avait subis et aux différents actes qu'il avait dû accomplir ainsi que sur les lieux et les circonstances dans lesquels ceux-ci s'étaient passés ; que l'expert psychologue qui l'a examiné au moment de l'enquête préliminaire a relevé qu'il n'avait aucune raison de mettre en cause la crédibilité de ses propos à l'audition compte tenu du caractère non volontaire de ses révélations et de sa réticence à exprimer ses émotions en lien avec ces événements ; que certes, il n'a pas révélé les faits volontairement mais il ressort des pièces de la procédure qu'il les vivait mal, qu'il était devenu introverti, ne sortant plus, n'ayant plus de contact avec les autres et qu'il était devenu une" loque," qu'il était allé voir une fois un psychologue ; que les faits qu'il a dénoncés ont été confirmés par sa mère même si elle a parfois lors de ses interrogatoires successifs varié quelque peu sur son rôle ou qu'elle l'a minimisé ; qu'en acceptant d'en parler, elle s'exposait à des poursuites pénales ; qu'elle a d'ailleurs été condamnée et qu'elle n'a pas remis en cause la condamnation prononcée contre elle ; qu'enfin le prévenu tout en niant les faits reconnaît avoir pris des douches avec l'enfant et que ce dernier venait le rejoindre nu dans le lit qu'il partageait avec sa compagne et qu'il se livrait à des actes à connotation sexuelle sur sa personne ce qui fait qu'il admet implicitement qu'il y a eu des contacts physiques de nature sexuelle entre lui et l'enfant ; qu'ainsi les faits d'atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans, par personne ayant autorité sont constitués ;
"et aux motifs que, sur les faits de corruption de mineur, ceux-ci sont parfaitement établis par les déclarations concordantes de M. Y... et de sa mère sur les ébats de nature sexuelle auquel se sont livrés les adultes à savoir M. X... et Mme Z... en présence de M. Y... âgé de moins de 15 ans ; que le prévenu a reconnu que l'enfant qui était nu rejoignait le couple dans le lit commun ;
"1) alors qu'il résulte des propres motifs de l'arrêt attaqué que M. X... avait toujours nié les faits qui lui étaient reprochés et avait soutenu, tant lors de l'enquête préliminaire que durant la phase de l'instruction, que les accusations proférés à son encontre relevaient d'un « complot familial » orchestré par son ancienne compagne, laquelle était jalouse de sa nouvelle vie ; que, dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait, comme elle l'a fait, déduire la culpabilité de M. X... de la concordance des déclarations de M. Y... et de sa mère, sans aucunement s'interroger sur l'éventualité d'un tel complot familial ;
"2) alors que le délit d'atteintes sexuelles suppose l'accomplissement d'un acte à caractère sexuel ; que, pour sa part, le délit de corruption de mineur suppose un acte à connotation sexuelle ; que le seul fait pour le prévenu d'avoir reconnu qu'il avait pris des douches avec M. Y... ou que celui-ci l'avait rejoint, ainsi que sa mère dans le lit conjugal, sont insuffisants à caractériser les délits d'atteinte sexuelle ou de corruption de mineurs en l'absence de tout acte à caractère sexuel et de tout élément de nature à attribuer une connotation sexuelle à ces faits ;
"3) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel, qui a affirmé que M. X... avait reconnu qu'il se livrait à des actes à connotation sexuelle quand elle avait préalablement relevé qu'il avait toujours nié les faits et que si M. Y... s'était livré, en sa présence, à des actes à connotation sexuelle, il s'y était toujours opposé et l'avait notamment corrigé, a entaché sa décision de contradiction" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation au profit des parties civiles de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du code pénal ;
"en ce que M. X... a été condamné à quatre ans d'emprisonnement dont dix-huit mois sans sursis ;
"aux motifs que les faits sont d'une particulière gravité, commis sur mineurs de quinze ans, par personne ayant autorité et pour en ce qui concerne la victime Mme Y..., par contrainte, menace ousurprise ; que la peine encourue est de dix années ; que bien que le casier judiciaire du prévenu soit vierge, celui-ci a déjà fait l'objet de poursuites pénales ; que la sanction prononcée par le tribunal qui a pris en considération la personnalité du prévenu et les circonstances de fait mérite entière satisfaction ;
"alors qu'aux termes de l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis, sans avoir au préalable caractérisé en quoi toute autre sanction était manifestement inadéquate, n'a pas légalement justifié son arrêt ;
"alors, a tout le moins, qu'il résulte de l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009, qu'en matière correctionnelle, si une peine d'emprisonnement est prononcée, celle-ci doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet de l'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 et 132-28 ; que la cour d'appel, qui n'a prononcé aucune mesure d'aménagement sans avoir pourtant exclu cette possibilité au regard de la personnalité et de la situation de M. X..., ou d'une impossibilité matérielle, n'a, de chef encore, pas légalement justifié son arrêt" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 132-24 du code pénal ;
Attendu que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, d'autre part, selon l'article 132-24 du code pénal, en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du même code, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ;
Attendu que, pour condamner M. X... à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, l'arrêt retient que les faits sont d'une particulière gravité, que la peine encourue est de dix années, que le prévenu a déjà fait l'objet de poursuites pénales bien que son casier judiciaire soit vierge, et que la sanction prononcée par le tribunal, confirmée par la cour, a pris en considération la personnalité du prévenu et les circonstances de fait ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des prescriptions légales ci-dessus rappelées ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 3 février 2010, en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-81803
Date de la décision : 28/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 03 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 avr. 2011, pourvoi n°10-81803


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.81803
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