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28/04/2011 | FRANCE | N°10-17405

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 avril 2011, 10-17405


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que les sociétés Thermale de la Roche Posay et la Financière STRP (les sociétés) ont signé avec M. X..., avocat, deux conventions en date des 22 et 23 septembre 2008 régissant leurs rapports ; que les sociétés ayant décidé de résilier ces conventions, M. X... a réclamé à chacune d'entre elles le paiement de ses émolume

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que les sociétés Thermale de la Roche Posay et la Financière STRP (les sociétés) ont signé avec M. X..., avocat, deux conventions en date des 22 et 23 septembre 2008 régissant leurs rapports ; que les sociétés ayant décidé de résilier ces conventions, M. X... a réclamé à chacune d'entre elles le paiement de ses émoluments ; que les sociétés ayant refusé de s'en acquitter, il en a sollicité la taxation par deux requêtes distinctes ; que le bâtonnier de l'ordre des avocats s'est déclaré incompétent pour en apprécier le montant en raison de la nature de la facturation ;
Attendu que pour débouter M. X..., après avoir ordonné la jonction des instances, l'ordonnance énonce que les actes intitulés "lettre annuelle de mission d'intérêt commun, de documentation, veille et conseils juridiques" confiaient à l'avocat une mission de conseil et d'assistance juridique comprenant notamment le suivi de leur vie sociale avec rédaction des documents sociaux moyennant un émolument annuel hors taxe de 2 200 euros pour la première et de 4 483 euros pour la seconde ; qu'aux termes de ces actes, les parties étaient convenues que cette mission était donnée à l'avocat pour cinq exercices pour la première, et pour sept exercices pour la seconde ; qu'une clause n° 6 intitulée "intérêt commun", stipulait que le mandat était d'intérêt commun ; que la réalisation de l'objet du mandat présentait pour la société comme le bureau d'avocat l'intérêt d'un essor des entreprises respectives par la sécurisation et la création et le développement des clientèles de chacun ; qu'il ne pouvait donc être résilié avant son terme que d'un commun accord, sauf à verser par la partie qui souhaitait y mettre fin, une indemnité égale à soixante quinze pour cent des émoluments hors taxes à majorer de la TVA en vigueur dus jusqu'au terme du contrat, pour couvrir l'ensemble des frais forfaitaires de veille juridique de documentation de la législation en matière de droit des sociétés et de droit fiscal appliqué aux sociétés ; qu'une telle clause est nulle en ce qu'elle tend à priver le client du libre choix de son avocat, qui suppose la liberté de mettre fin à la mission qui lui est confiée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le principe du libre choix d'un avocat ne s'appliquait pas à un tel mandat d'intérêt commun, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 16 mars 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Limoges ;
Condamne les sociétés Financière STRP et Thermale de la Roche Posay aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF A l'ordonnance de taxe infirmative attaquée d'avoir dit que Maître X... ne justifiait pas de sa créance d'honoraires et d'avoir en conséquence rejeté sa requête.
AU MOTIF QUE Monsieur X... expose qu'il était le conseil des sociétés Financière STRP et STRP depuis plusieurs années et que celles-ci ont signé les 22 et 23 septembre 2008 un acte intitulé « Lettre annuelle de mission d'intérêt commun, de documentation, veille et conseils juridiques » par lequel celles-ci lui ont confié une mission de conseil et d'assistance juridique comprenant notamment le suivi de leur vie sociale avec rédaction des documents sociaux moyennant un émolument annuel hors taxe de 2. 200 euros pour la première et de 4.483 euros pour la seconde ; Qu'aux termes de ces actes, les parties sont convenues que cette mission est donnée à l'avocat pour cinq exercices pour la première, et pour sept exercices pour la seconde ; Qu'il est stipulé une clause n° 6 sous le titre «INTERET COMMUN » que: « Le présent mandat est d'intérêt commun qui est de s'assurer toute l'année les services d'un cabinet juridique et fiscal spécialisé, comme du bureau d'Avocats en appliquant les connaissances régulièrement mises à jour. Ainsi la réalisation de l'objet du présent mandat présente pour la société comme le bureau d'avocat l'intérêt d'un essor des entreprises respectives par la sécurisation et la création et le développement des clientèles de chacun. Il ne peut donc être résilié avant son terme que d'un commun accord, sauf à verser par la partie qui souhaite y mettre fin, une indemnité égale à soixante quinze pour cent des émoluments hors taxes à majorer de la TVA en vigueur dus jusqu'au terme du contrat, pour couvrir l'ensemble des frais forfaitaires de veille juridique de documentation de la législation en matière de droit des sociétés et de droit fiscal appliqué aux sociétés » ; Qu'alors que ses clientes ont décidé en avril 2009 de mettre fin à sa mission, Monsieur X... a adressé à chacune d'elles une facture d'honoraires faisant application de cette clause calculés pour la première sur les quatre années à venir et pour la seconde sur les six années restant à courir ; Considérant cependant qu'une telle clause est nulle en ce qu'elle tend à priver le client du libre choix de son avocat, qui suppose la liberté de mettre fin à la mission qui lui est confiée, puisque la révocation du mandat donné se traduit par le paiement d'honoraires forfaitaires, hors services faits, de sorte que cette disposition de la convention s'analyse comme une clause pénale sanctionnant l'exercice de cette liberté et, en conséquence, restreignant celle-ci ; Considérant qu'il s'ensuit que Monsieur X... ne peut fonder sa demande d'honoraires sur ces dispositions du contrat ; Considérant qu'il ressort des factures qu'il produit que les honoraires correspondant aux prestations de l'année 2008 ont été versés ; qu'il ne prétend pas avoir fait quelque diligence que ce soit au titre de l'année 2009 et ne forme aucune demande à ce titre ;Considérant qu'il y a donc lieu de dire qu'il ne justifie pas d'un quelconque droit à honoraire et donc de rejeter sa requête.
ALORS QUE D'UNE PART un avocat peut accepter des honoraires annuels d'un client destinés à assurer le suivi juridique dont il a besoin ; qu'une telle convention de forfait d'honoraires à durée déterminée laissait le libre choix de l'avocat par les clients qui avaient décidé de confier à Maître X... en connaissance de cause et pour une durée respective de sept et cinq ans leurs problèmes juridiques ; qu'elle était librement révocable sauf indemnisation égale à soixante quinze pour cent des émoluments hors taxes à majorer de la TVA en vigueur dus jusqu'au terme du contrat ; que dès lors en estimant que la clause n° 6 des conventions litigieuses était nulle en ce qu'elle avait porté atteinte au libre choix de l'avocat par son client, la délégué du Premier président a violé l'article 1134 du code civil ainsi que les principes régissant la profession d'avocat.
ALORS QUE D'AUTRE PART les dispositions de l'article 2004 du Code civil aux termes duquel le mandant peut révoquer le mandat quand bon lui semble ayant un caractère supplétif, il en résulte que l'indemnité contractuelle prévue en cas résiliation constitue un simple aménagement des conditions de rupture du contrat et, dès lors, ne représente que le prix de la faculté de résiliation unilatérale, en dehors de toute notion d'inexécution, de sorte qu'elle n'a pas le caractère d'une clause pénale ; qu'en décidant cependant que la clause n° 6 intitulée « intérêt commun » contenue dans les actes litigieux et stipulant une indemnité égale à soixante quinze pour cent des émoluments hors taxes à majorer de la TVA en vigueur dus jusqu'au terme du contrat en cas de résiliation de la convention constituait une clause pénale nulle sanctionnant l'exercice du libre choix par le client de son avocat, le délégué du premier président a violé les articles 1152, 1226 et 1229 et 2004 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-17405
Date de la décision : 28/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 16 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 avr. 2011, pourvoi n°10-17405


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17405
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