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27/04/2011 | FRANCE | N°10-83169

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 avril 2011, 10-83169


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bruno Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 31 mars 2010, qui, pour diffamation envers un particulier, l'a condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l ‘ arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Z..., président de la Fédération nationale Léo Lagrange,

a été cité par l'association Loisirs, Education, et Citoyenneté Grand Sud (L. E. C. G. S) du chef...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bruno Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 31 mars 2010, qui, pour diffamation envers un particulier, l'a condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l ‘ arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Z..., président de la Fédération nationale Léo Lagrange, a été cité par l'association Loisirs, Education, et Citoyenneté Grand Sud (L. E. C. G. S) du chef de diffamation publique envers un particulier en raison de l'envoi en novembre 2007 de deux lettres adressées à des maires de la région toulousaine, par lesquelles l'intéressé a mis en cause ladite association ;

Attendu que ces lettres n'étaient pas jointes à la citation mais que cette dernière incriminait dans la première lettre, datée du 13 novembre 2007, le passage suivant : « Vous avez été parallèlement destinataires d'un courrier de l'association L. E. C. G. S. signé par sa présidente, Mme Janine X.... Je tenais par la présente à vous préciser que cette association, dont la plupart des administrateurs initiaux se sont désormais retirés, n'est plus aujourd'hui animée que par quelques anciens membres de notre association qui ne peuvent, en aucun cas, se revendiquer de notre Mouvement. Au demeurant, un audit actuellement engagé devra préciser leurs responsabilités dans la situation passée et nous permettre d'apprécier la nécessité de poursuites éventuelles, compte tenu des moyens et des fonds importants dont cette structure a, sans doute indûment, bénéficié » ;

Attendu que la citation reproduisait, pour l'incriminer, le passage suivant de la seconde lettre, datée du 28 novembre 2007, envoyée par M. Z... : « Je souhaitais attirer votre attention sur le fait qu'aucune autre association ne pourra désormais se prévaloir devant vous ou dans ces dossiers d'une quelconque appartenance à notre Mouvement (je pense notamment à l'association L. E. C. G. S. constituée par quelques uns de nos anciens cadres « dissidents ») » ;

Attendu que les juges du premier degré ont déclaré le prévenu coupable du délit ; que le prévenu, ainsi que le ministère public, ont relevé appel de ce jugement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 53 de la loi du 29 juillet 1881, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

" en ce que l'arrêt attaqué refuse de constater la nullité du jugement de première instance et a écarté l'exception de nullité de la citation ;

" aux motifs que la première demande de prononcer une nullité pour non-respect du principe du contradictoire par les juges qui auraient examiné les lettres incriminées, est nouvelle mais recevable en ce qu'elle concerne le jugement lui-même, par contre elle n'est pas fondée dans la mesure où ce jugement n'est motivé qu'exclusivement sur la citation et les débats sans aucune prise en compte des pièces qui auraient été reçues après la clôture des débats et sans communication entre les parties et le procureur, étant observé que les parties ont échangé des courriers avec bordereau de pièces communiquées, après l'audience où ne sont pas mentionnées les lettres aux maires ;

" et aux motifs adoptés que la citation reproduite en tête du jugement contient des passages des lettres de M. Z... l'absence des textes intégraux est sans effet dans la mesure où les passages critiqués sont cités et dans la mesure où la plaignante expose et articule en quoi ces passages contiennent, d'après elle, des imputations de faits contraires à son honneur et à sa considération ; le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

" alors que la citation délivrée pour diffamation publique à raison de propos écrits dans une lettre ne satisfait pas aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, ni à celle relative au respect des droits de la défense, lorsque la correspondance contenant les propos incriminés n'est pas annexée à ladite citation ; qu'en l'espèce, le prévenu faisait valoir que les pièces contenant les prétendus propos diffamatoires, n'étaient pas annexées à la citation, et ne lui avaient pas été communiquées en première instance ; que l'absence de communication des lettres incriminées, qui ne permettaient pas au prévenu de se défendre au regard du contexte dans lequel s'inséraient les propos incriminés, a nécessairement porté atteinte aux droits de la défense et vicié le caractère contradictoire des débats, même en l'absence de référence expresse par le jugement de première instance aux lettres litigieuses ; qu'en refusant néanmoins d'annuler le jugement entrepris et la citation, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

Attendu que l'arrêt refuse à bon droit d'accueillir l'exception de nullité de la citation introductive d'instance du chef de diffamation publique envers un particulier, délivrée par l'association L. E. C. G. S à M. Z..., dès lors que la citation, bien que ne lui aient pas été annexées les lettres incriminées par la partie civile, en a reproduit de larges passages, conformément aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, permettant ainsi au prévenu de préparer utilement sa défense ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 551 alinéa 4, 592 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation ;

" aux motifs que sur la nullité de la citation fondée sur l'absence de renseignements sur le représentant de la personne morale, le jugement a répondu par des motifs pertinents que la cour adopte ;

" et aux motifs adoptés que l'article 551, alinéa 4, du code de procédure pénale n'exige pas de mentionner l'identité de celui qui agit en justice au nom de la personne morale ; que ce principe a été rappelé par les magistrats de la Cour de cassation dès 2006 ; que le moyen est donc inopérant ;

" alors que l'article 551, alinéa 4, du code de procédure pénale exige, lorsque la citation est délivrée à la requête d'une personne morale, qu'elle mentionne la forme, la dénomination, le siège social et l'organe qui représente légalement cette personne morale ; qu'en l'espèce, la citation qui se bornait à indiquer que l'association Loisirs Education et Citoyenneté Grand Sud était « prise en la personne de son représentant légal » sans indiquer quel était l'organe qui représentait cette association, était nulle ; qu'en refusant de constater cette nullité au motif inopérant qu'il n'était pas nécessaire que l'identité de la personne physique représentant la personne morale soit mentionnée dans la citation, l'arrêt attaqué a violé l'article 551, alinéa 4, du code de procédure pénale " ;

Attendu que, pour confirmer la décision du tribunal, qui a rejeté l'exception de nullité de la citation invoquée par le prévenu, en ce qu'elle ne mentionnait pas l'identité de l'organe de la personne morale qui en a formulé la requête, en considérant que l'article 551 alinéa 4 du code de procédure pénale n'exige pas de mentionner l'identité de celui qui agit en justice au nom de la personne morale, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la citation a été délivrée à la requête du représentant légal de la personne morale, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 592 et 593 du code de procédure pénale, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motif, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu du chef de diffamation publique ;

" aux motifs que le passage « au demeurant … indûment bénéficié » dénonce clairement des détournements d'argent malgré l'adjectif « éventuelles » accolé aux mots « poursuites envisagées » et les mots « sans doute » accolés à l'adverbe « indûment » qui qualifie la réception des fonds importants reçus par la plaignante, persuadant le lecteur que la L. E. C. G. S. ou ses cadres sera poursuivi pour avoir obtenu frauduleusement des sommes auxquelles elle n'avait pas droit ;

" et aux motifs adoptés que le passage commençant par « au demeurant … » jusqu'à « … bénéficié » comporte l'imputation d'un comportement malhonnête dans la gestion de fonds dont l'association a bénéficié ; que la réalisation d'un audit est nécessaire et que des poursuites judiciaires pourraient être engagées ;

" alors que la diffamation suppose l'allégation ou l'imputation des faits ; que tel ne peut être le cas lorsqu'il est simplement fait état d'une enquête en cours ; qu'en l'espèce, selon le passage incriminé : « un audit actuellement engagé devra préciser leurs responsabilités dans les situations passées et nous permettre d'apprécier la nécessité de poursuites éventuelles, compte tenu des moyens et des fonds importants dont cette structure a, sans doute indûment, bénéficié » ; que ce passage qui se borne à faire mention d'une enquête en cours et de l'attente des résultats de cette enquête ne comporte aucune imputation contre l'association L. E. C. G. S. d'un fait précis ; que, dès lors, l'arrêt attaqué a violé les textes visés au moyen " ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 592 et 593 du code de procédure pénale, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motif, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu du chef de diffamation publique ;

" aux motifs que, dans la seconde lettre, le passage incriminé et analysé dans la citation a été caractérisé par le tribunal comme portant atteinte à l'honneur et à la considération par des motifs pertinents que la cour adopte pour confirmer le jugement sur ce point également ;

" et aux motifs adoptés que s'agissant de la lettre du 28 novembre 2007, le passage incriminé « je souhaitais … dissidents » comporte l'imputation du fait que l'association L. E. C. G. S. s'est déjà prévalue à tort du réseau Léo Y...et serait susceptible de faire de même pour l'avenir, alors qu'elle n'a pas la légitimité pour le faire et qu'elle ne comporte que des cadres dissidents, voire malhonnêtes ;

" alors que le passage incriminé est rédigé en ces termes : « Vous avez été parallèlement destinataire d'un courrier de l'association L. E. C. G. S. signé par sa présidente, Mme Janine X.... Je tenais par la présente à vous préciser que cette association, dont la plupart des administrateurs initiaux se sont désormais retirés, n'est plus aujourd'hui animée que par quelques anciens membres de notre association qui ne peuvent, en aucun cas, se revendiquer de notre Mouvement » ; que ledit passage ne comporte l'imputation d'aucun fait qui serait attentatoire à l'honneur ou à la dignité ; que ni le jugement, ni l'arrêt n'expose le contexte qui permettrait de comprendre que ce passage comporterait une insinuation selon laquelle l'association L. E. C. G. S. se serait prévalue à tort du réseau Léo Y...et comporterait des cadres « dissidents », voire « malhonnêtes » ; que l'arrêt attaqué n'est ainsi pas légalement justifié " ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 592 et 593 du code de procédure pénale, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motif, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu du chef de diffamation publique ;

" aux motifs que, sur la bonne foi : le tribunal a justement retenu qu'elle était exclue par l'absence de prudence dans l'expression, les termes et le ton employés, la cour ajoute que s'agissant de conflit financier et de concurrence, ressenti comme déloyale, la bonne foi commandait, s'adressant à des clients démarchés dans le cadre de marché public, plus de mesure ou la précision d'un conflit entre fédération nationale et échelon local ;

" et aux motifs adoptés qu'à la lecture du courrier du 13 novembre 2007, il ressort que M. Z... a manqué de prudence dans l'expression, les termes et le ton employé ; qu'il en est de même dans celui du 28 novembre 2007, le terme « ancien cadre dissident » ayant été utilisé ; que dès lors, sans avoir à examiner les autres conditions de la bonne foi, le Tribunal en rejette le bénéfice ;

" 1) alors que dans l'écrit incriminé du 13 novembre 2007, le prévenu informait objectivement les destinataires d'un audit en cours, et ne préjugeait pas des responsabilités, ni des résultats de cette enquête qui devait « les préciser » et permettre d'apprécier la « nécessité de poursuites éventuelles » ; que les termes employés étaient en eux-mêmes parfaitement mesurés, et le contenu parfaitement prudent puisqu'il ne préjugeait pas de l'issue de l'enquête en cours ; qu'en se bornant à affirmer que M. Z... a manqué de prudence dans l'expression, les termes et le ton employé sans autrement préciser quels étaient les termes ne correspondant pas à l'obligation de prudence, et en quoi le ton employé n'était pas mesuré, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision ;

" 2) alors que le terme « ancien cadre dissident » ne comporte en lui-même aucune exagération, et n'a aucun caractère péjoratif ; qu'en retenant que ces simples termes suffiraient à caractériser l'absence de prudence et de réserve dans l'expression et à exclure la bonne foi, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de diffamation publique envers un particulier, les juges énoncent que, parmi les passages des écrits incriminés, sont attribués à l'association L. E. C. G. S des agissements malhonnêtes ; que ces imputations alléguées par le prévenu, qui se rapportent à l'existence d'un audit devant préciser les responsabilités et permettre d'apprécier la nécessité de poursuites éventuelles à l'encontre de l'association L. E. C. G. S, cette structure étant accusée d'avoir indûment bénéficié de moyens et fonds importants ainsi qu'au fait que l'association L. E. C. G. S ne pourrait plus se prévaloir de son appartenance au réseau Léo Y...dès lors qu'elle est animée par des cadres dissidents, sont présentées de manière dubitative ou par voie d'insinuation ; que les juges retiennent, à bon droit, que ces imputations portent nécessairement atteinte à l'honneur et à la considération de l'association L. E. C. G. S ; qu'ils soulignent que la bonne foi est exclue en raison de l'absence de prudence dans l'expression, les termes et le ton employés ; qu'ils ajoutent que, s'agissant de conflit financier et de concurrence, ressentie comme déloyale, la bonne foi commandait, s'adressant à des clients démarchés dans le cadre de marché public, plus de mesure ou la précision d'un conflit entre fédération nationale et échelon local ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments le délit retenu à la charge du prévenu et justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que M. Z... devra payer à l'association L. E. C. G. S. au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-83169
Date de la décision : 27/04/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 31 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 avr. 2011, pourvoi n°10-83169


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.83169
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