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07/04/2011 | FRANCE | N°10-16317

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 avril 2011, 10-16317


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 février 2010), qu'un incendie s'est déclaré à proximité du fonds de commerce exploité par la société D2D entraînant la destruction complète de son magasin, ainsi que celle du magasin mitoyen, propriété de la société Multichauss, aux droits de laquelle vient la société Chausséa ; que l'enquête de police a établi que l'incendie résultait de l'acte de délinquance intentionnel d'un auteur non identifié qui a mis le feu à un co

ntainer de la société Chausséa ; que la société D2D a assigné cette dernière devant...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 février 2010), qu'un incendie s'est déclaré à proximité du fonds de commerce exploité par la société D2D entraînant la destruction complète de son magasin, ainsi que celle du magasin mitoyen, propriété de la société Multichauss, aux droits de laquelle vient la société Chausséa ; que l'enquête de police a établi que l'incendie résultait de l'acte de délinquance intentionnel d'un auteur non identifié qui a mis le feu à un container de la société Chausséa ; que la société D2D a assigné cette dernière devant un tribunal de commerce aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 2, du code civil, des dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels et de la perte d'exploitation ;
Attendu que la société Chausséa fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité dans les conséquences dommageables subies par la société D2D à la suite de l'incendie de ses locaux, alors, selon le moyen :
1°/ que celui qui détient à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance n'est responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie, que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le container appartenant à la société Multichauss, dans lequel l'incendie avait pris naissance, était une structure qui n'avait pas de dynamisme propre, qu'il ne contenait rien d'autre que des cartons qui ne sont inflammables que par contact avec une flamme et qu'il était destiné au tri sélectif et à un ramassage municipal distinct ; qu'en décidant que le seul fait d'avoir laissé, "après la fermeture du magasin, de surcroît un soir de fête de la musique, un container plein de cartons, à l'extérieur, devant le magasin voisin et non à l'intérieur ou à distance suffisante des bâtiments dans une zone où elle avait noté la présence de jeunes adolescents traînant autour des magasins et où un incendie de palettes s'était déjà produit la veille" est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité civile de la société Chausséa dans les conséquences dommageables subies par la société D2D à la suite de l'incendie de ses locaux, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 2, du code civil ;
2°/ que pour être jugée causale, une faute doit être susceptible d'expliquer la survenue du dommage et en avoir été ainsi une condition nécessaire ; qu'en jugeant en relation directe avec le dommage le comportement de la société Chausséa consistant dans le seul fait d'avoir laissé, "après la fermeture du magasin, de surcroît un soir de fête de la musique, un container plein de cartons, à l'extérieur, devant le magasin voisin et non à l'intérieur ou à distance suffisante des bâtiments dans une zone où elle avait noté la présence de jeunes adolescents traînant autour des magasins et où un incendie de palettes s'était déjà produit la veille" et tenant pour indifférente « l'intervention d'un incendiaire, qui n'a pas pu être identifié", la cour d'appel a statué par des motifs dont il ne résulte pas l'existence d'un lien de causalité entre les fautes imputées à la société Chausséa et l'incendie dont a été victime la société D2D, violant ainsi les dispositions de l'article 1384, alinéa 2, du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt ayant relevé notamment que même si la société D2D n'établit pas que le container, structure n'ayant pas de dynamisme propre, contenait autre chose que des cartons, qui ne sont inflammables que par contact avec une flamme, alors qu'il était destiné au tri sélectif et à un ramassage municipal distinct, elle établit, en revanche, que la présence de ce container sous le porche des deux magasins, peu important qu'il ait été commun ou contigu, est la cause de la diffusion extrêmement rapide de l'incendie au local commercial exploité par la société D2D, en raison de la présence au-dessus de cette ancienne porte d'une réserve contenant des produits en polystyrène et que cet emplacement, bien qu'habituel, était fautif de la part de la société Chausséa ; qu'en laissant ainsi après la fermeture du magasin, de surcroît un soir de fête de la musique, un container plein de cartons, à l'extérieur, devant le magasin voisin et non à l'intérieur ou à distance suffisante des bâtiments dans une zone où elle avait noté la présence de jeunes adolescents traînant autour des magasins et où un incendie de palettes s'était déjà produit la veille, la responsable de la société Chausséa ou ses préposés, ont commis une faute en relation directe avec le dommage, faute dont cette société ne peut s'exonérer par l'absence de réaction écrite de la société D2D contre cette pratique, ou par l'intervention d'un incendiaire, qui n'a pas pu être identifié et qui ne constitue pas une circonstance imprévisible et insurmontable ;
Que de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence d'une faute de la société Chausséa ayant contribué tant à la naissance, au développement ou à la propagation de l'incendie qu'à la réalisation des dommages, a pu déduire le lien de causalité entre cette faute et le dommage subi et a retenu, à bon droit, la responsabilité de la société, gardienne du container incendié, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 2, du code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chausséa aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Chausséa ; la condamne à payer à la société D2D la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Chausséa.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR retenu la responsabilité de la société Chausséa dans les conséquences dommageables subies par la société D2D à la suite de l'incendie de ses locaux ;
AUX MOTIFS QU'il ressort du procès-verbal d'audition du gardien de la paix présent sur les lieux au tout début de l'incendie, que celui-ci a pris naissance dans un container à poubelle de grande capacité, dont le propriétaire a été identifié comme état la société Multichauss (depuis dénommée Chausséa) et qui se trouvait sous le porche d'entrée, puis que, toujours sous les yeux des gardiens de la paix qui ont fait appel aux sapeurs pompiers, et après une tentative infructueuse de déplacement du container, l'incendie s'est propagé au porche du commerce « Décor Discount » puis, à l'ensemble du bâtiment qui a été entièrement détruit, le bâtiment de l'enseigne « Chausséa » ayant été inondé et dégradé par les fumées. En application de l'article 1384, alinéa 2, du code civil, il incombe donc à la société D2D qui exploite le commerce détruit à l'enseigne « Décor Discount » d'établir que la société Chausséa, ou les personnes dont elle est responsable, ont commis une faute en relation avec l'incendie qui a détruit son commerce et qui a pris naissance dans un objet mobilier appartenant à cette dernière. En l'espèce, même si la société D2D n'établit pas que le container, structure n'ayant pas de dynamisme propre, contenait autre chose que des cartons, qui ne sont inflammables que par contact avec une flamme, alors qu'il était destiné au tri sélectif et à un ramassage municipal distinct, elle établit, en revanche, que la présence de ce container sous le porche des deux magasins, peu important qu'il ait été commun ou contigu, est la cause de la diffusion extrêmement rapide de l'incendie au local commercial exploité par la société D2D, en raison de la présence au dessus de cette ancienne porte d'une réserve contenant des produits en polystyrène et que cet emplacement, bien qu'habituel était fautif de la part de la société Chausséa. Dans son témoignage recueilli au lendemain de l'incendie par les services de police et en dehors de tout contentieux judiciaire, Mme X..., gérante responsable du magasin Chausséa, a reconnu en effet que le container à cartons se trouvait toujours à la même place sous le porche d'entrée de son magasin, mais côté gauche, devant l'ancienne entrée du magasin « Décor Discount », pour ne pas gêner l'entrée des clients tout en leur permettant de déposer à la sortie, leurs emballages. En laissant ainsi après la fermeture du magasin, de surcroît un soir de fête de la musique, un container plein de cartons, à l'extérieur, devant le magasin voisin et non à l'intérieur ou à distance suffisante des bâtiments dans une zone où elle avait noté la présence de jeunes adolescents traînant autour des magasins et où un incendie de palettes s'était déjà produit la veille, la responsable du magasin Chausséa ou ses préposés, ont commis une faute en relation directe avec le dommage, faute dont la société Chausséa ne peut s'exonérer par l'absence de réaction écrite de la société D2D contre cette pratique, ou par l'intervention d'un incendiaire, qui n'a pas pu être identifié et qui ne constitue pas une circonstance imprévisible et insurmontable. Le jugement qui a retenu la responsabilité de la société Chausséa dans les conséquences de l'incendie subi par la société D2D doit être confirmé ;
1) ALORS QUE celui qui détient à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance n'est responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie, que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le container appartenant à la société Multichauss, dans lequel l'incendie avait pris naissance, était une structure qui n'avait pas de dynamisme propre, qu'il ne contenait rien d'autre que des cartons qui ne sont inflammables que par contact avec une flamme et qu'il était destiné au tri sélectif et à un ramassage municipal distinct ; qu'en décidant que le seul fait d'avoir laissé, « après la fermeture du magasin, de surcroît un soir de fête de la musique, un container plein de cartons, à l'extérieur, devant le magasin voisin et non à l'intérieur ou à distance suffisante des bâtiments dans une zone où elle avait noté la présence de jeunes adolescents traînant autour des magasins et où un incendie de palettes s'était déjà produit la veille » est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité civile de la société Chausséa dans les conséquences dommageables subies par la société D2D à la suite de l'incendie de ses locaux, la cour d'appel a violé l'article 1384 alinéa 2 du code civil ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE pour être jugée causale, une faute doit être susceptible d'expliquer la survenue du dommage et en avoir été ainsi une condition nécessaire ; qu'en jugeant en relation directe avec le dommage le comportement de la société Chausséa consistant dans le seul fait d'avoir laissé, « après la fermeture du magasin, de surcroît un soir de fête de la musique, un container plein de cartons, à l'extérieur, devant le magasin voisin et non à l'intérieur ou à distance suffisante des bâtiments dans une zone où elle avait noté la présence de jeunes adolescents traînant autour des magasins et où un incendie de palettes s'était déjà produit la veille) » et tenant pour indifférente « l'intervention d'un incendiaire, qui n'a pas pu être identifié », la cour d'appel a statué par des motifs dont il ne résulte pas l'existence d'un lien de causalité entre les fautes imputées à la société Chausséa et l'incendie dont a été victime la société D2D, violant ainsi les dispositions de l'article 1384 alinéa 2 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-16317
Date de la décision : 07/04/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 25 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 avr. 2011, pourvoi n°10-16317


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16317
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