LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement d'un tribunal de grande instance du 26 février 2004 a ordonné à M. et Mme X... de procéder, dans le délai de huit mois à compter de la signification du jugement, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard, à la suppression de l'ouvrage prenant appui sur le mur privatif de la propriété de Mme Y... ; que, par arrêt du 19 octobre 2005, la cour d'appel a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions , à l'exception de celles relatives au point de départ du délai de huit mois donné à M. et Mme X... pour procéder aux travaux ordonnés et, statuant à nouveau, dit que ce délai courra à compter de la signification du présent arrêt ; que Mme Y..., qui avait vendu son bien le 20 septembre 2005, a saisi , le 4 mars 2008, un juge de l'exécution d'une demande de liquidation de l'astreinte pour la période postérieure au 4 novembre 2005 ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de liquidation de l'astreinte formée par Mme Y... ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, dans l'acte de vente du 20 septembre 2005, figurait une clause aux termes de laquelle les parties à l'acte avaient convenu que Mme Y... garderait tant activement que passivement les conséquences de l'arrêt de la cour d'appel, alors en délibéré et intervenu le 19 octobre 2005, et retenu que, par le jeu de cette clause, Mme Y... conservait le droit de poursuivre aux lieux et place des acquéreurs, la démolition des ouvrages et la liquidation de l'astreinte qui assortissait cette obligation, la cour d'appel qui a souverainement apprécié l'intérêt à agir de Mme Y..., a pu décider que sa demande en liquidation de l'astreinte était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu que pour liquider l'astreinte à la somme de 24 000 euros, l'arrêt retient que l'astreinte a commencé à courir à compter du lendemain de la signification de l'arrêt du 19 octobre 2005, soit le 5 novembre 2005 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt du 19 octobre 2005 avait décidé que le délai de huit mois imparti à M. et Mme X... pour procéder aux travaux commencerait à courir à compter de la signification de l'arrêt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant liquidé l'astreinte à la somme de 24 000 euros pour la période allant du 5 novembre 2005 au 6 juillet 2007, l'arrêt rendu le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, statuant comme Juge de l'exécution, d'avoir déclaré Mme Z... recevable en sa demande de liquidation d'astreinte ;
Aux motifs que, sur la qualité et l'intérêt à agir de Mme Ginette Z... veuve Y..., qu' elle a introduit à l'encontre de M. et Mme Michel X..., par assignation du 24 septembre 1999, une action en suppression sous astreinte de l'ancrage de la surélévation du ..., effectuée sur le mur privatif lui appartenant, et de la suppression de l'ouvrage en bois édifié sur le mur mitoyen aux deux propriétés, qui a abouti au jugement du 26 février 2004, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2005, reportant le point de départ du délai de huit mois à compter de la signification de l'arrêt ; que, dans l'acte de vente établi devant notaire, le 20 septembre 2005, avec la société MARINA, était incluse une clause dans laquelle, l'acquéreur devenant propriétaire du bien vendu à compter de la date de l'acte, il était précisé qu'une procédure était en cours, que la cour d'appel de Paris devant rendre sa décision le 12 octobre 2005, «Mme Y... gardera tant activement que passivement les conséquences de cette décision » ; que cette mention doit s'interpréter comme laissant au bénéfice de Mme Y... les dispositions de l'arrêt lui accordant des droits résultant de l'action entreprise en suppression des ouvrages effectués sur sa propriété sous astreinte ; que par cette clause elle gardait donc le droit d'obtenir la démolition des ouvrages et la liquidation de l'astreinte, bien qu'elle ne fût plus propriétaire ; que le nouveau propriétaire, qui avait intérêt à la démolition des ouvrages litigieux, convenait expressément avec elle qu'elle restait titulaire de l'action, de l'obligation (sic) de démolir ordonnée à M. et Mme Michel X... et de la liquidation de l'astreinte à laquelle ces derniers étaient soumis ; qu'elle a ainsi qualité et intérêt à agir, non pas seulement pour recueillir des sommes d'argent, mais pour obtenir la démolition des ouvrages, bénéficiant aussi à son acquéreur ; que sa demande en liquidation d'astreinte est recevable (arrêt attaqué, p. 3) ;
Alors qu' en retenant, pour déclarer recevable la demande en liquidation d'astreinte de Mme Z... veuve Y..., après avoir relevé que M. et Mme X... avaient été condamnés par un arrêt confirmatif du 19 octobre 2005, à effectuer la suppression de certains ouvrages empiétant et prenant appui sur le fonds appartenant à Mme Z... veuve Y..., et constaté que cette dernière avait vendu sa propriété le 25 septembre 2005, qu'une clause de l'acte vente laissait au bénéfice de Mme Y... les dispositions de l'arrêt à intervenir lui accordant des droits résultant de l'action entreprise en suppression des ouvrages effectués sur sa propriété sous astreinte et que par cette clause, Mme Z... veuve Y... "gardait" le droit d'obtenir la démolition des ouvrages et la liquidation de l'astreinte, bien qu'elle ne fût plus propriétaire, étant convenu avec le nouveau propriétaire, qui avait intérêt à la démolition des ouvrages litigieux, qu'elle restait titulaire de l'action, de l'obligation de démolir ordonnée à M. et Mme Michel X... et de la liquidation de l'astreinte à laquelle ces derniers étaient soumis, la Cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et énonciations d'où il résultait que Mme Z... veuve Y... n'ayant plus la qualité de propriétaire antérieurement à la décision ordonnant la suppression des ouvrages assortie de l'astreinte, avait perdu la qualité et l'intérêt à agir en liquidation de l'astreinte lors de l'introduction de sa demande ; qu'elle a ainsi violé les articles 31 et 32 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris sur le point de départ de l'astreinte et sur le montant de la liquidation et d'avoir en conséquence condamné M. et Mme X... à payer à Mme Ginette Z... veuve Y... la somme de 24.000 €, en deniers ou quittance, pour la liquidation de l'astreinte ;
1°/Aux motifs que l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que l'astreinte doit être liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ; qu'elle peut être est supprimée en tout ou en partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction provient, en tout ou en partie, d'une cause étrangère ; qu'il incombe à celui qui se prétend libéré de l'obligation de faire de prouver qu'il s'est acquitté de cette obligation ou d'établir les difficultés qu'il a rencontrées ; qu'il ressort du libellé de la condamnation à démolition sous astreinte, que le tribunal aussi bien que la cour d'appel, confirmant celui-ci sur le délai accordé, en modifiant seulement son point de départ, n'ont pas fixé le point de départ de l'astreinte à l'expiration du délai de huit mois, mais l'obligation de démolition dans un délai de huit mois est (sic) soumise à l'astreinte dès le point de départ du délai; qu'en conséquence, l'astreinte a commencé à courir dès le lendemain de la signification de l'arrêt, soit le 5 novembre 2005 (arrêt attaqué, p. 3 in fine et p. 4 in limine, §2 inclus) ;
Alors que, d'une part, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ; que l'arrêt confirmatif du 19 octobre 2005 avait seulement fixé à la date de signification de l'arrêt, le point de départ du délai de huit mois donné à M. et Mme X... pour procéder aux travaux ordonnés ; qu'en retenant, pour liquider l'astreinte à la somme de 24.000 euros, que l'astreinte avait commencé à courir dès le lendemain de la signification de l'arrêt, soit le 5 novembre 2005, la Cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile, ensemble les articles 36 de la loi du 9 juillet 1991 et 51 du décret du 31 juillet 1992 ;
2°/ Aux motifs que M. et Mme Michel X... ne peuvent utilement invoquer comme une cause étrangère le fait que Mme Y... n'était plus propriétaire du fonds sur lequel l'empiètement a été réalisé, puisqu'une clause expresse de l'acte de vente lui réserve le droit d'agir contre eux et qu'en tout état de cause, ce fait ne pouvait en rien les empêcher de procéder à la démolition à laquelle ils étaient soumis ; que l'absence de réponse de l'acquéreur à leur proposition d'achat de la surface de terrain empiété ne pouvait que leur faire comprendre qu'il attendait également la démolition des ouvrages qu'il ressort des constats d'huissier produits par M. et Mme Michel X..., en date des 31 mai, 25 juin et 6 juillet 2007, que les travaux n'étaient achevés avec les protections nécessaires à l'étanchéité du mur du 53, qu'à cette dernière date, le 6 juillet 2007 ; qu'ils n'ont déposé une demande de permis de démolir que le 26 juin 2006, que d'ailleurs la Commune de Montreuil a déclaré irrecevable par courrier du 28 juin 2006, la démolition étant effectuée en application d'une décision de justice devenue définitive, et un déclaration de travaux dont il leur a été donné récépissé le 6 juillet 2006 ; qu'il ressort des constats d'huissier produits par M. et Mme Michel X..., en date des 31 mai, 25 juin et 6 juillet 2007, que les travaux n'étaient achevés avec les protections nécessaires à l'étanchéité du mur du 53, qu'à cette dernière date, le 6 juillet 2007 ; qu'ils n'ont déposé une demande de permis de démolir que le 26 juin 2006, que d'ailleurs la Commune de Montreuil a déclaré irrecevable par courrier du 28 juin 2006, la démolition étant effectuée en application d'une décision de justice devenue définitive, et une déclaration de travaux dont il leur a été donné récépissé le 6 juillet 2006 ; que M. et Mme Michel X... ne se sont pas exécutés dans le délai imparti, mais au regard du point de départ de l'astreinte tel que retenu ci-dessus, il y a lieu de considérer que pour ces travaux importants, il fallait faire établir des devis, ce que M. et Mme Michel X... ont fait en mars 2006 et qu'il a fallu un période de deux mois pour les exécuter ; que l'astreinte doit être liquidée à la somme de 24.000 €, représentant 16 mois de liquidation d'astreinte pour la période allant du 5 novembre 2005 au 6 juillet 2007 ; que cette condamnation doit avoir lieu den deniers ou quittance, M. et Mme Michel X... ayant déjà versé certaines sommes au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris ; que cette condamnation étant liquidée par le présent arrêt, elle ne saurait être assortie comme demandé d'intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2005 ; que le jugement entrepris doir être infirmé sur le point de départ du calcul de l'astreinte et sur le montant de la liquidation (arrêt attaqué, p. 4 §3 à 5); ;
Alors que, d'autre part, en se bornant à relever qu'il ressortait des constats d'huissier produits par M. et Mme X... en date des 31 mai, 25 juin et 6 juillet 2007 que les travaux n'avaient été achevés qu'à cette dernière date, sans préciser en quoi les travaux réalisés par M. et Mme X... dès le 25 juin 2007, n'étaient pas conformes à l'obligation de démolition mise à leur charge sous astreinte, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Alors que, de troisième part, en liquidant l'astreinte au taux de 50 euros par jour de retard fixé par l'arrêt ayant ordonné l'astreinte, sans rechercher si les difficultés rencontrées dans l'exécution de l'obligation assortie de l'astreinte invoquées par M. et Mme X..., étaient de nature à emporter une modération du taux de l'astreinte liquidée, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Alors qu'enfin, en retenant, pour liquider l'astreinte à la somme de 24.000 €, que cette somme représentait 16 mois de liquidation d'astreinte pour la période allant du 5 novembre 2005 au 6 juillet 2007 au taux de base de ¨50 euros par jour de retard fixé par le précédent arrêt du 19 octobre 2005, la Cour d'appel qui a fixé l'astreinte liquidée à un montant supérieur à celui de l'astreinte fixée par le juge qui l'a ordonnée, a violé l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991.