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06/04/2011 | FRANCE | N°10-83986

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2011, 10-83986


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Logilog, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 25 mai 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre M. Marc X... et Mme Claudia Y... des chefs d'abus de confiance, faux et usage, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violati

on des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'articl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Logilog, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 25 mai 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre M. Marc X... et Mme Claudia Y... des chefs d'abus de confiance, faux et usage, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 121-3, 314-1 du code pénal, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a confirmé l'ordonnance de non-lieu à suivre contre M. X... du chef d'abus confiance ;

"aux motifs que le 18 octobre 2005, la société Logilog située à Thouars (79), prise en la personne de son représentant légal M. Z..., déposait plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de M. X..., ancien salarié de la société, pour des faits d'abus de confiance ; que la société Logilog exposait que M. X... avait pris ses fonctions, le 16 septembre 2004, en qualité de responsable logistique ; que la société avait été informée de certains comportements fautifs de son salarié concernant, notamment, l'utilisation abusive d'un véhicule de fonction et des téléphones portables de l'entreprise ; que M. A... était licencié pour faute grave le 14 octobre 2005 ; que la société Logilog lui reprochait :
- le détournement d'un véhicule Peugeot 607 mis à sa disposition pour ses besoins professionnels et utilisé par sa concubine, Mme Y..., à des fins personnelles,
- l'utilisation abusive d'un véhicule Renault Clio,
- le détournement du carnet à souches de la société et sa remise à sa concubine à des fins personnelles, notamment aux fins d'approvisionnement en carburant, avec imitation de la signature de M. X...,
- l'utilisation abusive à des fins personnelles des deux téléphones portables de l'entreprise,
qu'une information judiciaire était ouverte à l'encontre de M. X... le 3 mars 2006, du chef de abus de confiance ; que, lors de son interrogatoire en qualité de témoin assisté le 5 avril 2006, M. X... indiquait avoir été à l'origine de la société Logilog le 26 juin 2002 avant de céder ses parts à M. Z..., le 15 septembre 2004, date à laquelle il avait été embauché en qualité de responsable logistique ; qu'il soutenait que le véhicule Peugeot 607 avait été mis à sa disposition en application de son contrat de travail, et pouvait être utilisé à des fins professionnelles et personnelles, cet avantage en nature étant pris en compte sur sa feuille de paie ; que le véhicule Renault Clio était un véhicule de société mis à la disposition de "tout le monde" ; que M. Z... lui avait demandé d'utiliser préférentiellement ce véhicule pour les petits trajets ; qu'il admettait que le carnet à souches de la société avait été occasionnellement utilisé par sa compagne, mais démentait toute intention frauduleuse, les achats de carburant s'étant effectués, selon lui, au vu et au su de tous les salariés de la société ; que M. X... reconnaissait également l'utilisation, avec son amie, de deux téléphones portables laissés à leur disposition après la cession de l'entreprise en application d'un accord verbal passé avec M. Z... ; qu'il admettait l'existence de dépassement du forfait qu'il avait accepté de rembourser en émettant un chèque au profit de la société Logilog qui n'avait pas été encaissé ; que l'agent général d'assurance responsable de la société Logilog indiquait devant les enquêteurs que le contrat garantissant l'ensemble des véhicules de la société, dont la Peugeot 607, garantissait les dommages subis par tous les conducteurs, salariés ou non de la société ; qu'interrogé par le magistrat instructeur, il précisait que le contrat garantissait tout conducteur ayant la garde et la conduite du véhicule, même non autorisé, au titre de la responsabilité civile à l'égard des tiers ; qu'il estimait que la personne désignée par le contrat de travail pouvait confier le véhicule à un tiers tant que l'utilisation (par le tiers) ne présentait pas un caractère professionnel, et précisait qu'il appartenait à l'entreprise de préciser le nom de la personne autorisée à la conduite du véhicule ; que l'expert comptable de la société précisait que la somme de 250 euros prélevée mensuellement sur le salaire de M. X... correspondait à l'avantage en nature à hauteur de l'utilisation privée du véhicule, carburant inclus ; que, lors de son audition en qualité de partie civile, la SARL Logilog, représentée par son gérant M. Z..., reconnaissait que M. X... avait la possibilité d'utiliser le véhicule 607 à titre personnel, tout en contestant la prise en charge des frais d'essence, par la société, à des fins personnelles ; que la partie civile soutenait que M. X... ne pouvait pas utiliser la Renault Clio à titre personnel, en l'absence de mention dans son contrat de travail, ce véhicule faisant partie du parc automobile de l'entreprise ; que, s'agissant de l'utilisation des téléphones portables, la partie civile contestait avoir eu connaissance d'un chèque de 276,66 euros remis par M. X... en remboursement d'une facture émise par la société ; que Mme Y... était entendue par le juge d'instruction en qualité de témoin le 11 octobre 2006 ; qu'elle admettait avoir utilisé le véhicule Peugeot 607 à des fins personnelles, tant avant que postérieurement à la cession de l'entreprise ; qu'elle ne contestait pas avoir rempli, à plusieurs reprises, les carnets à souches pour l'achat du carburant du nom de X..., contestant toute pratique frauduleuse, M. Z... étant parfaitement informé de l'existence de cette pratique, de même que celle concernant l'usage des téléphones portables ; que, le 6 avril 2007, le procureur de la République prenait des réquisitions supplétives tendant à la mise en examen de Mme Y... pour faux, et de M. X... pour abus de confiance et usage de faux ; que, lors de leur mise en examen, M. X... et Mme Y... confirmaient leurs déclarations précédentes, contestant l'existence de toute infraction pénale ; que les investigations qui étaient effectuées sur commission rogatoire faisaient apparaître que plusieurs salariés de la société étaient parfaitement informés de l'utilisation régulière des véhicules Peugeot 607 et Renault Clio par M. X... ; qu'il résultait de leurs déclarations que M. Z... avait connaissance des avantages attribués à M. X... concernant le téléphone portable et les voitures ; que Mme Renault, secrétaire de l'entreprise, précisait avoir remis à plusieurs reprises le carnet à souches permettant de faire le plein d'essence à Mme Y..., estimant que son employeur ne pouvait ignorer cette pratique ;

"et que sur l'abus de confiance, le contrat de travail de M. X..., le contrat d'assurance, les témoignages recueillis au cours de l'enquête, mais aussi le prélèvement effectué sur le salaire de M. X... correspondant à la contrepartie de l'utilisation personnelle qui était faite du véhicule, carburant compris, sont de nature à établir la bonne foi du mis en examen qui a pu légitimement penser qu'il pouvait permettre l'utilisation du véhicule Peugeot 607 et du carnet à souches par sa concubine d'autant plus qu'il résulte de l'audition de plusieurs salariés de l'entreprise que M. Z... était au courant de ces pratiques ; que, pour la Renault Clio, l'enquête sur commission rogatoire a démontré qu'il s'agissait d'un véhicule de service (et non de fonction) utilisé régulièrement par M. X..., au vu et au su de tous les salariés qui, pour la plupart estimaient que M. Z... ne pouvait ignorer cette situation ; que M. X... a agi en pensant qu'il avait le droit de le faire ; qu'en ce qui concerne les téléphones portables, l'entreprise a réglé les notes pendant plusieurs mois sans objection ; que certains salariés ont confirmé que le chef d'entreprise connaissait l'existence des avantages liés à l'utilisation des téléphones portables par M. X... et sa compagne ; qu'aucune intention frauduleuse n'est caractérisée ; que le délit d'abus de confiance n'est pas constitué ;

"1) alors que le prêt de biens sociaux effectué par un salarié au profit d'un tiers sans autorisation de l'employeur constitue le délit d'abus de confiance ; qu'en se bornant à relever que le salarié avait pu légitimement croire en la licéité de l'utilisation par sa concubine, pour ses besoins personnels, de son véhicule de fonction ainsi que du carnet à souches d'achat de carburant de la société, lors même que les termes clairs du contrat de travail du salarié prévoyaient la mise à disposition à titre personnel du véhicule Peugeot 607, véhicule de fonction, au seul bénéfice du salarié sans autoriser un quelconque usage du véhicule par un tiers, qu'il ressortait du témoignage de l'assureur des véhicules de l'employeur que ce dernier ne lui avait jamais indiqué avoir autorisé la concubine du salarié à utiliser le véhicule, qu'enfin, aucun des témoignages des salariés de l'entreprise, dont le contenu était rappelé par la cour, n'attestait de l'utilisation du véhicule de fonction par la concubine au vu et au su de l'employeur, la chambre de l'instruction a dénaturé les contrats et pièces de la procédure précitées dont se prévalait expressément la partie civile demanderesse ; qu'ainsi, la cour s'est contredite et a privé son arrêt de motifs sur la substance même de l'incrimination correspondante, se contredisant ainsi gravement en violation des textes susvisés ;

"2) alors que le prêt de biens sociaux effectué par un salarié au profit d'un tiers, sans autorisation de l'employeur, constitue le délit d'abus de confiance ; qu'en se bornant à retenir que le salarié avait pu légitimement penser qu'il pouvait permettre l'utilisation par sa concubine du carnet à souches d'achat de carburant de la société, sans rechercher, comme elle en était pourtant requise, si la contrefaçon par la concubine de la signature du salarié sur ce carnet à souches ne démontrait pas par principe que ceux-ci avaient parfaitement conscience que l'utilisation de ce carnet par un tiers à l'entreprise n'était pas autorisée, la chambre de l'instruction a derechef privé sa décision de motifs en violation des textes précités ;

"3) alors que la mise à la charge financière de l'employeur de dépenses personnelles que celui-ci n'avait pas consenti à assumer, caractérise la commission par le salarié du délit d'abus de confiance ; qu'en retenant que la prise en charge des dépenses personnelles de carburant du salarié par la société était licite lors même que les termes clairs du contrat de travail, figurant au dossier de la procédure, prévoyaient la seule prise en charge par l'employeur des frais de carburant engagés par le salarié « dans l'exercice de son activité professionnelle », la chambre de l'instruction a formellement dénaturé le contrat de travail, entachant ainsi sa décision d'une nouvelle contrariété de motifs ;

"4) alors que l'usage à titre personnel d'un bien mis à disposition par l'employeur pour les seuls besoins professionnels du salarié constitue un abus de confiance ; qu'en retenant que le salarié avait pu croire qu'il pouvait user à titre personnel du véhicule Renault Clio, véhicule de service mis à la disposition de l'ensemble des salariés pour leurs seuls besoins professionnels, sans rechercher, comme elle en était requise, si le bénéfice par M. X... d'un véhicule de fonction ainsi que l'absence de toute preuve objective de la connaissance par l'employeur de l'utilisation par le mis en examen du véhicule de service à titre personnel, n'excluaient pas que cette utilisation ait pu être faite de bonne foi, la chambre de l'instruction a encore privé sa décision de motifs ;

"5) alors qu'en procédant par voie de pure affirmation sur l'absence d'intention frauduleuse de M. X... lors de l'utilisation par lui et sa concubine des téléphones portables appartenant à l'employeur, sans rechercher, comme elle en était requise, si la reconnaissance par le salarié d'un prétendu règlement des dépassements de forfaits initialement autorisés par son employeur ne valait pas aveu d'un usage abusif des téléphones portables, exclusif de toute bonne foi, la chambre de l'instruction a privé en tout état de cause sa décision de motifs";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a confirmé l'ordonnance de non-lieu à suivre contre Mme Y... et M. X... respectivement des chef de faux et usage de faux ;

"aux motifs que sur le faux et l'usage de faux, les témoignages des salariés établissent que Mme Y... avait récupéré les carnets à souche au vu et au su de tout le monde, ce que M. Z... ne pouvait ignorer ; que c'est ainsi que Mme Y... dément avoir utilisé la signature litigieuse dans une intention frauduleuse ; qu'au demeurant et dans la mesure où la prise en charge des dépenses personnelles de carburant par la société, ainsi qu'il a été dit plus avant, est licite, il ne résulte aucun préjudice pour elle ; qu'en l'absence d'intention frauduleuse et à défaut de préjudice, l'infraction de faux et par voie de conséquence celle d'usage de faux ne sont pas constituées ;

"1) alors qu'en retenant l'absence d'intention frauduleuse de la concubine du salarié, exclusive de toute infraction de faux, au motif qu'il aurait été notoirement connu que celle-ci aurait récupéré personnellement dans les locaux de l'employeur le carnet à souches, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la contrefaçon par Mme Y... de la signature de son concubin, salarié de Logilog, sur le carnet à souches n'excluait pas par principe que celle-ci ait pu se croire autorisée à utiliser à titre personnel le carnet, la cour a privé sa décision de motifs ;

"2) alors qu'en retenant que les témoignages des salariés de l'entreprise établissaient que la concubine de M. X... avait récupéré le carnet à souches « au vu et au su de tout le monde », lors même qu'il résultait de ses propres constatations que seule la secrétaire de l'entreprise était en mesure d'attester de la remise du carnet à souches à la concubine, la chambre de l'instruction s'est contredite ;

"3) alors qu'enfin, l'atteinte portée à la foi d'un écrit présentant un caractère probatoire, inhérente à l'infraction de faux, constitue un préjudice distinct du préjudice matériel éventuellement causé par l'altération de la vérité de l'écrit ; qu'en retenant l'absence de tout préjudice dans la mesure où la prise en charge des dépenses personnelles de carburant par l'employeur aurait été licite, lors même que l'imitation volontaire par la mise en examen de la signature de son concubin afin de dissimuler l'usage non autorisé qu'elle faisait du carnet avait eu pour effet de tromper la société Logilog sur l'identité du signataire des fiches, portant ainsi atteinte à la foi attachée à de tels documents, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés";

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre M. X... et Mme Y... ou quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DECLARE irrecevable la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par M. X... et Mme Y... ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-83986
Date de la décision : 06/04/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, 25 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2011, pourvoi n°10-83986


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.83986
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