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06/04/2011 | FRANCE | N°09-43316

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 avril 2011, 09-43316


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 15 mars 1993 par le cabinet Y..., a fait l'objet d'une mise à pied de trente jours par courrier du 27 mars notifié le 28 mars 2006 puis a été licenciée pour faute grave le 27 avril 2006 ;
Attendu que pour rejeter l'ensemble des demandes de rappels de rémunérations et d'indemnités au titre de la rupture et du préjudice moral présentées par Mme X..., l'arrêt retient que les f

aits reprochés dans la lettre de licenciement n'avaient pas été invoqués pou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 15 mars 1993 par le cabinet Y..., a fait l'objet d'une mise à pied de trente jours par courrier du 27 mars notifié le 28 mars 2006 puis a été licenciée pour faute grave le 27 avril 2006 ;
Attendu que pour rejeter l'ensemble des demandes de rappels de rémunérations et d'indemnités au titre de la rupture et du préjudice moral présentées par Mme X..., l'arrêt retient que les faits reprochés dans la lettre de licenciement n'avaient pas été invoqués pour justifier une précédente mise à pied et que s'agissant de faits nouveaux ils pouvaient être retenus pour fonder un licenciement pour faute grave ;
Qu'en statuant ainsi sans préciser les manquements nouveaux de la salariée et les dates auxquels ils avaient été commis alors que celle-ci contestait leur nouveauté, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Y... immobilier de la Réunion aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 35 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Y... immobilier de la Réunion à payer à Me Blondel la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une salariée de l'ensemble de ses demandes dirigées contre son employeur de naguère ;
AUX MOTIFS QU'à supposer que les écritures de la salariée puissent être comprises comme tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire constituée par la mise à pied du 27 mars 2006 et au paiement du salaire du mois d'avril 2006, il résulte des pièces produites que celle-ci était régulière, justifiée et proportionnée aux fautes commises ; qu'il convient de rappeler les motifs pour lesquels elle a été prise :
- une agressivité d'une telle ampleur à l'égard des clients qu'un certain nombre d'entre eux (dont le syndicat des copropriétaires de la résidence Mazagran à Saint-Denis au mois de mars 2006) ont décidé de changer de syndic ;
- faible qualité, voire absence de qualité, du travail de Madame X..., dont le désinvestissement patent confinerait au laxisme ;
- attitude outrancière confinant au harcèlement moral à l'égard de l'ensemble des collaborateurs de l'agence, qui témoignent tous de l'ambiance pesante voire traumatisante dans laquelle ils vivent sous son joug ;
- comportement envers le dirigeant lui-même, traité de " con " par Madame X... au terme de chacune de leurs conversations téléphoniques ;
- détournement des moyens de l'agence à des fins personnelles : ainsi le téléphone portable qui lui a été attribué pour son activité professionnelle se trouve-t-il entre les mains de sa fille Marie (ce que Monsieur Y... a constaté le 20 mars, s'attirant une réplique ironique de l'appelante) ; son mari et son gendre utiliseraient régulièrement la voiture de la société, ce qui expliquerait des factures d'essence manifestement excessives (d'autant qu'elles englobaient parfois, de façon masquée, des achats de cigarettes) ;
AU MOTIF QUE la matérialité de ces griefs résulte des pièces produites (attestations, relevés du compte ouvert à la BRED au nom de la société, relevé des dépenses personnelles de Madame X... auprès du commerçant Z... et de la station Esso Sud) ; que s'agissant plus précisément des détournements reprochés, l'appelante fait vainement valoir que son employeur n'a jamais manifesté son opposition à la prise en charge de dépenses qui auraient été effectuées dans l'intérêt de la société (boissons fraîches, café...), que ce soit en vue de réunions avec des clients ou pour pallier aux chaleurs excessives en été, ce qui serait de pratique courante dans la profession ; que l'employeur n'apporte pas la preuve de ce que les factures excessives seraient afférentes au véhicule qu'elle utilisait, alors que la société en avait trois ; enfin qu'elle a été contrainte d'utiliser son propre téléphone à partir du mois de septembre 2004, son téléphone professionnel lui ayant été retiré sans motif valable ;
AU MOTIF ENCORE QUE c'est en effet après qu'il se soit avisé d'entrer dans le détail des notes et factures que l'employeur s'est aperçu de leur caractère parfois excessif et surtout du fait qu'elles portaient sur des achats ne présentant que marginalement un intérêt pour l'agence, ainsi qu'il résulte notamment des attestations de Mesdames B... et C... datées du 5 juin 2007 ; que les mêmes personnes y affirment qu'une des voitures de la société ne pouvait plus être utilisée du fait qu'elle l'a été pendant plusieurs mois par le mari de l'appelante, ce qui leur avait été enjoint de cacher à Monsieur Y..., étant observé que s'il est arrivé à Madame X... d'utiliser sa propre carte bancaire pour régler ses achats (cf. attestation de Monsieur D... en date du 27 juin 2006), ce qui n'est que normal, elle a trop souvent fait supporter par l'entreprise des dépenses qui lui étaient personnelles, comportement répréhensible pour lequel il importe peu que l'intimée n'ait pas porté plainte ; que le salaire du mois d'avril pendant lequel cette sanction a été exécutée n'avait donc pas à être payé, le salaire étant normalement la contrepartie du travail ;
AU MOTIF AUSSI s'agissant du licenciement lui-même que les motifs de cette mesure sont, aux termes de la lettre du 27 avril 2006 « des faits similaires » à ceux pour lesquels elle avait été mise à pied, « qui pour certains viennent de vous être reprochés et pour d'autres vont bien au-delà de mes craintes quant à votre comportement qui manifestement est désormais parfaitement nuisible à l'Agence », savoir :
- d'avoir proposé à Monsieur Fabien D..., salarié de l'agence, de saisir le Conseil des prud'hommes en lui offrant de lui remettre, dans ce cadre, des attestations qu'elle avait rédigées, proposition qualifiée d'" incongrue " qui aurait été faite dans une intention déclarée de nuire à son employeur ;
- d'avoir emporté des procès-verbaux d'assemblées générales et de contrats de syndics de copropriétés gérées par Y... IMMOBILIER dans des conditions rocambolesques pour en faire un usage contraire aux intérêts de la société ;
- de s'être servi du chéquier de celle-ci pour ses propres besoins, étant précisé qu'il ne s'agissait pas d'un fait isolé puisqu'elle avait eu un comportement similaire le 5 mars 2006 ;
- de n'avoir pas restitué les chéquiers en sa possession en dépit de la mise en demeure qui lui avait été adressée à cet effet ;
- d'avoir tenté " de discréditer le sérieux et la compétence " de la société Y... IMMOBILIER et de ses collaborateurs auprès de ses interlocuteurs privilégiés, notamment des syndicats de copropriété, dans le but de les « récupérer » plus précisément, elle a indiqué au président du conseil syndical de la copropriété " Les pailles-en-queue ", le 27 mars 2006, qu'elle allait prochainement quitter la structure et l'aurait invité la suivre ;
AU MOTIF QUE la matérialité des faits est établie par les attestations produites, dont Madame X... tente vainement de mettre en doute la crédibilité au motif qu'elles émanent, pour la plupart, de salariés ayant tous vu leur situation professionnelle s'améliorer avec son départ ;
AU MOTIF ENCORE QUE l'appelante conteste la nouveauté de la plupart de ces faits ; la règle « non bis in idem » ne saurait toutefois trouver application au cas d'espèce, indépendamment de la réitération de comportements agressifs dès la reprise du travail et de la persistance dans le refus de restituer les documents en sa possession (dont elle n'a pas fait usage dans la présente instance), les faits reprochés n'avaient pas été invoqués pour justifier sa mise à pied :
- Madame X... soutient encore que tant celle-ci que son licenciement s'inscrivent dans un contexte de brimades dont elle aurait été victime depuis le mois de septembre 2005 ; l'instauration, en avril 2005, d'un système de feuilles de présence était destinée à contrôler les heures d'arrivée de tous les collaborateurs et n'était pas spécifiquement dirigée contre elle ; le fait que le téléphone portable dont elle avait la disposition pour les besoins de son activité professionnelle lui ait été retiré au mois de novembre 2005- point sur lequel l'intimée ne s'explique pas-est insuffisant à caractériser le harcèlement dont elle se plaint, en sorte que c'est à juste titre, en conclusion, que les premiers juges ont débouté la salariée de ses demandes ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Madame Christine X... a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire ; que l'employeur déclare avoir licencié Madame Christine X... pour faute grave pour les motifs suivants :
• attitude agressive envers les subordonnés et avec un certain nombre de clients de l'agence ;
• usage abusif des moyens matériels mis à disposition pour l'exercice des fonctions ;
• incitation d'un salarié à saisir le Conseil des prud'hommes contre la société en proposant de fournir des attestations ;
• prise de documents appartenant à l'agence pour en faire un usage contraire à l'agence ;
• déclarations intempestives destinées à nuire à l'agence ;
• non-restitution des chéquiers et usage à des fins personnelles ;
• tentative de discréditer le sérieux et la compétence de l'agence auprès de Monsieur D... et de la copropriété les Pailles en queue (Monsieur F...)
AU MOTIF AUSSI QUE ces griefs sont corroborés par les diverses attestations et pièces versées aux débats ; que Madame Christine X... a poursuivi son attitude agressive et de dénigrement tels que justifiés par les attestations de Madame B..., Madame C... et Monsieur D... ; qu'en effet la réitération de faits préalablement reprochés sont constitutifs d'une faute grave, le licenciement du salarié pour faute grave est donc justifié ;
ET AU MOTIF ENFIN QUE Madame Christine X... étant en mise à pied disciplinaire, elle ne peut prétendre au paiement du salaire si bien qu'il y a lieu de rejeter la demande tendant à voir condamner l'employeur au paiement d'une somme de 2. 262, 26 euros ;
ALORS QUE le rapprochement des motifs de la mise à pied qui n'était pas à titre conservatoire, et des motifs du licenciement fait ressortir de la façon la plus claire comme la salariée s'était attachée à le mettre en relief dans ses écritures qu'elle a été sanctionnée deux fois en ce qui concerne un certain nombre de faits fautifs qui lui ont été reprochés, que dès lors la faute grave qui procède nécessairement de tous les faits fautifs énoncés dans la lettre de licenciement n'est pas caractérisée, certains d'entre eux ne pouvant plus être reprochés à la salariée, s'agissant notamment de l'usage personnel des moyens de la société et de l'attitude envers les clients et les collaborateurs, cela apparaissant d'autant plus clairement que le licenciement est intervenu alors que la salariée, mise à pied, n'était plus dans l'entreprise lors du licenciement et ne pouvait réitérer les comportements reprochés, le licenciement ayant été prononcé pendant la période de mise à pied ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour viole l'article L. 1235-1 du Code du travail, ensemble les articles L. 1332-1, L. 1332-2 et L. 1332-3 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-43316
Date de la décision : 06/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 09 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 avr. 2011, pourvoi n°09-43316


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.43316
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