LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Daniel X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 5 mai 2010, qui, pour fraude fiscale, omission d'écritures et passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
Vu les mémoires ampliatif et additionnel en demande et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 47 du livre des procédures fiscales, 1741, 1743 du code général des impôts, et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée et déclaré M. X... coupable de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des années 2003 et 2004, de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2003 et 2004, d'avoir omis de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004 et d'avoir fait passer des écritures inexactes ou fictives au titre de la période de l'exercice 2004 ; en répression de l'avoir condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs que l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dispose que toute opération de contrôle doit nécessairement être précédée de l'envoi d'un avis de vérification, informant le contribuable de la possibilité qui lui est offerte de se faire assister d'un conseil de son choix ; que, le 9 mars 2006, un avis de vérification de comptabilité était adressé à M. X... compte tenu de sa qualité non commerciale déclarée de consultant ; qu'au cours de cette vérification, il a été constaté que le demandeur exerçait une activité non déclarée de vente d'engrais en plus de son activité de consultant ; que M. X... soulève la nullité de la procédure au motif que la vérification a porté sur les deux activités en dépit de l'envoi d'un seul avis ; qu'il est incontestable que l'activité de vente d'engrais n'a jamais été déclarée antérieurement à la vérification alors qu'elle a commencé, selon les dires de l'appelant lui-même, en 1996 ; qu'il est constant que les factures émises par l'appelant lors de la vente de cet engrais sont porteuses du numéro de siret, numéro qui définit son activité, et qui correspond, en l'espèce, à son activité de consultant ; qu'il n'est pas non plus contesté que les sommes perçues en paiement de ces factures ont été encaissées sur le compte de M. X..., ès qualité de consultant ; que, de plus, au titre de la régularisation entreprise par l'appelant, cette activité a donné lieu à une inscription unique au registre du commerce, et a fait l'objet d'une déclaration unique de résultats et d'une rectification de comptabilité unique pour les années 2003 et 2004 dans le cadre de son activité de consultant ; qu'il ressort de tous ces éléments que les activités de consultant en négoce d'engrais et de vendeur d'engrais exercées par M. X... si elles n'étaient pas identiques, étaient incontestablement, de par leur nature, complémentaires, quand bien même leur clientèle était différente, que les moyens utilisés dans les deux activités étaient mis en commun, l'absence de locaux identiques résultant uniquement de l'impossibilité physique pour l'appelant de stocker son engrais dans des locaux administratifs, tels que ceux qu'il possédait à Paris pour son activité de consultant ; qu'il n'est, ainsi, aucunement démontré que cette activité, qualifiée à bon escient d'occulte par l'administration fiscale, a nécessité un emploi de moyens autres que ceux nécessaires à M. X... pour son activité principale ; qu'il en ressort que cette activité n'était pas distincte de l'activité déclarée de consultant ; que, par conséquent, l'activité de vente d'engrais entrait bien dans le cadre de l'avis de vérification adressé au demandeur ; que la procédure entreprise l'a été dans le respect des dispositions légales ; qu'il convient de rejeter le moyen de nullité ;
"1) alors que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que la cour d'appel a relevé que les activités de consultant en négoce d'engrais et de vendeur d'engrais n'étaient pas identiques ; que leur clientèle était différente et qu'elles n'étaient pas exercées dans les mêmes locaux ; qu'en décidant néanmoins que l'activité de vendeur d'engrais n'était pas distincte de l'activité de consultant de sorte que l'activité de vente d'engrais entrait bien dans le cadre de l'avis de vérification adressé à M. X... en qualité de consultant, la cour d'appel s'est fondée sur les motifs contradictoires ne satisfaisant pas aux exigences de l'article 593 du code de procédure pénale ;
"2) alors qu'à peine de nullité de la procédure de redressement, une vérification de comptabilité ou de situation fiscale personnelle ne peut être engagée sans l'envoi préalable d'un avis de vérification informant le contribuable de la possibilité qui lui est offerte de se faire assister d'un conseil de son choix ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'administration a adressé le 9 mars 2006 à M. X... pris en sa qualité de consultant un avis de vérification de comptabilité relatif aux années 2003 et 2004 ; qu'averti par M. X... lors du premier rendez-vous qu'il exerçait une autre activité distincte de vendeur d'engrais, l'inspecteur s'est néanmoins abstenu de lui adresser un nouvel avis ayant pour objet d'étendre le contrôle initial à cette nouvelle activité et l'informant de la possibilité qu'il avait de se faire assister d'un conseil de son choix pour ce nouveau contrôle ; qu'en déclarant néanmoins la procédure d'imposition afférente à l'activité de vendeur et la procédure pénale subséquente régulières, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... exerce, sous le couvert de la société DHS, dont il est le gérant, une activité de consultant en négoce international d'engrais l'assujettissant à la taxe sur la valeur ajoutée en qualité de prestataire de services et à l'impôt sur les revenus dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que la vérification de comptabilité, notifiée par avis du 9 mars 2006, ayant établi qu'il exerçait parallèlement une activité occulte de négoce le rendant passible des taxe et impôt précités sur le chiffre d'affaires et dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, il est poursuivi pour s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de ces impositions, notamment en s'abstenant de souscrire les déclarations mensuelles et annuelles afférentes, pour avoir omis de tenir la comptabilité des opérations occultes et pour avoir passé de fausses écritures de remboursement de frais dans les livres comptables de l'activité de prestataire ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure préalable aux poursuites prise par le prévenu de la violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, en l'absence d'avis de vérification de la comptabilité afférente à l'activité de négoce, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, qui établissent que le prévenu, ayant été régulièrement informé de son droit d'être assisté d'un conseil par l'avis de vérification de comptabilité notifié le 9 mars 2006, ne saurait se prévaloir d'une violation de ses droits du seul fait de l'absence d'un avis de vérification préalable concernant l'exercice concomitant d'une activité occulte, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais, sur le moyen additionnel de cassation pris de la violation des articles 61-1 et 62 de la Constitution, 8 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 112-1 du code pénal, 1741, 1743 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des années 2003 et 2004, de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2003 et 2004, d'avoir omis de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004 et d'avoir fait passer des écritures inexactes ou fictives au titre de la période de l'exercice 2004, en répression l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis et ordonné la publication de l'arrêt, par extraits, dans le Journal Officiel, ainsi que dans les quotidiens Le Monde et Le Figaro et l'affichage également par extraits pendant trois mois, sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles à la mairie de la commune où le contribuable a son domicile, le tout aux frais du condamné ;
"alors que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, a déclaré contraire à la Constitution le quatrième alinéa de l'article 1741 du code général des impôts relatif aux peines complémentaires obligatoires d'affichage et de publication ; que cette annulation entraîne par voie de conséquence celle de l'arrêt attaqué en tant qu'il prononce une peine complémentaire d'affichage et de publication qui perd son fondement légal" ;
Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution, ensemble l'article 111-3 du code pénal ;
Attendu que, d'une part, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;
Attendu que, d'autre part, nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt ordonne, notamment, la publication et l'affichage de la décision, par application des dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des faits ;
Mais attendu que ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 11 décembre 2010 ;
D'où il suit que l'annulation est encourue ;
Par ces motifs :
ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 5 mai 2010, en ce qu'il a ordonné la publication et l'affichage de la décision, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de PARIS et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;