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23/03/2011 | FRANCE | N°09-60371

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 mars 2011, 09-60371


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nice, 28 juillet 2009), que Mme X..., agent public contractuel mis à la disposition de l'association Nazareth, établissement d'enseignement sous contrat, qui a assuré au sein de cet établissement deux suppléances en qualité d'institutrice pour les années scolaires 2003-2004 et 2004-2005, a été désignée le 13 août 2005 par le syndicat national des personnels de l'enseignement privé CGT en qualité de délégué syndical ;

Attendu que Mme X... fait grief au jugement d'annuler sa désignation alors, se...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nice, 28 juillet 2009), que Mme X..., agent public contractuel mis à la disposition de l'association Nazareth, établissement d'enseignement sous contrat, qui a assuré au sein de cet établissement deux suppléances en qualité d'institutrice pour les années scolaires 2003-2004 et 2004-2005, a été désignée le 13 août 2005 par le syndicat national des personnels de l'enseignement privé CGT en qualité de délégué syndical ;
Attendu que Mme X... fait grief au jugement d'annuler sa désignation alors, selon le moyen :
1°/ qu'elle avait fait valoir qu'elle était liée à l'association par un contrat de travail à durée indéterminée et qu'elle n'était exposée à aucune mesure de licenciement lorsqu'elle a été désignée en qualité de déléguée syndicale le 13 août 2005 ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le tribunal s'est fondé sur le fait qu'elle «savait pertinemment qu'elle ne retravaillait pas au sein de l'établissement Nazareth à la rentrée 2005» ; qu'en ne recherchant pas si elle n'était pas liée à l'association par un contrat de travail à durée indéterminée et n'était exposée à aucune mesure de licenciement lorsqu'elle a été désignée en qualité de déléguée syndicale, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
2°/ que la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical ne peut être jugée frauduleuse que s'il est établi qu'elle est intervenue dans le but exclusif d'assurer au salarié une protection contre la rupture de son contrat de travail dont le salarié se savait menacé, cette menace devant être légale, sauf à admettre qu'une simple menace exprimée par un employeur en dehors de tout cadre légal suffise à rendre toute désignation frauduleuse ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le tribunal s'est fondé sur le fait qu'elle «savait pertinemment qu'elle ne retravaillait pas au sein de l'établissement Nazareth à la rentrée 2005» ; qu'en ne recherchant pas si Mme X... était légalement exposée à un risque de rupture de son contrat de travail, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ;
3°/ que l'existence d'un comportement frauduleux ne peut se déduire de la précarité d'un contrat de travail et de l'existence de la procédure protectrice d'ordre public, sauf à déclarer frauduleuses toutes les désignations de délégués syndicaux travaillant en exécution d'un contrat à durée déterminée et bénéficiant de la protection légale ; que les salariés sous contrat à durée déterminée ne sont pas privés du droit d'être désignés en qualité de délégués syndicaux ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le tribunal s'est fondé sur le fait qu'elle «savait pertinemment qu'elle ne retravaillait pas au sein de l'établissement Nazareth à la rentrée 2005 », en affirmant que «cette menace de privation d'emploi établit que Valérie X... a uniquement cherché à protéger son intérêt personnel puisque le licenciement d'un délégué syndical relève d'une procédure particulière soumise à l'approbation de l'inspection du travail » ; qu'en déduisant l'existence d'une fraude de la seule précarité du contrat de travail et de l'existence de la procédure protectrice d'ordre public, le tribunal a violé les articles 1315 du code civil et L. 2143-3 du code du travail, ensemble l'article L. 2412-2 dudit code ;.
4°/ que la fraude doit être caractérisée à la date de la désignation ; qu'elle avait fait valoir qu'au début de l'année 2005, elle avait effectivement éprouvé des craintes concernant le maintien de son emploi et qu'elle avait volontairement attendu que ses craintes se soient dissipées pour accepter d'être désignée en qualité de déléguée syndicale mi-août 2005, ce que le syndicat auteur de la désignation avait confirmé ; que le tribunal, qui a déduit l'existence d'une fraude du fait qu'elle avait été avertie de son départ de l'établissement en mars 2005, qu'elle était affectée par son départ, avait reçu un cadeau de départ et avait annulé l'inscription scolaire de ses enfants, sans caractériser en quoi ces faits permettaient d'établir l'existence d'une fraude à la date de la désignation le 13 août 2005, a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
5°/ que le fait que le salarié n'ait pas exercé d'activité syndicale antérieurement à sa désignation en qualité de délégué syndical est inopérant pour caractériser une fraude ; que le tribunal, pour considérer que sa désignation était frauduleuse, s'est fondé sur le fait qu'elle «n'exerçait aucune activité syndicale ou menée dans l'intérêt collectif préalablement à sa désignation en tant que déléguée syndicale» ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal s'est fondé sur des motifs inopérants en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous couvert de violation des textes susvisés, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par le tribunal de l'existence d'une fraude ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen reproche au jugement attaqué D'AVOIR a prononcé l'annulation de la désignation de Madame Valérie X... en qualité de déléguée syndicale représentant le SNEFP-CGT notifiée le 13 août 2005 au Président de l'Association NAZARETH ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 412 - 14 du code du travail, les délégués syndicaux doivent notamment avoir travaillé dans l'entreprise depuis un an au moins avant leur désignation ; en l'espèce , Valérie X... a assuré deux suppléances au sein de l'Association NAZARETH sur la période de l'année scolaire 2003 - 2004 en qualité d'institutrice suppléante et sur l'année scolaire 2004 - 2005 également en qualité d'institutrice suppléante ; ce point est établi et la condition d'ancienneté est donc remplie ; cependant, l'Association NAZARETH considère que cette désignation est intervenue de manière frauduleuse alors que l'intéressée savait qu'aucun autre poste d'institutrice suppléante ne lui serait proposé à la rentrée de septembre 2005 et alors qu'elle n'avait jamais manifesté une quelconque activité en vue de la défense des intérêts collectifs de la profession ; la charge de la preuve de la fraude incombe à l'Association ; de simples indices ne sont pas suffisants ; en l'occurrence, l'Association NAZARETH précise que Valérie X... n'étant pas titulaire du diplôme de professeur des écoles ne pouvait prétendre qu'à exercer des suppléances ; le poste qu'elle occupait ayant été déclaré vacant n'était donc pas susceptible de lui être proposé ; ces éléments ne sont pas contestés par Valérie X... et sont confirmés par de nombreuses attestations versées au débat ; il est établi que cette personne avait été avertie de son départ de l'établissement dès le mois de mars 2005 ; ayant donné totale satisfaction dans l'exercice de ses fonctions, elle a d'ailleurs reçu le soutien des parents d'élèves et de ses autres collègues ; ceux-ci attestent qu'elle a été très affectée d'être ainsi privée de son poste ; elle a reçu un cadeau de départ de ses collègues et a pris toutes dispositions afin d'annuler l'inscription de ses enfants lors de la prochaine rentrée scolaire dans l'établissement où elle exerçait afin qu'ils suivent leur scolarité dans un établissement proche de son domicile dans l'ignorance de sa prochaine affectation ; il est en conséquence démontré qu'elle savait pertinemment qu'elle ne retravaillait pas au sein de l'établissement NAZARETH à la rentrée 2005 ; cette menace de privation d'emploi établit que Valérie X... a uniquement cherché à protéger son intérêt personnel puisque le licenciement d'un délégué syndical relève d'une procédure particulière soumise à l'approbation de l'inspection du travail ; en outre , l'association demanderesse fait valoir qu'elle ne s'est jamais préoccupée des intérêts collectifs de la profession que ce soit au plan syndical ou dans un tout autre cadre ; les témoignages circonstanciés qui ont été apportés révèlent qu'elle s'est uniquement prévalue de sa situation personnelle effectivement digne d'intérêt afin de rechercher un emploi à temps complet dès la rentrée 2005 auprès d'autres établissements et en particulier auprès d'un établissement où elle avait déjà eu l'occasion de travailler ; l'Association apporte donc la preuve que l'intéressée était au courant de son départ de l'entreprise et qu'elle n'exerçait aucune activité syndicale ou menée dans l'intérêt collectif préalablement à sa désignation en tant que déléguée syndicale ; cette désignation intervenue dans ces circonstances et au mois d'août 2005 lors des vacances scolaires doit donc être déclarée frauduleuse et comme telle annulée ;
ALORS QUE Madame X... avait fait valoir qu'elle était liée à l'Association par un contrat de travail à durée indéterminée et qu'elle n'était exposée à aucune mesure de licenciement lorsqu'elle a été désignée en qualité de déléguée syndicale le 13 août 2005 ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le Tribunal s'est fondé sur le fait que Madame X... « savait pertinemment qu'elle ne retravaillait pas au sein de l'établissement NAZARETH à la rentrée 2005 » ; qu'en ne recherchant pas si Madame X... n'était pas liée à l'Association par un contrat de travail à durée indéterminée et n'était exposée à aucune mesure de licenciement lorsqu'elle a été désignée en qualité de déléguée syndicale, le Tribunal a violé l'article L 2143-3 du Code du Travail (anciennement L 412-11) ;
Et ALORS QUE la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical ne peut être jugée frauduleuse que s'il est établi qu'elle est intervenue dans le but exclusif d'assurer au salarié une protection contre la rupture de son contrat de travail dont le salarié se savait menacé, cette menace devant être légale, sauf à admettre qu'une simple menace exprimée par un employeur en dehors de tout cadre légal suffise à rendre toute désignation frauduleuse ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le Tribunal s'est fondé sur le fait que Madame X... « savait pertinemment qu'elle ne retravaillait pas au sein de l'établissement NAZARETH à la rentrée 2005 » ; qu'en ne recherchant pas si Madame X... était légalement exposée à un risque de rupture de son contrat de travail, le Tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 2143-3 du Code du Travail (anciennement L 412-11) ;
ALORS subsidiairement QUE l'existence d'un comportement frauduleux ne peut se déduire de la précarité d'un contrat de travail et de l'existence de la procédure protectrice d'ordre public, sauf à déclarer frauduleuses toutes les désignations de délégués syndicaux travaillant en exécution d'un contrat à durée déterminée et bénéficiant de la protection légale ; que les salariés sous contrat à durée déterminée ne sont pas privés du droit d'être désignés en qualité de délégués syndicaux ; que pour considérer que la désignation était frauduleuse, le Tribunal s'est fondé sur le fait que Madame X... « savait pertinemment qu'elle ne retravaillait pas au sein de l'établissement NAZARETH à la rentrée 2005 », en affirmant que « cette menace de privation d'emploi établit que Valérie X... a uniquement cherché à protéger son intérêt personnel puisque le licenciement d'un délégué syndical relève d'une procédure particulière soumise à l'approbation de l'inspection du travail » ; qu'en déduisant l'existence d'une fraude de la seule précarité du contrat de travail et de l'existence de la procédure protectrice d'ordre public, le Tribunal a violé les articles 1315 du Code Civil et L 2143-3 du Code du Travail (anciennement L 412-11) ensemble l'article L 2412-2 dudit Code.
ALORS QUE la fraude doit être caractérisée à la date de la désignation ; que Madame X... avait fait valoir qu'au début de l'année 2005, elle avait effectivement éprouvé des craintes concernant le maintien de son emploi et qu'elle avait volontairement attendu que ses craintes se soient dissipées pour accepter d'être désignée en qualité de déléguée syndicale mi-août 2005, ce que le syndicat auteur de la désignation avait confirmé ; que le Tribunal, qui a déduit l'existence d'une fraude du fait que Madame X... avait été avertie de son départ de l'établissement en mars 2005, qu'elle était affectée par son départ, avait reçu un cadeau de départ et avait annulé l'inscription scolaire de ses enfants, sans caractériser en quoi ces faits permettaient d'établir l'existence d'une fraude à la date de la désignation le 13 août 2005, a violé l'article L 2143-3 du Code du Travail (anciennement L 412-11) ;
Et ALORS enfin QUE le fait que le salarié n'ait pas exercé d'activité syndicale antérieurement à sa désignation en qualité de délégué syndical est inopérant pour caractériser une fraude ; que le Tribunal, pour considérer que la désignation de Madame X... était frauduleuse, s'est fondé sur le fait qu'elle « n'exerçait aucune activité syndicale ou menée dans l'intérêt collectif préalablement à sa désignation en tant que déléguée syndicale » ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal s'est fondé sur des motifs inopérants en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-60371
Date de la décision : 23/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Nice, 28 juillet 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 mar. 2011, pourvoi n°09-60371


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.60371
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