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22/03/2011 | FRANCE | N°08-13140

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mars 2011, 08-13140


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Bordeaux, 18 décembre 2007), que le 25 septembre 1992, la Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société civile d'exploitation agricole Château des Vallées (la SCEA), constituée entre M. X..., Mme Y... et Mme Corinne X..., pour l'exploitation d'un domaine viticole, un prêt d'un montant de 800 000 francs (121 959, 21 euros) ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la SCEA, la banque a déclaré sa créance puis a assigné en paiement les associés de la SCEA à

proportion de leur part dans le capital social ; qu'un jugement du 20 jan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Bordeaux, 18 décembre 2007), que le 25 septembre 1992, la Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société civile d'exploitation agricole Château des Vallées (la SCEA), constituée entre M. X..., Mme Y... et Mme Corinne X..., pour l'exploitation d'un domaine viticole, un prêt d'un montant de 800 000 francs (121 959, 21 euros) ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la SCEA, la banque a déclaré sa créance puis a assigné en paiement les associés de la SCEA à proportion de leur part dans le capital social ; qu'un jugement du 20 janvier 2001 a fait droit à cette demande ; que MM. X... et Mme Y... ont relevé appel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et Mme Y... reprochent à l'arrêt leur condamnation au paiement de diverses sommes au profit du Crédit lyonnais, alors, selon le moyen, que le juge-commissaire décide, par ordonnance, de l'admission ou du rejet des créances, au vu des propositions du représentant des créanciers ; que pour reconnaître l'existence des créances invoquées par le Crédit lyonnais, l'arrêt s'est borné à énoncer qu'il ressort d'un simple courrier du commissaire à l'exécution du plan que ces créances ont été admises, sans se référer à aucune ordonnance du juge-commissaire ; que, pourtant, les consorts X... faisaient valoir que le Crédit lyonnais n'avait pas versé aux débats une quelconque ordonnance admettant ses créances, de sorte que celles-ci ne pouvaient pas être tenues pour avoir été admises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-104 du code du commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la banque avait régulièrement déclaré ses créances et qu'une ordonnance du juge-commissaire du 15 juin 1999 avait constaté l'existence d'une procédure en cours devant la cour d'appel, l'arrêt retient, qu'à l'issue de cette procédure, les créances ont été définitivement admises comme l'établissent les états de collocation du 22 avril 2002 ; que dès lors, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... et Mme Y... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts formée à l'encontre du Crédit lyonnais, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en matière de prêts bancaires, la banque a un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, au regard des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'en se bornant à énoncer que les consorts X... n'étaient pas des profanes de la viticulture et du financement, sans rechercher si les expériences professionnelles passées de M. et Mme X... leur permettaient d'appréhender réellement la portée de leurs engagements indépendamment de toute mise en garde du Crédit lyonnais, les juges du fond n'ont pas caractérisé le fait qu'ils étaient des emprunteurs avertis et ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en matière de prêts bancaires, la banque a un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, au regard des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; que les juges du fond ont retenu que le Crédit lyonnais ne pouvait pas voir sa responsabilité mise en cause car il s'est engagé au regard des comptes prévisionnels établis par M. Alain X..., qui n'avait pourtant aucune compétence particulière pour établir de tels comptes ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le Crédit lyonnais n'aurait pas dû faire établir des comptes prévisionnels par un professionnel du chiffre afin de pouvoir correctement apprécier les capacités financières des consorts X... et les risques nés d'un éventuel endettement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme X... ont fait valoir que " la responsabilité du Crédit lyonnais (était) incontestablement engagée du fait de sa négligence à conseiller à l'emprunteur de contracter une assurance pour garantir les prêts en cas de défaillance financière, contrat pouvant être souscrit auprès de la Sofaris (…) " ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que dans leurs conclusions d'appel, ils ont invoqué la responsabilité de la banque pour soutien abusif ; qu'en s'abstenant de toute réponse sur ce point, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le bilan prévisionnel présenté à la banque qui ne disposait sur l'exploitation d'aucun élément d'information autres que ceux fournis par M. Alain X... de 1 817 000 francs (276 999, 86 euros) en 1992 et un résultat net de 867 000 francs (132 173, 30 euros) laissant une marge nette de 267 000 francs (40 703, 89 euros) après paiement de l'annuité d'emprunt de 600 000 francs (91 469, 41 euros), que cet état prévisionnel avait été établi sans le concours de la banque, laquelle avait été sollicitée à la fin de l'opération, alors que la décision d'acquisition et l'élaboration de la structure juridique destinée à sa réalisation étaient déjà arrêtées ; qu'en l'état de ces appréciations, faisant ressortir que la situation de la SCEA n'était pas irrémédiablement compromise lors de l'octroi du crédit, la cour d'appel, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X... et Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN REPROCHE à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Jean X... et Madame Rosette X... au paiement de diverses sommes au profit du Crédit Lyonnais, après avoir énoncé que les créances de ce dernier ont été admises dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SCEA ;
AUX MOTIFS QUE si les consorts X... contestent le fait que les créances du Crédit Lyonnais ont été admises dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SCEA, il ressort du dossier que la créance déclarée par le Crédit Lyonnais « a été admise pour un montant de 1 283 436, 63 F à titre chirographaire (cf. courrier de Maître Z..., commissaire à l'exécution du plan au Crédit Lyonnais en date du 8 février 2001) » (arrêt p. 4, troisième paragraphe) ;
ALORS QUE le juge-commissaire décide, par ordonnance, de l'admission ou du rejet des créances, au vu des propositions du représentant des créanciers ; que pour reconnaître l'existence des créances invoquées par le Crédit Lyonnais, l'arrêt attaqué s'est borné à énoncer qu'il ressort d'un simple courrier du commissaire à l'exécution du plan que ces créances ont été admises, sans se référer à aucune ordonnance du juge-commissaire ; que, pourtant, les consorts X... faisaient valoir que le Crédit Lyonnais n'avait pas versé aux débats une quelconque ordonnance admettant ses créances, de sorte que celles-ci ne pouvaient pas être tenues pour avoir été admises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L621-104 du Code du commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN REPROCHE à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur et Madame X... de leur demande de dommages et intérêts formée à l'encontre du Crédit Lyonnais ;
AUX MOTIFS QUE les consorts X... n'étaient ni des profanes de la viticulture ni des profanes du financement lorsqu'ils ont décidé de créer le GFA et la SCEA (arrêt p. 5) ; que Monsieur Jean X... est viticulteur, Madame Rosette X... commerçante, Monsieur Alain X... agent immobilier et Mademoiselle Corinne X... exploitante agricole (arrêt p. 5) ; que les consorts X... poursuivaient un objectif patrimonial et économique (arrêt p. 5 et 6) ; et que le Crédit Lyonnais s'est engagé au regard du bilan prévisionnel établi par Monsieur Alain X..., sans disposer d'aucun autre élément d'information (arrêt p. 5) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en matière de prêts bancaires, la banque a un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, au regard des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'en se bornant à énoncer que les consorts X... n'étaient pas des profanes de la viticulture et du financement, sans rechercher si les expériences professionnelles passées de Monsieur et Madame X... leur permettaient d'appréhender réellement la portée de leurs engagements indépendamment de toute mise en garde du Crédit Lyonnais, les juges du fond n'ont pas caractérisé le fait qu'ils étaient des emprunteurs avertis et ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, EN SECOND LIEU, QU'en matière de prêts bancaires, la banque a un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, au regard des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; que les juges du fond ont retenu que le Crédit Lyonnais ne pouvait pas voir sa responsabilité mise en cause car il s'est engagé au regard des comptes prévisionnels établis par Monsieur Alain X..., qui n'avait pourtant aucune compétence particulière pour établir de tels comptes ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le Crédit Lyonnais n'aurait pas dû faire établir des comptes prévisionnels par un professionnel du chiffre afin de pouvoir correctement apprécier les capacités financières des consorts X... et les risques nés d'un éventuel endettement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel (p. 9), Monsieur et Madame X... ont fait valoir que « la responsabilité du Crédit Lyonnais (était) incontestablement engagée du fait de sa négligence à conseiller à l'emprunteur de contracter une assurance pour garantir les prêts en cas de défaillance financière, contrat pouvant être souscrit auprès de la SOFARIS (…) » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS, ENFIN, QUE dans leurs conclusions d'appel, les exposants ont invoqué la responsabilité de la banque pour soutien abusif (conclusions p. 13 et 14) ; qu'en s'abstenant de toute réponse sur ce point, la Cour d'appel a méconnu l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-13140
Date de la décision : 22/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 18 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 mar. 2011, pourvoi n°08-13140


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:08.13140
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