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16/03/2011 | FRANCE | N°10-30414

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 mars 2011, 10-30414


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 novembre 2009) que la société Bat immo a, pour la réalisation d'un programme de construction d'un groupe d'immeubles, confié la maîtrise d'oeuvre des travaux, à M. X..., depuis lors en liquidation judiciaire ; que le lot Voies et réseaux divers (VRD) et nettoyage extérieur a été attribué à la société Driver TP, aux droits de laquelle se trouve la société Sotrap ; qu'à la suite d'un désaccord entre les parties, une expertise judiciaire a été ordo

nnée puis la société Bat immo a fait assigner la société Driver TP et M. X......

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 novembre 2009) que la société Bat immo a, pour la réalisation d'un programme de construction d'un groupe d'immeubles, confié la maîtrise d'oeuvre des travaux, à M. X..., depuis lors en liquidation judiciaire ; que le lot Voies et réseaux divers (VRD) et nettoyage extérieur a été attribué à la société Driver TP, aux droits de laquelle se trouve la société Sotrap ; qu'à la suite d'un désaccord entre les parties, une expertise judiciaire a été ordonnée puis la société Bat immo a fait assigner la société Driver TP et M. X... en payement du coût des travaux de finition et de pénalités de retard ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Sotrap fait grief à l'arrêt de la condamner à payer, in solidum avec M. X..., à la société Bat immo la somme de 111 389,50 euros et de dire qu'elle restera redevable après compensation de la somme de 92 280,66 euros, alors, selon le moyen "que dans ses conclusions du 30 avril 2009, la société Sotrap contestait expressément le caractère probant de l'inspection par caméra réalisé pour le compte de la société Bat immo, ainis que la pertinence du devis établi par une société Saramite pour évaluer le préjudice prétendu de la société Bat immo ; qu'en se fondant, pour retenir les dommages prétendument révélés par cette inspection, exclusivement sur leur absence de contestation par la société Sotrap, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de celle-ci, en violation de l'article 4 du code de procédure civile" ;
Mais attendu que la société Sotrap s'étant limitée dans ses conclusions à soutenir que l'inspection des réseaux par caméra avait été effectuée sans qu'elle ait été informée ni conviée et que le devis de la société Saramite ne semblait être qu'une nouvelle estimation des travaux tels que chiffrés par l'expert sans distinguer les travaux relatifs aux finitions de ceux relatifs à la rampe, la cour d'appel a, sans dénaturation, retenu que les constatations opérées par le contrôle télévisé des canalisations ne faisaient l'objet d'aucune contestation de la part de la société Sotrap et que celle-ci ne contestait pas davantage le coût des travaux de reprise au titre du niveau de la voirie et du défaut de séparation et de raccordement des eaux usées et des eaux pluviales évalué par le devis émanant de la société Saramite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1799-1, alinéa 3, du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Sotrap au paiement de la somme de 152,45 euros par jour calendaire au titre des pénalités de retard, l'arrêt retient que la société Driver TP a abandonné le chantier, que cet abandon ne peut être justifié par le refus de règlement de situations de travaux dès lors que celui-ci était fondé par des manquements contractuels imputables à cette société et qu'aucun manquement aux obligations imposées par l'article 1799-1 du code civil ne peut être opposé au maître de l'ouvrage puisque l'interruption des paiements des travaux qui lui est imputé ne résulte pas de l'insolvabilité de ce dernier mais des carences de l'entreprise qui a failli dans l'exécution du marché ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Driver TP, qui invoquait l'absence de fourniture par le maître de l'ouvrage d'une garantie de payement, n'était pas fondée à suspendre l'exécution du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sotrap au paiement de la somme de 152.45 euros par jour calendaire de retard, l'arrêt rendu le 16 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société Bat immo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bat immo et la condamne à payer à la société Sotrap la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Sotrap
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SOTRAP, in solidum avec Monsieur X..., à payer à la société BAT IMMO la somme de 111.389,50 € et dit qu'après apurement des comptes entre la société BAT IMMO et la société SOTRAP cette dernière restera redevable après compensation de la somme de 92.280,66€;
AUX MOTIFS QUE le contenu de la mission confiée à la société Driver TP doit s'apprécier ainsi que l'a indiqué le tribunal au travers des pièces suivantes : - le devis du 6 mars 2002 accepté par le maître de l'ouvrage et valant commande des travaux qui a été signé le 20 mars 2002 par l'entreprise, - le marché de travaux en date du 26 mars 2002, - les plans 03A et 08A du 20 décembre 2001 annexés au marché précité nécessairement opposables à la société Driver T P qui les a signés. Le devis a fait l'objet d'une acceptation conditionnelle par le maître de l'ouvrage la société Bat Immo dès lors qu'il incluait expressément la mention "sous réserve de l'acceptation des clauses du marché à signer prochainement, les travaux devant respecter impérativement toutes les normes CUB, mairie, Lyonnaise des eaux, en vue de la cession à la CUB", clause acceptée par l'entreprise Driver T P et qui revêtait de ce fait une nature contractuelle à son égard (…) Il est certes indéniable ainsi que l'a relevé le premier juge que le caractère succinct du devis ne permet pas de déterminer seul si le raccordement de la rampe d'accès à la voie de desserte était inclus dans les prestations mises à la charge de l'entreprise Driver TP. Toutefois il ne limitait pas la zone d'intervention de l'entreprise à celle qualifiée A. Néanmoins également les plans 03A et O8A du 20 décembre 2001 annexés au marché qui revêtent seuls une nature contractuelle du fait qu'ils ont été signés par la société Driver TP, à l'exclusion du plan antérieur de juillet 2001, mentionnent la livraison de la rampe d'accès du bâtiment C de la zone B à la voie de desserte ainsi que la matérialisation des poteaux latéraux d'accès à la rampe. La société Driver TP qui avait entamé les travaux avant même l'obtention par ses soins de l'approbation des plans par la CUB , avait pu en sa qualité d'entreprise spécialisée se convaincre sur les lieux du chantier de la nécessité de réaliser cette liaison rampe d'accès du bâtiment C de la zone B à la voie de desserte. Elle n'a d'ailleurs, à aucun moment en cours de chantier, contesté être chargée des travaux de raccordement alors même que ce dernier était explicitement évoqué dans les comptes rendus de chantier des 3, 10 et 17 mai 2002, comme relevant de l'exécution du marché qui lui avait été confiée ; cette évocation identique dans les divers comptes rendu précisait ''une rectification accès rampe déterminée sur place, meilleur niveau après contrôle CUB" (…) Sur la base de ces éléments c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu, du fait de l'inexécution par la société Driver T P de la réalisation dans la liaison de la rampe d'accès, à la voie de desserte qui lui incombait contractuellement au titre du marché à forfait le liant à la société Bat Immo, l'obligation à indemnisation de l'entreprise exécutante. Monsieur X... maître d'oeuvre a été également retenu in solidum à indemnisation de ce chef et dès lors que le jugement entrepris n'est pas contesté de ce chef il sera confirmé. Par ailleurs en cause d'appel il est invoqué par la société Bat Immo le refus de la CUB de réceptionner les ouvrages exécutés par la société Driver TP au titre du niveau de la voirie et d'un défaut de séparation et de raccordement des eaux usées et des eaux pluviales imputable à la société Driver T P (constats de non conformité de la Lyonnaise des eaux). Ces constatations opérées au titre d'un contrôle télévisé dans les canalisations ne font l'objet d'aucune contestation de la part de la société Sotrap. Le coût des travaux de reprise à ces divers titres a fait l'objet d'une évaluation par un devis en date du 10 mars 2009 émanant de la société Saramite dont la société SOTRAP ne conteste pas davantage la teneur (…) que néanmoins en raison de la modification du jugement entrepris en raison des condamnations mises à la charge de la société SOTRAP, au titre de la compensation partielle des créances réciproques des parties, le solde de créance de la société BAT IMMO à l'égard de la société SOTRAP sera porté à la somme de 92.280,66 euros ;
ALORS QUE dans ses conclusions du 30 avril 2009, la société SOTRAP contestait expressément le caractère probant de l'inspection par caméra réalisée pour le compte de la société BAT IMMO, ainsi que la pertinence du devis établi par une société SARAMITE pour évaluer le préjudice prétendu de la société BAT IMMO ; qu'en se fondant, pour retenir les dommages prétendument révélés par cette inspection, exclusivement sur leur absence de contestation par la société SOTRAP, la Cour d'Appel a dénaturé les conclusions de celle-ci, en violation de l'article 4 du Code de Procédure Civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR condamné la société SOTRAP au paiement de la somme de 152.45 € par jour calendaire de retard au titre des pénalités contractuelles prévues au marché de travaux du 26 mars 2002, et ce, à compter du 1er octobre 2002 jusqu'au jour du jugement confirmé ;
AUX MOTIFS QU' en dépit de l'engagement auquel elle avait souscrit à la suite de la réunion du 27 août 2002 et du protocole d'accord du 9 septembre 2002, la société Driver TP a abandonné le chantier qui lui avait été confié par la société Bat Immo. Cet abandon ne peut être justifié ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal par le refus de règlement des situations de travaux opposé par le maître de l'ouvrage dès la deuxième d'entre elles dès lors que ce dernier était fondé par les manquements contractuels d'ores et déjà perceptibles par la société Bat Immo notamment au titre du retard dans l'exécution des travaux. Par ailleurs, aucun manquement aux obligations imposées par l'article 1799-1 du code civil ne peut être opposé au maître de l'ouvrage puisque l'interruption des paiements des travaux qui lui est imputé ne résulte pas de l'insolvabilité de ce dernier mais des carences de l'entreprise qui a failli dans l'exécution du marché à forfait qui lui a été confié. Du fait que la pénalité de retard a notamment comme finalité de contraindre les parties à l'exécution de la convention, la société Bat Immo est fondée à en solliciter la mise en oeuvre à compter du 01 octobre 2002 date limite d'exécution des travaux prorogée d'un commun accord entre les parties jusqu'au jugement entrepris date à laquelle la convention entre les parties est présumée avoir été résiliée du fait de la condamnation de la société Sotrap à des réparations pécuniaires et non à une exécution en nature ; que compte tenu de la résistance opposée par la société Driver TP à exécuter intégralement la convention souscrite entre les parties depuis plus de sept années, il y a lieu de considérer que la pénalité exigible à concurrence de 152,45 euros par jour calendaire de retard ne peut être considérée comme excessive et ouvrir droit à réduction ;
1°) - ALORS QUE le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux sans recourir à un crédit spécifique doit garantir son paiement à l'entrepreneur par un cautionnement solidaire ; que l'entrepreneur qui n'a pas reçu une telle garantie peut suspendre le cours des travaux quinze jours après une mise en demeure restée vaine ; qu'en estimant cette règle inapplicable pour la raison non prévue par la loi que le défaut de paiement ne résultait pas de l'insolvabilité de la société BAT IMMO, la Cour d'Appel a violé l'article 1799-1 du Code Civil ;
2°) - ALORS QU'en ne recherchant pas si la société DRIVER TP n'avait pas été bien fondée à suspendre sa participation au chantier, de sorte qu'aucune pénalité de retard ne pouvait être due, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1799-1 du Code Civil.
3°) ALORS QUE l'accès au juge est un droit ; qu'ainsi le retard pris par un cocontractant pour exécuter ses obligations contractuelles, dès lors qu'il résulte de l'engagement d'une procédure nécessaire pour déterminer les prestations contractuelles à la charge de chacune des parties, ne saurait donner lieu au paiement d'indemnités contractuelles, sauf à priver ledit contractant de son droit d'accès au juge ; qu'aussi en condamnant l'exposante au paiement de pénalités de retard, motif pris de la résistance qu'elle aurait opposée pendant plus de sept années à exécuter la convention souscrite, quand le retard ainsi pris ne résultait que de l'engagement d'une procédure nécessaire pour établir les comptes entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de le convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-30414
Date de la décision : 16/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 mar. 2011, pourvoi n°10-30414


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.30414
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