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15/03/2011 | FRANCE | N°10-10601

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 2011, 10-10601


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1998, M. X... qui s'était porté caution solidaire, avec MM. Y... et M. Z..., d'une ouverture de crédit consentie par la Banque hypothécaire européenne, devenue la Banque immobilière européenne (la banque) à la société civile immobilière Résidence Bocage-sur-Yon (la SCI), a été condamné à payer à cette dernière une somme de 963 694, 23 francs ; que par un accord du 15 avril 1996, la banque, compte tenu de l'apurement par la SCI d'une partie de sa dette, a accordé

une remise conventionnelle d'un montant de 750 000 francs à MM. Y... et ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1998, M. X... qui s'était porté caution solidaire, avec MM. Y... et M. Z..., d'une ouverture de crédit consentie par la Banque hypothécaire européenne, devenue la Banque immobilière européenne (la banque) à la société civile immobilière Résidence Bocage-sur-Yon (la SCI), a été condamné à payer à cette dernière une somme de 963 694, 23 francs ; que par un accord du 15 avril 1996, la banque, compte tenu de l'apurement par la SCI d'une partie de sa dette, a accordé une remise conventionnelle d'un montant de 750 000 francs à MM. Y... et Z..., les libérant de leur engagement de caution, à l'exception de M. X..., cette remise étant assortie d'une clause prévoyant la caducité de cette convention si les dispositions qu'elle contenait venaient à lui être opposées par M. X... pour éluder son obligation de caution ; que par acte du 24 octobre 2002, M. X..., exerçant le recours subrogatoire, a fait assigner la SCI, représentée par un mandataire ad hoc désigné à la suite de sa dissolution anticipée le 16 décembre 1997 et de sa radiation du registre du commerce et des sociétés le 31 décembre 1997 ; que par un arrêt irrévocable de la cour d'appel du 16 janvier 2007, la SCI a été définitivement condamnée à payer une certaine somme à M. X... ; que par acte du 24 janvier 2006, M. X... a fait assigner les deux anciens associés de la SCI, M. Y... et la société Y... promotion, en paiement de sa créance envers la SCI ; que ces derniers ont invoqué la prescription quinquennale prévue à l'article 1859 du code civil ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1859 du code civil ;
Attendu que l'action en paiement d'un créancier dirigée contre l'associé désigné comme liquidateur amiable, pris en sa seule qualité d'associé, est soumise à la prescription prévue par ce texte ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action en paiement de M. X... à l'encontre de la société Y... promotion et condamner cette dernière à lui verser une certaine somme, l'arrêt retient que l'article 1859 du code civil vise expressément les associés non liquidateurs ce qui implique que seuls ces derniers sont concernés et qu'à défaut d'un texte particulier concernant les associés liquidateurs il y a lieu de faire application à la société Y... promotion, qui a la qualité d'associé liquidateur, de la prescription de droit commun ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;
Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 2251 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action en paiement de M. X... à l'encontre de M. Y... et de la société Y... promotion et condamner ces derniers à lui verser, chacun, une certaine somme, l'arrêt retient que les associés de la SCI sont tenus personnellement au paiement de la dette de celle-ci et ne peuvent opposer à M. X... l'accord intervenu avec la banque qui avait été expressément convenu sous la condition que M. X... n'en soit pas tenu informé, ce qui caractérise la fraude rendant inopposable à ce dernier toute prescription de son action ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la fraude commise par M. Y... et la société Y... promotion de nature à écarter la prescription quinquennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y... et à la société Y... promotion la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour M. Y... et la société Y... promotion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré monsieur X... recevable en son action en paiement à l'encontre de la société Y... PROMOTION et d'avoir en conséquence condamné cette dernière à lui verser la somme de 157. 428, 92 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2002 ;
AUX MOTIFS QUE : l'article 1859 du code civil vise expressément les associés non liquidateurs ce qui implique que seuls ces derniers sont concernés et qu'à défaut d'un texte particulier concernant les associés liquidateurs il y a lieu de faire application à la société Y... PROMOTION, qui a la qualité d'associé liquidateur, de la prescription de droit commun ;
ALORS QUE : si la prescription quinquennale de l'article 1859 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer aux demandes dirigées contre l'associé liquidateur, pris en tant que liquidateur responsable des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, elle doit en revanche s'appliquer lorsque c'est en vue du paiement d'une créance que la demande est dirigée contre l'associé liquidateur, pris alors en qualité d'associé indéfiniment tenu au paiement des dettes sociales ; qu'en refusant de déclarer prescrite l'action de monsieur X..., tendant exclusivement à la condamnation d'un associé au paiement de dettes sociales, action exercée plus de cinq ans après la publication de la dissolution de la société civile, la cour d'appel a violé l'article 1859 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré monsieur X... recevable en son action en paiement à l'encontre de monsieur Y... et de la société Y... PROMOTION et d'avoir en conséquence condamné ces derniers à lui verser respectivement les sommes de 1. 590, 19 € et de 157. 428, 92 €, majorées des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2002 ;
AUX MOTIFS QUE : s'agissant tant de la société Y... PROMOTION que de monsieur Y..., il s'évince des éléments versés aux débats que la SCI RESIDENCE DU BOCAGE SUR YON ayant été condamnée à payer à monsieur X... la somme de 159 019, 11 €, ses associés sont donc tenus personnellement au paiement de cette somme en application de l'article 1857 du code civil alors qu'il résulte directement de l'arrêt rendu par la Cour le 16 janvier 2007 que la SCI, « aujourd'hui ses associés », qu'ils soient ou non liquidateurs, ne peuvent opposer à monsieur X... l'accord intervenu avec la BANQUE IMMOBILIERE EUROPEENNE lequel avait été expressément convenu sous la condition que monsieur X... n'en soit pas tenu informé ce qui caractérise la fraude rendant inopposable à monsieur X... toute prescription de son action ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU': il apparaît que monsieur Ghislain X... se prévaut d'une fraude à ses droits d'autant plus que, sous une autre constitution la SCI RESIDENCE BOCAGE SUR YON représentée par la SARL Y... PROMOTION, en sa qualité d'administrateur ad hoc désigné par ordonnance rendue par monsieur le Président du tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON en date du 6 mai 2004, faisait plaider que la remise conventionnelle par le créancier à l'une des cautions solidaires entraîne que le cofidéjusseur qui reste tenu ne peut être poursuivi que déduction faite de la part de la caution bénéficiaire de la remise pour conclure que dans la poursuite exercée à l'encontre de monsieur Ghislain X... par la BHE devenue B. I. E celle-ci ne pouvait le poursuivre qu'à hauteur de 250 000 francs ; et que dans ces conditions, c'est à juste titre que monsieur Ghislain X... se prévaut des dispositions de l'article 2251 du code civil pour retenir que la prescription ne court pas en présence d'une fraude commise par le bénéficiaire de la prescription ;
ALORS 1°) QUE : la fraude ne fait échec à une courte prescription que si elle a pour effet d'empêcher ou de retarder l'exercice de l'action ; que par ailleurs, le créancier d'une société civile dispose en vertu de cette seule qualité de la capacité de réclamer le paiement des dettes sociales aux associés ; qu'il résulte de l'application combinée de ces deux règles que le créancier d'une société civile ne peut, pour échapper à la prescription, opposer la fraude aux associés qu'il poursuit en paiement de dettes sociales si, nonobstant cette fraude, il a pu agir contre la personne morale dans le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si monsieur X... avait délivré, le 24 novembre 2002, soit dans le délai de prescription, une assignation en paiement à la SCI, il avait en revanche attendu, pour agir contre les associés, le 24 janvier 2006, date à laquelle l'action était prescrite (arrêt, p. 4, avant-dernier §) ; que la fraude retenue par les juges d'appel n'ayant pas fait obstacle à l'exercice de l'action dirigée contre la société civile, elle n'était susceptible ni d'empêcher, ni de retarder l'exercice de la même action contre les associés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 2251 du code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
ALORS 2°) QUE, SUBSIDIAIREMENT : la fraude de nature à suspendre la prescription suppose l'existence de manoeuvres déloyales destinés à empêcher ou retarder l'action du titulaire ; qu'en retenant par motifs propres et adoptés l'existence en l'espèce d'une fraude des associés de la SCI RESIDENCE DU BOCAGE SUR YON sans expliquer en quoi les actes relevés étaient de nature à constituer des manoeuvres déloyales et à empêcher ou retarder l'action de monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2251 du code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
ALORS 3°) QUE, SUBSIDIAIREMENT : en s'abstenant d'indiquer les éléments sur lesquels elle se fondait pour considérer que l'accord intervenu avec la BIE avait été expressément convenu sous la condition que monsieur X... n'en soit pas tenu informé, étant précisé que cette condition ne figure pas dans la lettre du 11 décembre 1995, la cour d'appel, qui n'a pas justifié sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 4°) QUE, SUBSIDIAIREMENT : la fraude de nature à faire échec à une courte prescription suppose l'existence de manoeuvres déloyales du débiteur, destinées à empêcher ou retarder l'action du titulaire ; qu'en retenant par motifs propres et adoptés que monsieur Y... et la société Y... PROMOTION avaient commis une fraude de nature à écarter l'application de la prescription quinquennale de l'article 1859 du code civil à l'action de monsieur X..., sans préciser les éléments permettant d'établir que les associés de la SCI RESIDENCE DU BOCAGE SUR YON étaient à l'origine de la fraude, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2251 du code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-10601
Date de la décision : 15/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE CIVILE - Associés - Obligations - Dettes sociales - Paiement - Action du créancier social - Conditions - Respect de la prescription quinquennale - Domaine d'application - Action contre un associé liquidateur, pris en sa seule qualité d'associé

L'action en paiement d'un créancier dirigée contre l'associé désigné comme liquidateur amiable, pris en sa seule qualité d'associé, est soumise à la prescription prévue par l'article 1859 du code civil


Références :

article 1859 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 27 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mar. 2011, pourvoi n°10-10601, Bull. civ. 2011, IV, n° 45
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 45

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: M. Pietton
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.10601
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