LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 8 septembre 2008) que les époux X..., de nationalité française et résidant en France, ayant obtenu en 2003 un agrément en vue d'une adoption, ont fait publier une annonce dans un journal aux Etats-Unis en janvier 2004 pour trouver "le bébé de leur rêve" ; que peu après, Mme Y..., enceinte de six mois, leur a fait connaître qu'elle envisageait de faire adopter son enfant à naître ; que l'enfant est né le 31 mars 2004, les époux X... ayant rencontré Mme Y... deux jours auparavant ; que le 1er avril 2004, celle-ci a consenti à l'adoption de son enfant par acte sous seing privé ayant fait l'objet d'une légalisation notariée et d'un enregistrement au greffe du tribunal du Comté de Montgomery (Kansas) ; que l'adoption a été prononcée par un jugement du 19 mai 2004 ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré inopposable en France le jugement d'adoption américain et de les avoir déboutés de leur demande aux fins de transcription de ce jugement prononçant l'adoption plénière par eux de l'enfant Killyan Alexi Y..., alors, selon le moyen :
1°/ que le juge qui, en matière d'adoption internationale, vérifie que le consentement donné par l'adopté ou son représentant légal l'a été en pleine connaissance des effets attachés à la loi française à cette institution, et en particulier en matière d'adoption plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens qui unissent l'enfant à sa famille par le sang, recherche la volonté exprimée par les personnes ayant consenti à l'adoption par référence aux termes employés dans les actes dressés en application de la loi étrangère ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces versées aux débats que Mme Y... avait, après son accouchement, a déclaré : "je suis saine de corps et d'esprit et ne fais l'objet d'aucune contrainte ni violence. Aux termes des présentes, je consens librement et de mon plein gré à ce que le requérant adopte ledit enfant mineur et que ledit enfant devienne ainsi l'enfant des requérants" et aussi : "la soussignée comprend que ledit consentement est constaté par un officier autorisé de par la loi à recueillir que ledit consentement est donné librement après explications, par mes soins, des conséquences résultant de la signature du présent consentement. Je comprends que ce consentement est définitif et le donne librement et de mon plein gré" et encore : "en signant le présent consentement, je réalise que j'abandonne de façon définitive tous droits de garde ou autres droits parentaux que j'ai sur l'enfant", de même encore que : "la soussignée reconnaît aux termes des présentes qu'elle donne le présent consentement après avoir en lu et compris les termes et, en signant ledit consentement, elle renonce à jamais à tous droits et obligations qu'elle pourrait avoir sur ledit enfant, rompant définitivement ainsi, toute relation qu'elle a avec l'enfant" ; que, dès lors, en se bornant à relever, pour exclure le consentement libre et éclairé de Mme Y..., qu'il avait été donné le lendemain de l'accouchement, sans rechercher si les termes mêmes par lesquels Mme Y... avait donné son consentement ne démontraient pas qu'elle avait consenti à l'adoption après avoir été dûment informée des effets attachés à la loi française et plus particulièrement du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens qui unissent l'enfant à sa famille par le sang, et avoir accepté ces conséquences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 370-3 et 1134 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel constatait que Mme Y... avait, dès le sixième mois de sa grossesse au moins, manifesté sa volonté de faire adopter l'enfant qu'elle portait, adoption à laquelle elle a formellement et clairement consenti le lendemain de son accouchement ; que dès lors en retenant que la procédure, et notamment le consentement donné par la mère biologique dès le lendemain de la naissance avait revêtu un "caractère précipité", excluant qu'il soit libre et éclairé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 370-3 du code civil ;
3°/ que l'exigence d'un consentement libre et éclairé justifie seulement que le juge s'assure que le consentement donné par l'adopté ou son représentant l'a été sans contrepartie et en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens qui unissent l'enfant à sa famille par le sang ; que, dès lors, en se fondant, pour écarter le consentement libre et éclairé de la mère biologique, sur le fait qu'elle n'avait, au moment de la signature des actes permettant l'adoption, pas pu faire l'expérience de la séparation avec son enfant, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi, en violation de l'article 370-3 du code civil ;
4°/ que la cour d'appel constatait elle-même que les sommes exposées par les époux X... avaient pour l'essentiel couvert les frais d'avocat et de procédure et que, sur la somme de 18 947,53 dollars payée par les époux X..., seule la somme de 2 392,74 dollars avait été versée à la mère biologique, et ce en vue de payer ses frais d'entretien à la naissance ; que, dès lors, en affirmant que le coût de la procédure était incompatible avec l'exigence de recueil d'un consentement éclairé, sans expliquer en quoi le paiement de frais d'avocat et de justice pouvait influencer le consentement de la mère biologique à l'adoption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370-3 du code ;
Mais attendu qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés, qu'il ressortait de la chronologie des faits qu'un arrangement contractuel entre les époux X... et Mme Y... avait manifestement précédé la naissance de l'enfant et avait conduit au consentement à l'adoption dès le lendemain de la naissance, que le caractère précipité de la procédure et notamment du consentement donné par la mère, était incompatible avec l'exigence d'un consentement libre et éclairé, que les conséquences de tous les actes réalisés en l'espace d'une heure et demie, n'avaient pu être évaluées par la mère qui n'avait, au moment de la signature de ces actes, pas pu faire l'expérience de la séparation, la cour d'appel en a déduit, par une appréciation souveraine qui échappe aux griefs du moyen, que le consentement à l'adoption donné par Mme Y... ne revêtait pas le caractère du consentement libre et éclairé exigé par l'article 370-3, alinéa 3, du code civil ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter la demande de transcription du jugement sur les registres de l'état civil français ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour les époux X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le jugement d'adoption américain rendu le 20 mai 2004 par le tribunal du 14ème ressort juridictionnel district court du Comté de Montgomery, au Kansas (Etats-Unis), inopposable en France, et d'avoir débouté les époux X... de leur demande aux fins de transcription de ce jugement prononçant l'adoption plénière par eux de l'enfant Killyan Alexi Y... ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal a, à juste titre, rappelé que s'il n'appartient pas au juge français de procéder à un examen au fond de la procédure d'adoption aux Etats-Unis, il doit en revanche vérifier les conditions d'opposabilité de cette décision au regard de l'ordre public international et des exigences du droit français en la matière, notamment au regard des dispositions de l'article 370-3 du code civil qui prévoient que les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ; Que cet article dispose en son dernier alinéa que : « Quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lieu de filiation préexistant » ; Qu'il ressort des éléments versés aux débats que les époux X..., après avoir pris conseil auprès d'un avocat américain, ont publié une annonce dans un journal aux USA le 5 janvier 2004 pour trouver « le bébé de leurs rêves » ; Que le 9 janvier 2004, Madame Y..., enceinte de 6 mois d'un enfant de père inconnu, a répondu à leur annonce en précisant qu'elle envisageait de faire adopter l'enfant à naître ; Que les époux X... ont rencontré Madame Y... le 29 mars 2004 aux Etats-Unis, deux jours avant son accouchement ; Que l'enfant est né le 31 mars 2004 à 12H33 ; Que le lendemain, 1er avril 2004, la mère biologique de l'enfant consentait à l'adoption de celui-ci, cet acte sous seing privé faisant l'objet d'une légalisation notariée et d'un enregistrement au greffe du tribunal ; Que le jour même, Madame Y... autorisait : - l'officier d'état civil à dresser l'acte de naissance de l'enfant sous le nom de Killyan, Alexi X... ; - les époux X... à prendre possession de cet acte de naissance auprès de l'officier d'état civil ; Qu'elle donnait par ailleurs son « consentement à la tutelle » ; Que toujours le 1er avril 2004, à 10H17 était enregistrée la requête aux fins d'adoption au greffe de la Cour du Comté de Montgomery et avant 11 heures les époux X... obtenaient de cette juridiction une ordonnance de garde provisoire de l'enfant et une ordonnance de tutelle ; Que le 4 avril 2004 Madame X... déclarait devant l'officier d'état civil américain la naissance de l'enfant comme s'il était né d'elle-même et de son mari, cet acte de naissance étant enregistré le 6 avril 2004 ; Que le 13 avril 2004 un passeport américain était établi au nom de Killyan, Alexi X... ; Que le 18 avril 2004 (soit 18 jours après la naissance de l'enfant) les époux X... ramenaient l'enfant en France, sans faire établir de visa ; Qu'enfin un mois plus tard, le 19 mai 2004, le décompte des frais de procédure était déposé au greffe de la Cour du Comté de Montgomery laquelle rendait, le lendemain, un jugement d'adoption ; Qu'il ressort de la chronologie de ces faits qu'un arrangement contractuel entre les époux X... et Madame Y... a manifestement précédé la naissance de l'enfant qui a conduit au consentement à l'adoption de la mère biologique dès le lendemain de son accouchement ; Qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le caractère précipité de la procédure et notamment du consentement donné par la mère biologique dès le lendemain de la naissance de son enfant est incompatible avec l'exigence d'un consentement libre et éclairé ; Que les conséquences de tous les actes réalisés en l'espace d'une heure et demie, le lendemain de la naissance, n'ont pu être sereinement évaluées par la mère biologique qui n'avait, au moment de la signature de ces actes, pas pu faire l'expérience de la séparation d'avec son enfant ; Que par ailleurs, ainsi que le relève le tribunal, les époux X... avaient l'obligation de contacter le Consulat Général de France afin de demander à la Mission de l'Adoption Internationale un visa d'entrée en France pour l'enfant, ce qu'ils n'ont pas fait, privant ainsi cette mission de toute possibilité de vérifier la régularité de la procédure d'adoption ; Qu'ils ont néanmoins, après avoir fait établir un passeport américain pour l'enfant, ramené celui-ci en France, 18 jours après sa naissance et avant même que le jugement d'adoption n'ait été prononcé ; Que cette absence de visa pour l'enfant et la rapidité qui a présidé à son arrivée au foyer des époux X... pourraient être considérées comme une volonté de la part des adoptants de mettre les autorités françaises devant le fait accompli et de faire obstacle à l'hypothétique faculté réservée à la mère biologique de rétracter son consentement à l'adoption ; Que quoi qu'il en soit cette façon de procéder à l'insu des autorités françaises habilitées à faire une première analyse de la régularité de l'adoption avant l'immigration d'un enfant adopté est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant (Article 21 de la Convention de New York du 26 janvier 1980) ; Qu'il ressort des documents versés aux débats que le décompte des frais exposés par les époux X... à l'occasion de cette procédure aux USA est de 18.947,53 Dollars, cette somme comprenant notamment les frais d'avocats, les frais administratifs, les frais médicaux liés à l'accouchement (dont les frais d'entretien de la mère à la naissance s'élevant à 2.392,74 Dollars) ; Que les premiers juges ont, à juste titre, considéré que le coût de la procédure était incompatible avec l'exigence de recueil, de consentement sans contrepartie ; Qu'ils en ont, à bon droit, déduit qu'il résultait de l'ensemble de ces circonstances de fait que le consentement de Madame Y..., mère biologique de l'enfant Killyan Alexi, ne répondait pas aux exigences formelles de l'article 370-3 du code civil et qu'en conséquence le jugement d'adoption américain rendu le 20 mai 2004 était inopposable en France ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les époux X... ont pris attache avec un avocat inscrit au barreau de New York spécialisé dans l'adoption internationale, qui les a lui-même mis en relation avec une assistante sociale ; Que le 9 janvier le 9 janvier 2004, Madame Y... a répondu à une annonce diffusée par les époux X... intitulée « a baby is our dream », et leur a téléphoné pour les informer de son intention de faire adopter l'enfant dont elle était enceinte de 6 mois, ce qui ressort du courrier Maître C... qui a rencontré les époux X... ; Que les époux X... ont rencontré Mme Y... trois jours avant l'accouchement ;
1°) ALORS QUE le juge qui, en matière d'adoption internationale, vérifie que le consentement donné par l'adopté ou son représentant légal l'a été en pleine connaissance des effets attachés à la loi française à cette institution, et en particulier en matière d'adoption plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens qui unissent l'enfant à sa famille par le sang, recherche la volonté exprimée par les personnes ayant consenti à l'adoption par référence aux termes employés dans les actes dressés en application de la loi étrangère ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces versées aux débats que Mme Y... avait, après son accouchement, a déclaré : « je suis saine de corps et d'esprit et ne fais l'objet d'aucune contrainte ni violence. Aux termes des présentes, je consens librement et de mon plein gré à ce que le requérant adopte ledit enfant mineur et que ledit enfant devienne ainsi l'enfant des requérants » et aussi : « la soussignée comprend que ledit consentement est constaté par un officier autorisé de par la loi à recueillir que ledit consentement est donné librement après explications, par mes soins, des conséquences résultant de la signature du présent consentement. Je comprends que ce consentement est définitif et le donne librement et de mon plein gré » et encore : « en signant le présent consentement, je réalise que j'abandonne de façon définitive tous droits de garde ou autres droits parentaux que j'ai sur l'enfant », de même encore que : « la soussignée reconnaît aux termes des présentes qu'elle donne le présent consentement après avoir en lu et compris les termes et, en signant ledit consentement, elle renonce à jamais à tous droits et obligations qu'elle pourrait avoir sur ledit enfant, rompant définitivement ainsi, toute relation qu'elle a avec l'enfant » ; que, dès lors, en se bornant à relever, pour exclure le consentement libre et éclairé de Mme Y..., qu'il avait été donné le lendemain de l'accouchement, sans rechercher si les termes mêmes par lesquels Mme Y... avait donné son consentement ne démontraient pas qu'elle avait consenti à l'adoption après avoir été dûment informée des effets attachés à la loi française et plus particulièrement du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens qui unissent l'enfant à sa famille par le sang, et avoir accepté ces conséquences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 370-3 et 1134 du code civil ;
2°) ALORS en toute hypothèse QUE la cour d'appel constatait que Mme Y... avait, dès le sixième mois de sa grossesse au moins, manifesté sa volonté de faire adopter l'enfant qu'elle portait, adoption à laquelle elle a formellement et clairement consenti le lendemain de son accouchement ; que dès lors en retenant que la procédure, et notamment le consentement donné par la mère biologique dès le lendemain de la naissance avait revêtu un « caractère précipité », excluant qu'il soit libre et éclairé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 370-3 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'exigence d'un consentement libre et éclairé justifie seulement que le juge s'assure que le consentement donné par l'adopté ou son représentant l'a été sans contrepartie et en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens qui unissent l'enfant à sa famille par le sang ; que, dès lors, en se fondant, pour écarter le consentement libre et éclairé de la mère biologique, sur le fait qu'elle n'avait, au moment de la signature des actes permettant l'adoption, pas pu faire l'expérience de la séparation avec son enfant, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi, en violation de l'article 370-3 du code civil ;
4°) ALORS QUE la cour d'appel constatait elle-même que les sommes exposées par les époux X... avaient pour l'essentiel couvert les frais d'avocat et de procédure et que, sur la somme de 18.947,53 dollars payée par les époux X..., seule la somme de 2.392,74 dollars avait été versée à la mère biologique, et ce en vue de payer ses frais d'entretien à la naissance ; que, dès lors, en affirmant que le coût de la procédure était incompatible avec l'exigence de recueil d'un consentement éclairé, sans expliquer en quoi le paiement de frais d'avocat et de justice pouvait influencer le consentement de la mère biologique à l'adoption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 370-3 du code civil.