LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 novembre 2009), statuant sur renvoi après cassation (Civ III 1er octobre 2008 B n° 07-17. 959), que Auguste X... a fait donation, par acte du 9 juillet 1984, à son fils Roland X..., d'une parcelle cadastrée AB 251, incluant des parcelles qu'il avait données à bail à ferme à son fils Georges et son épouse, par acte du 10 novembre 1983, pour une durée de 9 ans ; qu'un arrêt du 14 avril 2005, rectifié le 28 septembre 2006, a jugé que Georges X... était titulaire d'un bail rural sur la parcelle anciennement cadastrée AB 27 incluse dans la parcelle 251 ; que Roland X... a, par acte du 9 mai 2005, délivré congé à Georges X..., pour le 10 novembre 2005 ;
Attendu que, pour déclarer valide ce congé, l'arrêt retient que la partie de la parcelle 251 sur laquelle les époux Georges X... pouvaient prétendre exercer leurs droits a une contenance inférieure au seuil de 45 ares fixé par les dispositions d'ordre public relatives au statut du fermage ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des preneurs soutenant que la parcelle objet du congé était une partie essentielle de l'exploitation agricole en ce qu'elle conditionnait l'accès à la parcelle AB 43 servant à la pâture du bétail, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne M. Rolland X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Rolland X... à payer aux époux Georges X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Rolland X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux conseils pour les époux X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, confirmant le jugement entrepris, rejeté les demandes de Monsieur et Madame Georges X... et validé le congé du 9 mai 2005 portant sur partie de la parcelle AB 251 pour le 10 novembre 2005 ;
AUX MOTIFS QUE « l'indivisibilité du bail cesse à son expiration ; que le bail renouvelé est un nouveau bail ; que la nature et la superficie des parcelles susceptibles d'échapper aux dispositions d'ordre public relatives au fermage doivent être appréciées au jour où le bail a été renouvelé ; que consécutivement à l'acte de donation du 9 juillet 1984, l'indivisibilité des parcelles louées n'a persisté que jusqu'à expiration du bail en cours, le 9 novembre 1992 ; que le décès de monsieur Albert X... n'a pas eu pour conséquence de réunir en une seule main les parcelles louées aux époux Georges X... ; qu'à compter du 10 novembre 1992, les époux Georges X... sont devenus titulaires de deux baux distincts, l'un consenti par Albert X... aux droits duquel vient actuellement l'indivision, l'autre portant sur la partie de la parcelle AB 251 non affectée à la piscine et à compter d'un périmètre situé à 2 mètres de cet ouvrage ; que le congé délivré le 9 mai 2005 n'a pu porter que sur l'emprise du bail rural ainsi défini dont cet arrêt a reconnu le bénéfice au preneur ; qu'au 10 novembre 1992, date à laquelle doit s'apprécier sa nature et sa superficie, la parcelle AB 251, d'une superficie de 6730 mi2 au total se décompose comme suit :- une partie bâtie de 2199 m2,- une partie jardin aménagé pour les loisirs de 137 m2,- une partie à usage rural de 4394 m2, dont il convient de déduire par application de l'arrêt du 14 avril 2005 rectifié le 28 septembre 2006, définitif, la superficie de la piscine augmentée d'un périmètre de 2 mètres ; qu'il en résulte que la partie de la parcelle n° 251 sur laquelle les époux Georges X... pouvaient prétendre exercer leurs droits a une contenance de 38 ares 49 centiares inférieure au seuil de 45 ares fixé par les dispositions d'ordre public relatives au statut du fermage. » (arrêt p. 3 et 4).
ALORS QUE, pour déterminer la superficie de la parcelle litigieuse, à l'effet de dire si le statut du fermage était applicable, à raison de cette superficie, les juges du fond ont considéré que le bail rural ne pouvait concerner que l'emprise sur laquelle la Cour d'appel de Grenoble, dans son arrêt du 14 avril 2005, rectifié par son arrêt du 28 septembre 2006 s'était prononcée, et ce en vertu de l'autorité de la chose jugée ; que toutefois l'autorité de la chose jugée ne porte que sur les points expressément tranchés dans le dispositif ; que le dispositif de l'arrêt du 14 avril 2005, rectifié par l'arrêt du 28 septembre 2006, était ainsi libellé : « Monsieur Georges X... est au bénéfice d'un bail rural en date du 10 novembre 1983 portant, notamment, sur la parcelle autrefois cadastrée AB 21, faisant aujourd'hui partie de la parcelle n° 251 (savoir, la partie de la parcelle non affectée à la piscine, et à compter d'un périmètre situé à 2 mètres de cet ouvrage.) » Et encore « Monsieur Roland X... devra laisser le passage à Monsieur Georges X... et à ses animaux sur la parcelle anciennement cadastrée AB 27 sus visée, incluse dans la parcelle 251 » ; que si l'arrêt du 14 avril 2005, rectifié par l'arrêt du 28 septembre 2006 consacrait incontestablement l'existence d'un bail rural, s'agissant de la parcelle autrefois cadastrée AB 27 avec injonction corrélative faite à Monsieur Roland X... de laisser passer Monsieur Georges X... sur cette parcelle, pour le service d'autres parcelles, en revanche l'arrêt du 14 avril 2005, rectifié par l'arrêt du 28 septembre 2006, n'a pris en aucune façon partie sur le périmètre exact du bail rural, dès lors que seule la partie AB 27 était en cause et ce d'autant que l'arrêt a pris la précaution de préciser que le bail rural portait « notamment » sur la parcelle autrement cadastrée AB 27 au titre de la parcelle 251 ; qu'en décidant qu'il convenait de s'arrêter à l'emprise visée par l'arrêt du 14 avril 2005, rectifié par l'arrêt du 28 septembre 2006, les juges du fond ont violé l'article 480 du Code de procédure civile, ainsi que l'article 1351 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, confirmant le jugement entrepris, rejeté les demandes de Monsieur et Madame Georges X... et validé le congé du 9 mai 2005 portant sur partie de la parcelle AB 251 pour le 10 novembre 2005 ;
AUX MOTIFS QUE « l'indivisibilité du bail cesse à son expiration ; que le bail renouvelé est un nouveau bail ; que la nature et la superficie des parcelles susceptibles d'échapper aux dispositions d'ordre public relatives au fermage doivent être appréciées au jour où le bail a été renouvelé ; que consécutivement à l'acte de donation du 9 juillet 1984, l'indivisibilité des parcelles louées n'a persisté que jusqu'à expiration du bail en cours, le 9 novembre 1992 ; que le décès de monsieur Albert X... n'a pas eu pour conséquence de réunir en une seule main les parcelles louées aux époux Georges X... ; qu'à compter du 10 novembre 1992, les époux Georges X... sont devenus titulaires de deux baux distincts, l'un consenti par Albert X... aux droits duquel vient actuellement l'indivision, l'autre portant sur la partie de la parcelle AB 251 non affectée à la piscine et à compter d'un périmètre situé à 2 mètres de cet ouvrage ; que le congé délivré le 9 mai 2005 n'a pu porter que sur l'emprise du bail rural ainsi défini dont cet arrêt a reconnu le bénéfice au preneur ; qu'au 10 novembre 1992, date à laquelle doit s'apprécier sa nature et sa superficie, la parcelle AB 251, d'une superficie de 6730 mi2 au total se décompose comme suit :- une partie bâtie de 2199 m2,- une partie jardin aménagé pour les loisirs de 137 m2,- une partie à usage rural de 4394 m2, dont il convient de déduire par application de l'arrêt du 14 avril 2005 rectifié le 28 septembre 2006, définitif, la superficie de la piscine augmentée d'un périmètre de 2 mètres ; qu'il en résulte que la partie de la parcelle n° 251 sur laquelle les époux Georges X... pouvaient prétendre exercer leurs droits a une contenance de 38 ares 49 centiares inférieure au seuil de 45 ares fixé par les dispositions d'ordre public relatives au statut du fermage. » (arrêt p. 3 et 4).
ALORS QUE, aux termes de l'article L 411-1 du Code rural, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole, en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole, est régie par le statut du fermage ; que si aux termes de l'article L 411-3 du Code rural les parcelles d'une superficie inférieure à un arrêté préfectoral, cette exception est écartée, pour revenir au principe posé par l'article L 411-1, dès lors que le bien en cause constitue une partie essentielle de l'exploitation agricole, et ce en application de l'article L 411-3 du Code rural ; qu'en l'espèce, M. et Mme Georges X... ont fait valoir que la parcelle AB 251, objet du congé, était une partie essentielle de l'exploitation agricole dans la mesure où elle conditionnait l'accès à la parcelle AB 43 qui leur servait à faire paître leur bétail (conclusions d'appel p. 10 § 3 et suivant et p. 16 § 2) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, quelle que soit par ailleurs la situation juridique des biens ou leur superficie, les juges du fond ont violé l'article 455 du Code de procédure civile.