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08/03/2011 | FRANCE | N°10-11835

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 mars 2011, 10-11835


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 11 février 2003 M. X... (la caution), s'est rendu caution solidaire envers la caisse régionale de crédit agricole mutuel Quercy Rouergue du remboursement d'une avance de trésorerie consentie à la société Bex matériel (la société), dont il était le dirigeant ; que le 18 mai 2004, la caution a réitéré son engagement envers la caisse régionale du crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées (la caisse), par lequel, il confirmait purement et simpl

ement auprès de cette dernière l'engagement de caution initialement souscr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 11 février 2003 M. X... (la caution), s'est rendu caution solidaire envers la caisse régionale de crédit agricole mutuel Quercy Rouergue du remboursement d'une avance de trésorerie consentie à la société Bex matériel (la société), dont il était le dirigeant ; que le 18 mai 2004, la caution a réitéré son engagement envers la caisse régionale du crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées (la caisse), par lequel, il confirmait purement et simplement auprès de cette dernière l'engagement de caution initialement souscrit au profit de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Quercy Rouergue, qui a fusionné avec la société Sud alliance ; que la société a été mise en règlement puis liquidation judiciaires les 21 mars et 19 septembre 2005 ; qu'après avoir déclaré sa créance qui a fait l'objet d'un certificat d'irrecouvrabilité, la caisse a, le 24 septembre 2008, assigné la caution en exécution de son engagement ; qu'un jugement a accueilli la demande ; que la caution a interjeté appel de cette décision en invoquant à titre principal, la nullité pour dol de l'engagement du 18 mai 2004, qui lui serait seul opposable et, subsidiairement, les manquements de la caisse à ses obligations de mise en garde et d'information ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 2292 du code civil et L. 263-3 du code de commerce ;
Attendu que pour dire que la somme de 70 747,61 euros sera diminuée des intérêts échus qui y sont intégrés depuis le 11 février 2003, que la créance de la caisse ne portera pas d'intérêts pour la période antérieure à l'arrêt à intervenir fixant la créance cautionnée définitive et rejeter l'ensemble des autres prétentions de la caution, l'arrêt retient qu'il n'est intervenu ni substitution de créancier, ni nouvel engagement de caution, celui du 11 février 2003 n'étant pas substitué par celui du 18 mai 2004 et que l'acte signé par la caution le 18 mai 2004 était inutile pour les créances nées antérieurement au contrat de fusion mais aussi pour celles advenues postérieurement et en déduit que les moyens tirés par la caution de ce que son consentement aurait été vicié à l'occasion de sa signature et de la disproportion entre son engagement et sa situation de fortune sont inopérants ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'engagement souscrit le 11 février 2003 ne pouvait couvrir des dettes nées postérieurement à la fusion absorption, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient, écartant ainsi le devoir de mise en garde de la caisse, que la caution ne démontre pas qu'elle pourrait être tenue pour une personne non avertie, étant le dirigeant – de profession – de la société ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des conclusions non contredites de la caution qu'elle était incarcérée lors de la signature de l'acte du 18 mai 2004 et qu'elle n'était plus le dirigeant social de la société emprunteuse depuis son incarcération le 11 mars 2003, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Condamne la caisse régionale du crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile; rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du huit mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la somme de 70.747,61 € serait diminuée des intérêts échus qui y sont intégrés depuis le 11 février 2003, dit qu'en toute hypothèse, la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrénées ne porterait pas d'intérêts pour la période antérieure à l'arrêt à intervenir fixant la créance cautionnée définitive et débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses autres prétentions,
AUX MOTIFS QU'"il est constant, à la lecture de l'extrait Kbis de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MIDIPYRENEES, que cette personne morale est née le 22/06/04 de la fusion de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE QUERCY ROUERGUE et de SUD ALLIANCE;
Ainsi qu'il est disposé à l'article L. 236-3 du Code de commerce, les opérations de fusion de sociétés ont pour effet de "transmettre l'universalité du patrimoine de la société apporteuse à la société bénéficiaire dans l'état dans lequel il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération";
Il en en résulte que la société absorbante devient activement (et passivement) aux lieux et place de la société absorbée; le transfert du patrimoine de l'une à l'autre s'opère de plein droit, sans la moindre novation; par l'effet de la fusion, le cautionnement se trouve lui aussi transmis; il ne survit pas seulement pour garantir les dettes antérieures à l'opération de concentration mais aussi pour celles qui naissent postérieurement;
Il n'est intervenu ni substitution de créancier, ni nouvel engagement de caution, celui du 11 février 2003 n'étant pas substitué par celui du 18 mai 2004 ainsi qu'il sera explicité ci-après; à toutes fins, on notera supplémentairement que l'appelant a formellement renoncé à "invoquer la novation dans tous les cas où l'effet novatoire n'aura pas été expressément prévu par les parties" en vertu des dispositions de l'article 19-1 des conditions générales du contrat du 11 février 2003 si bien que sa contestation actuelle ne peut en toute hypothèse prospérer;
Les règles qui viennent d'être énoncées ont vocation à s'appliquer au cas d'espèce puisqu'aussi bien le cautionnement se trouve transmis de la société absorbée créancière à la société absorbante, que la fusion ait été opérée soit avec création d'une société nouvelle – ce qui paraît être ici le cas, soit avec une société déjà existante;
En l'état de ces constatations, il y a lieu:
1°) de retenir que la conclusion de l'acte qualifié de réitération signé par l'appelant le 18 mai 2004 était rigoureusement inutile, évidemment pour les créances nées antérieurement au contrat de fusion mais aussi pour celles advenues postérieurement; en effet, par le transfert de l'universalité du patrimoine de la société absorbante à l'intimée, cette dernière est devenue titulaire de la garantie; l'acte réitératif, totalement superflu pour toutes les créances quelque soit la date de leur naissance, était en effet insusceptible de modifier les droits et obligations des parties et d'exercer quelque influence,
2°) de regarder le moyen tiré par l'appelant de ce que son consentement aurait été vicié à l'occasion de la signature de l'acte réitératif – sans conséquence – du 18 mai 2004, en raison du comportement dolosif de l'intimée, comme rigoureusement inopérant; au surplus, le dossier de l'appelant est de la plus absolue vacuité quant à l'énonciation et à la preuve des manoeuvres dolosives indispensables à établir la réalité du vice du consentement allégué; est de la même manière inopérant le moyen de l'appelant tiré de la prétendue disproportion entre l'engagement pris dans cet acte réitératif et sa situation de fortune à ce moment précis puisqu'aussi bien, ce second acte est, au cas précis, dénué de la moindre importance;il n'est d'ailleurs pas inutile de noter que les deux moyens qui viennent d'être écartés ne sont articulés par l'appelant que par rapport à l'acte du 18 mai 2004 et nullement vis à vis de celui conclu le 11 février 2003; pour faire bonne mesure, on soulignera que, s'agissant de l'acte conclu le 11 février 2003, aucun dol n'est non plus démontré, pas plus qu'une éventuelle disproportion entre l'engagement souscrit et la situation de fortune et les revenus de la caution à l'époque,
3°) de constater que la créance mise en jeu par l'intimée est en totalité justifiée; elle a été régulièrement déclaré à la procédure collective et reconnue comme définitivement irrécouvrable;
L'appelant fait valoir que la "CRCANMP" a commis une faute en ne se conformant pas à son obligation de mise en garde envers lui, caution non avertie, quant à la disproportion entre ses revenus et l'engagement souscrit et quant à la situation de la débitrice principale, la SAS BEX MATERIAUX; comme cela a déjà été souligné, ce moyen n'est pas articulé vis à vis de l'engagement originaire, le seul réellement efficient, mais envers le second; au reste l'appelant ne démontre pas qu'il pourrait être tenu pour une personne non avertie alors qu'il était le dirigeant social – de profession – de la société emprunteuse;
L'appelant fait encore valoir que la "CRCANMP" a commis une faute en ne se conformant pas à son obligation de l'informer annuellement, ainsi qu'il est disposé à l'alinéa 1er de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, de la possibilité qu'il avait de révoquer son engagement de caution, souscrit pour une durée indéterminée;
Il n'est pas contesté que l'intimée a manqué à ce devoir particulier; la caution, engagée pour une durée indéterminée, n'a effectivement pas été avisée, ni de sa faculté de révoquer à tout moment sa promesse, ni des conditions dans lesquelles cette révocation était possible;
L'appelant déduite de la carence de l'intimée que ce dernier doit lui verser des dommages et intérêts d'un montant exactement égal aux sommes qu'il pourrait éventuellement lui devoir de son côté;
Or, la sanction de la carence d'information est édictée à l'alinéa 2 de l'article précité qui prévoit la déchéance du droit aux intérêts échus depuis la précédente information – en l'occurrence inexistante – jusqu'à la date de communication de la nouvelle information; il s'agit d'une sanction spécifique exclusive de l'application du droit commun, sauf dol ou faute lourde, lesquels ouvrent le cas échéant droit à des dommages-intérêts réparant la perte de chance de révoquer le cautionnement;
L'appelant ne démontre pas plus le dol que la faute lourde, ni n'offre d'en rapporter la preuve;
L'appelant se plaint enfin de ce que la "CRCANMP" a commis une faute en ne se conformant pas à son obligation de l'informer annuellement, ainsi qu'il est disposé à l'alinéa 1er de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, de l'évolution de la dette en principal, intérêts et accessoires;
Ce manquement, parfaitement justifié d'autant que l'intimé n'excipe d'aucune information délivrée à l'appelant à ce titre depuis la souscription de l'engagement de caution par ce dernier, se trouve lui aussi sanctionné par l'alinéa 2 de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier par la déchéance du droit aux intérêts échus;
D'où il suit que la somme de 70.747,61 € doit être diminuée du montant des intérêts échus qu'elle comporte, intérêts calculés depuis l'origine, soit depuis le 11 février 2003, date de l'engagement de caution pris par Georges X... puisque l'information dont il est question est l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ne lui a jamais été donnée.
L'intimée ne produit aux débats qu'un décompte partiel couvrant la période allant de janvier 2005 à mai 2007;
Il convient de lui enjoindre de produire, d'une part un décompte complet, à l'image de celui communiqué mais depuis l'origine du contrat, soit depuis le 11 février 2003, date coïncidant avec la mise en place de l'ouverture de crédit, faisant apparaître systématiquement le montant des intérêts contractuels, d'autre part un décompte desdits intérêts seuls, puis un décompte du capital seul et enfin un décompte défalquant les intérêts de la créance de 70.747,61 €;
Il y a lieu de réformer la décision entreprise s'agissant des intérêts "de droit" assortissant cette somme, lesquels ne sont pas dus aux motifs qui viennent d'être exposés".
ALORS D'UNE PART QUE la caution d'une des sociétés ultérieurement fusionnées ne demeure tenue que du paiement des dettes nées avant la fusion de sorte qu'en affirmant pour écarter toute faute de la banque à l'égard de la caution lors de l'engagement du 18 mai 2004 et retenir que cet engagement était inutile et inefficient, que "par l'effet de la fusion, le cautionnement se trouve lui aussi transmis ; il ne survit pas seulement pour garantir les dettes antérieures à l'opération de concentration mais aussi pour celles qui naissent postérieurement" (p. 4, dernier §), la Cour d'appel a violé les articles 2292 du Code civil et L. 236-3 du Code de commerce,
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties ; que Monsieur X... faisait valoir que l'engagement du 18 mai 2004 avait produit une novation par changement de créancier de celui du 11 février 2003 ; que la banque niait la novation en soutenant que l'acte du 18 mai 2004 était confirmatif et informatif de sorte qu'en considérant, pour exclure tout effet novatoire à l'engagement du 18 mai 2004, que "l'appelant a formellement renoncé à "invoquer la novation dans tous les cas où l'effet novatoire n'aura pas été expressément prévu par les parties" en vertu des dispositions de l'article 19-1 des conditions générales du contrat du 11 février 2003 si bien que sa contestation actuelle ne peut en toute hypothèse prospérer" (p.5, §1), moyen que n'invoquait pas la banque, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile,
ALORS EN OUTRE QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, de sorte qu'en relevant d'office le moyen selon lequel "l'appelant a formellement renoncé à "invoquer la novation dans tous les cas où l'effet novatoire n'aura pas été expressément prévu par les parties" en vertu des dispositions de l'article 19-1 des conditions générales du contrat du 11 février 2003 si bien que sa contestation actuelle ne peut en toute hypothèse prospérer" (p.5, §1), sans avoir préalablement inviter les parties à présenter leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile,
ALORS DE SURCROÎT QU'en toute hypothèse, la caution d'une des sociétés ultérieurement fusionnées n'est tenue des dettes postérieures à la fusion qu'en cas de manifestation expresse de sa part de s'engager envers la nouvelle personne morale, de sorte qu'en affirmant que "l'appelant a formellement renoncé à "invoquer la novation dans tous les cas où l'effet novatoire n'aura pas été expressément prévu par les parties" en vertu des dispositions de l'article 19-1 des conditions générales du contrat du 11 février 2003", la Cour d'appel qui a inféré d'une renonciation générale à invoquer la novation l'engagement de la caution à l'égard de la société issue de la fusion, n'a pas caractérisé l'engagement exprès de Monsieur X... et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2292 du Code civil,
ALORS ENFIN QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir que lors de la conclusion de l'acte du 18 mai 2004, il était incarcéré et n'était plus le dirigeant social de la société emprunteuse depuis son incarcération le 11 mars 2003 ; que la banque a explicitement reconnu ces deux faits, de sorte qu'en retenant pour écarter le devoir de mise en garde de la banque, que la caution "ne démontre pas qu'il pourrait être tenu pour une personne non avertie alors qu'il était le dirigeant social – de profession – de la société emprunteuse", la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-11835
Date de la décision : 08/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 14 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 mar. 2011, pourvoi n°10-11835


Composition du Tribunal
Président : Mme Pinot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.11835
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