LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que soutenant qu'elle était l'importateur et le distributeur exclusif en France et dans les territoires et départements d'Outre-mer de lecteurs DVD portables d'un certain type, produits par la société Apollo WorldWide Limited (la société Apollo) située à Hong-Kong, la société Diffusion Import Export de Commerce International (la société Dieci), exerçant sous l'enseigne Takara, a, par lettre du 4 mars 2004, mis en demeure la société Metronic de cesser la commercialisation de ces mêmes matériels, eu égard à l'exclusivité dont elle bénéficiait ; qu'après avoir tenté d'obtenir des précisions sur la réalité de cette exclusivité, tant auprès de la société Apollo que de la société Dieci, et reçu de cette dernière un courrier attestant qu'elle disposait bien d'une exclusivité au terme d'un contrat signé le 4 février 2004, la société Metronic a suspendu la vente des produits litigieux qu'elle avait acquis de la société Apollo en novembre 2003 ; que considérant que le contrat invoqué n'était qu'une lettre d'intention, la société Metronic a ensuite assigné les sociétés Dieci et Apollo en concurrence déloyale et dommages-intérêts ;
Attendu que pour condamner la société Dieci à indemniser la société Metronic des conséquences du comportement constitutif de concurrence déloyale mis en œuvre à son égard, l'arrêt, après avoir relevé que l'acte du 4 février 2004 ne constituait, compte tenu de l'ambiguïté de ses termes, qu'une lettre d'intention et non un accord d'exclusivité, retient que la société Dieci s'est abusivement prévalue de tels droits qu'elle ne détenait pas et avait interdit de façon illégitime à la société Metronic de continuer à vendre les matériels qu'elle avait régulièrement acquis ; qu'il ajoute que celle-ci ayant interrompu ses ventes pendant plus de deux mois, le jeu de la concurrence en a été perturbé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, tout en relevant que la société Apollo avait convaincu la société Dieci de la sincérité de l'accord d'exclusivité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Metronic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la la société Diffusion import export de commerce international la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Diffusion import export de commerce international
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait retenu la responsabilité de la société DIECI, solidairement avec la société Apollo WorldWide, dans les actes de concurrence déloyale et les fautes commises à l'égard de la société Metronic ;
AUX MOTIFS D'UNE PART QUE le contrat invoqué du 4 février 2004 consiste, en réalité, comme le relève la société Metronic, en une simple lettre d'intention rédigée en langue anglaise, employant notamment le conditionnel, dont les principales clauses sont les suivantes : « la partie A (Apollo) vendrait (would sell) à la partie B (DIECI) ses produits lecteurs de DVD portables SDV 17-A modèle client DVM 75 siglé (Takara) et donnerait l'exclusivité à la partie B pour vendre en France et dans les DOM-TOM. La partie B ferait de son mieux pour poursuivre la vente du produit … La partie B est convenue de passer commande d'une quantité qui ne peut être inférieure à 3.000 euros pour SDV 17-A tous les 5 du mois … Toutes les parties conviennent d'avoir une période d'essai de 3 mois pour cette coopération commerciale. Si la partie B ne peut pas passer commande de 12.000 pièces minimum durant les trois premiers mois consécutifs suivant la signature de ce contrat, cette lettre de coopération commerciale prendra automatiquement fin (will be terminated) » ; qu'eu égard à l'ambiguïté des termes employés, il n'est pas établi que la société Apollo ait pris l'engagement clair et non équivoque de conférer l'exclusivité de ses produits, et non pas seulement de ceux personnalisés sous la marque « Takara » avant l'expiration de la période d'essai de 3 mois et la démonstration de la capacité de la société DIECI à remplir les quotas fixés ; que le « certificat » d'exclusivité délivré par Apollo à DIECI, en date du 4 février 2004, n'apporte pas davantage de précisions puisqu'il se borne à faire référence à la lettre d'intention et à mentionner la marque « Takara » ; que le 27 avril 2004, la société DIECI a informé la société Metronic qu'elle recouvrait la liberté de commercialisation des produits fournis par Apollo dans la mesure où cette dernière société lui avait indiqué qu'elle ne lui donnerait aucune exclusivité pour vendre en France à compter du 15 avril 2004, en l'absence d'atteinte des minimas de quotas ; qu'en fait, la télécopie adressée par Apollo à DIECI le 15 avril 2004 met fin à la lettre d'intention immédiatement en précisant « qu'elle ne donnerait aucune exclusivité à compter de la même date (Apollo would not give exclusivity to buyer sell in France) » ; que sans qu'il soit nécessaire de recourir aux notions de dénigrement ou de concurrence parasitaire comme le soutient la société Metronic, le bien-fondé d'une action en concurrence déloyale est uniquement subordonné à l'existence de faits fautifs et générateurs d'un préjudice ; que le comportement déloyal de la société DIECI, qui s'est prévalue abusivement de droits d'exclusivité avant tout accord, puis d'un contrat au contenu conditionnel et a interdit, de façon illégitime, la poursuite de la revente par Metronic des matériels régulièrement acquis, a provoqué une influence négative sur l'activité de son adversaire qui a interrompu ses ventes pendant plus de deux mois, et a ainsi perturbé le jeu normal de la concurrence et causé à Metronic un préjudice, à tout le moins commercial ; compte tenu du comportement de duplicité de la société Apollo, qui n'avait aucune considération pour l'accord d'exclusivité dont elle a convaincu la société DIECI de la sincérité tout en ayant l'intention de continuer à vendre ses matériels à d'autres acheteurs français, Apollo sera condamnée à garantir DIECI de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre ;
1/ ALORS QUE par contrat du 4 février 2004, la société DIECI avait obtenu l'exclusivité, pour une période de 3 mois, de vendre en France et dans les DOM-TOM les produits litigieux ; qu'en jugeant que l'emploi du conditionnel dans l'expression la partie A vendrait à la partie B et donnerait l'exclusivité à la partie B pour vendre en France, avait pour objet de ne conférer à ce contrat la nature d'une simple lettre d'intention, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2/ ALORS QUE, en jugeant que la société DIECI n'était pas titulaire d'un droit d'exclusivité conféré par le contrat du 4 février 2004 pour la distribution des produits litigieux, après avoir relevé que ce n'est qu'à compter du 15 avril 2004 que la société Apollo avait mis fin à l'exclusivité à compter de cette même date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
3/ ALORS QUE, en jugeant que la société DIECI avait eu un comportement déloyal en se prévalant abusivement de droits d'exclusivité avant tout accord puis d'un contrat au contenu conditionnel, après avoir relevé que la société DIECI avait pu être convaincue par le comportement de duplicité de la société Apollo, de la sincérité de l'accord d'exclusivité, ce dont il se déduisait que la société DIECI invoquait de bonne foi auprès de la société Metronic le contrat d'exclusivité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1382 du code civil ;
ET AUX MOTIFS, des premier juges à les supposer adoptés, qu'il est établi que la société DIECI a contacté directement la société Métronic pour l'intimider en faisant état de l'exclusivité alors qu'elle savait que des livraisons avaient eu lieu préalablement à l'accord du 4 février ; le but de ces manoeuvres était de faire suspendre la commercialisation pour récupérer les efforts de commercialisation de la société Métronic ; que le tribunal retiendra également la tentative de désorganisation du marché constitué par le simple fait de laisser entendre à la société Métronic qu'elle ne peut plus vendre ses lecteurs ;
4/ ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en relevant un acte de concurrence déloyale dans le simple fait, pour la société DIECI, de « laisser entendre » à la société Metronic qu'elle ne pouvait vendre les lecteurs litigieux, la cour d'appel n'a pas caractérisé un acte de concurrence déloyale tenant à une désorganisation du marché, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
5/ ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en retenant à l'encontre de la société DIECI un acte de parasitisme dans le simple fait de contacter la société Metronic pour faire état de la clause d'exclusivité dont elle bénéficiait et lui demander de suspendre la commercialisation des produits litigieux, la cour d'appel n'a pas davantage caractérisé un acte de concurrence parasitaire, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.