LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
M. Franck X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 19 janvier 2010 qui, pour faux, usage et escroquerie, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 313-1 du code pénal, ensemble de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'escroquerie à la TVA, et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement, avec sursis simple ;
"aux motifs que pour relaxer le prévenu du chef d'escroquerie à la TVA, les premiers juges ont retenu les éléments suivants : que l'escroquerie suppose pour être caractérisée en ses éléments matériels l'emploi notamment de manoeuvres frauduleuses, antérieurement ou au moins concomitamment à la remise de fonds (ou comme en l'espèce à la déduction fiscale) qu'elles déterminent ; qu'il est constant en l'espèce que les fausses factures n'ont pas été produites à l'appui des déclarations dites CA3, qui ont généré la déduction, mais ultérieurement à l'occasion d'une demande de justification ; que, dès lors, ces déclarations doivent être considérées comme ayant été simplement mensongères, alors que n'est pas visée, comme c'est classiquement le cas en matière d'escroquerie à la TVA, l'existence d'une fausse entreprise ou une mise en scène que caractériseraient de fausses déclarations faites sous couvert d'une comptabilité inexacte, une manoeuvre frauduleuse qu'une simple déclaration faisant état d'une TVA faussement déductible ne constitue pas ; que cependant la cour ne retiendra pas cette analyse ; qu'en effet il doit être rappelé que seule la souscription de déclarations mensongères détermine la remise par imputation, la production de fausses factures n'ayant pour fonction que de renforcer l'illusion créée par les déclarations ; que les déclarations de TVA ne sont pas accompagnées de justificatifs lors de leur dépôt ; qu'elles sont enregistrées par l'administration des Impôts, sous réserve de son droit de contrôle ; que, dès lors, l'usage des fausses factures lors du contrôle, qui par définition est postérieur à la déclaration, doit être considéré comme s'inscrivant dans la continuité des manoeuvres frauduleuses initiées par la production de déclaration de TVA mensongère ; qu'en l'espèce, la production de fausses factures a permis au prévenu de donner une apparence de régularité à sa comptabilité et à ses déclarations fiscales, en dissimulant leurs anomalies ; que, dès lors, les déclarations mensongères souscrites par le prévenu indiquant un motif fictif de taxe déductible sous couvert d'une comptabilité inexacte et dissimulant le montant de la taxe effectivement décaissée constituent une mise en scène caractérisant les manoeuvres frauduleuses visées par l'article 313-1 du code pénal ;
"alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que les éléments constitutifs de l'infraction doivent être réunis, en matière d'escroquerie, antérieurement ou à tout le moins concomitamment à la commission du délit, c'est-à-dire à la remise des fonds ; que l'existence de simples allégations mensongères ne caractérisent pas les manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie à la TVA ; qu'ainsi, dès lors que, comme l'avait jugé le tribunal, il était acquis aux débats que les fausses factures n'avaient pas été produites à titre de mise en scène antérieurement ou même concomitamment à la remise de fonds, à savoir à l'imputation par voie scripturale d'un crédit indu de TVA, mais postérieurement dans le cadre d'un contrôle de l'administration fiscale, avant aveu spontané du contribuable, la cour d'appel ne pouvait retenir la qualification d'escroquerie sans priver sa décision de toute base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... est notamment poursuivi du chef d'escroquerie au préjudice du Trésor public, pour avoir, en 2002 et 2003, déposé des déclarations trimestrielles de TVA faisant état d'une fausse déductibilité de cette taxe ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de cette infraction, les juges du second degré énoncent que le prévenu a reconnu avoir, en toute connaissance de cause et dans le but d'échapper à l'impôt, souscrit des déclarations de TVA mensongères, lesquelles valent titre de créance à l'égard du Trésor public, et que l'usage des fausses factures lors du contrôle, postérieur à la déclaration, s'inscrit dans la continuité des manoeuvres frauduleuses initiées par les fausses déclarations ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs le délit d'escroquerie retenu à l'encontre du prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 313-1 du code pénal, de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, de l'article 1741 du code général des impôts, de l'article L. 232 du livre des procédures fiscales, de l'article 1382 du code civil, ensemble de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à payer à l'Etat français la somme de 30 484 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1 000 euros par application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que la demande de dommages et intérêts formulée par l'Etat français et représentant le montant de la TVA escroquée, soit la somme de 30 484 euros, est parfaitement recevable et fondée nonobstant la circonstance que cette TVA puisse faire l'objet par ailleurs de rectifications fiscales dans le cadre des procédures administratives ;
"alors que le juge pénal n'est pas compétent, sur l'action civile, pour fixer le montant de l'impôt dû par le contribuable, et doit à cet égard surseoir à statuer jusqu'à la décision à intervenir devant la juridiction administrative compétente ; qu'ainsi la cour d'appel qui a condamné M. X... à payer à l'Etat français à titre de dommages-intérêts la somme de 30 484 euros, tout en constatant que le montant de la TVA pouvait faire l'objet de rectifications fiscales dans le cadre des procédures administratives, et sans surseoir à statuer jusqu'à la décision à intervenir devant la juridiction administrative, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs ;
"et alors qu'en ne justifiant par aucun motif en quoi le préjudice subi par l'Etat français aurait pu être supérieur au montant des impôts éludés, avec majoration et pénalités, la cour d'appel, qui a refusé de prendre en considération d'éventuelles rectifications à intervenir dans le cadre des procédures administratives en cause, n'a pas justifié légalement sa décision" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, le préjudice subi par l'Etat, et dès lors que l'action en réparation du dommage résultant du délit d'escroquerie est distinct de l'action en recouvrement de la taxe fraudée, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les dispositions légales invoquées, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à l'Etat français au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;