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17/02/2011 | FRANCE | N°10-16737

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 février 2011, 10-16737


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 mars 2010) et les productions, que la société Tourres et compagnie verreries de Graville (la société) ayant saisi le président d'un tribunal de grande instance d'une requête tendant à voir ordonner la cessation d'actes d'entraves à la liberté du travail et l'expulsion des personnes s'y livrant dans l'entreprise, sa demande a été accueillie par ordonnance du 22 octobre 2007 notifiée, le jour même, à deux délégués syndicaux ; que la grève a pris fin le 26 oc

tobre 2007 par la signature d'un protocole ; qu'en 2008, MM. Stéphane X....

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 mars 2010) et les productions, que la société Tourres et compagnie verreries de Graville (la société) ayant saisi le président d'un tribunal de grande instance d'une requête tendant à voir ordonner la cessation d'actes d'entraves à la liberté du travail et l'expulsion des personnes s'y livrant dans l'entreprise, sa demande a été accueillie par ordonnance du 22 octobre 2007 notifiée, le jour même, à deux délégués syndicaux ; que la grève a pris fin le 26 octobre 2007 par la signature d'un protocole ; qu'en 2008, MM. Stéphane X..., Mickaël X..., A..., Y...et Z..., salariés, après notification de leur licenciement fondé sur la commission, au mépris de l'ordonnance, d'actes non susceptibles de se rattacher à l'exercice normal du droit de grève, ont assigné la société en référé aux fins de rétractation de l'ordonnance ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel recevable et bien fondé, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de prononcer la rétractation de l'ordonnance du 22 octobre 2007 ;
Mais attendu que, même si l'ordonnance était devenue sans objet au moment où elle statuait, il appartenait à la cour d'appel, saisie par les intéressés auxquels la décision était opposée par l'employeur et dont elle constatait de ce fait l'intérêt à agir, de déterminer si la demande était justifiée lorsque le premier juge avait statué ;
Et attendu que les salariés, qui n'étaient pas parties à l'ordonnance sur requête, ne pouvaient y acquiescer ;
Attendu, enfin, qu'ayant exactement relevé que les textes ne prévoyaient aucun délai pour en référer au juge qui a rendu une ordonnance sur requête, la cour d'appel, qui n'avait pas d'autres recherches à effectuer, a, à bon droit, retenu la recevabilité de la demande de rétractation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas dit que la société n'avait produit que deux constats mais a retenu que seuls deux des constats, établis le 19 octobre 2007 par deux huissiers de justice différents, avaient été visés précisément à la requête conformément à l'article 494 du code de procédure civile ;
Et attendu qu'ayant exactement retenu qu'il appartenait à la société de justifier du bien-fondé de sa requête initiale, puis constaté que l'urgence n'était pas établie au vu des pièces jointes à la requête et, enfin, relevé que l'employeur, qui produisait des constats d'huissier de justice du 21 octobre 2007, antérieurs au dépôt de sa requête, faisant apparaître la " présence sur le piquet de grève " de MM. Stéphane X...et Z...et ne se trouvait pas dans la situation de ne pouvoir attraire les représentants syndicaux, participant au mouvement de grève, aptes à présenter des moyens de défense communs à tout le personnel, et que l'expulsion était susceptible de s'appliquer à l'ensemble des personnes qui commettraient des actes illicites dépassant l'exercice normal du droit de grève, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à d'autres recherches, a pu déduire de ces seuls éléments, l'absence de circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction ;
D'où il suit que le moyen qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tourres et compagnie verreries de Graville aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Tourres et compagnie verreries de Graville, la condamne à payer à MM. Stéphane et Mickaël X..., A..., Y...et Z..., au syndicat chimie, énergie de Haute-Normandie (CFDT) et à l'union départementale CGT de Seine-Maritime, la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Tourres et compagnie verreries de Graville

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'appel recevable et bien fondé, infirmé l'ordonnance entreprise et prononcé la rétractation de l'ordonnance du 22 octobre 2007 du président du tribunal de grande instance du Havre ;
Aux motifs que « le référé afin de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête en application des articles 493 et 812 du Code de procédure civile, est ouvert à toute personne qui a un intérêt à ce qu'il soit statué contradictoirement sur le bien fondé de la décision qui lui est opposée ; que les articles 496 et 497 qui ouvrent le recours en rétractation devant le juge qui a rendu l'ordonnance, n'imposent aucun délai pour ce faire ; que le délai raisonnable invoqué par l'employeur ne saurait être un obstacle à l'instance en rétractation qui rétablit le principe du contradictoire conforme à l'exigence du procès équitable posé par l'article 6-1 de la CEDH ; que pour contester l'intérêt à agir de MM. Stéphane, Mickaël X..., Sylvain
A...
, Dominique Y...et Patrick Z..., auxquels se sont joints le syndicat chimie énergie de Haute-Normandie CFDT et l'Union départementale CGT, l'employeur fait valoir que la décision sur requête, par nature provisoire, est devenue caduque dans la mesre où le conflit social, qui l'a justifiée, s'est achevé le 26 octobre 2007 par la signature d'un accord de fin de conflit, l'ordonnance étant dès lors sans objet, l'acceptation dudit protocole valant acquiescement au sens de l'article 409 du Code de procédure civile ; qu'il sera rappelé que le protocole de fin de conflit prévoyait que « La direction s'engage à ce qu'il n'y ait aucun comportement discriminatoire, à l'égard des représentants syndicaux ou des personnels grévistes, à raison de leur prise de position dans le conflit » ; que toutefois, dès le 18 décembre 2007, M. Patrick Z..., M. Dominique Y..., M. Stéphane X..., M. Mickaël X..., M. Sylvain
A...
ont été destinataires d'une lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire et se sont vus notifier le 8 janvier 2008, chacun une lettre de licenciement pour fautes lourdes au motif notamment que « Lors du mouvement social de fin octobre 2007, vous avez commis des actes illégaux totalement contraires à l'exercice normal du droit de grève, en particulier des actes d'entraves caractérisés à la liberté du travail des salariés non grévistes et à la libre circulation des personnes et des biens, ainsi que des véhicules, sur des voies d'accès à l'entreprise comme à la sortie. Vos actes sont d'autant plus inadmissibles que vous les avez réitérés de façon particulièrement caractérisée et répétée, au mépris d'une décision de justice qui ordonnait pourtant la levée des piquets et la cessation immédiate de ce type d'action » ; qu'il est ainsi suffisamment justifié de l'intérêt à agir des personnes auxquelles la société TOURRES et Cie oppose la décision prise non contradictoirement le 22 octobre 2007, lui donnant une conséquence individuelle que le juge saisi n'avait pu imaginer, alors que la décision ne visait aucune personne nommément et qu'elle n'avait pour objet que de mettre fin aux actions collectives contraires à la liberté du travail dans le respect du droit de grève, ces droits ayant chacun valeur constitutionnelle, le droit de grève s'exerçant dans le cadre des lois qui le réglementent ; qu'enfin, les dispositions de l'article 409 du code de procédure civile relatives à l'acquiescement au jugement se justifient par le caractère contradictoire de la procédure qui a fait défaut en l'espèce ; que dès lors, il est suffisamment justifié de l'intérêt à agir de MM. Stéphane et Mickaël X..., Sylvain
A...
, Dominique Y..., Patrick Z..., auxquels se sont joints le syndicat chimie énergie de Haute-Normandie CFDT et Union départementale CGT, dont le recours doit être déclaré recevable ;
1° Alors que l'ordonnance rendue sur requête ayant un caractère provisoire, il n'y a pas lieu d'en demander la rétractation lorsque les mesures qu'elle prévoyait, ayant produit tous leurs effets, sont devenues caduques ; qu'au cas présent, l'ordonnance objet du recours en la forme des référés avait ordonné la cessation d'actions commises à l'occasion d'une grève débutée le 19 octobre 2007 et portant atteinte à la liberté du travail dans les locaux de la société TOURRES et Cie, ainsi que l'expulsion, la dispersion et l'enlèvement de tout bien ou personne entravant l'accès à l'entreprise ; que la grève en cause avait été close par un protocole d'accord de fin de conflit daté du 26 octobre 2007, précédé d'un protocole de négociation du 25 octobre 2007, prévoyant la fin de toute action de blocage ou d'obstruction ; qu'en considérant que la demande des salariés et des syndicats tendant à voir rétracter cette ordonnance n'aurait pas été privée d'objet, cependant que les mesures prévues étaient caduques, par suite de la cessation de la grève à l'occasion desquelles les actions visées avaient été commises, la cour d'appel a violé l'article 496 du code de procédure civile ;
2° Alors que l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours ; que l'effet de l'acquiescement se produit à l'égard d'une décision de justice dès lors qu'elle est susceptible de recours, peu important en revanche, la circonstance qu'elle ait été rendue de manière éventuellement non contradictoire ; qu'au cas présent, en refusant l'effet devant être attaché à l'acquiescement à l'ordonnance sur requête résultant de la signature du protocole de négociation, au motif que cet effet serait juridiquement justifié « par le caractère contradictoire de la procédure », inexistant à l'origine en cas d'ordonnance sur requête, la cour d'appel a violé l'article 409 du code de procédure civile ;
3° Alors que si les textes relatifs à l'ordonnance sur requête ne prévoient aucun délai pour en référer au juge qui l'a rendue, le juge auquel il en est référé ne peut accepter d'examiner la demande de rétractation qui lui est présentée lorsqu'il est appelé à statuer dans un temps trop éloigné de la signature de l'ordonnance, au point que les éléments de preuve qui lui avaient permis d'apprécier la situation ont disparu ; qu'au cas présent, la société TOURRES et Cie avait souligné dans ses conclusions d'appel (p. 17) que le juge de la rétractation n'avait plus matériellement la possibilité d'opérer les vérifications relevant de son office, eu égard au délai de 8 mois qui s'était écoulé entre la date à laquelle le conflit s'est terminé, et la date de la saisine du juge auquel il en a été référé ; qu'en se bornant à relever à cet égard que les textes applicables à la matière n'imposeraient aucun délai pour la saisine du juge de la rétractation, sans vérifier si les conditions matérielles de l'exercice de son office étaient remplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 496 et 497 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'appel recevable et bien fondé, infirmé l'ordonnance entreprise et prononcé la rétractation de l'ordonnance du 22 octobre 2007 du président du tribunal de grande instance du Havre ;
Aux motifs que « aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que, plus précisément, le président du tribunal de grande instance peut, indépendamment des cas spécifiés par la loi, ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, ainsi qu'il est rappelé à l'article 812 du code de procédure civile ; que s'agissant du prolongement contradictoire de la procédure ouverte par la requête, il appartient au requérant de justifier que sa requête initiale est fondée, et non pas aux demandeurs à la rétractation de prouver qu'elle ne l'est pas ; que la requête déposée le 22 octobre 2007 par la société TOURRES et Cie rappelle que l'entreprise emploie environ 500 salariés et fonctionne en continu avec des équipes qui se relaient et ce, en raison d'impératifs techniques liés à l'utilisation de fours de grande taille dans lesquels s'opère la fusion des matières premières pour produire du verre et en assurer la transformation sous forme de bouteilles ;
que pour justifier le recours à une procédure non contradictoire, la société requérante a fait état de l'urgence à mettre fin au trouble illicite et au péril imminent causés par les actions illicites et abusives des salariés réunis en piquets de grève et du fait qu'il est extrêmement difficile d'assigner individuellement les auteurs de ces faits ; que, pour en justifier, la société TOURRES et Cie a produit deux constats d'huissier établis le 19 octobre 2007 par Me B...et Me C...que la cour retient comme étant les seules pièces visées à la requête conformément à l'article 494 du code de procédure civile ; qu'or les termes de ces deux constats révèlent qu'aucune action d'entrave à la liberté du travail n'a été constatée le 19 octobre 2007, les personnes de l'ordre d'une cinquantaine étant regroupées devant l'entrée de l'usine après 20 h, un groupe d'environ 130 personnes ayant entrepris vers 21 h 20 une marche dans l'usine dans un calme qualifié de relatif, l'huissier Me B...ayant noté que les différentes lignes de fabrication fonctionnent et que le groupe rassemblé à l'entrée de l'usine laisse l'accès libre, ce qui est confirmé par Me C...qui indique que les véhicules et les personnels entrent et sortent de l'entreprise sans entrave ; qu'ainsi, l'urgence invoquée pour justifier le recours à une procédure non contradictoire n'était pas établie au seul vu des pièces jointes à la requête ; que, pour justifier le recours à une procédure non contradictoire, la société TOURRES et Cie produit dans le cadre de la présente instance plusieurs constats d'huissiers dont la cour retiendra deux constats datés du 21 octobre 2007 de Me C..., faisant état de la présence de M. Stéphane X..., M. Patrick Z...comme membres du personnel « présents sur le piquet de grève » ; que la société TOURRES et Cie produit une liste des constats d'huissiers établis pendant la période du conflit collectif, laquelle fait apparaître qu'à cette date du 21 octobre 2007, soit la veille de la requête adressée au président du tribunal de grande instance, ont été établis pas moins de dix-huit constats faisant apparaître l'identité des membres du personnel participant à la grève dont M. D..., M. E...et M. F...; que, dès lors, il est établi que l'employeur ne se trouvait pas dans la situation de ne pouvoir attraire, devant le juge dans le cadre d'une procédure contradictoire, les participants au mouvement de grève dont les représentants syndicaux, M. D..., représentant le syndicat CGT, et M. F..., représentant le syndicat CFDT ; qu'ainsi, la société TOURRES et Cie pouvait assigner en référé les dirigeants du mouvement de grève, aptes à présenter des moyens de défense communs à tout le personnel, l'expulsion si elle était ordonnée pouvant s'appliquer à l'ensemble des personnes qui commettraient des actes illicites dépassant l'exercice normal du droit de grève ; qu'en s'abstenant de le faire, la société TOURRES et Cie a violé le principe du contradictoire rappelé à l'article 16 du code de procédure civile, dans des conditions qui n'ont pas permis aux protagonistes d'être entendus par un juge impartial sur les motifs de la grève et d'être avertis sur les conséquences éventuelles des actes illicites qui auraient été commis à l'occasion du mouvement collectif ; la contestation qui subsiste à ce sujet démontrant tout l'intérêt d'un débat contradictoire précoce, le juge ayant le pouvoir d'ordonner d'office des mesures d'instruction confiées à un mandataire de justice chargé de constater sur place la situation, d'en rendre compte en cas de difficultés pouvant justifier une mesure d'expulsion, voire de faire des propositions en vue d'un règlement rapide du conflit dans un cadre garantissant l'égalité des armes entre les partenaires ; qu'en conséquence, il y a lieu de réformer l'ordonnance entreprise et de rétracter l'ordonnance sur requête en date du 22 octobre 2007 » ;
1° Alors que dans ses conclusions d'appel (p. 21-22 et p. 38), la société TOURRES et Cie exposait que sa requête du 22 octobre 2007 ne visait pas uniquement deux « constats » (au sens de « procès-verbaux de constats »), mais cinq procès-verbaux de constats dressés par deux huissiers différents, du 19 octobre 2007 au 22 octobre 2007 ; qu'en particulier, la société TOURRES et Cie soulignait qu'elle avait bien visé les procès-verbaux de constats des 21 et 22 octobre 2007, qui faisaient seuls état d'actions d'entraves à la liberté du travail, le procès-verbal des constatations du 22 octobre 2007 faisant en particulier seul état (en page 4 in fine) des « chaînes humaines » citées dans le corps de la requête (en page 4, dernier alinéa) ; qu'en considérant néanmoins que la société TOURRES et Cie n'aurait visé que deux « constats », c'est-à-dire, dans l'esprit de la motivation de la cour, deux « procès-verbaux de constat », en date, prétendument, du 19 octobre 2007, sans s'expliquer sur la circonstance que cette production limitée de procès-verbaux qui ne faisaient pas état des actions d'entraves énoncées dans le corps de la requête, aurait été défavorable à la requérante, et donc en réalité inexplicable et incohérente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 494 du code de procédure civile ;

2° Alors en tout état de cause que dès lors que les conditions de l'ordonnance sur requête apparaissent comme ayant été réunies, le juge saisi d'un référé-rétractation, qui constate la réunion desdites conditions au vu de procès-verbaux de constats contemporains de la saisine du juge de l'ordonnance sur requête, ne peut ordonner ladite rétractation, quand bien même lesdits procès-verbaux n'auraient pas été annexés à la requête ; qu'au cas présent, en retenant que l'urgence invoquée pour justifier le recours à une procédure d'ordonnance sur requête ne ressortirait pas des procès-verbaux de constat prétendument seuls annexés à la requête, sans rechercher si ladite urgence ne ressortait pas de toutes les façons des procès-verbaux de constat des 21 et 22 octobre 2007, visés par la société TOURRES et Cie dans ses conclusions d'appel (notamment pp. 22-23) et faisant notamment état de chaînes humaines destinées à bloquer l'accès des non grévistes, procès-verbaux dont disposait pourtant la cour d'appel et qui étaient antérieurs à la date de la saisine du président du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles 493 et 812 du code de procédure civile ;
3° Alors que le président du tribunal de grande instance peut ordonner sur requête des mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; que tel est le cas, en matière de mouvements collectifs, quand l'employeur requiert une ordonnance interdisant les actes illicites de blocage de l'entreprise, lorsque l'identification des meneurs du mouvement, et des personnes susceptibles d'être considérées comme responsables des actes illicites, est difficile ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que, au jour de la requête (le 22 octobre 2007), la société TOURRES et Cie était au mieux en état d'identifier certains des participants au conflit social, mais non d'identifier ceux qui pourraient être considérés comme responsables dudit mouvement et des actes illicites commis à son occasion, responsables qu'il serait alors possible d'attraire en référé ; que la cour d'appel a ainsi relevé que des procès-verbaux feraient « état de la présence de M. Stéphane X..., M. Patrick Z...comme membres du personnel « présents sur le piquet de grève » », que d'autres feraient « apparaître l'identité des membres du personnel participant à la grève, dont M. D..., M. E...et M. F...» ; qu'en considérant néanmoins que la société TOURRES et Cie aurait dû assigner ces simples participants à une grève composée de groupes à la composition fluctuante, participants dont il n'est pas établi par les constatations de l'arrêt qu'ils en fussent les meneurs ou les responsables, ni qu'ils aient activement participé aux actes illicites, la cour d'appel a violé les articles 493 et 812 du code de procédure civile ;
4° Alors que dans ses conclusions d'appel (pp. 10, 38, 43 et 44), la société TOURRES et Cie faisait valoir que la liste des procès-verbaux de constats individuels établis par les huissiers de justice, ne lui avait été communiquée par les officiers publics que le 14 décembre 2007, le temps d'établissement et de transmission de ces procès-verbaux de constats ayant été plus long que pour les cinq procès-verbaux de constats collectifs visés à l'appui de la requête ; qu'en considérant néanmoins que la société requérante aurait eu ces procès-verbaux individuels en main le 21 octobre 2007, la veille de la saisine du président du tribunal de grande instance, de sorte qu'elle aurait été en mesure d'identifier les participants au mouvement de grève, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette identification n'avait pas été alors impossible, du fait du temps mis à l'établissement et à la transmission, différée au 14 décembre, desdits procès-verbaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 493 et 812 du code de procédure civile ;
5° Alors que le salarié qui a la qualité de représentant syndical et qui est présent lors d'un mouvement de grève ne peut, du seul fait de sa qualité et de sa présence, être considéré comme un responsable ou un meneur dudit mouvement ; qu'au cas présent, en considérant au contraire que « les représentants syndicaux M. D..., représentant le syndicat CGT et M. F..., représentant le syndicat CFDT », ayant participé au mouvement de grève, devraient ipso facto en être considérés comme les « dirigeants », et faire ainsi l'objet d'une assignation en référé, la cour d'appel a violé les articles 493 et 812 du code de procédure civile ;
6° Alors que le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse lorsque la requête présentée au président du tribunal de grande instance ne désigne nommément aucune personne susceptible de constituer une partie adverse ; que tel était le cas en l'espèce, ainsi que l'exposante le soulignait dans ses conclusions d'appel (pp. 41-42) ; qu'en considérant que, dès lors que les meneurs auraient été, selon elle, identifiables, le recours à l'ordonnance sur requête aurait été exclu, quand la procédure d'ordonnance sur requête pouvait être utilisée en l'absence de désignation d'une quelconque personne nommément désignée par la requête, la cour d'appel a violé les articles 493 et 812 du code de procédure civile ;
7° Alors que le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse lorsque les circonstances exigent que les mesures demandées ne soient pas prises contradictoirement, notamment en cas d'urgence ; qu'au cas présent, la société TOURRES et Cie faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 45-46), que le recours à l'ordonnance sur requête était ici également justifié par « la nécessité de répondre en temps utile à l'urgence et au péril de la situation, eu égard au trouble manifestement illicite causé par les actions de blocage, qui entravaient la liberté du travail des salariés non grévistes et mettaient en péril la sécurité du site une installation classée placée sous la surveillance de la DRIRE et des personnes » ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si l'urgence à faire cesser ces troubles n'était pas, dans la situation de l'espèce, une cause admissible de recours à la procédure d'ordonnance sur requête, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 493 et 812 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-16737
Date de la décision : 17/02/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 03 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 fév. 2011, pourvoi n°10-16737


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16737
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