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17/02/2011 | FRANCE | N°09-73025

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 février 2011, 09-73025


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en matière de référé, que M. X... et Mme Y..., passagers d'un train express régional, ont été blessés lors de la collision de celui-ci, sur un passage à niveau, avec le véhicule poids lourd appartenant à la société Guy Z... ; qu'ils ont assigné en référé en vue d'une expertise médicale et du paiement de provisions indemnitaires la société SNCF, la société Guy Z... et son assureur la société GAN ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éve

ntuel des sociétés Guy Z... et GAN :

Attendu que les sociétés Guy Z... et GAN, font gr...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en matière de référé, que M. X... et Mme Y..., passagers d'un train express régional, ont été blessés lors de la collision de celui-ci, sur un passage à niveau, avec le véhicule poids lourd appartenant à la société Guy Z... ; qu'ils ont assigné en référé en vue d'une expertise médicale et du paiement de provisions indemnitaires la société SNCF, la société Guy Z... et son assureur la société GAN ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel des sociétés Guy Z... et GAN :

Attendu que les sociétés Guy Z... et GAN, font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec la SNCF, à payer à M. X... une provision de 20 000 euros et à Mme Y... une provision de 800 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 1er et suivants de la loi n°677-85 du 5 juillet 1985 et de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel qui, relevant que l'implication du camion de la société Guy Z... est incontestable du seul fait que le train et ce véhicule se sont heurtés, que par application des articles 1er et 3 de la loi précitée, M. X... et Mme Y... doivent être indemnisés par cette société, sauf à ce qu'elle démontre une faute inexcusable de leur part, qu'elle n'invoque pas en l'espèce, et qu'eu égard à ce droit à indemnisation des intimés, le comportement du conducteur du camion ou la position de ce dernier, comme l'existence ou l'absence d'une barrière automatique, sont indifférents, seule étant à considérer l'implication dudit camion, en a exactement déduit, sans être tenue de rechercher si le conducteur du camion avait commis une faute cause exclusive de l'accident, que M. X... et Mme Y... étaient fondés à réclamer à la société Guy Z... et à son assureur le paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que le moyen unique du pourvoi principal de la SNCF, pris en ses première et troisième branches, n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la SNCF, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1315 du code civil et 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la SNCF, in solidum avec les sociétés Guy Z... et GAN, à payer à M. X... une provision de 20 000 euros et à Mme Y... une provision de 800 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices, l'arrêt énonce que l'unique cause de l'accident subi par M. X... et Mme Y... est la collision d'un camion et d'un train dont ils étaient passagers ; que ces derniers ne recherchent pas la responsabilité de la SNCF en raison de l'implication du train dans l'accident ni en raison de sa qualité de gardienne de ce train, mais en raison de l'inexécution de son obligation de sécurité, laquelle est de résultat et ne permet d'exonération que par la preuve d'une cause étrangère ; que la SNCF ne démontre pas avec l'évidence nécessaire en matière de référé l'existence d'une telle force majeure, en se prévalant du fait que l'accident considéré a été causé par la collision du train avec un camion et en se contentant d'affirmer que le camion heurté était "immobilisé sur un passage à niveau", ce que conteste la société
Z...
; qu'il appartient aux seuls juges du fond d'apprécier les circonstances, controversées, de l'accident et l'existence d'une éventuelle force majeure qui exonérerait la SNCF d'une obligation dont la juridiction des référés ne peut que constater qu'elle est incontestable ; que M. X... et Mme Y... sont donc fondés à réclamer à la SNCF le paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ; que les intimés sont fondés à agir tout à la fois contre la société Guy Z... sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, à raison de l'implication du véhicule de cette société, et contre la SNCF à raison de son obligation contractuelle de sécurité, ces deux actions n'étant pas exclusives l'une de l'autre ;

Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le camion, au moment du passage du train, se trouvait immobilisé sur le passage à niveau et que les circonstances de l'accident entre ce camion et le train étaient controversées, ce dont il résultait que l'obligation d'indemniser de la SNCF au titre de l'obligation de sécurité de résultat qui lui incombait à l'égard des deux passagers blessés était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SNCF à payer à M. X... une provision de 20 000 euros et à Mme Y... une provision de 800 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices, l'arrêt rendu le 21 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Guy Z... et GAN aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la Société nationale des chemins de fer français.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SNCF, in solidum avec les sociétés GUY Z... et GAN, à payer à M. Wesley X... une provision de 20.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice et d'avoir confirmé l'ordonnance de référé du 23 mars 2009 en ce qu'elle avait condamné les mêmes sociétés, in solidum, à verser à Mme Tania Y... au même titre une provision de 800 € ;

AUX MOTIFS QUE l'unique cause de l'accident subi par M. X... et Mme Y... est la collision d'un camion et d'un train dont ils étaient passagers ; que ces derniers ne recherchent pas la responsabilité de la SNCF en raison de l'implication du train dans l'accident, ni en raison de sa qualité de gardienne de ce train, mais en raison de l'inexécution de son obligation contractuelle de sécurité, laquelle est de résultat et ne permet d'exonération que par la preuve d'une cause étrangère ; que la SNCF, qui se prévaut de ce que l'accident a été causé par la collision du train et d'un camion, immobilisé sur un passage à niveau ce qui est contesté par la société
Z...
, ne démontre pas cette force majeure ; qu'il appartient aux seuls juges du fond d'apprécier les circonstances controversées de l'accident et l'existence d'une éventuelle force majeure qui exonérerait la SNCF d'une obligation dont la juridiction des référés ne peut que constater qu'elle est incontestable ; que M. X... et Mme Y... sont donc fondés à agir à la fois contre la société GUY Z... sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, à raison de l'implication du véhicule de cette société, et contre la SNCF à raison de son obligation contractuelle de sécurité, ces deux actions n'étant pas exclusives l'une de l'autre ;

1°I ALORS QUE les dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 les règles fixées par cette loi s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; que ces dispositions, qui ont créé un régime autonome et spécifique de réparation, font obstacle à la mise en oeuvre, pour la réparation du préjudice résultant de l'accident, du droit commun de la responsabilité civile ; qu'en l'espèce, l'accident dont ont été victimes M. X... et Mme Y... est un accident de la circulation dans lequel a été impliqué un véhicule terrestre à moteur, en l'occurrence le camion de la société GUY Z... ; que leur dommage, dès lors, peut et doit être indemnisé dans le cadre des dispositions supra, à l'encontre de la société GUY Z..., sans que la SNCF, de son côté, exclue par les dispositions précitées du champ du régime applicable, puisse être tenue d'une dette de réparation ; qu'en décidant pourtant que M. X... et Mme Y... étaient fondés à agir en réparation de leur préjudice contre la SNCF, sur le fondement du droit commun, la cour a violé l'article 1 er de la loi susvisée, ensemble l'article 1147 du code civil, par fausse application de ces deux textes ;

2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge des référés, juge du flagrant et de l'évident, ne peut accorder une provision au créancier d'une obligation que dans les cas où l'existence de cette obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, la faculté pour la SNCF d'établir l'existence d'un cas de force majeure l'exonérant partiellement ou totalement de ses responsabilités dans le dommage, rendait sérieusement contestable l'obligation à réparation invoquée contre elle ; qu'en décidant dès lors, pour la condamner, que la SNCF ne démontrait pas cette force majeure, tout en jugeant qu'il appartenait au seul juge du fond d'apprécier l'existence de cette force majeure exonératrice, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QU'en matière de référé-provision, il appartient à celui qui se prétend créancier d'établir que l'obligation qu'il invoque n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, pour écarter l'argumentation de la SNCF et entrer en voie de condamnation contre elle, la cour a jugé qu'elle « ne démontrait pas, avec l'évidence nécessaire en matière de référés, l'existence d'une telle force majeure » ; qu'en faisant ainsi peser sur elle la charge de la preuve de l'évidence du caractère contestable de l'obligation, la cour a violé les articles 1315 du code civil et 809 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour les sociétés GAN assurances Iard et Guy Z....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum la société Gan assurances Iard et son assurée, la société Guy Durant, avec la SNCF à payer à M. X... une provision de 20 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice et à Mme Y... au même titre une provision de 800 € ;

AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que M. X... et Mme Y... ont subi divers préjudices dont l'unique cause est la collision survenue entre un camion et un train dont ils étaient passagers ; (…) que les intimés sont fondés à agir, tout à la fois, contre la société Guy Z... sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, à raison de l'implication d'un camion de cette société, dans l'accident considéré et contre la SNCF, à raison de son obligation contractuelle de sécurité, le recours à l'une de ces actions n'interdisant nullement de recourir à l'autre ; que victimes d'un accident de la circulation dans lequel un camion appartenant à la société Guy Z... impliqué, M. X... et Mme Y... bénéficient des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de cette société ; que l'implication du camion de la société Guy Z..., dans l'accident considéré, est incontestable, du seul fait que ces véhicules se sont heurtés ; qu'à raison de cette implication du camion de la société Guy Z... dans l'accident dont ils ont été victimes et par application des dispositions des articles 1 et de la loi du 5 juillet 1985, les intimés doivent être indemnisés par cette société, sauf à ce qu'elle démontre une faute inexcusable de leur part, qu'elle n'invoque pas en l'espèce ; qu'eu égard à ce droit qu'ont les intimés, le comportement du conducteur du camion ou la position de ce dernier, comme l'existence ou l'absence d'une barrière automatique, à supposer qu'un article de presse les « démontre », sont indifférents, seule étant à considérer l'implication dudit camion ; que les intimés sont, donc, fondés à réclamer à la société Guy Z... le paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ;

1/ALORS QU'en cas de collision entre un train et un véhicule automobile sur un passage à niveau, la responsabilité du gardien du véhicule impliqué ne peut être engagée à l'égard des passagers du train que si le conducteur a commis une faute, cause exclusive de l'accident ; qu'en refusant à tort de rechercher si le conducteur était seul responsable de l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;

2/ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision que dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'il existe une contestation sérieuse dès lors qu'il existe un doute sur la loi applicable ; qu'en condamnant in solidum tant le Gan et son assurée que la SNCF, la cour d'appel a nécessairement tranché une contestation sérieuse et violé l'article 809, alinéa 2 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-73025
Date de la décision : 17/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 fév. 2011, pourvoi n°09-73025


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Defrenois et Levis, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.73025
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