LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1226-9 du code du travail ;
Attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié ou les réserves affectant son aptitude, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 18 février 1985 par la société End qui a été rachetée par la société Francenet, elle-même absorbée par la société Carrard services ; qu'au dernier état de ses fonctions, M. X... était agent de service qualifié ; qu'il a été victime de deux accidents du travail en 1991 puis le 18 février 2003, avec une rechute en janvier 2005 ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 20 mars 2007 ; que contestant le bien fondé de la rupture, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la nullité du licenciement et se voir allouer diverses indemnités, dommages-intérêts et rappel de salaires ;
Attendu que pour déclarer nul le licenciement de M. X..., l'arrêt retient d'une part qu'il est constant que le 5 mars 2007, date d'envoi de la convocation du salarié à un entretien préalable et date d'effet de la mise à pied à titre conservatoire, M. X... a fait l'objet d'un arrêt de travail, en raison d'une rechute en lien avec l'accident du travail et ce jusqu'au 10 avril 2007, puis jusqu'au 15, d'autre part qu'à défaut de faute grave établie, le licenciement du salarié est nul comme étant intervenu dans une période de suspension du contrat de travail en raison des suites de l'accident du travail dont il a fait l'objet en 2003, ce qui est établi par les pièces médicales produites ;
Qu'en se déterminant ainsi, par une simple affirmation du caractère constant d'un fait contesté, sans relever la connaissance qu'aurait eu l'employeur de l'origine éventuellement professionnelle de l'inaptitude, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Jeyasooriyar X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Carrard services
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la faute grave n'était pas établie, d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était nul comme intervenu pendant une période de protection, d'AVOIR condamné l'exposante à lui payer les sommes de 4093,96 euros à titre d'indemnité de préavis ainsi que les congés payés afférents, de 7651 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 20 000 euros à titre de licenciement nul, de 1162,43 euros à titre de rappel de salaire ainsi que les congés payés y afférent, de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, d'AVOIR enjoint à l'exposante de fournir à M. X... une attestation ASSEDIC conforme aux termes de l'arrêt dans les 15 jours suivant sa notification, et d'AVOIR condamné l'exposante à payer à M. X... les intérêts au taux légal sur le rappel de salaire, l'indemnité compensatrice de préavis et les indemnités de congés payés à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation à l'audience de conciliation, et à compter de l'arrêt pour le surplus ;
AUX MOTIFS QUE «la lettre de licenciement est ainsi motivée : "par courrier recommandé en date du 5 Mars 2007, nous vous avons mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable le 12 Mars 2007 en vue d'un éventuel licenciement. Les explications que vous nous avez données lors de cet entretien n'ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits. Ainsi, nous sommes contraints de retenir contre vous les griefs suivants : Constat que vous effectuez un travail non déclaré pour votre compte personnel (MK Coiffure - ... - MANTES LA JOLIE), Abus de bien social en utilisant à des fats personnels et rémunérés le véhicule, les matériels et produits CARRARD SERVICES, Détournement de clientèle CARRARD à votre profit (MK Coiffure a résilié le contrat de service avec CARRARD SERVICES le 31 Août 2006). Ces agissements constituent un manquement grave à vos obligations professionnelles. Des témoignages prouvent que vous interveniez très régulièrement chez cet ex client CARRARD. En conséquence, nous entendons procéder à votre licenciement pour faute grave. Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au sein de l'entreprise même pendant votre préavis, Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à première présentation de cette lettre. Votre certificat de travail sera tenu à votre disposition, ainsi que les salaires vous restant dus et l'indemnité compensatrice de congés payés acquise à ce jour. Nous vous confirmons également qu'en raison de la gravité de la faute qui vous est reprochée, vous perdez vos droits acquis au titre de votre droit individuel à la formation (…) : il est constant que le 5 mars 2007, date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable et date d'effet de la mise à pied à titre conservatoire, M. X... a fait l'objet d'un arrêt de travail, en raison d'une rechute en lien avec un accident du travail, et ce jusqu'au 10 avril 2007, puis jusqu'au 15. Il en résulte que, par application de l'article L 1226-9 du code du travail son licenciement ne pouvait intervenir le 20 mars 2007 que pour une faute grave ce que soutient la société CARRARD SERVICES dans sa lettre de licenciement. Le licenciement de M. X... ayant été prononcé pour faute grave, il présente un caractère disciplinaire. La charge de la preuve de la réalité des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, incombe à l'employeur. Si ces griefs sont établis, il appartient à la cour de déterminer s'ils caractérisent des manquements fautifs de la salariée à ses obligations contractuelles et s'ils étaient de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise ou, à défaut, s'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; en l'espèce il est reproché à M. X... d'avoir effectué un travail non déclaré pour son compte personnel (MK coiffure), avec le véhicule et avec les produits d'entretien appartenant à l'employeur. Le magasin MK est un ancien client de M. X... qui a résilié son contrat ce qui explique le "détournement de clientèle" reproché à M. X...; l'utilisation du produit et du matériel de l'entreprise, correspondant à "l'abus de bien social"imputé à faute au salarié. On notera qu'il n'est pas reproché au salarié d'avoir effectué une prestation pour un tiers pendant les heures de travail, mais "non déclaré, pour son compte personnel" ce qui en soi ne caractérise pas une faute contractuelle du salarié ; pour établir ces faits, la société CARRARD SERVICES produit deux attestations, l'une de Monsieur Y... et l'autre de Monsieur Z..., deux salariés de l'entreprise, qui disent avoir vu M. X... effectuer ce travail avec le véhicule de la société, pour l'un (M. Y...) le 28 février 2007 à 16 heures 45 au profit du salon de coiffure MK; pour P autre (M. Z...) au restaurant le Bosphore, "depuis deux mois toutes les semaines" A suivre ces attestations, et compte tenu de la constance des manquements du salarié, un constat eut été possible, ou des documents photographiques, mais l'employeur ne produit aucun document objectif, et Monsieur Y... est le supérieur hiérarchique de Mr X... ; c'est lui qui a procédé à son licenciement. Ces deux attestations ne peuvent dès lors suffire à établir des faits que M. X... conteste. Ainsi, à défaut de faute grave établie à rencontre du salarié, le licenciement de M. X... est nul comme étant intervenu dans une période de suspension du contrat de travail en raison des suites de l'accident du travail dont il a fait l'objet en 2003, ce qui est établi par les pièces médicales produites (…)» ;
1. ALORS QUE le régime protecteur applicable en cas de suspension du contrat de travail consécutivement à un accident du travail suppose que soit caractérisé, d'une part, un lien entre la suspension du contrat et l'activité professionnelle du salarié et, d'autre part, la connaissance qu'a l'employeur de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que pour appliquer ledit régime protecteur, la Cour d'appel a affirmé qu'il se déduirait «des pièces du dossier» (arrêt p. 5, §4) que M. X... aurait été en état de rechute d'un accident du travail (arrêt p. 4, §7) ; qu'en statuant ainsi, sans préciser les circonstances dudit accident et de sa rechute, tous deux contestés par l'employeur, ni caractériser le lien, également contesté, entre la suspension du contrat et l'activité professionnelle du salarié, ni relever la connaissance qu'aurait eu l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident lors du licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-9 du Code du Travail ;
2. ET ALORS en tout état de cause QU'en se contentant de viser, pour retenir le caractère professionnel de l'affection du salarié, «les pièces du dossier», sans plus de précision, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. ET ALORS subsidiairement QU'est gravement fautif, le fait, pour un salarié, de proposer ses services à un client son employeur et d'utiliser à cette fin le matériel de l'entreprise et un véhicule de la société, a fortiori lorsque cet agissement a entraîné une rupture du contrat entre ledit client et l'employeur; qu'à supposer que la Cour d'appel ait retenu, en affirmant que le fait d'avoir une «activité non déclarée pour le compte d'un tiers» n'était pas fautif, que la lettre de licenciement se serait contentée de reprocher cet agissement au salarié, quand il résultait des constations de la Cour d'appel que ladite lettre faisait grief à l'intéressé d'avoir détourné un client de l'entreprise, qui avait rompu son contrat avec elle, et d'avoir travaillé chez ce client avec du matériel et un véhicule de l'entreprise, la Cour d'appel aurait dénaturé la lettre de licenciement en violation du principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;
4. ET ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les pièces du dossier ; que pour écarter l'attestation de M. Y..., la Cour d'appel a retenu que ce serait «lui qui aurait procédé au licenciement» de M X... ; que toutefois, la lettre de licenciement avait été établie par le directeur d'exploitation, M. A..., et aucunement par M. Y..., qui occupait simplement un poste d'agent de maîtrise au sein de l'établissement de MANTES ainsi qu'il le précisait dans son attestation visée par la Cour d'appel ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement ensemble l'attestation de M. Y... en violation du principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;
5. ET ALORS QUE pour écarter l'attestation de M. Z..., la Cour d'appel a retenu que son auteur était salarié de l'exposante ; que toutefois il résultait de ladite attestation que M. Z... n'avait nullement cette qualité, mais était propriétaire du restaurant «LE BOSPHORE» situé en face du salon de coiffure où s'étaient produits les faits reprochés au salarié ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a dénaturé l'attestation de M. Z... en violation du principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;
6. ET ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre ; qu'en disant les attestations de M. Y... et de M. Z... inopérantes au motif qu'elles émanaient respectivement d'un «supérieur hiérarchique» et d'un salarié de l'entreprise, et en exigeant de l'employeur la preuve des faits reprochés par un «constat» ou «des documents photographiques», la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.