LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que des relations contractuelles s'étaient établies entre les parties, que le planning des travaux arrêté lors de la réunion du 16 décembre 2003 constituait la reconnaissance par la société Opi de l'attribution du marché à la société Profil du futur et que les relations s'étaient poursuivies au moins jusqu'au 17 mars 2004, date à laquelle cette société pensait encore réaliser l'intégralité du marché selon le procédé qu'elle avait développé, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu retenir que l'éviction de la société Profil du futur sans qu'elle en soit avertie constituait une faute ouvrant droit à réparation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Opi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Opi et la condamne à payer à la société Profil du futur la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour la société Opi
Le moyen unique reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu que la responsabilité de la société Opi était engagée, pour rupture abusive des relations contractuelles, et condamné cette dernière à payer à la société Profil du Futur des dommages et intérêts d'un montant global de 204.700 euro ;
Aux motifs que la société Opi soutient que la société Profil du Futur ne produit aucune commande que ce soit de sa part ou de toute autre société ; qu'elle a accepté de participer à la phase préparatoire d'études pour la réalisation d'un projet immobilier suivant une technique qui finalement n'a pas été retenue "à ses risques" espérant obtenir un marché qui ne lui a finalement pas été confié puisque le promoteur a en définitive opté pour une réalisation d'une construction de type traditionnel et il n'existe aucun engagement de la société Opi envers la société Profil du Futur qui prévoirait une quelconque indemnisation ou un remboursement de frais dans l'éventualité d'une absence de passation du marché et de même il n'a été passé aucune commande pour "les études et les calculs d'une ossature métallique" ainsi que le prétend Profil du Futur.(…)La société Opi ne saurait soutenir que la société Profil du Futur ne s'est immiscée que dans le seul but de tenter d'obtenir un marché alors que le procédé constructif initialement retenu au CCTP de janvier 2002 est "du type ossature légère, métal galvanisé Solifarm teinte RAL 9010 à haute limite élastique norme NF 36322 et avis technique Stillech de Profil du Futur 2/97/577, la structure est réalisée à partir de profilés en acier galvanisé. Les murs porteurs seront composés d'une ossature de poteaux de dimensions et d'embase déterminés suivant étude technique à la charge du présent lot (à charge de Profil du Futur de réaliser : descentes de charges, notes de calcul et plans EXE structure".
La société Profil du Futur qui a mis au point le procédé d'ossature métallique (procédé Styltech) a donc travaillé à l'étude de la future implantation, a demandé à la société EST d'intervenir en qualité d'ingénieur conseil pour établir diverses notes de calcul.
Enfin, la société Profil du Futur a participé à la réunion du 17 septembre 2003 au cours de laquelle il a été demandé au bureau d'études Arcelor de fournir à l'architecte et au bureau de contrôle toutes les notices nécessaires pour établir la notice de sécurité adaptée à l'ossature métallique qu'au cours de la même réunion, M. X... représentant de Arcelor, remet au bureau de contrôle Veritas les premières notes de calcul du bâtiment H à M. Y... de Veritas Bordeaux.
Au cours de la réunion du 16 décembre 2003, M. X... "indique que les plans d'exécution peuvent être terminés pour la 1ère tranche pour le 1er mars. Il est remis à M. A... un exemplaire des plans du bâtiment C. L'avancement des dessins de structure peut permettre à Profil du Futur de passer en fabrication en avril 2004 (voir planning) qu'à ce compte rendu de réunion est joint le planning pour l'exécution des lots de Profil du Futur et de l'entreprise Arblade.
Le 17 mars 2004, la SNC Opi adressait à M. X... sous la signature de M. A... un courrier de la mairie de Bagnères de Bigorre daté du 11 mars 2004 demandant de lui faire parvenir un plan de masse et de situation de l'implantation, un plan d'habillage de la couverture et une attestation de solidité et un plan d'intégration dans le site.
Il résulte de tout ce qui précède que des relations contractuelles consenties et recherchées par la société Opi se sont établies avec la société Profil du Futur qui n'est pas intervenue de son propre chef dans le projet de la société Opi dans le seul espoir de décrocher un hypothétique marché. Ces relations se sont donc poursuivies au moins jusqu'au 17 mars 2004. Ainsi, les relations contractuelles entre Opi et Profil du Futur ont durée presque deux années sans que la société Profil du Futur ne perçoive la moindre rémunération.
La société Profil du Futur pouvait légitimement passer à la phase finale du marché puisque lors de la réunion du 16 décembre 2003, il avait été arrêté que "l'avancement des dessins de structure peut permettre à Profil du Futur de passer en fabrication en avril 2004" ; que cet arrêté de planning constitue en réalité la reconnaissance de l'attribution du marché à la société Profil du Futur.
Finalement et contre toute attente de la part de Profil du Futur, la société Opi évincera la société Profil du Futur et retiendra un procédé constructif plus traditionnel (béton) ; que si les relations contractuelles peuvent être rompues, il convient que cette rupture ne soit pas brutale donc fautive dès lors que la victime de la rupture pouvait légitimement penser mener à terme son contrat.
En l'espèce, il a été démontré supra que la société Profil du Futur intervenue à la demande de la société Opi pensait encore à la date du 17 mars 2004 réaliser l'intégralité du marché de construction selon le procédé qu'elle a développé.
L'éviction de la société Profil du Futur sans l'en avertir outre qu'il constitue une atteinte au code non écrit de la plus élémentaire courtoisie constitue une faute qui ouvre droit à réparation.
La société Profil du Futur a fourni des prestations demandées par la société Opi qui doivent lui être payées ; que la société Profil du Futur rapporte la preuve d'avoir exposé des frais pour la réalisation des études (déplacements, études confiées à la société EST etc.) pour la somme de 154.700 euro ; que cette somme ne correspond qu'à la rémunération sans la prise en compte de la rupture fautive.
La société Profil du Futur sollicite la somme de 200.000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive.
La société Opi a commis une faute en rompant unilatéralement sans préavis et sans avertir la société Profil du Futur peu de temps avant la phase d'exécution ; que cette faute a causé un préjudice à la société Profil du Futur qui sera indemnisée par l'allocation de la somme de 50.000 euro à titre de dommages et intérêts. La société Profil du Futur a en effet mobilisé ses moyens humains et techniques pour la réalisation des études demandées se privant d'autres projets et perdant de ce fait un bénéfice ;
Alors que l'existence de motifs légitimes justifiant la rupture des relations exonère l'auteur de la rupture de toute responsabilité ; que la société Opi faisait valoir, dans ses écritures d'appel (sign. le 4 mai 2009, spéc. pp. 12 et svts), que le procédé d'ossature métallique n'avait pas été retenu, lors de la construction de l'ensemble immobilier, en raison de l'impossibilité pour la société Profil du Futur de lui présenter, une entreprise de construction capable de procéder au montage de cette ossature et de remédier aux risques de déformation de la structure en cas d'avalanches qui avaient été révélés par les différentes études ; qu'en se bornant à retenir que la société Opi avait commis une faute en ne retenant pas le procédé imaginé par la société Profil du Futur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette décision n'était pas la conséquence des défauts du procédé imaginé par la société Profil du Futur, ainsi que son impossibilité de proposer une entreprise de montage compétente et fiable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil.