LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Saint-Yves qui exploitait une conserverie avait pour fournisseurs quasi-exclusifs 52 adhérents d'une coopérative de production des légumes du Sud-Est Oise (Capleso) et qu'elle avait passé des contrats d'épandage d'effluents avec quatre agriculteurs de la région; qu'elle a cessé son activité ; que les adhérents de la Capleso et cette dernière l'ont assignée en indemnisation des préjudices qu'ils déclaraient avoir subis du fait de la cessation de cette activité et que les quatre agriculteurs titulaires des contrats d'épandage ont demandé une indemnisation distincte au titre de la rupture des conventions d'épandage ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Saint-Yves fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée responsable des dommages subis par les agriculteurs demandeurs (à l'exception de la société coopérative Capleso), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, d'avoir ensuite confirmé le jugement entrepris en ce que celui-ci l'avait condamnée au paiement de diverses sommes aux agriculteurs tout en relevant les indemnisations de certains d'entre eux, et d'avoir également confirmé le jugement entrepris en ce que ce dernier l'avait condamnée au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts à des épandeurs, alors, selon le moyen, qu'un arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, au besoin par le visa des conclusions des parties avec indication de leur date ; qu'au cas présent, la cour d'appel n'a pas choisi de viser les conclusions des parties avec indication de leur date ; qu'elle n'a pas non plus exposé, en liminaire, les prétentions respectives des parties et leurs moyens, se contentant à ce stade, s'agissant de la SICA Saint-Yves, demanderesse au pourvoi, d'indiquer que «la SICA Saint-Yves conteste que les conditions de sa responsabilité soient réunies » ; que la cour d'appel n'a pas rétabli cette absence d'exposé des conclusions de l'exposante dans le corps de ses motifs, puisque si elle a renvoyé à ce passage de sa motivation l'exposé des prétentions précises des parties (en terminant son exposé liminaire par «il convient d'analyser les divers moyens des parties »), elle a négligé la demande principale de la SICA Saint-Yves, qui était de voir les agriculteurs être déclarés irrecevables (plutôt qu'infondés) en leurs demandes indemnitaires; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aucun texte de loi ne détermine sous quelle forme doit être faite dans un jugement la mention des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ; qu'il suffit qu'elle résulte même succintement de la décision ; que l'arrêt déclare la société Saint-Yves responsable des dommages subis par la coopérative Capleso et un certain nombre de ses coopérateurs ; qu'il retient que le surplus des demandes et des moyens des parties ont été justement exposés et pertinemment appréciés par le premier juge, et adopte les motifs du jugement du 18 décembre 2007 et les conséquences que le premier juge en a déduites dans son dispositif ; que ce jugement renvoie aux motifs de la décision avant dire droit du 14 mars 2006 retenant que les adhérents de la coopérative étaient recevables à solliciter l'engagement de la responsabilité délictuelle de la société Saint-Yves en se prévalant du non respect des prescriptions de l'article L. 442-6-I-5º du code de commerce par la société Saint-Yves envers la société Capleso ; que la cour d'appel a par là même fait ressortir qu'elle répondait au moyen invoqué ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le sixième moyen :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même ;
Attendu que pour dire recevable l'action introduite par les coopérateurs membres de la société Capleso, l'arrêt retient que les coopérateurs fondant leurs demandes non seulement, à titre principal, sur les règles de la responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, mais également, à titre subsidiaire, sur les règles de la responsabilité civile délictuelle, invocables par tous tiers ayant subi un préjudice, ils avaient nécessairement tant qualité qu'intérêt à agir pour solliciter l'indemnisation de dommages dont ils offrent de démontrer l'existence et l'ampleur, étant précisé que l'existence du droit invoqué par le demandeur et la détermination du régime de responsabilité applicable ne sont pas des conditions de recevabilité de son action mais de son succès et devront donc être examinées lors des développements relatifs au bien-fondé de l'action ;
Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le septième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs que les épandeurs étaient créanciers d'une période de maintien de ces contrats pour une année et donc en droit d'être indemnisés du fait de la rupture anticipée de ces relations contractuelles par la société Saint-Yves, l'arrêt a confirmé le jugement contraignant celle-ci à exécuter ses obligations contractuelles pendant la durée de cinq années durant laquelle les conventions devaient encore recevoir exécution ;
Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit l'action des coopérateurs contre la société Saint-Yves recevable et en ce qu'il l'a condamnée à exécuter ses obligations contractuelles vis-à-vis des épandeurs pendant une durée de cinq ans, l'arrêt rendu le 18 août 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne la société Ferme de la Theve et les autres défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, les condamne à payer à la société Saint-Yves la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Saint-Yves.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SICA SAINT YVES responsable des dommages subis par les agriculteurs demandeurs (à l'exception de la société coopérative CAPLESO), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, d'avoir ensuite confirmé le jugement entrepris en ce que celui-ci avait condamné la SICA SAINT YVES au paiement de diverses sommes aux agriculteurs tout en relevant les indemnisations de certains d'entre eux, et d'avoir également confirmé le jugement entrepris en ce que ce dernier avait condamné la SICA SAINT YVES au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts à des épandeurs ;
Aux motifs liminaires que « les parties formulent les demandes suivantes : - la SICA SAINT YVES conteste que les conditions de sa responsabilité soient réunies ; - les coopérateurs suivants (…) sollicitent un relèvement de leur indemnisation ; - les autres coopérateurs et les quatre épandeurs, intimés, concluent à confirmation ; qu'il convient d'analyser des divers moyens des parties » (arrêt p. 6 et 7) ;
Et aux motifs que « Bases juridiques : selon les parties en cause, la base juridique du fait générateur de la responsabilité diffère ; qu'entre les coopérateurs et la conserverie, il n'y a pas de relations contractuelles, les agriculteurs n'étant en relation qu'avec la coopérative ; qu'une responsabilité pour brusque rupture ne peut, dans ces conditions, se fonder que sur l'article 1382 du Code civil ; qu'entre les épandeurs et la conserverie, il y avait des contrats, tous conclus le même jour, le 23 octobre 1997, pour six ans, renouvelables pour la même durée par tacite reconduction, en l'occurrence reconduits pour six ans à effet du 1er janvier 2003, donc jusqu'au 1er janvier 2009 ; que dans ces conditions, les bases d'une éventuelle responsabilité sont contractuelles ; Conditions de la rupture : Selon la SICA SAINT YVES, la cessation d'activité du 19 janvier 2004 était rendue nécessaire par l'obsolescence de l'usine ; qu'elle a été précédée d'une publicité suffisante depuis le mois de novembre 2003, tant par des articles parus dans la presse locale que par des réunions tenues avec les responsables de la coopérative, de sorte qu'on ne peut parler d'une brusque rupture ; Coopérateurs : S'il n'est pas contesté que la conserverie pouvait cesser son activité, la question se pose en revanche de savoir quel délai de préavis elle devait laisser aux agriculteurs demandeurs avant de cesser d'acheter leur production ; qu'aucun contrat de fourniture ne liait la SICA SAINT YVES à ces agriculteurs, comme il a été vu, ni même à la coopérative, de sorte qu'aucun préavis contractuel n'était stipulé ; que toutefois, il n'est pas discuté que, depuis une vingtaine d'années, la conserverie absorbait une part non négligeable (de 10 à 15%) de la production de ces agriculteurs, ce qui les avait amenés à s'organiser en fonction de l'absorption quasi-automatique de cette partie de leur production par cette conserverie ; qu'aussi étaient-ils créanciers d'un délai de préavis d'usage qui, faute de références textuelles précises, doit être évalué à une année, l'année culturale constituant une unité de cycle de production et donc l'horizon au vu duquel les agriculteurs doivent s'organiser, prendre leurs dispositions pour l'avenir, faire le choix de leurs investissements culturaux et de leurs débouchés commerciaux ; que les réunions informelles intervenues en novembre 2003, ainsi que les articles parus dans la presse, non seulement n'ont pas valeur d'un préavis officiel, mais surtout ne laissaient pas un délai suffisant, la fermeture étant intervenue en janvier 2004, pour permettre aux partenaires habituels de la conserverie de réorganiser leur production ; qu'ainsi n'ayant pas notifié dans la délai d'une année culturale la fermeture de ses portes, la SICA SAINT YVES a commis, à l'égard des coopérateurs, une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ; que la SICA St YVES soutient que cet arrêt était nécessité par l'obsolescence de l'usine qu'avait mise en évidence un audit réalisé courant 2003 et que la remise en aux normes de l'entreprise aurait impliqué des investissements hors de proportion avec leur rentabilité ; que la cour observe qu'il ne résulte pas des éléments versés aux débats que cette obsolescence impliquait la fermeture immédiate de l'usine de sorte que sa fermeture n'empêchait pas de laisser aux agriculteurs avec lesquels elle travaillait depuis des années un délai de préavis annuel ; que la SICA SAINT YVES expose qu'elle ne pouvait donner un délai plus long sans s'exposer, en raison des dispositions du code du travail, à commettre un délit d'entrave eu égard aux règles concernant les plans sociaux ; que la cour observe que cette incidence, à la supposer établie, ne constitue pas un fait justificatif la dispensant, par des annonces appropriées, de mettre les agriculteurs en mesure de prendre suffisamment longtemps à l'avance leurs dispositions en vue d'une future fermeture de l'usine ; que la SICA SAINT YVES vient protester qu'aucun des agriculteurs ne s 'est offert de participer au financement des investissements nécessaires la remise aux normes de l'usine de conserverie ; que la cour observe qu'elle ne justifie toutefois pas les avoir invité à participer à ces investissements, par le biais par exemple de souscription de parts dans son capital ; qu'elle ne saurait donc reporter sur eux la responsabilité de cette brusque cessation d'activité ; qu'elle invoque enfin que son fonctionnement était déficitaire de plus de quatre millions d'euros par an et que ses actionnaires ne pouvaient se permettre de subventionner indéfiniment cette activité non rentable ; que la cour observe, là aussi, que cette circonstance, qui perdurait depuis des années, ne constitue pas une cause de force majeure susceptible de la dispenser du préavis requis ; Les épandeurs : à l'inverse des coopérateurs, la SICA SAINT YVES et les épandeurs étaient liés par des contrats liant leurs relations pour une durée de six ans, le dernier renouvellement prenant effet, à l'égard de tous les épandeurs, au 1er janvier 2003 ; que ces contrats ne prévoyaient pas de clause réglementant leur rupture ; que la SICA SAINT YVES estime que la rupture de ces contrats, intervenue le 1er avril 2004, n'était pas fautive, dans la mesure où sa cessation d'activité rendait inutile la poursuite de ces contrats qui étaient devenus dépourvus de cause par l'effet de cet arrêt d'activité ; que la cour observe que ces contrats ne disposaient rien de semblable et que, dès lors, les épandeurs étaient créanciers d'une poursuite des relations contractuelles ; qu'à l'évidence, cette relation contractuelle n'avait pas à se poursuivre jusqu'au terme de la période de six ans en cours, la poursuite de ces contrats pendant une telle durée n'ayant plus aucun sens pour aucune des deux parties ; que toutefois, ces épandeurs étaient, eux aussi, créanciers d'une période de maintien de ces contrats pour une année et donc en droit d'être indemnisés du fait de la rupture anticipée de ces relations contractuelles ; que la SICA SAINT YVES prétend que ces contrats étaient conclus dans son seul intérêt et donc elle pouvait rompre à sa convenance ; que la cour ne peut suivre la SICA en cette analyse, ces contrats, synallagmatiques, prévoyant des obligations et des avantages partagés ; Principe du préjudice : Selon la SICA SAINT YVES, cette rupture est intervenue en début d'année alors que la saison des ensemencements pour les récoltes de l'année commencée n'étaient pas encore commencée ; qu'ainsi selon elle les agriculteurs ont eu le temps de se retourner vers d'autres cultures et n'ont subi aucun préjudice ; que la cour observe qu'outre que cette analyse est, culturalement parlant, discutable (certains ensemencements commencent à l'automne), elle ne prend pas en compte la nécessité où se trouvaient brutalement placés les agriculteurs de trouver rapidement de nouveaux débouchés commerciaux pour écouler 10 à 15 % de leur production du fait de ce préavis insuffisant ; que concernant les épandeurs, la SICA SAINT YVES expose que les contrats ne prévoyaient pas de rémunération en contrepartie du traitement des eaux de lavage de la conserverie, mais une indemnité destinée à compenser un excès d'eau à la mauvaise saison, alors que ce traitement des eaux leur donnait au contraire, en facilitant l'irrigation de leurs cultures, un avantage à la saison sèche ; qu'il s'ensuit selon elle que la suppression de ces contrats ne leur a causé aucun préjudice, la perte des « indemnités » étant en corrélation avec la cessation des inconvénients résultant de l'excès d'eau à la saison hivernale ; que la cour ne peut retenir cette analyse : quels que soient les termes employés par ces contrats, et notamment celui d'« indemnité», l'ensemble de leurs clauses en faisait des contrats de prestations de services, rémunérés en contrepartie de ces services, de sorte que la perte de cette rémunération constitue bien un préjudice pour ces épandeurs ; que le principe d'un préjudice ne saurait donc être sérieusement discuté ; qu'il doit être estimé sur une année culturale, comme l'a fait le premier juge, ces agriculteurs étant par suite ramenés aux conditions normales d'une exploitation agricole ; Quantum du préjudice : Par jugement précité du 14 mars 2006, le tribunal de Senlis a désigné un expert, lequel a déposé son rapport le 28 mars 2007 ; que ce rapport chiffre ce préjudice pour chaque agriculteur ; que ce rapport, tenu pour ici reproduit, chiffre le déficit subi par les agriculteurs du fait de cette cessation d'activité pendant un an, en comparaison des années précédentes ; qu'il a fait l'objet de diverses critiques de fond par la SICA SAINT YVES, qui invoque notamment une baisse constante de la production de la conserverie qui n'aurait pas été pris en compte par l'expert ; que ces arguments on été réfutés dans des termes convaincants que la cour adopte par le premier juge, la SICA SAINT YVES n'ayant pas modifié en cause d'appel les points sur lesquels portaient ses critiques ; qu'aussi la cour fera-t-elle sienne les conclusions du premier juge sur le chiffrage des préjudices, sauf les trois précisions ci-après ; que la coopérative sollicite l'attribution d'un préjudice de 10.000€, mais n'apporte pas plus que devant le premier juge les éléments susceptibles de fonder ce préjudice ; qu'elle n'est pas recevable à invoquer, comme elle le fait (conclusions p.19), un préjudice général et abstrait résultant d'une "violation de l'ordre public économique" n'étant pas investie d'une mission publique de sauvegarde de cet "ordre public économique" ; que la cour observe que la conserverie a racheté partie du matériel spécifique qu'elle avait acquis pour assurer le traitement des produits qu'elle lui vendait ; que le jugement de débouté sera donc confirme la concernant ; que, comme le premier juge, la cour estime justifiée l'allocation à chaque demandeur d'une indemnité forfaitaire supplémentaire de 1.000€ en sus de son préjudice économique, sinon pour préjudice « moral » du moins pour « trouble de toute nature » ou préjudice « de désagrément » résultant de cette brusque rupture ; que deux coopérateurs la SCEA FERME du COURTILLER et l'EARL VASSEUR-CHARNY sollicitent un relèvement de leur indemnisation au titre d'investissements non amortis ; que conformément à l'analyse du tribunal, la cour estime qu'il s'agit là, même pour la partie de ces investissements se rapportant à l'année 2004, de troubles liés a la rupture des relations d'affaire qui les liaient avec le conserverie, mais non de troubles liés à la brusque rupture, seuls préjudice que la cour envisage d'indemniser ; qu'ils seront donc déboutés de leur demande supplémentaire et la cour confirmera, les concernant, l'indemnisation ordonnée par le premier juge ; que l'EARL de la THEVE, indemnisée à hauteur de 4670 € par le premier juge justifie que l'expert a estimé pour elle un préjudice d'exploitation sur un an de 5670€ et conclut donc, compte tenu de son droit à 1000€ de préjudice "moral" consacré par le premier juge, à une indemnisation de 6 770 € ; que la cour estimant qu'il s'agit là d'une erreur manifeste du tribunal qui fera droit à cette demande de revalorisation ; que deux coopérateurs ont vu leur réclamation rejetée par le tribunal au motif qu'ils n'auraient pas présenté les pièces comptables justifiant leur préjudice ou que leur comptabilité ne serait pas fiable ; que les éléments remis en appel justifient qu'il soit fait droit à leur réclamation (dans lesquelles n'interviennent aucune demande d'investissements non amortis) à hauteur des sommes arrêtées par l'expert à savoir, compte tenu de l'indemnité de 1000 € que leur avait alloué le premier juge 17.437€ pour la SCEA de CHAMPFLEURY et 24.309€ pour l'EARL COURTIER-VILLIER ; que les épandeurs demandent confirmation du jugement ; que la cour satisfera leur demande ; que les préjudices arrêtés par la cour porteront intérêt, même pour ceux qui ont été relevés, à compter du jour du jugement entrepris, en application de l'article 1153-1 du Code civil» (arrêt attaqué, p. 7 à 10) ;
Alors que un arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, au besoin par le visa des conclusions des parties avec indication de leur date ; qu'au cas présent, la cour d'appel n'a pas choisi de viser les conclusions des parties avec indication de leur date ; qu'elle n'a pas non plus exposé, en liminaire, les prétentions respectives des parties et leurs moyens, se contentant à ce stade, s'agissant de la SICA SAINT YVES, demanderesse au pourvoi, d'indiquer que « la SICA SAINT YVES conteste que les conditions de sa responsabilité soient réunies» (arrêt p. 6, in fine) ; que la cour d'appel n'a pas rétabli cette absence d'exposé des conclusions de l'exposante dans le corps de ses motifs, puisque si elle a renvoyé à ce passage de sa motivation l'exposé des prétentions précises des parties (en terminant son exposé liminaire par « il convient d'analyser les divers moyens des parties »), elle a négligé la demande principale de la SICA SAINT YVES, qui était de voir les agriculteurs être déclarés irrecevables (plutôt qu'infondés) en leurs demandes indemnitaires (conclusions p. 11 à 13, § II-A-b) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée, par la SICA SAINT YVES, de l'absence de qualité à agir des agriculteurs adhérents à la société coopérative agricole CAPLESO pour demander l'indemnisation des préjudices allégués du fait de la prétendue rupture brutale des relations commerciales ;
Aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement du 18 décembre 2007) que « selon l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que s'agissant des moyens soulevés par la SICA SAINT YVES pour contester l'existence d'une faute de sa part dans la rupture de ses relations avec la société CAPLESO, il sera renvoyé aux motifs retenus par la décision du 14 mars 2006 qui a : - considéré que les adhérents de cette dernière étaient recevables et bien fondés à solliciter l'engagement de la responsabilité de la SICA SAINT YVES en se prévalant du non-respect des prescriptions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce envers la société CAPLESO» (jugement du 18 décembre 2007, p. 12) ;
Et aux motifs éventuellement également adoptés des premiers juges (jugement du 14 mars 2006) que « il résulte de l'article 31 du Code de Procédure Civile que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas où la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé; qu'en l'espèce, il est constant que les adhérents de la société CAPLESO n'approvisionnaient pas directement, mais par l'intermédiaire de la coopérative elle-même, la SICA SAINT YVES en légumes frais destinés à la mise en conserve; que les relations contractuelles étaient ainsi établies entre la société CAPLESO et ses coopérateurs d'une part, entre la société CAPLESO et la SICA SAINT YVES d'autre part; que la structure de ces relations est d'ailleurs confirmée par l'attestation du comptable de la SICA SAINT YVES que cette dernière verse aux débats et selon laquelle «les achats de grands légumes matières premières de la SICA SAINT YVES (pois, haricots verts, haricots beurre, flageolets, épinards) étaient réalisés auprès de la coopérative CAPLESO et non pas auprès des agriculteurs adhérents de cette dernière »; qu'en sa qualité de cocontractante de la SICA SAINT YVES, la société CAPLESO a ainsi nécessairement tant qualité qu'intérêt à agir en vue de faire sanctionner, sur le fondement de l'article L 442-6-I-5° du Code de Commerce, la rupture brutale de la relation commerciale établie entre elles; qu'il importe peu, à cet égard, que la société CAPLESO d'une part, de par ses statuts, inopposables à la SICA SAINT YVES, se devait de redistribuer le produit de ces relations à ses adhérents et ne réalisait donc pas de bénéfices à ce titre, d'autre part ne forme aucune prétention dans le cadre de la présente instance, la notion d'intérêt à agir étant distincte à la fois de celle de préjudice (qui n'est pas nécessairement économique) et de celle de prétention; que l'action introduite par la société CAPLESO est par conséquent parfaitement recevable; que par ailleurs, les coopérateurs fondant leurs demandes non seulement, à titre principal, sur les règles de la responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, mais également, à titre subsidiaire, sur les règles de la responsabilité civile délictuelle, invocables par tous tiers ayant subi un préjudice, ils ont nécessairement tant qualité qu'intérêt à agir pour solliciter l'indemnisation de dommages dont ils offrent de démontrer l'existence et l'ampleur, étant précisé que l'existence du droit invoqué par le demandeur et la détermination du régime de responsabilité applicable ne sont pas des conditions de recevabilité de son action mais de son succès et devront donc être examinées lors des développements relatifs au bien-fondé de l'action ; que l'action introduite par les adhérents de la société CAPLESO est ainsi également recevable» (jugement du 14 mars 2006, p. 12) ;
Alors que les associés d'une société coopérative agricole, qui n'agissent pas par la voie oblique et n'exercent pas une action sociale, ne sont recevables dans leur action personnelle que s'ils justifient d'un préjudice personnel distinct du préjudice subi par la personne morale dont ils sont membres ; que, lorsque les associés d'une société coopérative agricole intentent une action indemnitaire directement contre le cocontractant de la coopérative, jugé par eux coupable d'une brusque rupture des relations commerciales par laquelle la coopérative écoulait ses produits, l'existence d'un préjudice spécifique à l'adhérent de ladite société coopérative agricole, laquelle est dotée de la personnalité morale et spécifiquement chargée de l'écoulement des produits, est ainsi une condition de recevabilité de l'action individuelle, et non de son bien-fondé ; qu'en considérant, au contraire, que cette question relèverait du fond, la cour d'appel a violé l'article 31 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SICA SAINT YVES responsable des dommages subis par les demandeurs (à l'exception de la société coopérative CAPLESO), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, et d'avoir, ensuite, confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la SICA SAINT YVES à payer diverses sommes aux agriculteurs associés de la société coopérative précitée, tout en relevant les indemnisations de certains coopérateurs ;
Aux motifs que « Bases juridiques : Selon les parties en cause, la base juridique du fait générateur de la responsabilité diffère ; qu'entre les coopérateurs et la conserverie, il n'y a pas de relations contractuelles, les agriculteurs n'étant en relation qu'avec la coopérative ; qu'une responsabilité pour brusque rupture ne peut, dans ces conditions, se fonder que sur l'article 1382 du Code civil ; (…) que les bases juridiques de la responsabilité de la conserverie envers la coopérative sont sans incidence compte tenu que la cour estime que cette dernière ne peut se réclamer d'un préjudice, comme il sera vu ; Conditions de la rupture : selon la SICA SAINT YVES, la cessation d'activité du 19 janvier 2004 était rendue nécessaire par l'obsolescence de l'usine ; qu'elle a été précédée d'une publicité suffisante depuis le mois de novembre 2003, tant par des articles parus dans la presse locale que par des réunions tenues avec les responsables de la coopérative, de sorte qu'on ne peut parler d'une brusque rupture ; Coopérateurs : que s'il n'est pas contesté que la conserverie pouvait cesser son activité, la question se pose en revanche de savoir quel délai de préavis elle devait laisser aux agriculteurs demandeurs avant de cesser d'acheter leur production ; qu'aucun contrat de fourniture ne liait la SICA SAINT YVES à ces agriculteurs, comme il a été vu, ni même à la coopérative, de sorte qu'aucun préavis contractuel n'était stipulé ; que toutefois, il n'est pas discuté que, depuis une vingtaine d'années, la conserverie absorbait une part non négligeable (de 10 à 15%) de la production de ces agriculteurs, ce qui les avait amenés à s'organiser en fonction de l'absorption quasi-automatique de cette partie de leur production par cette conserverie ; qu'aussi étaient-ils créanciers d'un délai de préavis d'usage qui, faute de références textuelles précises, doit être évalué à une année, l'année culturale constituant une unité de cycle de production et donc l'horizon au vu duquel les agriculteurs doivent s'organiser, prendre leurs dispositions pour l'avenir, faire le choix de leurs investissements culturaux et de leurs débouchés commerciaux ; que les réunions informelles intervenues en novembre 2003, ainsi que les articles parus dans la presse, non seulement n'ont pas valeur d'un préavis officiel, mais surtout ne laissaient pas un délai suffisant, la fermeture étant intervenue en janvier 2004, pour permettre aux partenaires habituels de la conserverie de réorganiser leur production ; qu'ainsi, n'ayant pas notifié dans le délai d'une année culturale la fermeture de ses portes, la SICA SAINT YVES a commis, à l'égard des coopérateurs, une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ; que la SICA St YVES soutient que cet arrêt était nécessité par l'obsolescence de l'usine qu'avait mise en évidence un audit réalisé courant 2003 et que la remise en aux normes de l'entreprise aurait impliqué des investissements hors de proportion avec leur rentabilité ; que la cour observe qu'il ne résulte pas des éléments versés aux débats que cette obsolescence impliquait la fermeture immédiate de l'usine de sorte que sa fermeture n'empêchait pas de laisser aux agriculteurs avec lesquels elle travaillait depuis des années un délai de préavis annuel ; que la SICA SAINT YVES expose qu'elle ne pouvait donner un délai plus long sans s'exposer, en raison des dispositions du code du travail, à commettre un délit d'entrave eu égard aux règles concernant les plans sociaux ; que la cour observe que cette incidence, à la supposer établie, ne constitue pas un fait justificatif la dispensant, par des annonces appropriées, de mettre les agriculteurs en mesure de prendre suffisamment longtemps à l'avance leurs dispositions en vue d'une future fermeture de l'usine ; que la SICA SAINT YVES vient protester qu'aucun des agriculteurs ne s 'est offert de participer au financement des investissements nécessaires la remise aux normes de l'usine de conserverie ; que la cour observe qu'elle ne justifie toutefois pas les avoir invité à participer à ces investissements, par le biais par exemple de souscription de parts dans son capital ; qu'elle ne saurait donc reporter sur eux la responsabilité de cette brusque cessation d'activité ; qu'elle invoque enfin que son fonctionnement était déficitaire de plus de quatre millions d'euros par an et que ses actionnaires ne pouvaient se permettre de subventionner indéfiniment cette activité non rentable ; que la cour observe, là aussi, que cette circonstance, qui perdurait depuis des années, ne constitue pas une cause de force majeure susceptible de la dispenser du préavis requis ; (…) ; que Principe du préjudice : Selon la SICA SAINT YVES, cette rupture est intervenue en début d'année alors que la saison des ensemencements pour les récoltes de l'année commencée n'étaient pas encore commencée ; qu'ainsi selon elle les agriculteurs ont eu le temps de se retourner vers d'autres cultures et n'ont subi aucun préjudice ; que la cour observe qu'outre que cette analyse est, culturalement parlant, discutable (certains ensemencements commencent à l'automne), elle ne prend pas en compte la nécessité où se trouvaient brutalement placés les agriculteurs de trouver rapidement de nouveaux débouchés commerciaux pour écouler 10 à 15 % de leur production du fait de ce préavis insuffisant » (arrêt p. 7 à 9) ;
1° Alors d'une part que lorsqu'existe une relation commerciale établie entre deux opérateurs économiques, la rupture de ladite relation commerciale ne peut intervenir que moyennant le respect d'un préavis, sous peine d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'en revanche, aucun délai de préavis n'est dû par un opérateur économique à l'égard de tiers à la relation commerciale, qui ne peuvent, au mieux, que se prévaloir d'une relation commerciale indirecte, en tant que contractant du contractant de l'auteur de la rupture ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société SAINT YVES, auteur de la rupture (la conserverie), n'avait de relation commerciale établie qu'avec la société coopérative agricole CAPLESO (la coopérative), et non avec les associés de ladite coopérative (les agriculteurs), qui n'avaient de relation commerciale établie et, même, de relation contractuelle, qu'avec la coopérative ; qu'en considérant néanmoins que les agriculteurs auraient été « créanciers d'un délai de préavis d'usage » qui leur aurait été dû, sur un plan délictuel, par la société SAINT YVES, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6-I-5° du Code de commerce et 1382 du Code civil ;
2° Alors d'autre part que la responsabilité du contractant d'une société coopérative agricole, pour brusque rupture d'une relation commerciale établie avec cette société coopérative, ne peut être engagée directement à l'égard des agriculteurs qui sont associés de ladite coopérative que si ces derniers se plaignent d'un préjudice propre, qui ne soit pas le corollaire de celui subi à la fois par la coopérative et par l'ensemble des coopérateurs, du fait de la rupture brutale de la relation précitée ; qu'au cas présent, en retenant la responsabilité de la société SAINT YVES (la conserverie) directement à l'égard des agriculteurs associés au sein de la société coopérative agricole CAPLESO, sans expliquer en quoi les agriculteurs associés auraient subi, du fait de l'absence de préavis de résiliation, un préjudice distinct de celui subi par la coopérative pourtant dotée de la personnalité morale et chargée d'écouler, notamment via la relation commerciale rompue, une production dont elle était devenue propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SICA SAINT YVES responsable des dommages subis par les demandeurs (à l'exception de la société coopérative CAPLESO), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, et d'avoir, ensuite, confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la SICA SAINT YVES à payer diverses sommes aux agriculteurs associés de la société coopérative précitée, tout en relevant les indemnisations de certains coopérateurs ;
Aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement du 18 décembre 2007) que « selon l'article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que s'agissant des moyens soulevés par la SICA SAINT YVES pour contester l'existence d'une faute de sa part dans la rupture de ses relations avec la société CAPLESO, il sera renvoyé aux motifs retenus par la décision du 14 mars 2006 qui a : - considéré que les adhérents de cette dernière étaient recevables et bien fondés à solliciter l'engagement de la responsabilité délictuelle de la SICA SAINT YVES en se prévalant du non-respect des prescriptions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce envers la société CAPLESO ; - ordonné une expertise dans le but de déterminer si les adhérents de la société CAPLESO avaient subi un préjudice découlant de la brutalité de la rupture de la relation entre la coopérative et la SICA SAINT YVES ; - défini ce préjudice comme la différence entre d'une part la marge bénéficiaire brute et le montant des primes PAC que les adhérents de la société CAPLESO auraient été en droit d'escompter pendant la durée du préavis si la relation commerciale n'avait pas été rompue, d'autre part la marge bénéficiaire brute et le montant des primes PAC qu'ils ont effectivement perçus pendant la durée du préavis (sans prise en compte des surfaces proposées pour maintenir la culture d'épinards, l'arrêt de ladite culture n'étant pas dû à une faute de la SICA SAINT YVES)» (jugement du 18 décembre 2007, p. 12-13) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement du 14 mars 2006) que « il sera donné acte à la société CAPLESO qu'elle ne forme aucune demande principale dans le cadre de la présente instance; qu'en vertu de l'article L 442-6-I-5° du Code de Commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ou, à défaut, par des arrêtés du ministre chargé de l'économie; qu'en l'espèce, il convient à nouveau de préciser que les adhérents de la société CAPLESO n'approvisionnaient pas directement, mais par l'intermédiaire de la coopérative elle-même, la SICA SAINT YVES en légumes, de sorte qu'il n'est pas possible de considérer qu'ils entretenaient avec celle-ci une relation commerciale à ce titre, relation qui existait en revanche entre la coopérative et la SICA SAINT YVES; que la nature juridique spécifique de la société CAPLESO, telle qu'elle résulte de l'article L 521-l du Code Rural - selon lequel une société coopérative agricole a pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité - et de ses statuts -notamment de l'article 46 duquel il ressort que les profits résultant des opérations normalement effectuées par la coopérative avec les acheteurs des produits commercialisés par la société -ne la rend pas pour autant transparente et ne permet pas de considérer que ce sont en réalité ses adhérents qui contractent directement à sa place, dès lors que l'article L 521-2 précité énonce en son alinéa 2 que si elle forme une catégorie spéciale de société, distincte des sociétés civiles et commerciales, elle n'en a pas moins la personnalité morale et la pleine capacité; que par ailleurs, les conventions annexes que cette dernière avait conclues avec eux, notamment celles de 1997, 1999 et 2002 versées aux débats, sont également inopérantes à cet égard dès lors que leur objet n'était pas commercial et n'était en tout état de cause pas de reprendre la production légumière des adhérents de la société CAPLESO, seul engagement concerné par le régime de responsabilité pour rupture brutale; qu'en l'absence de relation commerciale établie entre la société défenderesse et les coopérateurs, la demande de ces derniers ne peut qu'être rejetée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ; qu'en revanche, la coopérative étant une société, même si les objectifs qu'elle affiche en font une catégorie spécifique, les actions en justice ouvertes au profit de ses membres obéissent aux conditions posées par le droit commun des sociétés en la matière ; que dès lors, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, les adhérents d'une coopérative peuvent parfaitement agir, comme tous associés d'une société, en réparation du préjudice personnel, distinct de celui connu par la coopérative, qu'ils prétendent avoir subi du fait des agissements fautifs d'un cocontractant de celle-ci ; que plus généralement, les coopérateurs, en leur qualité de peniti extranei aux contrats passés par la coopérative, sont fondés à solliciter l'engagement de la responsabilité délictuelle de l'auteur d'une faute commise par le cocontractant de la coopérative qui leur cause préjudice ; que, comme toute action en responsabilité délictuelle, le succès de l'action des adhérents de la société CAPLESO suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ladite faute et ledit préjudice ; Sur la faute : Le caractère établi de la relation commerciale existant entre la société CAPLESO et SAINT YVES ne saurait être et n'est pas contesté dans la mesure où elle existait depuis près d'une vingtaine d'années lors de l'annonce de la fermeture du site du PLESSIS BELLEVILLE ; qu'il n'est pas non plus contestable que le comportement de la SICA SAINT YVES s'analyse en une rupture de cette relation commerciale dans la mesure où la surface proposée pour l'emblavement des épinards en janvier 2004 (120 hectares) était plus de dix fois inférieure à la surface affectée pour la culture des légumes en 2003 (1.317,50 hectares) ; que contrairement à ce que soutient la SICA SAINT YVES, l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce n'a pas seulement vocation à s'appliquer à la rupture injustifiée des relations commerciales ; que cette condition n'est en effet aucunement visée par le texte ; qu'en outre, les notions de rupture brutale et de rupture abusive de relations commerciales établies sont distinctes et recouvrent des hypothèses bien définies ; que l'article L. 442-6-I-5° précité n'a ainsi nullement vocation à obliger les distributeurs à pérenniser leurs relations avec les fournisseurs, c'est-à-dire à leur interdire de rompre leur relation, ce qui reviendrait à contourner les principes généraux de résiliation unilatérale des conventions à durée indéterminée et de prohibition des engagements perpétuels ; qu'enfin, la création prétorienne d'une cause exonératoire de l'obligation de respecter un préavis en cas de justes motifs serait contradictoire avec la disposition précitée, qui énonce clairement et limitativement que l'auteur de la rupture n'est dispensé de préavis qu'en cas d'« inexécution par l'autre partie de ses obligations » ou de « force majeure », hypothèses qui ne sont aucunement soulevées par la SICA SAINT YVES ; que par ailleurs, le poids économique des parties est sans incidence sur l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce dans la mesure où la rupture brutale de relations commerciales établies ets distincte de l'abus de dépendance économique sanctionné par l'article L. 420-2-2° du même Code ; que la SICA SAINT YVES était donc tenue de respecter l'exigence d'un préavis écrit suffisant, posée par l'article L. 442-6-I-5° pour rompre cette relation ; qu'en premier lieu, la SICA SAINT YVES ne saurait se prévaloir, à titre de préavis, ni de la réunion qui a eu lieu le 17 novembre 2003 entre son directeur et celui de la société CAPLESO, ni des articles parus dans la presse locale à cette période dès lors que l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce impose formellement un préavis écrit, cet écrit devant en outre nécessairement être adressé directement au partenaire de l'auteur de la rupture ; qu'en second lieu, le courrier adressé à la société CAPLESO par la SICA SAINT YVES le 19 janvier 2004 énonce que les productions agricoles de grands légumes sont arrêtées mais n'indique pas pour autant un quelconque délai au terme duquel cette rupture sera effective ; qu'il ne constitue par conséquent pas un préavis ; qu'il appartient au tribunal, en l'absence d'accords interprofessionnels et d'arrêtés du ministre chargé de l'économie applicables au secteur agro-alimentaire, de déterminer la durée raisonnable et suffisante du préavis qui aurait dû être respecté pour permettre à la société CAPLESO de prendre ses dispositions pour rechercher de nouveaux débouchés ; qu'il ne saurait, à cette fin, être fait référence aux délais de préavis d'un an stipulés par les contrats des 30 juin 1997 et 1er avril 1999 en raison du principe d'effet relatif des contrats, qui ne sauraient donc s'appliquer qu'aux situations qui en sont l'objet et non à des situations voisines, y compris celles existant entre les mêmes parties ; que la relation litigieuse s'est déroulée pendant près de dix-huit années dans le domaine de la production légumière ; que les légumes ont un cycle de production annuel, de sorte que les réunions relatives aux emblavements à prévoir pour une année se tenaient au mois de janvier de ladite année ; que compte tenu de ces éléments, la SICA SAINT YVES aurait dû donner un préavis d'un an à la société CAPLESO soit en annonçant dès le mois de janvier 2003 que l'emblavement des grands légumes n'aurait plus lieu à compter de 2004, soit en retardant la fermeture de l'usine de conserverie à l'année 2005 pour permettre l'emblavement des grands légumes en 2004 sur lequel la société CAPLESO comptait nécessairement ; qu'en ne respectant pas les prescriptions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, la SICA SAINT YVES a commis une faute de nature contractuelle envers la société CAPLESO ; Sur le lien de causalité : l'éventuel préjudice subi par les adhérents de la société CAPLESO découle nécessairement du non-respect par la SICA SAINT YVES des prescriptions de l'article L. 442-6-I-5° dans la mesure où les légumes fournis à cette dernière étaient produits et récoltés par eux et où la coopérative n'avait pas vocation à réaliser de bénéfices ; Sur le préjudice : conformément aux règles de la responsabilité délictuelle, les adhérents de la société CAPLESO ne peuvent se prévaloir que du préjudice découlant de la brutalité de la rupture de la relation entre la coopérative et la SICA SAINT YVES, et non de celui résultant de la rupture elle-même, celle-ci ne constituant pas une faute ; que l'évaluation du préjudice subi par les coopérateurs doit donc être appréciée au regard de la marge bénéficiaire brute qu'ils auraient été en droit d'escompter pendant la durée du préavis en l'absence de rupture des relations commerciales ; que l'assiette retenue à cette fin doit être la moyenne du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours des trois années précédant la rupture, assiette à laquelle doit ensuite être affectée la marge brute bénéficiaire ; qu'il doit également être tenu compte du gain manqué que constitue le non-paiement des primes qui résultent de la PAC pendant la durée du préavis en raison de la reconversion des terres agricoles exploitées par les coopérateurs» (jugement du 14 mars 2006, p. 13 à 15) ;
1° Alors que la responsabilité encourue par l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies est de nature délictuelle, et non contractuelle ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que la rupture jugée brutale de la relation commerciale établie ayant existé entre la SICA SAINT YVES et la société CAPLESO aurait constitué une « faute de nature contractuelle » de la SICA SAINT YVES (jugement du 14 mars 2006, p. 15, al. 5), la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
2° Alors que le contractant d'une société coopérative agricole n'engage sa responsabilité directement à l'égard des associés de ladite société coopérative que si le manquement qui lui est imputé dans ses relations avec la société coopérative cause aux associés agissant un préjudice personnel, distinct de celui subi à la fois par la société et par l'ensemble des associés ; qu'en considérant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement du 14 mars 2006, p. 13, dernier alinéa), qu'en tant que tiers au contrat rompu, les associés de la société coopérative cocontractante pourraient choisir de se prévaloir de cette qualité de tiers pour invoquer directement un préjudice, pourvu uniquement que ce préjudice soit en lien de causalité avec la faute commise, mais sans exiger qu'il soit distinct de celui, premier, subi par la société coopérative agricole, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles L. 521-1, R. 521-1 et R. 522-3 du Code rural ;
3° Alors subsidiairement que le contractant d'une société coopérative agricole n'engage sa responsabilité directement à l'égard des associés de ladite société coopérative que si le manquement qui lui est imputé dans ses relations avec la société coopérative cause aux associés agissant un préjudice personnel, distinct de celui subi à la fois par la société et par l'ensemble des associés ; que la simple circonstance que le manquement en cause porte sur un contrat d'écoulement de denrées produites par les associés de la société coopérative agricole ne suffit pas à caractériser le caractère personnel du préjudice subi par les agriculteurs, le préjudice étant alors d'abord subi par la société coopérative, qui est dotée de la personnalité morale, qui est le seul et unique cocontractant de l'auteur de la rupture, et qui a en charge la conclusion et l'exécution dudit contrat ; qu'au cas présent, en considérant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que le préjudice en lien avec la brusque rupture «découle nécessairement du non-respect par la SICA SAINT YVES des prescriptions de l'article L. 442-6-I-5° dans la mesure où les fruits et légumes fournis à cette dernière étaient produits et récoltés par eux » (jugement du 14 mars 2006, p. 15, alinéa 6), la cour d'appel a caractérisé un préjudice qui était commun à tous les associés et, même, qui était subi en premier chef par la société coopérative, seule cocontractante de la SICA SAINT YVES et chargée par les agriculteurs de gérer l'écoulement de leur production ; qu'en accueillant néanmoins l'action individuelle en responsabilité des agriculteurs, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles L. 521-1, R. 521-1 et R. 522-3 du Code rural ;
4° Alors également subsidiairement que l'associé d'une société coopérative agricole ne subit pas de préjudice personnel à chaque fois qu'un contrat d'écoulement des produits est rompu au détriment de la coopérative, du seul fait que la société coopérative n'a pas de vocation au bénéfice ; qu'en effet, l'absence de vocation au bénéfice ne prive pas, pour autant, la société coopérative agricole de la personnalité morale, de l'existence d'un patrimoine propre, de la tâche, confiée à elle par les associés, d'assurer l'écoulement de leur production, et donc, au résultat, de la possibilité d'agir en justice pour obtenir la reconnaissance ou la sauvegarde de droits inclus dans son patrimoine et dont elle a la charge ; qu'au cas présent, en considérant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que la rupture du contrat conclu entre la conserverie (SICA SAINT YVES) et la société coopérative agricole (CAPLESO) aurait « nécessairement» causé un préjudice aux agriculteurs adhérents de la coopérative, au motif que « la coopérative n'avait pas vocation à réaliser de bénéfices » (jugement du 14 mars 2006, p. 15, alinéa 6), la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à caractériser un préjudice personnel, en violation de l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles L. 521-1, R. 521-1 et R. 522-3 du Code rural.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir déclaré la SICA SAINT YVES responsable des dommages subis par les demandeurs (à l'exception de la société coopérative CAPLESO), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la SICA SAINT YVES à payer diverses sommes aux agriculteurs associés de la société coopérative précitée, tout en relevant les indemnisations de certains coopérateurs ;
Aux motifs propres que «par jugement du 14 mars 2006, le tribunal de Senlis a désigné un expert, lequel a déposé son rapport le 28 mars 2007 ; que ce rapport chiffre ce préjudice pour chaque agriculteur ; que ce rapport, tenu ici pour reproduit, chiffre le déficit subi par les agriculteurs du fait de cette cessation d'activité pendant un an, en comparaison des années précédentes ; qu'il a fait l'objet de diverses critiques de fond par la SICA SAINT YVES, qui invoque notamment une baisse constante de la production de la conserverie qui n'aurait pas été prise en compte par l'expert ; que ces arguments ont été réfutés dans des termes convaincants que la cour adopte par le premier juge, la SICA SAINT YVES n'ayant pas modifié en cause d'appel les points sur lesquels portaient ses critiques ; qu'aussi la cour fera-t-elle siennes les conclusions du premier juge sur le chiffrage des préjudices, sauf les trois précisions ci-après ; (…) que deux coopérateurs la SCEA FERME du COURTILLER et l'EARL VASSEUR-CHARNY sollicitent un relèvement de leur indemnisation au titre d'investissements non amortis ; que conformément à l'analyse du tribunal, la cour estime qu'il s'agit là, même pour la partie de ces investissements se rapportant à l'année 2004, de troubles liés a la rupture des relations d'affaire qui les liaient avec le conserverie, mais non de troubles liés à la brusque rupture, seuls préjudice que la cour envisage d'indemniser ; qu'ils seront donc déboutés de leur demande supplémentaire et la cour confirmera, les concernant, l'indemnisation ordonnée par le premier juge ; que l'EARL de la THEVE, indemnisée à hauteur de 4670 € par le premier juge justifie que l'expert a estimé pour elle un préjudice d'exploitation sur un an de 5670€ et conclut donc, compte tenu de son droit à 1000€ de préjudice "moral" consacré par le premier juge, à une indemnisation de 6 770 € ; que la cour estimant qu'il s'agit là d'une erreur manifeste du tribunal qui fera droit à cette demande de revalorisation ; que deux coopérateurs ont vu leur réclamation rejetée par le tribunal au motif qu'ils n'auraient pas présenté les pièces comptables justifiant leur préjudice ou que leur comptabilité ne serait pas fiable ; que les éléments remis en appel justifient qu'il soit fait droit à leur réclamation (dans lesquelles n'interviennent aucune demande d'investissements non amortis) à hauteur des sommes arrêtées par l'expert à savoir, compte tenu de l'indemnité de 1000 € que leur avait alloué le premier juge 17.437€ pour la SCEA de CHAMPFLEURY et 24.309€ pour l'EARL COURTIER-VILLIER» (arrêt p. 9 et 10) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que «s'agissant des moyens soulevés par la SICA SAINT YVES pour contester l'existence d'une faute de sa part dans la rupture de ses relations avec la société CAPLESO, il sera renvoyé aux motifs retenus par la décision du 14 mars 2006 qui a (…) défini ce préjudice comme la différence entre d'une part la marge bénéficiaire brute et le montant des primes PAC que les adhérents de la société CAPLESO auraient été en droit d'escompter pendant la durée du préavis si la relation commerciale n'avait pas été rompue, d'autre part, la marge bénéficiaire brute et le montant des primes PAC qu'ils ont effectivement perçus pendant la durée du préavis (sans prise en compte des surfaces proposées pour maintenir pour la culture d'épinards, l'arrêt de ladite culture n'étant pas dû à une faute de la SICA SAINT YVES) ; qu'il ne sera donc pas répondu spécifiquement à chacun desdits moyens par la présente décision, alors au surplus que certains d'entre eux, qui n'apparaissent par ailleurs pas pertinents, n'avaient pas été soumis au tribunal avant qu'il ne rende son jugement du 14 mars 2006 ; qu'il sera par ailleurs constaté que la plupart des critiques de fond relatives au calcul du préjudice indemnisable que la SICA SAINT YVES avait exprimées dans son dire à M. Y... n'ont pas été reprises devant la juridiction de céans ; qu'il résulte de l'article 1382 précité que l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance est indemnisable chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable ; qu'en l'espèce, il est évident que la marge brute bénéficiaire que les coopérateurs auraient pu réaliser si la SICA SAINT YVES avait respecté un préavis d'un an pour rompre ses relations commerciales établies avec la coopérative ne peut être déterminée avec certitude puisque justement, la SICA SAINT YVES n'a pas respecté ce préavis ; que le tribunal a de ce fait considéré dans sa décision du 14 mars 2006 qu'il y avait lieu de prendre comme référence la moyenne annuelle de la marge brute bénéficiaire sur une période de trois ans avant la rupture, cette période étant suffisamment représentative faute pour l'une des parties d'avoir invoqué la survenance d'un événement inhabituel pendant son cours ; que la SICA SAINT YVES ne justifie par ailleurs d'aucun élément – aléa climatique notamment – permettant de considérer que cette marge brute bénéficiaire pendant la durée du préavis aurait été probablement inférieure à la marge brute bénéficiaire moyenne des trois précédentes années, la tendance à la baisse des productions agricoles dont elle se prévaut résultant de statistiques nationales et non locales qui ne sont au surplus pas indiquées ; qu'il n'y a donc pas lieu de procéder à un abattement supplémentaire sur cette moyenne qui constitue en elle-même l'appréciation de la perte de chance des coopérateurs ; Que le tribunal ayant estimé à une année le préavis qui aurait d être respecté par la SICA SAINT YVES, les coopérateurs n'avaient pas à produire leurs comptes de résultat pour les exercices 2005 et 2006 ; que la SICA SAINT YVES ne saurait par ailleurs reprocher aux coopérateurs d'avoir opté pour des cultures qui se sont révélées finalement moins rentables que d'autres - elle met plus précisément en avant qu'elle « ne peut être tenue pour responsable de choix, tels que par exemple le maïs grain, qui ont semble-t-il moins rapporté en 2004 que des céréales » : -d'abord parce qu'en rompant brutalement et sans préavis ses relations avec la coopérative, elle a mis les membres de celle-ci devant le fait accompli et les a contraints de se réorienter dans l'urgence ; - ensuite parce que les coopérateurs ne sont pas doués de dons de prémonition ou de divination leur permettant de déterminer à l'avance avec certitude quelle culture sera la plus rentable; - enfin parce que les agriculteurs sont libres de choisir telle ou telle culture qu'ils souhaitent pratiquer sur leurs terres ; qu'enfin, il sera souligné que l'expert n'avait aucunement pour mission de vérifier la sincérité des documents comptables qui lui étaient présentés ; que les documents qui ont été établis par des experts comptables doivent être présumés sincères, présomption simple qu'il appartient à la SICA SAINT YVES de renverser ; que celle-ci ne peut se contenter, sans aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, de mettre en doute la comptabilité des coopérateurs ; que aucune mesure d'instruction ne saurait être ordonnée sur ce point pour pallier sa carence dans l'administration de la preuve ; que s'agissant plus particulièrement des observations directement formulées à l'encontre des documents comptables fournis par certains des comptables fournis par certains des coopérateurs : - les pièces produites par l'EARL BAUCHE ET FILS ont été certifiées par le centre de gestion CER FRANCE 277 de SOISSONS ; il n'y a donc pas lieu de les écarter ; - les documents concernant M. et Mme A... et M. B... ont été directement transmis à M. Y... par Monsieur Jean-Luc C..., expert-comptable à SOISSONS, par lettre avec papier à en-tête à son nom et dûment signée ; ils seront donc pris en considération ; - les comptes de la SCEA DU COURTILLET ont été directement établis par le SERVICE ECONOMIQUE ET FISCAL DE L'OISE (SEF60), centre de gestion agrée sis à BEAUVAIS ; ils seront donc pris en compte ; - les comptes de l'EARL CUYPERS ET FILS ont été établis et certifiés par la société d'expertise comptable CO.GE.C exerçant à CROY ; le courrier de cette société qui a conduit M. Y... à parfaire l'évaluation du préjudice de l'EARL CUYPERS ET FILS apparaît pertinent en ce qu'il apporte des précisions quant à des cultures spécifiques, notamment celle des choux chinois ; les dites pièces seront ainsi retenues ; - les derniers éléments transmis à l'expert pour justifier du préjudice de l'EARL DE BONNEUIL ont été annexés à un courrier explicatif comportant le cachet du cabinet d'expertise comptable BISOUARD dont le siège est à NANTEUIL-LES-MEAUX ; ce cachet est de nature à assurer qu'ils ont été vérifiés avec sincérité ; il a donc lieu d'en tenir compte ; - M. Y... a à plusieurs reprises sollicité de la part de la SCEA DE CHAMPFLEURY des pièces complémentaires ; cette dernière n'a finalement transmis que des documents qu'elle avait elle-même établis et qui ne sont pas certifiés ; il en est de même pour les pièces relatives au chiffre d'affaires 2004 du GAEC COURTIER devenu EARL COURTIER VILLERS ; s'agissant de preuves que ces deux coopérateurs se sont constitués à eux-mêmes, elles ne seront pas prises en considération ; de sorte qu'ils seront déboutés de leurs demandes relatives à un préjudice financier ; - M. I... a transmis à M. Y... une attestation en date du 26 janvier 2007 de Monsieur Christophe J..., expert comptable du Cabinet BAUDELOCQUE ASSOCIE de LAON, dont il résulte que les éléments que son client a communiqués lors des opérations d'expertise sont issus de la comptabilité qu'il a établie ; ils seront dont pris en considération ; que M. Y... a retenu pour la SCEA DE LA FERME DU COURTILLET et l'EARL VASSEUR CHARNY un préjudice lié au surcoût de l'irrigation dans la mesure où elles avaient réalisé des investissements non encore amortis au jour de la rupture ; qu'or, le Tribunal n'est saisi que d'une demande de réparation de préjudices liés à la brutalité de la rupture des relations commerciales et non à son principe ; que le préjudice précité ne sera donc pas indemnisé, conformément d'ailleurs à ce qu'avait décidé le Tribunal dans sa précédente décision ; qu'il apparaît, pour le surplus, à la lecture de son rapport que M. Y... a exactement suivi la méthode qui avait été préconisée par le Tribunal pour donner son avis sur le préjudice éventuellement subi par les coopérateurs ; que ses opérations ont ainsi permis : - de déterminer que certains des demandeurs n'avaient pas subi de perte financière ; ils ne forment d'ailleurs plus aucune demande à ce titre ; - de déterminer que d'autres, en revanche, ont vu leur marge brute bénéficiaire diminuer par rapport à la moyenne de celle des trois dernières années ; la SICA SAINT YVES sera condamnée à leur verser des ce chef des dommages et intérêts dont le montant sera précisé dans le dispositif de la présente décision, et avec intérêts aux taux légal à compter du prononcé de la présente décision en application de l'article 1153-1 du Code Civil ; que la perte financière subie par la SCEA DE CHAMPFLEURY et l'EARL COURTIER VILLERS n'étant pas suffisamment démontrée, elles seront déboutées de leur demande à ce titre » (jugement du 18 décembre 2007, p. 12 à 16) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que «conformément aux règles de la responsabilité délictuelle, les adhérents de la société CAPLESO ne peuvent se prévaloir que du préjudice découlant de la brutalité de la rupture de la relation entre la coopérative et la SICA SAINT YVES, et non de celui résultant de la rupture elle-même, celle-ci ne constituant pas une faute ; que l'évaluation du préjudice subi par les coopérateurs doit donc être appréciée au regard de la marge bénéficiaire brute qu'ils auraient été en droit d'escompter pendant la durée du préavis en l'absence de rupture des relations commerciales ; que l'assiette retenue à cette fin doit être la moyenne du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours des trois années précédant la rupture, assiette à laquelle doit ensuite être affectée la marge brute bénéficiaire ; qu'il doit également être tenu compte du gain manqué que constitue le non-paiement des primes qui résultent de la PAC pendant la durée du préavis en raison de la reconversion des terres agricoles exploitées par les coopérateurs ; que les adhérents de la société CAPLESO versent aux débats, aux fins de démonstration et d'évaluation du préjudice qu'ils prétendent subir, un rapport établi par le CGFAO le 12 mars 2004 ; que ce document, non contradictoire, prend notamment en compte d'hypothétiques charges supplémentaires dues à l'absence d'utilisation des investissements liés aux productions légumières : que cette augmentation de charges ne relève pas du préjudice indemnisable en raison de la rupture brutale de relation commerciale dans la mesure où elle aurait en tout état de cause été supportée par les coopérateurs à l'expiration du délai de préavis ; que son intégration dans le préjudice indemnisable reviendrait en effet à faire supporter par la SICA SAINT YVES le coût de la reconversion des terres agricoles, coût découlant de la rupture de la relation et non de sa brutalité ; qu'enfin, les conclusions de ce rapport sont fondées sur de simples probabilités, et non sur la comparaison de pièces comptables, seule de nature à déterminer de façon concrète le préjudice réellement subi par les coopérateurs et consistant en la différence de marge brute entre une production de légumes (calculée sur les trois années précédant la rupture) et la culture finalement réalisée pendant la durée du préavis ; que les comptes annuels communiqués par les adhérents de la société CAPLESO correspondent aux exercices clôturés les 31 mars et 30 juin 2004, de sorte qu'ils ne permettent pas d'effectuer un comparatif entre la moyenne des résultats couvrant les trois dernières années de campagne et le résultat de la campagne 2004, seule méthode permettant de réparer intégralement le préjudice et uniquement le préjudice subi par les coopérateurs en raison de la faute de la SICA SAINT YVES » (jugement du 14 mars 2006, p. 15 et 16) ;
Alors que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'au cas présent, en se référant, pour déterminer la marge bénéficiaire qui aurait été réalisée en 2004, en cas de maintien des relations rompues, aux marges moyennes obtenues les trois années ayant précédé la rupture, et en refusant de pratiquer un abattement supplémentaire sur cette moyenne, la cour d'appel ne s'est pas mis en mesure d'apprécier la perte d'une chance, pour la société CAPLESO et ses adhérents, de voir les relations se poursuivre, mais a retenu un gain manqué considéré implicitement comme certain, violant ainsi l'article 1382 du Code civil.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, complétant le jugement entrepris, déclaré la SICA SAINT YVES responsable des dommages subis par les demandeurs (à l'exception de la société coopérative CAPLESO), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, et d'avoir ensuite confirmé le jugement entrepris en ce que ce dernier avait condamné la SICA SAINT YVES au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts à des épandeurs ;
Aux motifs que « Bases juridiques : (…) entre les épandeurs et la conserverie, il y avait des contrats, tous conclus le même jour, le 23 octobre 1997, pour six ans, renouvelables pour la même durée par tacite reconduction, en l'occurrence reconduits pour six ans à effet du 1er janvier 2003, donc jusqu'au 1er janvier 2009 ; que dans ces conditions, les bases d'une éventuelle responsabilité sont contractuelles ; (…) Les épandeurs : à l'inverse des coopérateurs, la SICA SAINT YVES et les épandeurs étaient liés par des contrats liant leurs relations pour une durée de six ans, le dernier renouvellement prenant effet, à l'égard de tous les épandeurs, au 1er janvier 2003 ; que ces contrats ne prévoyaient pas de clause réglementant leur rupture ; que la SICA SAINT YVES estime que la rupture de ces contrats, intervenue le 1er avril 2004, n'était pas fautive, dans la mesure où sa cessation d'activité rendait inutile la poursuite de ces contrats qui étaient devenus dépourvus de cause par l'effet de cet arrêt d'activité ; que la cour observe que ces contrats ne disposaient rien de semblable et que, dès lors, les épandeurs étaient créanciers d'une poursuite des relations contractuelles ; qu'à l'évidence, cette relation contractuelle n'avait pas à se poursuivre jusqu'au terme de la période de six ans en cours, la poursuite de ces contrats pendant une telle durée n'ayant plus aucun sens pour aucune des deux parties ; que toutefois, ces épandeurs étaient, eux aussi, créanciers d'une période de maintien de ces contrats pour une année et donc en droit d'être indemnisés du fait de la rupture anticipée de ces relations contractuelles ; que la SICA SAINT YVES prétend que ces contrats étaient conclus dans son seul intérêt et donc elle pouvait rompre à sa convenance ; que la cour ne peut suivre la SICA en cette analyse, ces contrats, synallagmatiques, prévoyant des obligations et des avantages partagés » (arrêt p. 7, 8 et 9) ;
1° Alors que le contrat dont la cause disparaît est frappé de caducité, celle-ci intervenant de plein droit et sans qu'aucune des parties au contrat ne doive à l'autre un préavis qui n'est applicable qu'en présence d'une résiliation ; qu'au cas présent, l'arrêt attaqué a constaté (p. 8) que, dès lors que la conserverie cessait son activité et qu'ainsi, elle ne rejetait plus d'eaux usées à épandre, « la poursuite de ces contrats pendant une telle durée (six ans) n'(avait) plus aucun sens pour aucune des deux parties» ; qu'en considérant, malgré tout, que les épandeurs auraient été « créanciers d'une période de maintien de ces contrats pour une année», la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1131 du Code civil ;
2° Alors subsidiairement que le fait de rompre brutalement un contrat, sans respecter un préavis, engage la responsabilité délictuelle, et non contractuelle, de son auteur ; qu'en considérant au contraire que « les bases d'une éventuelle responsabilité » de la conserverie, pour brusque rupture des contrats d'épandage, « sont contractuelles» (arrêt p. 7), la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
SEPTIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir, complétant le jugement entrepris, déclaré la SICA SAINT YVES responsable des dommages subis par les demandeurs (à l'exception de la société coopérative CAPLESO), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce que ce dernier avait condamné la SICA SAINT YVES au paiement de diverses sommes à titre de dommagesintérêts à des épandeurs ;
Aux motifs que « à l'inverse des coopérateurs, la SICA SAINT YVES et les épandeurs étaient liés par des contrats liant leurs relations pour une durée de six ans, le dernier renouvellement prenant effet, à l'égard de tous les épandeurs, au 1er janvier 2003 ; que ces contrats ne prévoyaient pas de clause réglementant leur rupture ; que la SICA SAINT YVES estime que la rupture de ces contrats, intervenue le 1er avril 2004, n'était pas fautive, dans la mesure où sa cessation d'activité rendait inutile la poursuite de ces contrats qui étaient devenus dépourvus de cause par l'effet de cet arrêt d'activité ; que la cour observe que ces contrats ne disposaient rien de semblable et que, dès lors, les épandeurs étaient créanciers d'une poursuite des relations contractuelles ; qu'à l'évidence, cette relation contractuelle n'avait pas à se poursuivre jusqu'au terme de la période de six ans en cours, la poursuite de ces contrats pendant une telle durée n'ayant plus aucun sens pour aucune des deux parties ; que toutefois, ces épandeurs étaient, eux aussi, créanciers d'une période de maintien de ces contrats pour une année et donc en droit d'être indemnisés du fait de la rupture anticipée de ces relations contractuelles ; que la SICA SAINT YVES prétend que ces contrats étaient conclus dans son seul intérêt et donc elle pouvait rompre à sa convenance ; que la cour ne peut suivre la SICA en cette analyse, ces contrats, synallagmatiques, prévoyant des obligations et des avantages partagés ; (…) Principe du préjudice : (…) concernant les épandeurs, la SICA SAINT YVES expose que les contrats ne prévoyaient pas de rémunération en contrepartie du traitement des eaux de lavage de la conserverie, mais une indemnité destinée à compenser un excès d'eau à la mauvaise saison, alors que ce traitement des eaux leur donnait au contraire, en facilitant l'irrigation de leurs cultures, un avantage à la saison sèche ; qu'il s'ensuit selon elle que la suppression de ces contrats ne leur a causé aucun préjudice, la perte des « indemnités » étant en corrélation avec la cessation des inconvénients résultant de l'excès d'eau à la saison hivernale ; que la cour ne peut retenir cette analyse : quels que soient les termes employés par ces contrats, et notamment celui d'«indemnité», l'ensemble de leurs clauses en faisait des contrats de prestations de services, rémunérés en contrepartie de ces services, de sorte que la perte de cette rémunération constitue bien un préjudice pour ces épandeurs ; que le principe d'un préjudice ne saurait donc être sérieusement discuté ; qu'il doit être estimé sur une année culturale, comme l'a fait le premier juge, ces agriculteurs étant par suite ramenés aux conditions normales d'une exploitation agricole» (arrêt p. 8 et 9) ;
Et aux motifs que «les épandeurs demandent confirmation du jugement ;que la cour satisfera leur demande» (p. 10) ;
Alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision juridictionnelle équivaut à un défaut de motifs ; qu'au cas présent, la cour d'appel a expressément constaté que les épandeurs n'avaient droit au maintien du contrat d'épandage que pendant une durée de un an ; qu'en confirmant malgré tout le dispositif du jugement entrepris, et les condamnations indemnitaires fixées par ce jugement, quand ledit jugement était parti d'un postulat différent, d'un droit au maintien du contrat d'épandage pendant une durée de cinq ans (jugement du 18 décembre 2007, p. 18, prévoyant «une durée de cinq années», et jugement du 14 mars 2006, p. 18, prévoyant une indemnisation « jusqu'au 1er janvier 2009»), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.