LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juillet 2009), qu'engagé le 4 mai 2004 en qualité de responsable de projets par la société Euronumérique, aux droits de laquelle vient la société Nord compo, M. X..., qui exerçait, selon avenant du 2 novembre 2004, les fonctions de responsable du développement, a fait l'objet d'un avertissement le 5 juillet 2006 avant d'être licencié pour faute grave le 8 août 2006 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que le lien de subordination inhérent au contrat de travail est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que ni la conclusion d'une convention de forfait en jours prévue par l'article L. 3121-43 du code du travail, ni la clause du contrat de travail prévoyant que les fonctions exercées par le salarié impliquent une grande autonomie dans l'organisation de son travail et de son emploi du temps, n'impliquent que le salarié soit dispensé de justifier auprès de l'employeur de l'exécution des missions qui lui sont confiées et du temps qu'il y a consacré ; qu'en estimant que la redéfinition par l'employeur des missions de M. X... constituait une modification de son contrat de travail en raison de ce qu'elle impliquait une justification de son emploi du temps auprès de son employeur incompatible avec la grande autonomie de l'organisation de son travail et de son emploi du temps qui lui avait été reconnue dans son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 3221-43, L. 3171-3, D. 3171-10 et L. 1232-1 du code du travail, ainsi que l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les missions de développement des ventes clients, dont la non-exécution était reprochée à M. X..., correspondaient à celles prévues par l'avenant à son contrat de travail du 2 novembre 2004 et qui lui avaient été maintenues ; qu'en estimant que, du fait de la modification de son contrat de travail, l'inexécution de ces missions n'était pas fautive, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
3°/ qu'en ne précisant pas en quoi les missions, dont l'inexécution était reprochée à M. X..., auraient été nouvelles par rapport à celles de développement de la clientèle visées par l'avenant du 2 novembre 2004 à son contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en regard de l'article L. 1232-1 et de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
4°/ qu'en se bornant, sur le grief d'obstruction systématique à tout échange constructif avec la direction, à énoncer que ce grief n'apparaissait pas établi, bien que la société exposante ait fait état du refus de M. X... de tout contact téléphonique avec la direction, et d'échanges de mails donnant artificiellement l'impression de ne pas comprendre son poste alors qu'il l'avait bien compris et se perdant dans des digressions sans intérêt, et qu'elle ait produit des mails à l'appui de ce grief, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère excessif ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'examiner si l'indemnité contractuelle qui devait être versée au salarié en cas de licenciement pour une cause autre qu'une faute grave ou lourde présentait un caractère excessif et d'en apprécier le montant, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1152 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que le salarié s'était vu retirer toutes ses fonctions à l'exception de celles relatives au développement "vente clients" et que la preuve de son accord n'était pas rapportée, la cour d'appel a pu en déduire que le contrat de travail avait été modifié unilatéralement par l'employeur de sorte que ce dernier ne pouvait se prévaloir d'un refus d'exécution des tâches assignées à celui-ci à compter du 22 mai 2006 correspondant à une redéfinition des fonctions qu'il n'avait pas acceptée ;
Et attendu, ensuite, qu'appréciant souverainement la portée des éléments de preuve qui lui ont été soumis, elle a constaté que le grief d'obstruction n'était pas établi ;
Et attendu, enfin, qu'ayant décidé que l'indemnité critiquée était allouée au salarié tant au titre de l'indemnité contractuelle stipulée entre les parties que des dommages-intérêts résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la cour d'appel a nécessairement examiné le caractère excessif de la première et en a apprécié le montant dans la limite des demandes qui lui étaient faites ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nord compo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nord compo à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et signé par Mme Lambremon, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du deux février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Nord Compo, venant aux droits de la société Euronumérique.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que licenciement pour faute grave de Monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir condamné la Société NORD COMPO à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, 43.392 € au titre tant de l'indemnité contractuelle de licenciement que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'avoir condamné la Société à rembourser à POLE EMPLOI, dans limite d'un mois, les allocations de chômage versées à Monsieur X... par l'ASSEDIC DE PARIS ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement de Monsieur X... ayant été prononcé pour faute grave présente, de ce fait, un caractère disciplinaire ; qu'il appartient à la Cour de rechercher si les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement fixant les limites du litige sont établis, la charge de la preuve à cet égard incombant à l'employeur, et, dans l'affirmative, s'ils étaient de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ou, à défaut, s'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement; que l'avenant du 2 novembre 2004 à son contrat de travail définit en ses termes les missions de Monsieur X..., en sa qualité de Responsable du développement :
« 1) Support avant vente sur l'offre « informatique éditoriale » : Elaboration d'une offre « informatique éditoriale » on et off ligne - Sur le plan stratégique : Etude de marché et définition des cibles ; - Sur le plan technique : Sélection produits et partenaires ; - Sur le plan tarifaire : Proposition tarifaire ; - Sur le plan marketing : Rédaction d'une documentation et communication médias ; - Support de la force commerciale - Présentation de l'offre technique ; - Etude et définition des besoins ; - Réalisation des devis techniques ; - Maîtrise d'oeuvre projet ;
2) Service après vente Clients : - Qualité de service ; - Vous êtes responsable de la relation client et du service de qualité que l'entreprise lui doit ; - Vous suivez le client dans un mode « qualité de service » en vous assurant qu'il est parfaitement satisfait de nos prestations, tant au niveau technique, qu'administratif et commercial ; - Vous établissez et gérez les aspects tarifaires et contractuels ; - Vous gérez chaque commande : Validation de la facture et suivi des impayés ; - Développement des ventes clients - Vous êtes à l'écoute et répondez aux demandes de besoins ; - Parfaitement informé sur chaque compte, vous êtes « force de proposition » pour développer et renouveler le C.A acquis ; - Vous êtes à l'écoute du marché et établissez les « prix marchés » ; - Vous réalisez et gérez les propositions commerciales destinées aux clients ; « Cette liste des missions confiées n'est pas exhaustive, ces missions sont susceptibles d'évolution en fonction de l'évolution de votre poste de travail et dès lors que cela ne porte pas atteinte à votre qualification ».
QUE dans le compte rendu de la réunion de direction de la société EURONUMERIQUE du 22 mai 2006 qu'il a établi et qui est produit aux débats, Monsieur de Y..., alors Président de cette Société, a écrit, notamment, que « les fonctions de Monsieur X... étaient exclusivement commerciales et que ses missions hors cadre commercial étaient redistribuées » ; qu'ainsi, à partir du 22 mai 2006, Monsieur X... s'est vu retirer par son employeur toutes les fonctions mentionnées dans l'avenant du 4 mai 2004, à l'exception de celles relatives au développement des ventes clients ; que la société NORD COMPO n'établit pas que Monsieur X... ait à un quelconque moment accepté un telle redéfinition de ses missions ;
QUE l'alinéa 2 de l'article 5 du contrat de travail du 4 mai 2004, non modifié par l'avenant du 2 novembre 2004 et restant dès lors applicable aux parties, précise que Monsieur X... est soumis à une convention de forfait jours, « compte tenu des fonctions qu'il exerce impliquant une grande autonomie dans l' organisation de son travail et de son emploi du temps » ; qu' il résulte des termes mêmes de la lettre de licenciement faisant grief au salarié de ne pas avoir justifié de son emploi du temps auprès de son employeur dans le cadre de ses nouvelles missions, que celles-ci étaient incompatibles avec la grande autonomie dans l'organisation de son travail et de son emploi du temps qui lui avait été reconnue dans son contrat de travail ; que dans ces conditions, la redéfinition de ses missions par son employeur, le 22 mai 2006, constituait une modification de son contrat de travail à laquelle il n'avait à aucun moment consenti ; que, dès lors, la non-exécution par Monsieur X... des missions résultant de la modification unilatérale de son contrat de travail par son employeur, non exécution qualifiée dans la lettre de licenciement d' « absence totale de travail », n'était pas fautive.
QUE par ailleurs, les griefs reprochant au salarié le ton agressif de courriels destinés à son employeur ainsi que son « obstruction systématique à tout échange constructif avec la direction » n'apparaissent pas établis ;
QU'il suit de tout ce qui précède que le licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse ;
QUE le 20 mars 2006, les parties ont signé un nouvel avenant au contrat de travail du 4 mai 2004 comportant la clause suivante ainsi libellée : « Il est convenu entre les parties que si Monsieur Jean-Pierre X... fait l'objet d'une mesure de licenciement dans les 24 mois suivant la signature du présent avenant, la société EURONUMERIQUE versera à Monsieur Jean-Pïerre X... une indemnité de licenciement fixée à 12 mois de salaire net ; « Cette indemnité ne sera pas due en cas de licenciement pour faute grave ou faute lourde ou si le licenciement intervient après cette période de 24 mois » ; « Le salaire mensuel net de référence sera celui perçu par l'intéressé, hors primes, avantages en nature ou remboursement de frais, le mois précédant licenciement ; « Cette indemnité de licenciement remplacera l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective applicable à la société EURONUMERIQUE et ne pourra, en aucun cas, se cumuler avec cette indemnité conventionnelle (sic) » ;
QUE Monsieur X... sollicite le paiement de cette indemnité tant en application de cette clause contractuelle qu'à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; que les parties ayant conclu ce nouvel avenant en toute connaissance de cause, sont tenues de l'appliquer ;
QU'en conséquence, Monsieur X... est en droit de prétendre à ladite indemnité, d'un montant égal à 12 mois de salaire net, soit à la somme de 3.616 € x 12 = 43.392 € au paiement de laquelle il convient de condamner la société NORD COMPO ; qu' étant tenue de statuer dans les limites de la demande, il y a lieu pour la Cour de préciser que cette somme est allouée au salarié au titre tant de l'indemnité contractuelle stipulée entre les parties, que des dommages-intérêts résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le lien de subordination inhérent au contrat de travail est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que ni la conclusion d'une convention de forfait en jours prévue par l'article L.3121-43 du Code du travail, ni la clause du contrat de travail prévoyant que les fonctions exercées par le salarié impliquent une grande autonomie dans l'organisation de son travail et de son emploi du temps, n'impliquent que le salarié soit dispensé de justifier auprès de l'employeur de l'exécution des missions qui lui sont confiées et du temps qu'il y a consacré ; qu'en estimant que la redéfinition par l'employeur des missions de Monsieur X... constituait une modification de son contrat de travail en raison de ce qu'elle impliquait une justification de son emploi du temps auprès de son employeur incompatible avec la grande autonomie de l'organisation de son travail et de son emploi du temps qui lui avait été reconnue dans son contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L.1221-1, L.3221-43, L.3171-3, D.3171-10 et L.1232-1 du Code du travail, ainsi que l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, SUBSIDIAIREMENT, QU'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les missions de développement des ventes clients dont la non exécution était reprochée à Monsieur X..., correspondaient à celles prévues par l'avenant à son contrat de travail du 2 novembre 2004, et qui lui avaient été maintenues ; qu'en estimant que du fait de la modification de son contrat de travail, l'inexécution de ces missions n'était pas fautive, la Cour d'appel a violé les articles L.1232-1 et L.1234-1 du Code du travail ;
ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en ne précisant pas en quoi les missions, dont l'inexécution était reprochée à Monsieur X..., auraient été nouvelles par rapport à celles de développement de la clientèle visées par l'avenant du 2 novembre 2004 à son contrat de travail, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en regard de l'article L.1232-1 et de l'article L.1234-1 du Code du travail ;
ALORS, EN OUTRE, QU'en se bornant, sur le grief d'obstruction systématique à tout échange constructif avec la direction, à énoncer que ce grief n'apparaissait pas établi, bien que la Société exposante ait fait état du refus de Monsieur X... de tout contact téléphonique avec la direction, et d'échanges de mails donnant artificiellement l'impression de ne pas comprendre son poste alors qu'il l'avait bien compris et se perdant dans des digressions sans intérêt, et qu'elle ait produit des mails à l'appui de ce grief, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET ALORS, ENFIN, QUE l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère excessif ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'examiner si l'indemnité contractuelle qui devait être versée au salarié en cas de licenciement pour une cause autre qu'une faute grave ou lourde présentait un caractère excessif et d'en apprécier le montant, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1152 du Code civil.