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01/02/2011 | FRANCE | N°09-73000

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 février 2011, 09-73000


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 313-24 du code monétaire et financier ;

Attendu que la garantie, à laquelle le cédant est tenu lors du paiement en application de l'alinéa 2 de ce texte, porte non seulement sur la solvabilité du débiteur cédé mais également sur l'existence de la créance cédée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite des difficultés rencontrées par la société Herriau, les banques, créancières de cette société do

nt la BNP Paribas (la banque), ont, le 21 février 1994, conclu un moratoire, comportant notammen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 313-24 du code monétaire et financier ;

Attendu que la garantie, à laquelle le cédant est tenu lors du paiement en application de l'alinéa 2 de ce texte, porte non seulement sur la solvabilité du débiteur cédé mais également sur l'existence de la créance cédée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite des difficultés rencontrées par la société Herriau, les banques, créancières de cette société dont la BNP Paribas (la banque), ont, le 21 février 1994, conclu un moratoire, comportant notamment cession de la moitié de la créance que cette société est susceptible de détenir contre la société Etablissements Matrot (la société Matrot) à l'issue de l'action qu'elle a engagée à son encontre pour actes de contrefaçon ; que le 8 juin 1994, la société Herriau a cédé, selon les modalités prévues par la loi du 2 janvier 1981, codifiée aux articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, cette créance pour une certaine somme représentant 50 % du montant auquel la société Matrot a été condamnée en vertu d'un arrêt rendu le 12 juillet 1990 par la cour d'appel de Paris ; que le 2 février 1995, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte contre la société Herriau et un plan de continuation arrêté le 7 juin 1996 ; qu'après que l'action en paiement des sommes dues au titre de la cession de créances a été rejetée et que l'arrêt de la cour d'appel de Paris a été cassé, la banque a assigné la société Herriau en paiement de cette créance ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient qu'à la suite de son annulation et de sa cassation, l'arrêt de la cour d'appel de Paris visé dans le bordereau de cession Dailly est censé n'avoir jamais existé, de sorte que ce bordereau, devenu sans objet, est caduc et que l'article 1693 du code civil ne peut pas recevoir application en l'espèce, dès lors que, même si l'existence de la créance est garantie par la société Herriau, le bordereau étant nul, il ne peut plus recevoir application ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la cession de créance par bordereau avait pris effet le 8 juin 1994, de sorte que la disparition ultérieure de la créance était sans effet sur la garantie donnée par le cédant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 4 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Herriau aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté BNP Paribas de sa demande tendant à la condamnation de la société Herriau à lui payer la somme de 745.144 euros en principal, outre intérêts légaux ;

AUX MOTIFS QUE le bordereau de cession de créance du 8 juin 1994 stipule que la société Herriau cède aux banques «50 % de la somme de 7.763.250 francs, outre intérêts que la société Matrot doit verser à la cliente la société Herriau en vertu d'un arrêt rendu le 10 juillet 1990 par la cour d'appel de Paris» ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 juillet 1990 condamnant la société Matrot à payer à la société Herriau la somme de 21 122 394 francs à titre de dommages-intérêts a été cassé et annulé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 1995 ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris visé dans le bordereau de cession Dailly est ainsi censé n'avoir jamais existé ; qu'il s'ensuit que le bordereau de cession Dailly est devenu caduc, puisqu'il est sans objet, et que l'article 1693 du code civil ne peut pas recevoir application en l'espèce ; qu'en effet, même si l'existence de la créance est garantie par la société Herriau, le bordereau étant nul, il ne peut plus recevoir application ;

1/ ALORS QUE le bordereau de cession de créance du 8 juin 1994 avait pour objet, à cette date, une créance existante de «50 % de la somme de 7.763.250 francs, outre intérêts que la société Matrot doit verser à sa cliente la société Herriau en vertu d'un arrêt rendu le 10 juillet 1990 par la cour d'appel de Paris» ; que le bordereau de cession Dailly n'est devenu caduc qu'à la date du 21 mars 1995, date à laquelle la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 10 juillet 1990 ; que le bordereau de cession de créance n'étant pas nul ab initio, il a bien pris effet entre les parties à la date du 8 juin 1994 figurant sur le bordereau ; que le cédant doit donc la garantie de paiement de l'article L. 313-24 du code monétaire et financier, peu important la disparition ultérieure de la créance cédée, la garantie ayant pris naissance à la date où la cession avait pris effet ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 313-24 du code monétaire et financier et 1108 du code civil ;

2/ ALORS QUE, subsidiairement, aux termes de l'article 1693 du code civil, le cédant est garant au profit du cessionnaire de l'existence de la créance au temps du transport ; de sorte que cette garantie s'applique par essence à toute cession portant sur une créance inexistante et donc nulle pour défaut d'objet ; qu'en jugeant que l'article 1693 du code civil ne pouvait recevoir application dès lors que l'existence de la créance cédée rendait le bordereau nul et inapplicable, la cour d'appel a refusé de faire jouer la garantie pour le cas précis où elle avait vocation à s'appliquer, violant ainsi, par refus d'application, l'article 1693 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté BNP Paribas de sa demande tendant à voir prononcer la nullité, pour absence de cause, de l'abandon de créance à hauteur de 90% consenti par BNP Paribas à la société Herriau ;

AUX MOTIFS QUE par jugement du 7 juin 1996, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de continuation de la société Herriau, plan qui comprend la disposition suivante : «remboursement des créanciers bancaires à hauteur de 10 % de leurs créances le 30 novembre 1996, outre les cessions de créance dont ils disposent» ; que les banques ayant donné leur accord pour abandonner dans le cadre du plan de continuation 90 % de leurs créances, elles ne peuvent plus agir à ce jour en paiement de cette somme ; que si BNP Paribas soulève la nullité de cet abandon de 90 % de sa créance pour absence de cause, dès lors que la cession Dailly est déclarée nulle, cette demande ne peut pas prospérer, dès lors que les banques n'ont pas fait de la validité de la cession Dailly une condition déterminante de leur abandon de créance ;

1/ ALORS QU'il résultait du jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juin 1996 ayant arrêté le plan de continuation, du projet bilan économique et social de la société Herriau, établi par Me X..., administrateur judiciaire, en mars 1996, du projet de plan de redressement de la société Herriau établi le 5 mai 1995 par Me X..., des propositions d'apurement du passif transmises aux banques par Me Y..., ès qualités de représentant des créanciers le 21 mars 1996 et des réponses adressées par les banques à ces propositions, que l'abandon de créance consenti par les banques à hauteur de 90 % de leurs montants dans le cadre de l'adoption du plan de redressement de la société Herriau était la contrepartie de la cession de créance Dailly du 8 juin 1994 ; de sorte que la nullité de la cession de créance privait de cause l'abandon de créance ; qu'en jugeant cependant que BNP Paribas ne pouvait invoquer la nullité de l'abandon de créance pour absence de cause motif pris de ce que les banques n'avaient pas fait de la validité de la cession Dailly une condition déterminante de leur abandon de créance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2/ ALORS QUE, en statuant ainsi sans rechercher si, même en l'absence d'une clause stipulant expressément que la validité de la cession Dailly était une condition déterminante de l'abandon de créance, l'abandon de créance ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une négociation plus globale dont la cession de créance était un contrat déterminant et indivisible de sorte que la nullité de la cession de créance devait nécessairement affecter la remise de dette, cette remise de dette n'étant consentie qu'en considération de la cession de créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1134 du code civil..

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté BNP Paribas de sa demande tendant à la condamnation de la société Herriau à lui payer sur la moitié de la somme de 853.714 euros, recouvrée par la société Herriau contre les Etablissements Matrot, que la société Herriau s'était engagée à verser aux banques par acte du 21 février 1994, une somme de 197.553,68 euros en principal lui revenant ;

AUX MOTIFS QUE le bordereau de cession Dailly du 8 juin 1994 rappelle que la société Herriau cède aux banques sa créance sur la société Matrot «pour assurer aux banques le remboursement de toutes sommes en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, que la cliente sera susceptible de leur devoir au titre du protocole d'accord conclu en date du 21 février 1994» ; que ce protocole conclu entre les banques et la société Herriau prévoit en son article 7 que «le plan deviendrait caduc en cas de redressement judiciaire … de la débitrice» ; que par jugement du 7 juin 1996, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de continuation de la société Herriau, plan qui comprend la disposition suivante : «remboursement des créanciers bancaires à hauteur de 10 % de leurs créances le 30 novembre 1996, outre les cessions de créances dont ils disposent» ; que le protocole de cession de créances étant devenu caduc à la suite de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Herriau, BNP Paribas ne peut plus agir sur ce fondement à l'encontre de cette société ;

ALORS QUE le projet de plan de continuation stipulait «à la suite du redressement judiciaire du 2 février 1995, le moratoire est devenu caduc «sauf clause 4 : transfert de 50 % des indemnités nettes à percevoir, qui a fait l'objet d'une cession Dailly en avril 1994»» ; qu'il résultait du plan de continuation que ce transfert d'indemnités était expressément maintenu en dépit de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en jugeant que BNP Paribas ne pouvait agir sur le fondement du protocole valant cession de créances, lequel était devenu caduc à la suite de la procédure collective, la cour d'appel a méconnu les termes du protocole du 21 février 1994 et du projet de plan de continuation, en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-73000
Date de la décision : 01/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CESSION DE CREANCE - Cession de créance professionnelle - Effets - Cession à fin de paiement - Garantie du cédant - Etendue

La garantie, à laquelle le cédant est tenu lors du paiement en application de l'article L. 313-24, alinéa 2, du code monétaire et financier, porte non seulement sur la solvabilité du débiteur cédé mais également sur l'existence de la créance cédée. Viole le texte susvisé, l'arrêt qui rejette la demande d'une banque en paiement d'une créance cédée selon les modalités prévues par la loi du 2 janvier 1981, codifiée aux articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, en retenant qu'à la suite de son annulation et de sa cassation, un arrêt de cour d'appel visé dans un bordereau de cession Dailly est censé n'avoir jamais existé, alors que la cession de créance par bordereau avait pris effet antérieurement à la cassation de cet arrêt, de sorte que la disparition ultérieure de la créance était sans effet sur la garantie donnée par le cédant


Références :

article L. 313-24, alinéa 2, du code monétaire et financier

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 fév. 2011, pourvoi n°09-73000, Bull. civ. 2011, IV, n° 11
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 11

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Gérard
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.73000
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