LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 202 du code de procédure civile ;
Attendu que les dispositions de ce texte relatives aux attestations ne sont pas prescrites à peine de nullité ;
Attendu que, pour débouter les consorts X... de leur demande en revendication d'une parcelle de terre formée contre les époux Y..., l'arrêt attaqué (Amiens, 23 octobre 2008) retient que les attestations de MM. Z... et A... doivent être écartées des débats puisqu'aucune photocopie officielle d'identité permettant de vérifier les signatures n'y étant annexée, elles ne font pas foi de leur authenticité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la cour d'appel d'apprécier la valeur probante et la portée de ces attestations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du dix-huit janvier deux mille onze par Mme Bellamy, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux conseils pour les consorts X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande tendant à voir constater la prescription acquisitive sur la parcelle ZD cadastrée n° 2 et déclaré Monsieur et Madame Y... légitimes propriétaires de l'intégralité de cette parcelle ;
AUX MOTIFS QUE la limite cadastrale entre les parcelles ZD n° 1 et ZD n° 2 est connue et n'est pas discutée par les parties, les consorts X... reconnaissant occuper une partie de la parcelle ZD n° 2, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise établi le 24 février 2005 par Monsieur C... ; qu'il importe donc seulement de savoir si l'occupation litigieuse satisfait aux conditions de la prescription acquisitive ; qu'il faut déterminer le délai applicable ; qu'en l'espèce, seule est susceptible de s'appliquer la prescription trentenaire prévue à l'article 2262 dudit Code ; que la longueur de ce délai est tempérée par l'article 2235 du Code Civil, qui dispose que « pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux » ; que ce texte ne distingue pas entre auteur " direct " et auteurs « indirects » ; il n'y a donc pas lieu d'opérer une telle distinction, contrairement à ce que soutiennent les époux Y... dans leurs écritures ; que quoiqu'il en soit, cela importe peu en l'espèce puisque la possession alléguée excède trente ans sans qu'il soit besoin de remonter au-delà de la possession d'Emile X... ; qu'enfin, il n'importe qu'aux termes d'un acte du 1er février 1980, les consorts H...- X... aient donné à bail aux consorts E...une pâture « d'une contenance d'environ deux hectares », l'approximation contenue dans ces termes ne permettant pas d'exclure l'intention de posséder davantage à titre de propriétaire, d'autant que la superficie de la parcelle ZD n° 1, dont la propriété n'est, elle, pas contestée, est déjà de 1 hectare 47 ares 50 centiares, alors que l'emprise de la pâture sur la parcelle ZD n° 2 n'est que de 45 ares 77 centiares ; que par contre, les époux Y... sont bien fondés à rappeler que, pour pouvoir prescrire, la possession doit se traduire par des actes matériels et licites, et présenter les caractères requis par l'article 2229 du Code Civil, à savoir être continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; qu'à cet égard, les attestations de Messieurs Z... et A... doivent être écartées des débats puisqu'aucune photocopie de pièce officielle d'identité permettant de vérifier les signatures n'y étant annexée, elles ne font pas foi de leur authenticité ; que quant aux attestations de Messieurs F...et G..., il en ressort seulement que, du début des années 1960 à 1975 « ou 1976 », Madame Lucie H... née X... avait fait paître des moutons dans la pâture, or il n'a jamais été contesté que la parcelle ZD n° 1 a toujours été à usage de pâture ; que ces attestations ne permettent donc pas de savoir si la famille X... exerçait déjà des faits de possession sur la partie litigieuse de la parcelle ZD n° 2 ; qu'il en va de même pour l'acte du 1er février 1980, précité ; que Monsieur C... a certes noté dans son rapport, après avoir constaté que la parcelle ZD n° 2, appartenant aux époux Y..., comprenait une partie de la pâture exploitée par les consorts X..., propriétaires de la parcelle ZD n° 1 : « Physiquement, sur le terrain, aucune trace matérielle ne le laisse supposer : pas de clôture ou de haies, ni même de vestiges ou de différence de culture ou d'occupation... Au contraire, nous avons une seule et même pâture, bordée d'une haie très ancienne (photo n° 2), datant visiblement d'avant le remembrement de 1962 ». Et l'expert d'en conclure : « Cela laisse effectivement à penser que les consorts X... occupaient, depuis avant 1962, la totalité de la pâture » ; qu'il ne s'agit toutefois que d'une supposition, que n'étaye aucun élément objectif, et qui est donc bien insuffisante à consacrer une acquisition par prescription ; que de surcroît, l'absence de contestations par les époux Y... de prétendus actes de possession antérieurs à 1956 ne vaut pas aveu judiciaire ;
ALORS QUE si toute attestation doit être datée et signée de la main de son auteur, celui-ci devant annexer en original ou en photocopie tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature, ce n'est pas à peine de nullité de sorte que les juges du fond ne peuvent écarter une attestation comme non conforme sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituerait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque ou ne présenterait pas des garanties suffisantes pour emporter leur conviction ; que pour écarter des débats et refuser d'examiner deux attestations déterminantes produites par les consorts X... de nature à renforcer les présomptions de propriété de la parcelle litigieuse ZD n° 2 retenues par l'expert judiciaire en leur faveur, la Cour d'Appel s'est bornée à faire état de ce que leurs auteurs n'y auraient pas joint la copie de pièce officielle d'identité ; qu'en s'abstenant de rechercher et de constater, en l'absence d'exception d'irrecevabilité soulevée par les intimés, que ces attestations ne présenteraient pas des garanties suffisantes, la Cour d'Appel qui s'est fondée sur une circonstance inopérante, tout au moins insuffisante, tirée de l'absence de jonction des pièces d'identité de leurs auteurs, n'a pas légalement justifié sa décision infirmative de les écarter et de rejeter en conséquence l'action en revendication des consorts X..., au regard des article 202 du Code de Procédure Civile, 2229, 2235 et 2261 du Code Civil pris ensemble.