LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été mise à la disposition de la société Biscuiterie Vital en qualité de conditionneuse, par contrats de travail temporaires successifs puis a été engagée par contrat à durée déterminée du 28 mai au 27 novembre 2007 ; qu'elle a été victime d'un accident du travail le 14 juin 2007 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et résilier le contrat aux torts de l'employeur ; que par courrier du 22 septembre 2008, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail pour non paiement du salaire un mois après la déclaration d'inaptitude médicale et manquement par l'employeur à son obligation de sécurité ;
Attendu que pour décider que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission, l'arrêt, après avoir requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, retient qu'il appartient à la victime d'un accident du travail de prouver que l'employeur n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; que les éléments produits par la salariée ne sont pas suffisants, en l'absence d'éléments sur les faits ayant donné lieu au procès-verbal d'infraction à l'article R. 4324-2 du code du travail dressé par l'inspecteur du travail sur les circonstances de l'accident et sur le lien de causalité entre eux ;
Attendu, cependant, qu'il appartient à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les 2e et 3e branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme X... produit les effets d'une démission et déboute celle-ci de ses demandes au titre de la rupture, l'arrêt rendu le 9 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Biscuiterie Vital aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Biscuiterie Vital à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 22 septembre 2008 produisait les effets d'une démission et d'AVOIR en conséquence débouté Mme Emmanuella X... de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et du complément de salaire ;
AUX MOTIFS QUE « l'employeur est, certes tenu envers le salaire d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en matière d'accident du travail » ; « toutefois, le manquement à cette obligation implique la preuve qu'il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs » ; « or, Mme X... verse aux débats au sujet de l'accident de travail dont elle a été victime une seule pièce, le courrier de l'inspecteur du travail l'informant qu'il a dressé à l'encontre de M. Z... un procès-verbal d'infraction à l'article R. 4324-2 du code du travail, qui est relatif aux dispositifs de protection de certains équipement mobiles. Ce courrier n'est pas suffisant, en l'absence d'éléments sur les faits ayant donné lieu au procès-verbal, sur les circonstances de l'accident et sur le lien de causalité entre eux, pour établir le non respect par l'employeur de son obligation de sécurité à l'égard de cette salariée » ; « le premier grief n'est donc pas prouvé » ; « sur le non paiement du salaire du 8 août au 22 septembre 2008 » ; « par le courrier de son avocat adressé le 10 juin 2008 à l'avocat de la société Biscuiterie Vital, Mme X... a « fait part officiellement » à son employeur de sa « volonté » de « reprendre le travail à compter du 23 juin date au-delà de laquelle son arrêt de travail ne semble plus justifié » ; « l'avis médical émis le 23 juin 2008 par le médecin du travail à la suite de la demande de la salariée de reprendre le travail, portée à la connaissance de l'employeur, constitue, aux termes de l'article R. 4624-22 du code du travail, une visite de reprise du travail et non une visite de pré-reprise, peu important que la salariée ai continué par la suite à bénéficier d'arrêt de travail prescrits par son médecin traitant » ; « c'est bien ce qu'a indiqué le médecin du travail en cochant la case « visite reprise », en donnant son avis sur l'aptitude de l'intéressée à occuper un poste aménagé et en prévoyant une seconde visite 15 jours plus tard » ; « dès lors, la visite qui a eu lieu effectivement 15 jours après, le 8 juillet 2008, par laquelle le médecin du travail a déclaré Mme X... inapte à son poste mais apte à deux autres postes, constitue la seconde visite prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail, peu important qu'il ait coché la case « visite à la demande » alors que c'est lui-même qui avait fixé cet examen lors de la première visite de reprise » ; " l'employeur a consulté les délégués du personnel, puis a proposé le 17 juillet 2008 à Mme X... de procéder à son reclassement sur l'un des deux postes préconisées par le médecin du travail après visite dans l'entreprise, postes d'opératrice de fabrication maintenant sin temps de travail ainsi que son salaire et ne comportant pas de modification du contrat initial ; que l'employeur lui avait demandé de répondre dans un délai de 10 jours et lui a adressé un rappel le 29 août, la salariée ne justifie pas avoir répondu avant un courrier du 2 septembre 2008, dans lequel elle indique avoir refusé par lettre, qu'elle ne prouve pas avoir envoyée et que l'employeur dit ne pas avoir reçue ; que conformément aux dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail, dès lors que Mme X... a été déclarée inapte le 8 juillet 2008 et n'a été ni reclassée dans l'entreprise ni licenciée dans le délai d'un mois, l'employeur aurait dû lui verser, à compter du 8 août 2008, le salaire correspondant à l'emploi qu'elle occupait avant la suspension de son contrat de travail, ce qu'il n'a pas fait ; que toutefois, compte tenu de la situation particulière de Mme X..., des efforts pour la conserver dans l'entreprise, du comportement de la salariée qui a refusé tardivement et sans justification son reclassement ainsi que de la durée très courte du non paiement (soit du 8 au 31 août à la date de la prise d'acte de la rupture, le mois de septembre n'étant pas achevé) l'omission de la société employeur de reprendre le paiement du salaire ne constitue pas un manquement d'une importance et d'une persistance suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail à la date du 22 septembre 2008 ;
1) ALORS QUE l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, dont il lui appartient d'assurer l'effectivité ; que le manquement de l'employeur a cette obligation est de nature à justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat par le salarié, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le salarié victime d'un accident du travail, caractérisant une atteinte à sa sécurité, n'a pas, pour établir un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, à prouver en outre que l'employeur n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; qu'en retenant pourtant, pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme Emmanuella X..., victime d'un accident du travail, produisait les effet d'une démission, que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat invoqué par la salariée exigeait la preuve par cette dernière que l'employeur n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 1415 du code civil ;
2) ALORS QUE le manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement des salaires par application de l'article L. 1226-4 du code du travail emporte rupture du contrat de travail, qui doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en qualifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de démission après avoir pourtant constaté que la société Biscuiterie Vital avait omis de reprendre, dans le délai d'un mois de la visite de reprise, le paiement du salaire de Mme Emmanuella X..., déclarée inapte le 8 juillet 2008 et qui n'avait été ni licenciée, ni reclassée dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
3) ALORS QU'en qualifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de démission après avoir pourtant constaté que la société Biscuiterie Vital avait omis de reprendre, dans le délai d'un mois de la visite de reprise, le paiement du salaire de Mme Emmanuella X..., déclarée inapte le 8 juillet 2008 et qui n'avait été ni licenciée, ni reclassée dans l'entreprise, aux motifs inopérants tirés de la prétendue situation particulière de la salariée, des efforts de la société pour la conserver dans l'entreprise, du comportement de la salariée qui aurait refusé tardivement et sans justification son reclassement, et de la durée du non paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-4 du code du travail.