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11/01/2011 | FRANCE | N°10-12265

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 janvier 2011, 10-12265


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 décembre 2009), que la société civile immobilière La Rive (SCI), dont le gérant était M. X..., propriétaire d'un immeuble, a entrepris des travaux d'extension et d'aménagement d'une salle de spectacles ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Archiligne ; que le lot gros-oeuvre a été confié à la société Heude ; que les travaux ont été réceptionnés le 29 janvier 1999 ; que la société Heude a assigné la SCI en paiemen

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 décembre 2009), que la société civile immobilière La Rive (SCI), dont le gérant était M. X..., propriétaire d'un immeuble, a entrepris des travaux d'extension et d'aménagement d'une salle de spectacles ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Archiligne ; que le lot gros-oeuvre a été confié à la société Heude ; que les travaux ont été réceptionnés le 29 janvier 1999 ; que la société Heude a assigné la SCI en paiement d'un solde dû sur travaux et que cette dernière a appelé en garantie la société Archiligne ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour fixer la créance de la société Heude au passif de la SCI à la somme de 51 292,23 euros au titre du solde de la facture du 31 janvier 1999, l'arrêt retient que la demande de la société Heude porte sur des travaux supplémentaires et sur des travaux envisagés dès l'origine du projet, que M. X... a assisté aux quatorze réunions de chantier qui se sont tenues entre le 18 septembre et le 18 décembre 1998, qu'il a sollicité des modifications du projet en cours de chantier, qu'il a réceptionné les travaux le 29 janvier 1999 sans formuler de réserve sur leur contenu et que la SCI n'a émis aucune contestation avant février 2000 ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à établir que le maître de l'ouvrage avait expressément commandé les travaux supplémentaires avant leur réalisation, ou les avaient acceptés sans équivoque après leur exécution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;
Condamne, ensemble, la société Heude et la société Archiligne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour M. Z..., ès qualités ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé la créance de la société HEUDE au passif de la SCI LA RIVE à la somme de 51.292,23 € au titre du solde de la facture du 31 janvier 1999 avec les intérêts au taux légal entre le 10 juillet 2000 et le 6 décembre 2002 ;
Aux motifs qu'«il est constant qu'aucun marché de travaux n'a été signé entre la société Heude et la SCI La Rive, le projet de contrat ayant été adressé à cette dernière le 5 juillet 1999 et son gérant ayant refusé de le signer. La société Heude produit trois devis datés des 3 septembre et 23 septembre 1998 et 6 janvier 1999 mais ils n'ont pas davantage été signés par le maître de l'ouvrage.
Il n'existe donc aucun document contractuel liant les parties.
Cependant, il n'est pas contesté que les parties étaient en relation contractuelle pour l'aménagement d'une salle de spectacle et que la SCI La Rive a réglé 50 851,96 euros en quatre versements les 27 novembre 1998, 5 janvier et 24 avril 1999. Le litige porte donc sur le solde, la société Heude prétendant avoir réalisé des travaux pour un montant total de 102 573,05 euros. Le mandataire liquidateur du maître de l'ouvrage conteste devoir le solde qui correspondrait selon lui à des travaux supplémentaires qui n'auraient pas été commandés.
Il sera observé que les deux devis relatifs aux travaux supplémentaires s'élevaient à la somme de 29 014 euros alors que le montant -de l'impayé est de 51 721,10 euros, ce qui signifie que la demande de la société Heude porte également sur des travaux envisagés dès l'origine du projet.
Comme l'a souligné le premier juge, le contrat de maîtrise d'oeuvre du 19 mars 1998 ne prévoyait pas un marché à forfait ni d'engagement ferme et définitif sur le montant des travaux ni de clause obligeant le maître d'oeuvre à faire précéder les travaux supplémentaires d'un accord écrit du maître de l'ouvrage.
La société Heude rappelle à juste titre qu'un contrat de louage d'ouvrage peut se prouver par tous moyens.
Il résulte du dossier que monsieur X... a assisté aux quatorze réunions de chantier qui se sont tenues entre le 18 septembre et le 18 décembre 1998, qu'il a sollicité des modifications du projet en cours de chantier (cf les comptes-rendus des 16 octobre, 6 et13 novembre ainsi que le courrier de l'architecte du 23 décembre 2008 faisant référence à divers travaux supplémentaires) et qu'il a réceptionné les travaux le 29 janvier 1999 sans formuler de réserve sur leur contenu. En outre, il ressort du dossier que la SCI n'a émis mienne contestation avant février 2000, par la voie de son conseil.
Il s'ensuit que les contestations de monsieur Z... ne sont pas fondées.
Certes, la société Heude a commis une imprudence en ne vérifiant pas l'absence de signature des devis et marchés et en ne les réclamant pas signés mais celle-ci ne saurait la priver de son droit à réclamer ce qui lui est dû, contrairement à ce qui a été jugé. Le jugement sera donc infirmé.
Il n'existe pas de contestation sur le montant de la somme restant due, qui correspond au montant de la facture du 31 janvier 1999 moins les acomptes. Il y a lieu, dès lors, de l'inscrire au passif de la SCI La Rive, ainsi que les intérêts au taux légal entre le 10 juillet 2000, date de la mise en demeure, et le 6 décembre 2002, date du jugement de liquidation judiciaire » ;
Alors, d'une part, que quelle que soit la qualification du marché, il est nécessaire de constater que des travaux supplémentaires dont l'entrepreneur demande le paiement ont été soit commandés par le maître de l'ouvrage avant leur réalisation, soit acceptés sans équivoque après leur exécution et qu'il soit d'accord sur leur prix ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que le contrat ne prévoyait pas un marché à forfait ni d'engagement ferme et définitif sur le montant des travaux ni de clause obligeant le maître d'oeuvre à faire précéder les travaux supplémentaires d'un accord écrit du maître de l'ouvrage, de sorte qu'il serait possible de déduire l'acceptation desdits travaux de la participation du maître de l'ouvrage aux réunions de chantier et de son silence lors de la réception globale de l'ouvrage le 25 janvier 1999, quand elle devait pourtant constater que les travaux supplémentaires avaient été commandés par le maître de l'ouvrage avant leur réalisation ou acceptés sans équivoque après leur exécution, en toute connaissance de leur prix, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Alors d'autre part que nul ne peut se constituer de preuve à soimême ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a déduit des devis établis par le seul entrepreneur et non acceptés par le maître de l'ouvrage que les travaux supplémentaires étaient chiffrés à la somme de 29014 € et que le montant de l'impayé était de 51 721,10 €, ce qui signifiait que la demande de la société HEUDE portait également sur des travaux envisagés dès l'origine du projet ; qu'en déduisant un accord de volonté sur certains travaux des seuls documents établis par l'entrepreneur, la Cour d'appel a violé le principe susvisé et partant l'article 1315 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire ;
Aux motifs que « la société HEUDE ayant obtenu satisfaction en sa demande, il n'y a pas lieu d'ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire, comme le demande le mandataire liquidateur » ;
Alors que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué du chef du premier moyen doit entraîner la censure corrélative de l'arrêt ayant dit n'y avoir lieu à la mainlevée de l'hypothèque judiciaire conservatoire, à raison du lien de dépendance nécessaire.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'exposant de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société ARCHILIGNE ;
Aux motifs que « il a été établi que le gérant de la SCI LA RIVE a bien commandé l'ensemble des travaux qui ont été exécutés par la société HEUDE et les a acceptés sans réserve le 29 janvier 1999.
Leur coût final est donc la conséquence des demandes du maître de l'ouvrage et non des manquements de l'architecte relevés plus haut » ;
Et que « Monsieur Z... est bien fondé à rappeler qu'aux termes de l'article 2.2. du contrat du 19 -mars 1998, l'architecte s'engageait, au stade de l'avant-projet sommaire, à "établir une estimation provisionnelle du coût prévisionnel des travaux sur la base d'un descriptif sommaire", l'estimation devant être à plus ou moins 20 % et, au stade de l'avant-projet définitif, "l'estimation définitive du coût prévisionnel des travaux décomposés en lots séparés", l'estimation devant être de plus ou moins 10 %.
La société Archiligne ne justifie pas avoir établi ces documents et ne le prétend même pas.
Elle invoque le fait que les marchés signés sont d'un montant inférieur à la somme figurant au contrat alors que c'est de son fait si tous les marchés n'ont pas été signés. Elle se retranche derrière le fait que certains marchés ont été signés par l'association D'Art Production pour prétendre qu'ils n'entraient pas dans l'enveloppe alors que ces marchés visaient à l'aménagement de la salle de spectacles et qu'elle ne pouvait ignorer les différentes qualités de monsieur X....
Elle indique avoir prévenu ce dernier du dépassement de travaux par un courrier du 23 décembre 1998 alors que leur réception était prévue pour le mois suivant et que, d'après les comptes-rendus de chantier, tous les travaux étaient engagés et sur le point d'être achevés. En outre, aucune pièce ne permet de savoir par rapport à quelle somme elle a calculé le montant des travaux supplémentaires qu'elle évoque dans ce courrier.
Elle se prévaut de l'envoi régulier des certificats de paiement au gérant de la SCI La Rive mais ce n'est que le 20 juillet 1999 qu'elle lui a envoyé le dernier certificat qui faisait apparaître le montant définitif des travaux de gros oeuvre et qui, de plus, comportait une erreur sur le montant des acomptes.
Enfin, elle n'a fait signer aucun devis de la société Heude par le maître de l'ouvrage ni aucun marché alors qu'elle était chargée de la direction de l'exécution des travaux et qu'en sa qualité d'architecte, elle ne pouvait ignorer que de tels documents sont, en principe, signés avant le démarrage des travaux.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Archiligne a commis des manquements à ses obligations contractuelles en ne faisant pas signer de documents contractuels avec la société Heude et en n'établissant pas de coût prévisionnel des travaux au stade de l'avant-projet » ;
Alors, d'une part, que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué du chef du premier moyen doit entraîner la censure corrélative de l'arrêt ayant débouté l'exposant de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société ARCHILIGNE, à raison du lien de dépendance nécessaire ;
Alors, d'autre part, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motivation ; qu'en l'espèce, en considérant tout à la fois que l'architecte n'avait fait signer aucun devis de la société HEUDE par le maître de l'ouvrage ni aucun marché et avait ainsi commis des manquements à ses obligations contractuelles et que le coût final des travaux était la conséquence des demandes du maître de l'ouvrage et non des manquements de l'architecte, les juges d'appel ont entaché leur décision d'une contradiction en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la demande de garantie de l'exposant à seulement 10 % du montant de la créance, soit la somme de 5172 euros ;
Aux motifs que « Monsieur Z... est bien fondé à rappeler qu'aux termes de l'article 2.2. du contrat du 19 -mars 1998, l'architecte s'engageait, au stade de l'avant-projet sommaire, à "établir une estimation provisionnelle du coût prévisionnel des travaux sur la base d'un descriptif sommaire", l'estimation devant être à plus ou moins 20 % et, au stade de l'avant-projet définitif, "l'estimation définitive du coût prévisionnel des travaux décomposés en lots séparés", l'estimation devant être de plus ou moins 10 %.
La société Archiligne ne justifie pas avoir établi ces documents et ne le prétend même pas.
Elle invoque le fait que les marchés signés sont d'un montant inférieur à la somme figurant au contrat alors que c'est de son fait si tous les marchés n'ont pas été signés. Elle se retranche derrière le fait que certains marchés ont été signés par l'association D'Art Production pour prétendre qu'ils n'entraient pas dans l'enveloppe alors que ces marchés visaient à l'aménagement de la salle de spectacles et qu'elle ne pouvait ignorer les différentes qualités de monsieur X....
Elle indique avoir prévenu ce dernier du dépassement de travaux par un courrier du 23 décembre 1998 alors que leur réception était prévue pour le mois suivant et que, d'après les comptes-rendus de chantier, tous les travaux étaient engagés et sur le point d'être achevés. En outre, aucune pièce ne permet de savoir par rapport à quelle somme elle a calculé le montant des travaux supplémentaires qu'elle évoque dans ce courrier.
Elle se prévaut de l'envoi régulier des certificats de paiement au gérant de la SCI La Rive mais ce n'est que le 20 juillet 1999 qu'elle lui a envoyé le dernier certificat qui faisait apparaître le montant définitif des travaux de gros oeuvre et qui, de plus, comportait une erreur sur le montant des acomptes.
Enfin, elle n'a fait signer aucun devis de la société Heude par le maître de l'ouvrage ni aucun marché alors qu'elle était chargée de la direction de l'exécution des travaux et qu'en sa qualité d'architecte, elle ne pouvait ignorer que de tels documents sont, en principe, signés avant le démarrage des travaux.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Archiligne a commis des manquements à ses obligations contractuelles en ne faisant pas signer de documents contractuels avec la société Heude et en n'établissant pas de coût prévisionnel des travaux au stade de l'avant-projet.
Il convient de faire droit à la demande de garantie à hauteur de 10 % du montant de la créance, soit la somme de 5 172 euros. Le jugement sera donc également infirmé de ce chef » ;
Alors que la détermination de la part contributive du cocontractant appelé en garantie dépend du rôle plus ou moins causal qu'a eu son fait dans la réalisation du dommage ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la société maître d'oeuvre n'avait fait signer aucun devis de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage ni aucun marché alors qu'elle était chargée de la direction de l'exécution des travaux et qu'elle n'avait pas établi de coût provisionnel des travaux au stade de l'avant-projet ; que dès lors, en considérant arbitrairement qu'il convenait de faire droit à la de demande de garantie à hauteur de 10 % du montant de la créance, sans rechercher le rôle causal des fautes commises dans réalisation du dommage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-12265
Date de la décision : 11/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 15 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 jan. 2011, pourvoi n°10-12265


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.12265
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