LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois H 09-68.237, G 09-68.238 et J 09-68.239 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués que Mmes X..., Y... et Z... ont été engagées respectivement les 1er septembre, 20 septembre 1999 et 20 septembre 2003 en qualité d'enseignantes par la société DPH Supdemod, établissement d'enseignement supérieur privé hors contrat ; qu'elles ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes à titre de complément de congés payés et de jours fériés en application d'un accord de branche du 3 avril 2001, étendu le 24 juillet 2002 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les établissements d'enseignement privé hors contrat ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 3B1, 3B2 et 3L de l'accord de branche du 3 avril 2001 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail dans l'enseignement privé hors contrat, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes, que les partenaires sociaux ont mis en place dans les établissements d'enseignement privé hors contrat, dans le cadre de la réduction du temps de travail de 39 heures à 35 heures, une modulation du temps de travail des personnels enseignants, sur la base d'un horaire annualisé de 1 534 heures correspondant à une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures sur l'année en tenant compte de trente-six jours ouvrables de congés payés, de neuf jours fériés légaux et de cinq jours de congés conventionnels ; que les salariés bénéficient d'une rémunération mensuelle lissée sur l'année sur la base d'un taux horaire incluant la rémunération des congés payés ;
Attendu que pour débouter les salariées de leur demande en paiement d'un rappel d'indemnité de congés payés, les arrêts retiennent que l'accord n'avait pas vocation à instituer au profit des salariés une sixième semaine de congés payés préexistante à l'accord et que le lissage de la rémunération forfaitaire avait nécessairement pris en compte la durée des congés ; que les salariées ne contestaient d'ailleurs nullement que chaque année leur rémunération était fixée de manière forfaitaire en incluant les congés payés ;
Qu'en se déterminant ainsi, en s'abstenant de rechercher quelles étaient au sein de l'établissement, avant l'entrée en vigueur de l'accord, les modalités de détermination des heures d'activité et la durée des congés payés des enseignants ainsi que la définition du taux horaire, afin d'établir une comparaison avec celles prévues par l'accord litigieux et analyser les conséquences de la réduction du temps de travail tant sur la durée théorique des congés payés que sur la rémunération du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le second moyen :
Vu les articles 3B1, 3B2, 3BL et 7 de l'accord de branche du 3 avril 2001 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail dans l'enseignement privé hors contrat, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les enseignants bénéficient, d'une part, de cinq jours de congés supplémentaires conventionnels et d'autre part, de neuf jours fériés chômés qui lorsqu'ils interviennent un jour normalement travaillé ne peuvent être la cause d'une réduction de la rémunération ni donner lieu à récupération ; que la rémunération annuelle, permettant de déterminer le taux horaire, doit nécessairement inclure les jours fériés chômés légaux et conventionnels et les jours de congés supplémentaires conventionnels ;
Attendu que pour débouter les salariées de leur demande en paiement de rappel de salaire au titre des jours fériés et jours de "ponts" correspondant aux congés supplémentaires, les arrêts énoncent que la combinaison des dispositions légales et conventionnelles ajoutées à l'interprétation faite par la commission de suivi de l'accord de branche et à l'avis de l'un des signataires de l'accord convergent pour constater que les salariés enseignants ne subissent aucune baisse de leur rémunération définie contractuellement en début d'année scolaire, dans le cadre d'un forfait global annuel, tant au niveau du nombre d'heures de cours qu'en ce qui concerne le taux horaire, la rémunération devant nécessairement tenir compte des jours fériés ; que les salariées ne démontrent nullement que la prise en compte de ces derniers dans le taux négocié de leur rémunération n'a pas eu lieu, les salariées ne pouvant écarter la définition annuelle conventionnelle du temps de travail ; qu'il en va de même pour les ponts accordés aux élèves, définis en début d'année scolaire, qui n'affectent pas le volume annuel d'heures de cours à partir duquel la rémunération a été lissée ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher concrètement, comme il lui était demandé si, lors de la répartition du volume d'heures de cours sur l'année et de la détermination de la rémunération annuelle, les jours fériés intervenant un jour normalement travaillé et les jours de congés supplémentaires étaient décomptés au nombre des heures travaillées ou étaient compensés par des jours de repos payés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société DPH Supdemod aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société DPH Supdemod à payer à Mmes Y..., X... et Z... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille onze et signé par Mme Piquot, greffier de chambre, présente lors du prononcé.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens communs produits aux pourvois n°s H 09-68.237, G 09-68.238 et J 09-68.239 par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour Mmes Y..., X... et Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité de congés payés relatif à la sixième semaine de congés payés ;
AUX MOTIFS QU'il ressort de l'accord de branche du 3 avril 2001 conclu dans le secteur de l'enseignement privé hors contrat, étendu par arrêté du 24 juillet 2002, applicable à compter du 1er janvier 2003, dans le cadre de la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, que les congés des enseignants sont abordés aux termes de trois articles du titre I ; que l'article 3 B 1) qui donne une définition du temps plein dispose que : "l'horaire annualisé a été calculé conformément aux dispositions légales, sur une année et par semaine travaillée, en soustrayant de l'ensemble des semaines théoriquement travaillées dans les entreprises du secteur, 6 semaines de congés payés ainsi que 9 jours fériés. A ces jours de congés payés s'ajoutent cinq jours ouvrés de congés mobiles conventionnels répartis à l'initiative de l'employeur, après consultation des représentants du personnel et pris en cours d'année. Dans les entreprises accordant plus de six semaines de congés préalablement au présent accord, le bénéfice des 5 jours ci-dessus ne pourra conduire à des congés supérieurs à l'existant" ; que l'article 3 B 2) qui traite des périodes de congés et du "bloc estival" dispose que : "Il est institué un "bloc estival" de 6 semaines. Ce bloc se compose de 5 semaines de congés payés et d'une semaine de temps de recherche, de préparations fondamentales ou déformation. Dans ce dernier cas, cette semaine sera récupérée. De même en cours d'année, les enseignants disposent d'une semaine de congés payés et de deux semaines sans présence obligatoire dans l'établissement. Le début du "bloc estival" et les semaines sans présence obligatoire (sauf réunion de prérentrée) sont fixés au niveau de l'entreprise, après consultation des représentants du personnel. Le planning des périodes d'enseignement est communiqué en début d'année scolaire" ; que l'article 3 B L) qui apporte une définition du taux horaire de cours et des congés payés dispose que : "Pour la rémunération des heures d'activité de cours normales, complémentaires ou supplémentaires ainsi que pour les retenues pour absence, le taux horaire sera déterminé en divisant la rémunération annuelle de l'enseignant par le nombre d'heures d'activité de cours figurant sur le contrat de travail. Le taux horaire ainsi obtenu rémunère aussi bien l'activité de cours que les activités forfaitaires induites générées par celles-ci. Ce taux horaire inclut la rémunération des congés payés prévus par le présent accord. Ce taux est le taux de référence pour le calcul des taux majorés ou minorés" ; qu'il importe donc de déterminer si comme le soutient la salariée, l'accord invoqué a eu pour effet d'octroyer aux enseignants du secteur de l'enseignement privé hors contrat, une sixième semaine de congés payés et dans cette hypothèse de dire si cette 6ème semaine supplémentaire doit avoir une incidence sur le taux horaire de rémunération ou si comme le prétend l'employeur, l'accord n'avait vocation qu'à définir les modalités de l'annualisation du temps de travail en qualifiant les différentes périodes de l'année par rapport à un décompte représentatif du temps plein ; qu'il ressort des dispositions susvisées que les salariés de l'enseignement privé bénéficient d'une répartition particulière de leur temps de travail au cours de l'année en raison du rythme scolaire annuel et des nombreuses périodes de congés qu'il comprend ; que le temps de travail est déterminé en fonction du nombre d'heures de cours dispensés auquel s'ajoute un nombre proportionnel d'heures induites correspondant au temps de préparation ; que les périodes de congés payés sont rémunérées dans le cadre d'une annualisation définissant les périodes de présence, les semaines sans présence obligatoire et les congés payés ; que l'article 3 B 1) susvisé de l'accord de branche invoqué, qui a pour effet de donner une définition du temps plein dans le cadre d'un horaire annualisé comportant désormais une durée du travail légale réduite à 35 heures au lieu de 39 heures, n'a nullement pour effet d'instituer au bénéfice des salariés concernés une semaine de congés payés supplémentaire ; qu'il se limite en effet à décrire la méthode de calcul du temps plein en reprenant le décompte des semaines travaillées, des congés payés (6 semaines), des jours fériés et des jours de congés mobiles conventionnels ; que la simple référence aux droits préexistants faite par l'article en cause qui indique que "dans les entreprises accordant plus de 6 semaines de congés préalablement au présent accord,..." suffit d'ailleurs à confirmer que les 6 semaines de congés payés sont préexistantes à l'accord, le lissage de la rémunération forfaitaire ayant donc nécessairement pris en compte cette durée ; que (la salariée) ne conteste d'ailleurs nullement que chaque année sa rémunération était fixée de manière forfaitaire en incluant les congés payés ; qu'il convient donc de débouter cette dernière de ses demandes de ce chef et de réformer en ce sens la décision rendue par les premiers juges ;
ALORS QUE les partenaires sociaux ont mis en place dans les établissements d'enseignement privé hors contrat, dans le cadre de la réduction du temps de travail de 39 heures à 35 heures, une modulation du temps de travail des personnels enseignants, sur la base d'un horaire annualisé de 1534 heures correspondant à une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures sur quarante-quatre semaines en tenant compte de trente-six jours ouvrables de congés payés, de neuf jours fériés légaux et de cinq jours de congés conventionnels ; que les salariés bénéficient d'une rémunération mensuelle lissée sur l'année sur la base d'un taux horaire incluant la rémunération des congés payés ; qu'en déboutant la salariée de sa demande en retenant seulement que l'accord n'a nullement pour effet d'instituer au bénéfice des salariés concernés une semaine de congés payés supplémentaire sans rechercher quelles étaient, avant l'entrée en vigueur de l'accord, les modalités de détermination des heures d'activité et la durée des congés payés des enseignants ainsi que la définition du taux horaire, afin d'établir une comparaison avec celles prévus par l'accord et analyser les conséquences de la réduction du temps de travail tant sur la durée théorique des congés payés que sur la rémunération du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3B1, 3B2 et 3L de l'accord de branche du 3 avril 2001 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail dans l'enseignement privé hors contrat, ensemble l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour les jours fériés et les ponts ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 3133-1 du Code du travail, la loi énumère de façon limitative la liste des jours fériés ; à l'exception du 1er mai, jour férié obligatoirement chômé et payé, ces jours peuvent être travaillés, sans majoration de salaire sauf disposition conventionnelle plus favorable ; s'ils ne sont pas travaillés, ils ne peuvent cependant donner lieu à récupération contrairement aux jours de "pont", entraînant le chômage d'un jour ouvrable précédent ou suivant le jour férié ; que l'article 6 de l'accord de branche instaure un lissage de la rémunération égale au montant de la rémunération due à un enseignant employé à temps complet, divisé par le nombre d'heures d'activité de cours fixé à l'accord, multiplié par le nombre d'heures prévues au contrat du salarié et divisé par 12 ; que selon avis de la commission de suivi de l'accord de branche donné le 28 avril 2004, "la rémunération annuelle servant de référence tant aux salariés à temps plein qu'aux salariés à temps partiel doit inclure, conformément au paragraphe B) de l'article 3 précité : - les heures de cours proprement dites, - les heures correspondant forfaitairement aux tâches induites, - ainsi que les congés annuels, les jours fériés légaux et conventionnels et les jours de congés conventionnels, soit 1,820 heures par an dont 1.534 heures pour les cours et les tâches induites" ; que la réponse apportée le 16 mai 2006 par le président de la Fédération Française de l'enseignement privé, organisation patronale signataire de l'accord de branche, à l'un de ses adhérents qui l'interrogeait en matière de congés payés, indique : "Impact des congés payés : c) soit le taux horaire de cours est négocié "tout inclus " (comme c'est l'usage dans notre secteur), à savoir cours + temps de préparation, de correction, (= tâches induites) + congés payés + j fériés et dans ce cas l'accord national n'a aucune incidence sur la rémunération ; d) soit (+ rare sauf parfois sur Paris) il est négocié hors congés payés et dans ce cas il faut rajouter 12 % (au lieu de 10)" ; que la combinaison des dispositions légales et conventionnelles susvisées ajoutées à l'interprétation faite par la commission de suivi de l'accord de branche et à l'avis de l'un des signataire de l'accord convergent pour constater que les salariés enseignants ne subissent aucune baisse de leur rémunération définie contractuellement en début d'année scolaire, dans le cadre d'un forfait global annuel, tant au niveau du nombre d'heures de cours qu'en ce qui concerne le taux horaire, rémunération devant nécessairement tenir compte des jours fériés ; que (la salariée) ne démontre nullement que la prise en compte de ces derniers dans le taux négocié de sa rémunération n'a pas eu lieu, la salariée ne pouvant écarter la définition annuelle conventionnelle du temps de travail ; qu'il en va de même pour les ponts accordés aux élèves, définis en début d'année scolaire, qui n'affectent pas le volume annuel d'heures de cours à partir duquel la rémunération a été lissée ; qu'il convient encore en conséquence, de réformer le jugement critiqué pour débouter (la salariée) de ses demandes à ce titre ;
ALORS QUE le salarié bénéficie conventionnellement de neuf jours fériés qui s'ils interviennent un jour normalement travaillé ne peuvent être la cause d'une réduction de la rémunération et ainsi que de jours de ponts rémunérés s'ils sont accordés par l'employeur utilisant le quota des cinq jours ouvrés de congés mobiles conventionnels ; qu'en se retranchant derrière le principe du lissage de la rémunération prévu par l'accord de branche sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, la méthode de détermination de la rémunération lissée de la salariée afin de déterminer si l'employeur avait permis effectivement la rémunération des jours fériés et de pont, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 7 de l'accord de branche du 3 avril 2001 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail dans l'enseignement privé hors contrat, ensemble l'article L 3133-3 du Code du travail.