La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/01/2011 | FRANCE | N°09-42805

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 janvier 2011, 09-42805


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A...
X..., salariée de la société Samsic II qui l'employait en qualité d'agent d'entretien a sollicité de son employeur par lettre du 14 octobre 2005 la résiliation de son contrat de travail à raison de faits de harcèlement moral et l'a assigné aux mêmes fins devant le conseil de prud'hommes, lequel l'a, par un jugement du 5 juillet 2

007, déboutée de toutes ses demandes ; que la salariée ayant été déclarée inapte à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A...
X..., salariée de la société Samsic II qui l'employait en qualité d'agent d'entretien a sollicité de son employeur par lettre du 14 octobre 2005 la résiliation de son contrat de travail à raison de faits de harcèlement moral et l'a assigné aux mêmes fins devant le conseil de prud'hommes, lequel l'a, par un jugement du 5 juillet 2007, déboutée de toutes ses demandes ; que la salariée ayant été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise et en situation de danger immédiat, elle a été licenciée par l'employeur par lettre du 26 septembre 2007, en raison de l'impossibilité de la reclasser ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient qu'elle n'établit pas que les cinq convocations à un entretien préalable de licenciement, reçues en un an, auraient été injustifiées ou organisées sciemment dans le but de la déstabiliser, ni ne démontre, malgré les arrêts de travail liés à un surmenage professionnel ayant entraîné un syndrome anxio-dépressif réactionnel, l'existence de problèmes psychologiques graves en relation directe avec le harcèlement moral subi sur son lieu de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée apportait des éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral et qu'il appartenait dès lors à l'employeur de prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Toulouse ;

Condamne la société Samsic II aux dépens ;

Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamne à payer à la SCP Nicolaÿ-de Lanouvelle et Hannotin la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme A...
X....

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Georgette Y..., salariée, de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral au travail ;

AUX MOTIFS QUE par application de l'article L 1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié … pour avoir subi ou refusé de subir les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. En cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-4, dès lors que le salarié établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; que Madame Y...énumère un certain nombre de faits constitutifs selon elle de pressions caractérisant l'existence d'un harcèlement moral, qu'il convient d'examiner successivement : qu'en ce qui concerne les entretiens préalables, Madame Y...a été convoquée à cinq reprises sur une période d'un an à des entretiens préalables à une éventuelle mesure de licenciement mais qu'aucun n'a été mené à son terme ; qu'à la suite de l'entretien du 11 août 2004, Madame Y...se voyait notifier un avertissement qu'elle contestait mais dont elle ne demandait pas l'annulation concernant son comportement irrespectueux envers la responsable du site, la non-exécution des tâches planifiées et l'utilisation d'un poste de radio durant les heures de travail ; qu'à la suite de l'entretien du 6 juin, faisant suite au refus de la salariée de porter sa tenue de travail durant ses heures d'activité, aucune sanction n'était prise, Madame Y...ayant pris l'engagement, à la suite de l'entretien, de porter désormais son vêtement professionnel ; que les autres entretiens ne donnaient suite à aucune sanction disciplinaire, que ces entretiens n'ont donc été que peu suivis d'effets et leur caractère disciplinaire peut être considéré comme mesuré ; qu'en réalité, ces entretiens s'inscrivent dans une situation conflictuelle entre le salarié et son employeur, mais ne démontrent pas l'existence d'un harcèlement moral, Madame Y...n'établissant à aucun moment qu'ils auraient été injustifiés ou organisés sciemment par la direction dans le seul but de tenter de la déstabiliser ; que si Madame Y...soutient qu'elle aurait été victime, lors de ces entretiens de « provocations » de la part de son employeur qui aurait ainsi espéré obtenir sa démission, elle n'en rapporte pas la preuve alors qu'elle avait pourtant la possibilité de se faire assister lors de ces entretiens et ne relate à aucun moment, ni dans ses multiples courriers adressés à la direction de la SA SAMSIC ni devant la cour d'appel les propos qui lui auraient été tenus et qui auraient constitué les « provocations » alléguées ; que dès lors, ces convocations, qui n'étaient que l'expression de la traduction du pouvoir disciplinaire de l'employeur, dans le cadre d'un climat dégradé entre une salariée et son employeur, ne sauraient caractériser une présomption de harcèlement moral ; qu'en ce qui concerne les échanges de courriers, la salariée estime que son employeur lui adressait de nombreux courriers à des moments bien spécifiques, lorsqu'elle était en particulier en « difficulté personnelle », dans le seul but, selon elle, d'accentuer son désarroi ; que le nombre de courriers échangés entre la salariée et son employeur, s'il est effectivement conséquent, ne caractérise pas, par son nombre seul, l'existence d'un harcèlement ; qu'en revanche, la duplication de certaines lettres de l'employeur peut se justifier par l'absence de réponse de la salariée et la difficulté de la joindre sur son lieu de travail ; qu'à cet effet, il peut être rappelé que Madame Y...n'aura travaillé que 15 jours en 2003 pour la SA SAMSIC, et 3 mois 3 semaines seulement en 2005 ; que dans ces conditions, l'affirmation selon laquelle la Société SAMSIC aurait choisi les moments d'envoi de ses courriers en fonction des difficultés personnelles de sa salariée n'est justifiée par aucun élément du dossier et reviendrait d'ailleurs à démontrer que l'employeur avait une parfaite connaissance de la vie privée de sa salariée, ce qui n'est ni soutenu ni même allégué par l'appelante ; que la société justifiant pour sa part de la nécessité de communiquer avec une salariée souvent absente, l'existence de nombreux courriers de rappels à l'ordre ou de nature administrative ne saurait davantage caractériser l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en ce qui concerne les avenants au contrat de travail, Madame Y...considère que les demandes faites par son employeur de signer des avenants à son contrat de travail seraient abusives et constitutives de harcèlement moral dans la mesure où la direction ne lui laissait pas le temps de réfléchir à ces documents et profitait de sa mauvaise connaissance de la langue française ; qu'il résulte toutefois là encore du dossier que Madame Y...habite en France depuis plus de 8 ans, dispose de la nationalité française et est originaire d'un pays (la République Centrafricaine) dont la langue officielle est le français ; qu'il est également évident, au vu des documents versés aux débats que la salariée disposait sinon personnellement, du moins dans son entourage, de personnes ayant une connaissance indiscutable du droit du travail, susceptibles de la conseiller et de l'aider de façon pertinente dans ses démarches tant administratives que professionnelles ainsi qu'en témoignent certaines des lettre recommandées adressées à son employeur et faisant fréquemment référence à des articles précis du Code du travail ; que de même, la référence à l'Inspection du travail dans les courriers de Madame Y...est fréquente et démontre qu'elle n'ignorait nullement qu'elle pouvait faire appel à ce représentant de l'administration en cas de litige avec son employeur, pour éventuellement contrôler avec ce professionnel la validité des avenants de son contrat de travail ; que dans ces conditions, la nécessité de parfois présenter des avenants à Madame Y...sur son lieu de travail se déduit assez naturellement des nombreuses absences de la salariée, des changements d'affectation de cette dernière lors de ses retours de congés ou d'arrêts de travail et plus généralement illustre les difficultés de fonctionnement d'une société ayant activité sur différents sites et devant faire face à une importante mobilité de son personnel en corrélation avec la perte ou l'acquisition de marchés et de sites de nettoyage ; que dès lors, l'argumentation de la société apparaît plausible et n'est contredite par aucun élément du dossier ; qu'en ce qui concerne le lien de causalité entre l'état de santé de Madame Y...et sa situation de travail, le dossier révèle, certes, l'existence d'arrêts de travail liés à un surmenage professionnel ayant entraîné un syndrome anxio-dépressif réactionnel, que d'autres arrêts de travail sont justifiés par des lombalgies à l'effort ; que Madame Y...ne verse aux débats aucun certificat médical autre que contenant des prescriptions médicamenteuses dont la plupart sont des anti-douleurs (Doliprane, Advil, etc.) ; qu'il résulte d'ailleurs de la lecture de ces prescriptions qu'elles sont uniquement destinées à combattre des migraines persistantes et des douleurs musculaires ; que s'il est exact que le médecin traitant de Madame Y...indique bien qu'il a pu constater chez sa patiente un état dépressif en réaction avec un harcèlement moral qu'elle subirait dans son cadre professionnel, il ne fait que retranscrire les propos de cette dernière et n'est pas à même de porter une appréciation sur les réelles conditions de travail de Madame Y...sur son lieu de travail ; qu'en revanche, il résulte des pièces versées aux débats que, sur 15 ordonnances prescrites à la salariée en 2005 et 2006, 11 contenaient des antalgiques et des traitements pour des migraines, d'autres prévoient également du magnésium ou des huiles essentielles, mais aucun ne prescrit de médicaments destinés à soigner une dépression sévère, ou même un état dépressif passager ; qu'il en résulte que l'existence de problèmes psychologiques graves en relation directe avec le harcèlement moral subi sur le lieu de son travail n'est nullement démontrée par Madame Y...; qu'en ce qui concerne les demandes de congés refusées, Madame Y...estime que « pratiquement et systématiquement » ses demandes de congés étaient refusées ; qu'au vu du dossier, cette affirmation n'est nullement fondée ; qu'un seul refus ayant été opposé par la société à une demande de la salariée, formulée le veille du congé sollicité, au mois de mai 2004 ; qu'en ce qui concerne les attestations versées aux débats, elles témoignent d'une vie difficile et d'une dégradation progressive de l'état de santé de Madame Y...; qu'il est toutefois délicat pour ces personnes de faire la part des difficultés rencontrées par Madame Y...dans sa vie personnelle, dont elle admet la réalité, et dans sa vie professionnelle, qu'en tout état de cause et sans mettre en doute la bonne foi de ces témoignages, ils ne font que rapporter les propos tenus par Madame Y..., ne relatent aucun fait précis et ne font référence à aucun évènement dont ils auraient été personnellement témoins ; qu'ils ne peuvent dès lors fonder la preuve de comportements à caractère de harcèlement moral pouvant être reprochés à l'employeur, qu'au vu de ce qui précède, il ne résulte pas de l'examen ci-dessus effectué des faits que l'inaptitude totale constatée par le médecin du travail lors de la visite du 13 septembre 2007 soit liée à des faits de harcèlement moral ;

1°) ALORS QUE lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L 1152-1 du Code du travail et que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel a constaté que la salariée avait, dans un contexte relationnel conflictuel et dégradé, marqué par de nombreux échanges de correspondances et de fréquents changements de lieu de travail, été convoquée à cinq entretiens préalables à d'éventuels licenciements sur une période d'un an, entretiens « peu suivis d'effets » ; que la cour d'appel ayant ainsi constaté l'existence de faits qui, par leur répétition, laissaient présumer une situation de harcèlement, a néanmoins réservé à la salariée la charge de la preuve du harcèlement, a violé l'article L 1154-1 du Code du travail, ensemble les dispositions précitées ;

2°) ALORS QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la cour d'appel qui a rejeté la demande d'une salariée au seul motif de l'absence de preuve de relation entre l'état de santé et la dégradation des conditions de travail a violé l'article L 1154-1 du Code du travail, applicable à l'article L 1152-1 en matière de harcèlement moral ;

3°) ALORS QUE les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en disant non caractéristique d'un harcèlement moral le fait de contraindre une salariée à signer des avenants à son contrat de travail sans aucune période de réflexion, sans répondre à ses conclusions rappelant qu'elle ne savait pas lire (page 5, 2-, 2ème § et page 6, 3-), la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, et a violé en conséquence l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42805
Date de la décision : 06/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jan. 2011, pourvoi n°09-42805


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42805
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award