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06/01/2011 | FRANCE | N°09-14505

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 janvier 2011, 09-14505


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses trois premières branches :
Attendu que revendiquant la titularité des droits d'auteur sur deux modèles de jupes qu'elle commercialise sous son nom, et prétendant que ces modèles avaient été créés par sa styliste, Mme X..., et fabriqués, sur les instructions de celle-ci, en Chine, par la société Jiangsu Soho international, la société Anitsa a, par acte du 9 février 2006, assigné la société Fashion B. Air, en contrefaçon et en concurrence déloyale, lui reproc

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses trois premières branches :
Attendu que revendiquant la titularité des droits d'auteur sur deux modèles de jupes qu'elle commercialise sous son nom, et prétendant que ces modèles avaient été créés par sa styliste, Mme X..., et fabriqués, sur les instructions de celle-ci, en Chine, par la société Jiangsu Soho international, la société Anitsa a, par acte du 9 février 2006, assigné la société Fashion B. Air, en contrefaçon et en concurrence déloyale, lui reprochant d'avoir mis sur le marché des modèles reproduisant les caractéristiques des siens ;
Attendu que la société Anitsa et Mme X... reprochent à l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2009) de les avoir déclarées irrecevables à agir en contrefaçon et d'avoir rejeté leurs demandes alors, selon le moyen :
1°/ que l'entreprise qui exploite une œuvre est présumée être titulaire des droits d'auteur sur cette œuvre ; qu'en écartant la présomption, sans constater que la société Anitsa n'exploitait pas les modèles, les juges du fond ont violé les articles L. 111-1 et L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que la seule allégation du défendeur qu'il se soit approvisionné chez le même fournisseur ou qu'il ait été en possession de marchandises provenant du même fournisseur, ne pouvait à elle seule, dès lors qu'il s'agissait d'une simple allégation, faire obstacle à la présomption liée à l'exploitation commerciale de l'œuvre et qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 111-1 et L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ qu'à supposer même qu'ils n'aient pas été en présence d'une simple allégation mais d'un fait établi, la seule possession par la société Fashion B. Air de modèles en provenance d'un fournisseur commun ne pouvait à elle seule faire échec à la présomption qu'invoquait la société Anitsa en tant qu'elle était fondée sur l'exploitation de l'œuvre sauf bien entendu à la société Fashion B. Air, le cas échéant, à renverser la présomption par la preuve que la société Anitsa n'était pas titulaire du droit ; que pour avoir statué comme ils l'ont fait, sur la base d'un motif inopérant, les juges du fond ont de nouveau violé les articles L. 111-1 et L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que la présomption de la titularité des droits d'exploitation dont peut se prévaloir à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon la personne qui commercialise sous son nom un objet protégé par le droit d'auteur, suppose, pour être utilement invoquée, que soit rapportée la preuve d'actes d'exploitation ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les modèles en cause ont été acquis, auprès du même fabricant chinois et à la même époque, par les deux sociétés françaises qui les ont commercialisés concomitamment sur le marché français, sans qu'il soit justifié par l'une d'entre elles d'instructions précises adressées à la société chinoise pour leur fabrication ; que la cour d'appel a pu en déduire que, dans de telles circonstances, la société Anitsa ne pouvait se prévaloir d'actes d'exploitation propres à justifier l'application de la présomption de titularité des droits ; que les griefs ne sont pas fondés ;
Et attendu que la cassation sollicitée par voie de conséquence par la quatrième branche est dès lors sans objet ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi,
Condamne Mme X... et les autres demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X..., la société Anitsa, la SCP Brouard Daudé, ès qualités et la société FHB, ès qualités.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a rejeté les demandes formées au nom et pour le compte de la Société ANITSA et au nom de Mme X... contre la Société FASHION B.AIR fondées sur la contrefaçon et la concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS SUBSTITUES A CEUX DES PREMIERS JUGES S'AGISSANT DE LA CONTREFACON QUE « Madame X... intervient aux côtés de la société Anitsa en qualité d'auteur des modèles référencés « C 15 » et déclare avoir cédé ses droits d'exploitation à la société Anitsa dont elle est la salariée, par contrat en date du 1 juillet 1998 ; que la société Anitsa invoque la présomption de titularité des droits d'auteur attachée à la commercialisation sous son nom des modèles en cause ; que la société Fashion B.Air ne prétend pas être titulaire de droits d'auteur sur ces modèles mais conteste que les appelantes puissent l'être, en affirmant qu'elles se sont bornées à faire fabriquer ces modèles dont elles ont découvert l'existence à une foire de Canton ; que ceci rappelé, la présomption de titularité des droits d'exploitation dont peut se prévaloir à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon, la personne qui commercialise sous son nom et de façon non équivoque un objet de création, n'est qu'une présomption simple qui ne saurait être utilement opposée lorsque le tiers poursuivi prétend, comme en l'espèce, s'être approvisionné chez le même fabricant chinois et avoir été en possession de la marchandise litigieuse avant la société qui le poursuit en contrefaçon ; qu'il convient dès lors d'apprécier en l'espèce si la société Anitsa justifie des droits dont elle se prévaut au vu des documents qu'elle produit ; qu'elle soutient avoir créé dans ses ateliers à une date qui remonterait à 2004, les deux modèles «C-15», version courte et version longue, et verse aux débats divers documents constitués des dessins au crayon non datés avec échantillon de tissu, de fiches techniques incomplètes avec des précisions manuscrites sur les détails de réalisation, portant une date, celle du 1/09/04, et des attestations de ses salariés, outre celle de madame X... partie à l'instance, qui affirment sans autre précision que Madame X... a créé les modèles en cause le 1er septembre 2004 ; qu'aucune de ces pièces n'est cependant susceptible de rapporter la preuve des conditions dans lesquelles cette création serait intervenue ; qu'en effet les attestations proviennent des salariées de la société Anitsa et se limitent à des affirmations de portée générale ; que les fiches dites techniques et dessins au crayon n'ont pas date certaine ; que pas davantage la présence dans un fichier consulté par l'huissier le 12 mai 2006 d'une photographie numérisée de ce modèle ne permet d'en attribuer la création à la société Anitsa ; que les appelantes qui énoncent dans le détail les étapes de la création et de mise en fabrication d'un modèle, se devaient de produire les documents échangés avec la société de fabrication chinoise, et les messages en anglais, qui auraient justifié du suivi de ces étapes et de la nature comme de la portée des instructions données à celle-ci pour définir les caractéristiques techniques des modèles à fabriquer et les exigences à respecter ; qu'à cet égard, force est de constater qu'aucune pièce ne vient rendre compte de tels échanges ; que les seuls documents produits – relevés par procès verbal d'huissier du 12 mai 2006 précité – sont des courriels échangés courant 2005, à partir du mois de mai, entre la société chinoise et la société Anitsa qui font état de la fabrication de divers articles dont les modèles « C-15 », mais ne reflètent pas les instructions qu'un auteur peut donner à son façonnier ;qu'il s'agit de détails (ajouts de paillettes) de fabrication, sans qu'il soit d'ailleurs possible d'identifier dans ces quelques échanges ce qui concerne précisément les modèles en cause ; qu'en conséquence la société Anitsa ne justifie pas des droits d'auteur dont elle se dit investie ; que ses prétentions au titre d'une contrefaçon des modèles « C-15 » ne peut dès lors qu'être rejetée » (arrêt p. 5, § 3 et suivants) ;
ET AUX MOTIFS, S'AGISSANT DE LA CONCURRENCE DELOYALE, QUE « les appelantes incriminent tout à la fois la copie servile de ses modèles avec le même effet de gamme, la qualité prétendument inférieure des articles incriminés et leur vente à vil prix, ainsi que le fait d'intervenir sur le même marché ; que cependant la société Fashion B.Air s'est fournie auprès du même fabricant, la société chinoise Jangsu Soho International, et qu'elle a été livrée à une date qui ne peut être déterminée avec certitude mais qui est concomitante de la date de facturation (le 19 juillet 2005) à la société Asia, laquelle joua un rôle d'intermédiaire dans ces opérations ; que l'intimée justifie ainsi avoir été en possession des articles litigieux à une date très voisine de celle à laquelle la société Anitsa a reçu les siennes ; que ces constatations excluent dès lors qu'elle ait pu procéder à des reproductions serviles des modèles « C-15 » ; que les demandes formées au titre d'une concurrence déloyale et d'un parasitisme commercial sont donc dénuées de fondement »(arrêt p. 6, § 1 à 4) ;
ALORS QUE, premièrement, l'entreprise qui exploite une oeuvre est présumée être titulaire des droits d'auteur sur cette oeuvre ; qu'en écartant la présomption, sans constater que la Société ANITSA n'exploitait pas les modèles, les juges du fond ont violé les articles L.111-1 et L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE, deuxièmement, la seule allégation du défendeur qu'il se soit approvisionné chez le même fournisseur ou qu'il ait été en possession de marchandises provenant du même fournisseur, ne pouvait à elle seule, dès lors qu'il s'agissait d'une simple allégation, faire obstacle à la présomption liée à l'exploitation commerciale de l'oeuvre et qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L.111-1 et L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE, troisièmement, à supposer même qu'ils n'aient pas été en présence d'une simple allégation mais d'un fait établi, la seule possession par la Société FASHION B.AIR de modèles en provenance d'un fournisseur commun ne pouvait à elle seule faire échec à la présomption qu'invoquait la Société ANITSA en tant qu'elle était fondée sur l'exploitation de l'oeuvre sauf bien entendu à la Société FASHION B.AIR, le cas échéant, à renverser la présomption par la preuve que la Société ANITSA n'était pas titulaire du droit ; que pour avoir statué comme ils l'ont fait, sur la base d'un motif inopérant, les juges du fond ont de nouveau violé les articles L.111-1 et L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE, quatrièmement, dès lors que la contrefaçon était à la base de la demande fondée sur la concurrence déloyale, la cassation à intervenir affectera tant le rejet des demandes fondées sur la contrefaçon que le rejet des demandes fondées sur la concurrence déloyale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-14505
Date de la décision : 06/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droit d'auteur - Titulaire - Détermination - Présomption de titularité résultant des actes d'exploitation - Application - Preuve d'actes d'exploitation - Nécessité

La présomption de la titularité des droits d'exploitation dont peut se prévaloir à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon la personne qui commercialise sous son nom un objet protégé par le droit d'auteur, suppose, pour être utilement invoquée, que soit rapportée la preuve d'actes d'exploitation. Ayant relevé que les modèles de jupe en cause avaient été acquis auprès du même fabricant chinois et à la même époque, par deux sociétés françaises qui les avaient commercialisés concomitamment sur le marché français sans qu'il soit justifié par l'une d'entre elles d'instructions précises adressées à la société chinoise pour leur fabrication, une cour d'appel a pu en déduire que dans de telles circonstances, aucun acte d'exploitation propre à justifier l'application de la présomption de titularité des droits ne pouvait être utilement invoqué


Références :

articles L. 111-1 et L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 janvier 2009

Sur la présomption de titularité résultant de l'exploitation de l'oeuvre, à rapprocher :1re Civ., 15 novembre 2010, pourvoi n° 09-66160, Bull. 2010, I, n° 231 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jan. 2011, pourvoi n°09-14505, Bull. civ. 2011, I, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, I, n° 2

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Mellottée
Rapporteur ?: Mme Marais
Avocat(s) : Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.14505
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