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16/12/2010 | FRANCE | N°09-71797

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 décembre 2010, 09-71797


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 octobre 2009), que Mme X... épouse Y..., a été victime, en 1983, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué M. Z..., assuré par la société UAP, aux droits de laquelle se trouve la société Axa France IARD (Axa France) ; qu'elle a été admise au centre hospitalier de Millau puis au CHU de Montpellier, où elle a subi diverses interventions ; qu'ayant été informée, en 1993, de sa contamination par le virus de l'

hépatite C et ayant considéré que cette contamination résultait des transfus...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 octobre 2009), que Mme X... épouse Y..., a été victime, en 1983, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué M. Z..., assuré par la société UAP, aux droits de laquelle se trouve la société Axa France IARD (Axa France) ; qu'elle a été admise au centre hospitalier de Millau puis au CHU de Montpellier, où elle a subi diverses interventions ; qu'ayant été informée, en 1993, de sa contamination par le virus de l'hépatite C et ayant considéré que cette contamination résultait des transfusions qui lui avaient été faites, Mme Y... a obtenu en référé la désignation d'un expert, puis a fait assigner devant un tribunal de grande instance la société Axa France, prise en qualité d'assureur de M. Z... et la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier, pour voir juger que l'accident constituait la cause de sa contamination et pour être indemnisée du préjudice en résultant ; que, par acte du 30 août 2007, Mme Y... a fait assigner aux mêmes fins la société Axa, prise cette fois en qualité d'assureur de l'Etablissement français du sang (l'EFS) ; que les deux procédures ont été jointes ; que la société Axa, agissant en qualité d'assureur tant de M. Z... que de l'EFS a soutenu que seul le tribunal administratif était compétent pour statuer sur les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins ; que le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence, a sursis à statuer, dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative sur la responsabilité de l'EFS qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir et a dit qu'il devra être justifié de cette saisine dans les trois mois de la signification de la décision ; que Mme Y... a relevé appel de l'ordonnance ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative sur la responsabilité de l'EFS, alors, selon le moyen, que les tribunaux de l'ordre judiciaire ne sont tenus de renvoyer aux juridictions administratives l'appréciation d'une responsabilité administrative que si la solution de cette question est nécessaire au règlement au fond du litige dont ils sont compétemment saisis ; que l'issue du litige entre la victime et le responsable de l'accident quant à la réparation intégrale du dommage, en ce compris le préjudice spécifique de contamination, ne dépend pas de l'issue des actions récursoires que l'auteur initial est susceptible d'exercer contre les auteurs d'autres fautes ayant concouru à la réalisation du dommage ; qu'en affirmant néanmoins que l'obligation pour l'auteur initial de réparer le préjudice de contamination ne pouvait être retenue que si, préalablement, l'origine de la contamination et son imputation à l'EFS étaient établies, bien que l'issue du litige relatif à la réparation intégrale du préjudice de Mme X... par l'assureur de M. Z..., responsable de l'accident, n'ait pas dépendu de l'issue des actions récursoires susceptibles d'être exercées par celui-ci contre l'EFS ou le CHU, la cour d'appel a violé les articles 49 et 378 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant rappelé qu'en l'absence de reconnaissance expresse de responsabilité de l'EFS, le juge judiciaire, saisi de l'action directe de la victime contre l'assureur de cet établissement, ne peut se prononcer sur la responsabilité de l'assuré lorsque celle-ci relève de la compétence de la juridiction administrative, ce qui est le cas en application de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005, la cour d'appel en a exactement déduit, par motifs propres et adoptés, qu'il devait être sursis à statuer dans l'instance opposant Mme Y... à l'assureur de l'EFS dans l'attente de la décision de la juridiction administrative ;
Et attendu que c'est dans l'exercice du pouvoir laissé à sa discrétion en vue d'une bonne administration de la justice que la cour d'appel a décidé de surseoir à statuer dans l'instance jointe dirigée contre la société Axa, prise en qualité d'assureur de M. Z... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour Mme Y...

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative sur la responsabilité de l'EFS ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a fait une exacte appréciation de la portée des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 et de ses conséquences en l'espèce ; que cette décision doit être confirmée ; que la cour ajoute que les conclusions de l'expertise de M. Alain A..., désigné en référé, ne sont pas formelles et que cet expert indique que l'appelante a « très vraisemblablement été contaminée par le virus C lors des hospitalisations au centre hospitalier de Millau le 11 novembre 1983 et au CHU de Montpellier du 12 novembre 1983 au 6 janvier 1984 », mais ajoute que « l'enquête transfusionnelle ne permet pas de démontrer que du sang ou des dérivés contaminés par le virus de l'hépatite C ont été transfusés à Mme X... et il n'est pas possible d'éliminer formellement une contamination de nature nosocomiale» ; que l'EFS n'a pas reconnu sa responsabilité ; qu'il existerait donc un risque réel de contrariété de décisions, au cas où le procès se déroulerait parallèlement devant les juridictions judiciaire et administrative, s'il avait été fait droit aux prétentions de l'appelante sur le sursis à statuer, ce qui justifie de plus fort la décision du premier juge ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, Mme X... exerce un double recours en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de sa contamination par le VHC ; que, dans le cadre de l'action directe que lui reconnaît l'article L.124-3 du Code des assurances, elle s'adresse ainsi : - à l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident de la circulation du 11 novembre 1983 lui ayant causé les blessures pour les soins desquelles des produits sanguins lui ont été transfusés ; - à l'assureur du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier qui a fourni ses produits sanguins à l'établissement hospitalier ; que son action suppose, en premier lieu, que soit établie l'existence de la responsabilité ou de l'obligation d'indemnisation de l'assuré en cas de victimes, ainsi que le montant de la créance d'indemnisation de ces dernières, et en second lieu, que soit retenue l'obligation contractuelle de garantie de l'assureur ; que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des demandes dirigées contre l'assureur qui ont trait à l'exécution de son obligation de réparer les dommages en vertu d'un contrat de droit privé ; qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957, il l'est également pour se prononcer sur la responsabilité ou l'obligation d'indemnisation du conducteur d'un véhicule automobile ayant causé un dommage ; qu'en revanche, l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 dispose que : « Les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 14 de la présente ordonnance ou par des organismes dont les droits et obligations ont été transférés à l'Etablissement français du sang en vertu d'une convention conclue en application de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 visée ci-dessus ou dans les conditions fixées au I de l'article 60 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 visée ci-dessus relève de la compétence des juridictions administratives quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages dont il est demandé réparation. Les juridictions judiciaires saisies antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance de demandes pour lesquelles elles étaient compétentes le demeurent après cette entrée en vigueur » ; qu'en vertu de l'article 1er du Code civil, cette ordonnance publiée au Journal officiel du 2 septembre 2005 est entrée en vigueur le lendemain, soit le 3 septembre 2005 ; qu'au 30 août 2007, date de l'assignation délivrée à AXA, en qualité d'assureur de l'EFS, la juridiction judiciaire n'avait donc plus compétence pour se prononcer sur la responsabilité encourue par son assuré, puisque celle-ci ressortit désormais de la seule juridiction administrative ; que, dès lors, en l'absence de reconnaissance expresse de responsabilité de l'EFS et de régime de responsabilité automatique de celui-ci instituée par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, le tribunal ne peut, tant qu'elle n'aura pas été tranchée, examiner si l'assureur doit sa garantie à ce titre ; que, s'agissant du conducteur du véhicule automobile, son obligation n'est, au cours de cette instance, recherchée que pour les préjudices résultant de sa contamination par le VHC qui, elle-même, aurait pour cause directe les soins nécessités par l'accident de la circulation ; qu'elle ne peut donc être retenue que si, préalablement, le régime de la contamination et son imputation à l'EFS sont établis ; qu'en conséquence, il y ait eu de rejeter, en tant que telle, l'exception d'incompétence d'attribution soulevée, mais de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction administrative qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir ;
ALORS QUE les tribunaux de l'ordre judiciaire ne sont tenus de renvoyer aux juridictions administratives l'appréciation d'une responsabilité administrative que si la solution de cette question est nécessaire au règlement au fond du litige dont ils sont compétemment saisis ; que l'issue du litige entre la victime et le responsable de l'accident quant à la réparation intégrale du dommage, en ce compris le préjudice spécifique de contamination, ne dépend pas de l'issue des actions récursoires que l'auteur initial est susceptible d'exercer contre les auteurs d'autres fautes ayant concouru à la réalisation du dommage ; qu'en affirmant néanmoins que l'obligation pour l'auteur initial de réparer le préjudice de contamination ne pouvait être retenue que si, préalablement, l'origine de la contamination et son imputation à l'EFS étaient établies, bien que l'issue du litige relatif à la réparation intégrale du préjudice de Mme X... par l'assureur de M. Z..., responsable de l'accident, n'ait pas dépendu de l'issue des actions récursoires susceptibles d'être exercées par celui-ci contre l'EFS ou le CHU, la cour d'appel a violé les articles 49 et 378 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-71797
Date de la décision : 16/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à la responsabilité de l'Etablissement français du sang

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige relatif à un contrat de droit privé - Cas - Action directe de la victime contre l'assureur du responsable - Distinction avec l'action en responsabilité - Portée ASSURANCE RESPONSABILITE - Action directe de la victime - Compétence - Compétence judiciaire - Etendue - Détermination

Lorsqu'il est saisi de l'action directe de la victime contre l'assureur, le juge judiciaire ne peut se prononcer sur la responsabilité de l'assuré lorsque celle-ci relève de la juridiction administrative et il doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision de cette juridiction. Il en est ainsi de l'action dirigée contre l'assureur de l'Etablissement français du sang, dont l'appréciation de la responsabilité est de la compétence exclusive du juge administratif en application de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics à caractère nationaux, à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine


Références :

article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 octobre 2009

A rapprocher :1re Civ., 23 juin 2010, pourvoi n° 09-14592, Bull. 2010, I, n° 149 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 déc. 2010, pourvoi n°09-71797, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Rapporteur ?: M. Sommer
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.71797
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