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15/12/2010 | FRANCE | N°09-86222

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 décembre 2010, 09-86222


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Gérard X...,- M. Jean-Pierre Y...,- M. Philippe Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 3 juillet 2009, qui, pour concussion, les a condamnés, le premier à six mois d'emprisonnement avec sursis, les deuxième et troisième, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations com

plémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par la sociét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Gérard X...,- M. Jean-Pierre Y...,- M. Philippe Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 3 juillet 2009, qui, pour concussion, les a condamnés, le premier à six mois d'emprisonnement avec sursis, les deuxième et troisième, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, pour M. X..., pris de la violation des articles 6 § 1 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-1, 432-10 du code pénal, 7, 8, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé que la prescription n'était pas acquise, a déclaré M. X... coupable du délit de concussion pour des faits commis entre le 1er juin 1998 et le mois de mai 2003 et a, en conséquence, statué, à l'égard de M. X..., sur la peine et les intérêts civils ;
" aux motifs que les indemnités indues relevées à l'encontre de M. X... ont été perçues mensuellement tout au long des années 1998 à 2003, très exactement du 1er juin 1998 au 31 mai 2003 ; que M. Z... a perçu des indemnités jusqu'au 31 mai 2003, outre des vacations à compter de juin 2003 qui ont perduré jusqu'en 2005 ; que M. Y... a bénéficié de rémunération indues à compter de février 2002 lesquelles ont perduré jusqu'en 2005 ; que lesdites rémunérations ont été mises en place par des mécanismes concertés puisque payées par le même trésorier en faveur de lui-même et de personnes auxquelles il devait rendre des comptes ; que la prescription du délit de concussion résultant, comme en l'espèce, d'opérations indivisibles ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions ou exonérations indûment accordées ; que le parquet ayant saisi la section financière du SPPJ 93 le 5 avril 2006, l'action publique n'est pas éteinte par l'effet de la prescription ; qu'il n'est pas contesté qu'au sein de l'établissement public que constitue la chambre des métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis, M. X..., président de la chambre et en cette qualité ordonnateur des dépenses de celle-ci selon l'article 19 du règlement intérieur, et M. Z..., trésorier de la chambre et comptable de celle-ci en application de l'article 21 du règlement intérieur et par conséquent responsable sur ses deniers personnels, ont la qualité de dépositaires de l'autorité publique ; que M. Y..., secrétaire général de la chambre, ne conteste pas davantage avoir la qualité de chargé d'une mission de service public au sens de l'article 432-10 du code pénal ; s'agissant des infractions reprochées à MM. X... et Z..., que l'article 18 du code de l'artisanat dispose que les fonctions de membres des chambres des métiers et de l'artisanat sont gratuites mais que, toutefois, peuvent être prévus l'attribution d'indemnités de fonction pour le président et les membres du bureau, de vacations pour les autres membres, ainsi que des frais de déplacement et de représentation, leurs modalités d'attribution étant fixées par arrêté du ministre chargé de l'artisanat ; que ces modalités ont été jusqu'en 2001 fixées par arrêté du 5 février 1985 qui précisait que les frais de mandat sont fixés en point d'indice, avec un maximum qui correspondait pour la chambre à 393 point d'indice de référence ; que le 2 juin 2001 a été pris un arrêté modificatif publié au JO le 20 juin 2001 qui précisait que chaque chambre fixe par délibération, en tenant compte de ses possibilités dans des limites maximales précisées, le montant des indemnités versées aux présidents et éventuellement aux autres membres du bureau ; que l'article 32 du règlement intérieur de la chambre précise que les indemnités sont fixées par délibération de l'assemblée générale, après avis de la commission des finances ; que pour la période du 1er juin 1998 au 30 mai 2002, M. X... a perçu des indemnités forfaitaires qualifiées « d'indemnité d'élu » de 22 402 francs par mois, puis de 3 415, 16 euros par mois, en l'absence de tout avis de la commission des finances, de l'assemblée générale de la chambre, le plafond d'indemnité qui aurait pu être autorisé étant de toute façon dépassé, l'indemnité plafond évoluant sur la période de 1 752 à 2 104 euros ; que pour la période du 1er juin 2002 au 31 mai 2003, que bien que l'on puisse s'étonner que l'extrait de l'exemplaire du procès-verbal d'assemblée générale adressé à la Cour des Comptes ne corresponde pas à l'extrait du procès-verbal produit comme déjà signalé sur les notes d'audience de première instance, il y a lieu de retenir qu'il y a eu une délibération portant sur l'indemnité versée au président, qu'il sera relevé que l'avis de la commission des finances n'a pas été sollicité ; que surtout, les indemnités allouées de 3 412, 16 euros par mois dépassaient le maximum que constituait l'indemnité plafond qui pour la période a évolué de 2 073 à 2 121 euros ; qu'en sa qualité de président de la chambre, M. X... était en mesure de s'assurer de la régularité de sa rémunération ; qu'il ne peut utilement invoquer la rémunération qui aurait été perçue par son prédécesseur ni prétendre qu'il aurait fait confiance au secrétaire général de la chambre, de même le fait que les agissements délictueux aient cessé postérieurement à mai 2003, ces éléments n'étant pas de nature à l'exonérer de ses propres responsabilités pour la période retenue à la prévention ; que, de plus, son attention a été régulièrement attirée par diverses questions posées lors des assemblées générales du 10 juillet 2000 et 28 mai 2001 par les administrateurs qui s'inquiétaient des indemnités et les frais de mission des élus ; que c'est sciemment que le bureau de la chambre n'a pas présenté au cours de l'assemblée générale de l'automne 2001, la demande d'autorisation exigée par l'arrêté du 2 juin 2001, comme il ressort d'un compte rendu du 13 mai 2002 ; que ces éléments caractérisent l'élément intentionnel ; sur l'action civile : que la chambre des métiers de Seine-Saint-Denis est recevable à se constituer partie civile ; qu'elle justifie d'un préjudice personnel et résultant directement des infractions sus-visées à hauteur des sommes indûment perçues, soit 179 791, 52 euros en ce qui concerne M. X... ; que ce dernier aperçu sans aucune autorisation du 1er juin 1998 au 30 mai 2002 la somme totale de 163 927, 82 euros qui n'était pas due ; que de plus, il a bénéficié pour la période postérieure du 1er juin 2002 au 31 mai 2003 d'un trop perçu de 15 863, 82 euros ; que l'on ne peut attribuer à M. X..., comme il le sollicite, une rémunération recalculée comme si celle-ci avait été autorisée et régulière ;
" 1°/ alors que le délit de concussion est limité, pour chaque auteur, à son intervention personnelle ; que si la prescription en matière de concussion ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions de sommes dues lorsque ces perceptions résultent d'opérations indivisibles, ne sont pas des versements résultant d'opérations indivisibles les montants perçus par des personnes distinctes poursuivies chacune comme auteur principal du délit de concussion pour les seules indemnités par elles respectivement reçues ; que le seul effet du caractère connexe ou indivisible de plusieurs infractions sur la prescription est qu'un acte interruptif de prescription concernant les unes a effet sur les autres ; qu'en revanche le point de départ de la prescription s'apprécie distinctement pour chaque infraction, fût-elle connexe ou indivisible avec une infraction commise par un autre prévenu ; que la cour d'appel, pour rejeter l'exception de prescription soulevée par M. X..., a relevé que M. Y... avait bénéficié de rémunérations indues jusqu'en 2005 et que l'ensemble des rémunérations avaient été mises en place par des mécanismes concertés ; qu'en jugeant ainsi que la prescription de l'action publique à l'égard de M. X..., pourtant poursuivi seulement comme auteur principal au titre des seules indemnités par lui perçues, n'aurait commencé à courir qu'à compter du dernier versement perçu par M. Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°/ alors que le délit de concussion est un délit instantané ; que si la prescription en matière de concussion ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions de sommes dues lorsque ces perceptions résultent d'opérations indivisibles, ne peuvent constituer des opérations indivisibles que les versements perçus de façon récurrente par une même personne dans des conditions identiques, c'est-à-dire sur la base du même titre ; que la cour d'appel a expressément constaté que pour la période du 1er juin 1998 au 30 mai 2002, M. X... avait perçu des indemnités mensuelles en l'absence notamment de toute délibération de l'assemblée générale de la chambre alors que pour la période du 1er juin 2002 au 31 mai 2003, ses indemnités avaient été autorisées par une délibération de l'assemblée générale, même si elles dépassaient néanmoins le maximum fixé par arrêté ; qu'ainsi, si les indemnités mensuelles perçues 1er juin 1998 au 30 mai 2002 d'une part, et celles perçues du 1er juin 2002 au 31 mai 2003 d'autre part, étaient indivisibles au sein de chacune des périodes, il n'y avait en revanche aucune indivisibilité entre les deux périodes, couvrant d'une part des indemnités non autorisées et d'autre part des indemnités autorisées par l'assemblée générale de la chambre ; qu'en conséquence le délit de concussion poursuivi à compter du 5 avril 2006 était prescrit pour les sommes perçues sans autorisation de l'assemblée générale du 1er juin 1998 au 30 mai 2002 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Capron, pour M. Y..., pris de la violation de l'article 432-10 du code pénal et des articles 6, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que la prescription n'était pas acquise, a déclaré M. Y... coupable du délit de concussion et l'a condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et à payer à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis la somme de 58 209, 36 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs que les indemnités indues relevées à l'encontre de M. X... ont été perçues mensuellement tout au long des années 1998 à 2003, très exactement du 1er juin 1998 au 31 mai 2003 ; que M. Z... a perçu des indemnités jusqu'au 31 mai 2003, outre des vacations à compter de juin 2003 qui ont perduré jusqu'en 2005 ; que M. Y... a bénéficié de rémunérations indues à compter de février 2002, lesquelles ont perduré jusqu'en 2005 ; que lesdites rémunérations ont été mises en place par des mécanismes concertés puisque payées par le même trésorier en faveur de lui-même et de personnes auxquelles il devait rendre des comptes ; que la prescription du délit de concussion résultant, comme en l'espèce, d'opérations indivisibles ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions ou exonérations indûment accordées ; que le parquet ayant saisi la section financière du SPPJ 93 le 5 avril 2006, l'action publique n'est pas éteinte par l'effet de la prescription " ;
" 1) alors que le délit de concussion étant une infraction instantanée, qui est entièrement consommée au jour où son auteur reçoit, exige ou ordonne de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'il sait ne pas être due ou excéder ce qui est dû, c'est à compter de ce jour que se prescrit l'action publique en matière de concussion ; qu'il n'en va autrement que lorsque les perceptions indues résultent d'opérations indivisibles, auquel cas la prescription ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions de sommes indues ; qu'en se bornant à énoncer, alors que le seul fait interruptif de la prescription de l'action publique qu'elle constatait était la saisine par le ministère publique des services de police le 5 avril 2006, pour retenir que le délit de concussion reproché à M. Y..., concernant des faits qui se seraient déroulés entre le 1er février 2002 et le 31 janvier 2005, résultait d'opérations indivisibles et qu'en conséquence, la prescription de l'action publique relative au délit de concussion reproché à M. Y... n'avait commencé à courir qu'à compter de la dernière des perceptions ou exonérations indûment accordées, que M. Y... a bénéficié de rémunérations indues à compter du mois de février 2002 et que ces rémunérations indues ont perduré jusqu'en 2005 et ont été mises en place par des mécanismes concertés puisqu'elles ont été payées par le même trésorier en faveur de lui-même et de personnes auxquelles il devait rendre des comptes, quand ces circonstances ne caractérisaient pas que le délit de concussion reproché à M. Y... eût résulté d'opérations indivisibles, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
" 2) alors que le délit de concussion étant une infraction instantanée, qui est entièrement consommée au jour où son auteur reçoit, exige ou ordonne de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'il sait ne pas être due ou excéder ce qui est dû, c'est à compter de ce jour que se prescrit l'action publique en matière de concussion ; qu'il n'en va autrement que lorsque les perceptions indues résultent d'opérations indivisibles, auquel cas la prescription ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions de sommes indues ; qu'en se bornant à énoncer, alors que le seul fait interruptif de la prescription de l'action publique qu'elle constatait était la saisine par le ministère publique des services de police le 5 avril 2006, pour retenir que le délit de concussion reproché à M. Y... résultait d'opérations indivisibles et qu'en conséquence, la prescription de l'action publique relative au délit de concussion reproché à M. Y... n'avait commencé à courir qu'à compter de la dernière des perceptions ou exonérations indûment accordées, que M. Y... a bénéficié de rémunérations indues à compter du mois de février 2002 et que ces rémunérations indues ont perduré jusqu'en 2005 et ont été mises en place par des mécanismes concertés puisqu'elles ont été payées par le même trésorier en faveur de lui-même et de personnes auxquelles il devait rendre des comptes, quand il ne résultait d'aucune disposition législative ou règlementaire que le trésorier d'une chambre des métiers et de l'artisanat eût à rendre des comptes au secrétaire général de cette chambre des métiers et de l'artisanat, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées " ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me de Nervo, pour M. Z..., pris de la violation des articles 7, 8 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 432-10 du code pénal, violation de la loi, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré que la prescription de l'action publique n'est pas acquise ;
" aux motifs que les indemnités indues relevées à l'encontre de M. X... ont été perçues mensuellement tout au long des années 1998 à 2003, très exactement du 1er juin 1998 au 31 mai 2003 ; que M. Z... a perçu des indemnités jusqu'au 31 mai 2003, outre des vacations à compter de juin 2003 qui ont perduré jusqu'en 2005 ; que M. Y... a bénéficié de rémunérations indues à compter de février 2002 lesquelles ont perduré jusqu'en 2005 ; que lesdites rémunérations ont été mises en place par des mécanismes concertés puisque payées par le même trésorier en faveur de lui-même et de personnes auxquelles il devait rendre des comptes ; que la prescription du délit de concussion résultant, comme en l'espèce, d'opérations indivisibles ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions ou exonérations indûment accordées ; que le parquet ayant saisi la section financière du SDPJ 93 le 5 avril 2006, l'action publique n'est pas éteinte par l'effet de la prescription ;
" alors que le délit de concussion est une infraction instantanée, entièrement consommée au moment où la personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public reçoit, exige ou ordonne de percevoir, d'une façon indue, des sommes à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics ; qu'il n'en est autrement que lorsque ces perceptions résultent d'opérations indivisibles ; que, dès lors, en se bornant à relever que « M. Z... a perçu des indemnités jusqu'au 31 mai 2003, outre des vacations à compter de juin 2003 qui ont perduré jusqu'en 2005 » sans caractériser l'existence d'une opération indivisible seule susceptible de reporter le point de délai de la prescription, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe et des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire non prescrits les faits de concussion reprochés à MM. X..., Y... et Z..., respectivement président, secrétaire général et trésorier élu de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Seine Saint-Denis, l'arrêt, après avoir rappelé que des rémunérations indues ont été perçues par le premier, du 1er juin 1998 au 31 mai 2003, et par les deux autres, de février 2002 jusqu'en 2005, énonce que lesdites rémunérations ont été mises en place par des mécanismes concertés, constituant des opérations indivisibles et que la prescription de ce délit ne commence à courir qu'à compter de la dernière des perceptions ou exonérations indûment accordées ; que les juges en déduisent que la prescription n'était pas acquise le 5 avril 2006, date de la saisine des services de police par le procureur de la République ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a justement retenu, à l'encontre de chaque prévenu, le caractère indivisible des opérations qui lui était reprochées, a justifié sa décision ;
Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Capron, pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 § § § 1, 2 et 3 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des principes, à valeur constitutionnelle, du respect des droits de la défense et de la légalité des délits et des peines, des articles 111-3 et 432-10 du code pénal, de l'articles 28 du code de l'artisanat et des articles préliminaire, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable du délit de concussion et l'a condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et à payer à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis la somme de 58 209, 36 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté qu'au sein de l'établissement public que constitue la chambre des métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis, M. X... était président de la chambre et en cette qualité ordonnateur des dépenses de celle-ci selon l'article 19 du règlement intérieur ; que M. Y..., secrétaire général de la chambre, ne conteste pas davantage avoir la qualité de chargé d'une mission de service public au sens de l'article 432-10 du code pénal ; qu'en ce qui concerne M. Y..., salarié depuis le 1er février 1995, devenu secrétaire général en juillet 1996, il ne lui est pas reproché un indice erroné mais un échelon erroné ; que son coefficient indiciaire est bien de 973, ce qui correspondait à un salaire de base ; qu'en application des articles 17 et 25 du statut des personnels des chambres des métiers, il devait bénéficier d'un premier avancement d'échelon au taux de 6 % tous les 4 ans d'ancienneté, ou tous les 2 ou 3 ans sur la demande écrite du président, " au choix " ou " au grand choix " ; qu'en tout état de cause, il devait bénéficier d'un premier avancement d'échelon au taux de 6 % le 1er février 1998 et d'un second avancement d'échelon au taux de 6 % au cours de la période, ce qui l'amenait à un échelon de 12 % le 1er février 2002 ; que son échelon étant de 30 % au 1er février 2002 et non pas de 12 % comme il se devait, l'incidence sur le salaire est directe et correspond à 11 088 euros de trop perçu par an à compter du 1er février 2002 soit au total 36 036, 36 euros ; que M. Y... a perçu des primes de 22 173 euros nettes par an non causées et sans fondement juridique ; qu'en réponse à la cour des comptes, la chambre a reconnu le caractère irrégulier de cet avantage financier que constitue la prime exceptionnelle tout en indiquant que le bureau a souhaité " maintenir un dispositif humain portant sur une opération dégageant des ressources supplémentaires pour la chambre ", ce qui n'est pas de nature à exonérer le prévenu de sa responsabilité ; que le prévenu en sa qualité de secrétaire général ayant notamment en charge la direction du personnel, ne pouvait ignorer que ses prétentions étaient infondées ; qu'en ce qui concerne les peines, que des indemnités et vacations ont été sciemment perçues par l'équipe dirigeante de la chambre des métiers et ont profité à l'ordonnateur, au trésorier ayant la qualité de comptable et au secrétaire général ayant la charge de l'administration de la chambre, dont la concertation était indispensable pour parvenir à leurs fins ; que les faits sont d'une gravité certaine au regard des missions de la chambre des métiers et aux principes tels que précisés par l'article 18 du code de l'artisanat ; que les faits seront sanctionnés d'peine d'emprisonnement avec sursis, … à hauteur de huit mois en ce qui concerne MM. Z... et Y... qui ont eu un rôle prépondérant ; que la chambre des métiers de Seine-Saint-Denis est recevable à se constituer partie civile ; qu'elle justifie d'un préjudice personnel et résultant directement des infractions sus-visées à hauteur des sommes indûment perçues ; que le préjudice doit être fixé à la somme de 58 209, 36 euros en ce qui concerne M. Y... au titre de l'application d'un échelon erroné (36 036, 36 euros) et des primes illicites (22 173 euros), sans tenir compte des sommes sollicitées au titre du préavis, des congés payés et des RTT et de la rupture des relations ; que le préjudice moral tenant à l'image de la chambre des métiers sera fixé à la somme de 1 euro ;
" 1) alors que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en déclarant, dès lors, M. Y... coupable du délit de concussion pour avoir perçu des rémunérations et primes injustifiées, quand les faits reprochés à M. Y... selon la prévention consistaient à s'être alloué des rémunérations et primes injustifiées, et non d'avoir perçu ces rémunérations et primes, et quand il ne résultait pas de l'arrêt attaqué que M. Y... aurait expressément accepté d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine et violé les stipulations et dispositions susvisées ;
" 2) alors que, M. Y... avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la lettre du 28 novembre 1994 par laquelle il avait été embauché par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis fixait son salaire brut annuel à la somme de 403 000 francs et que c'est en raison de cet accord convenu entre lui et la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis que, compte tenu des augmentations auxquelles il avait droit en vertu des dispositions applicables, sa rémunération avait atteint le niveau qui était le sien à compter du 1er février 2002 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, qui était péremptoire, puisque de nature à exclure que M. Y... ait commis le délit de concussion à raison de la perception de rémunérations excédant celles à laquelle il avait droit, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé les stipulations et dispositions susvisées ;
" 3) alors qu'aux termes de l'article 28 du code de l'artisanat, le budget et le compte de gestion des chambres des métiers et de l'artisanat sont votés par leur assemblée générale ; qu'il en résulte que l'attribution d'une prime aux agents d'une chambre des métiers et de l'artisanat est légale dès lors qu'elle est votée par l'assemblée générale de cette chambre des métiers et de l'artisanat et dès lors qu'elle poursuit un but légitime ; qu'en déclarant, dès lors, M. Y... coupable du délit de concussion pour avoir perçu des primes, sans répondre au moyen, péremptoire, soulevé par M. Y... dans ses conclusions d'appel, tiré de ce que l'attribution de ces primes aux agents de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis avait été votée par l'assemblée générale de cette chambre des métiers et de l'artisanat dans le but légitime d'améliorer la collecte de la taxe d'apprentissage et de motiver davantage le personnel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusion et violé les stipulations et dispositions susvisées ;
" 4) alors que le délit de concussion n'est constitué que si son auteur a reçu, exigé ou ordonné de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'il savait ne pas être due ou excéder ce qui est dû ; que, sauf à méconnaître le principe de la légalité des délits et des peines et celui du respect de la présomption d'innocence, la fonction exercée par une personne ne peut, à elle seule, en l'absence de toute disposition législative le prévoyant, faire présumer la connaissance par cette personne que la somme qu'elle a perçue ne lui était pas due ou excédait celle qui lui était due ; qu'en se bornant, par conséquent, à énoncer, pour caractériser que M. Y... savait que les rémunérations et primes qu'il a perçues ne lui étaient pas dues ou excédaient ce qui lui était dû, qu'en sa qualité de secrétaire général ayant notamment en charge la direction du personnel, il ne pouvait ignorer que ses prétentions étaient infondées, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées " ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par Me de Nervo, pour M. Z..., et pris de la violation des articles 111-4 et 432-10 du code pénal, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif a déclaré M. Z... coupable du délit de concussion et, en répression l'a condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a statué sur les intérêts civils ;
" aux motifs que concernant les indemnités de M. Z..., les sommes versées étaient préparées par l'administration de la chambre, c'est-à-dire opérées par M. Z... lui-même en tant que comptable, ce qui lui imposait l'obligation de refuser le paiement des sommes non légalement dues ; que M. Z..., trésorier, a perçu des indemnités forfaitaires dite « indemnité d'élu » du 1er novembre 1999 jusqu'au 31 mai 2003, de 958 euros le premier mois et de 1 598 euros les suivants, sans avis de la commission des finances et sans vote de l'assemblée générale ; que l'assemblée générale du 16 juin 2003 qui a autorisé le versement des indemnités n'a pas été précédée d'un avis de la commission des finances ; que, pour la période du 1er juin 2003 au mois de juillet 2005, M. Z... a perçu des indemnités sur la base de « mandat avec frais de représentation », outre des frais de transport, dans le cadre de mandats dont le nombre va de 6 à 46 mandats ; qu'il n'existe aucune justification de ces vacations alors que toute vacation suppose une lettre de mission signée par le président ; que, de plus, l'article 32 du règlement intérieur précise que tout remboursement s'opère sur justificatif ; qu'en particulier aucun procès-verbal du bureau ne fait état d'un mandat de ce dernier ; que les seules vacations non contestables sont celle qui concernent précisément la présence de M. Z... aux réunions dudit bureau ; que le fait que M. Z... aurait perçu des indemnités identiques à celles de son prédécesseur, ou qu'il s'en est remis à M. Y... qui dirigeait la chambre, ou encore que la tutelle n'a pas réagi, ce qu'au demeurant elle ne pouvait faire dès lors que lui étaient transmis des états globaux et non pas personnalisés, ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; que l'élément intentionnel ressort des questions posées lors des assemblées générales précitées des 10 juillet 200 et 28 mai 2001, M. Z... sous la présidence de M. X... répondant à un administrateur en renvoyant celui-ci à la lecture du journal officiel, toutes les indemnités qu'elle soient des membres, du président, du trésorier étant prévues par décret ainsi que la fonction même de l'intéressé ; qu'en ce qui concerne les peines, que des indemnités et vacations ont été sciemment perçues par l'équipe dirigeante de la chambre des métiers et ont profité à l'ordonnateur, au trésorier ayant la qualité de comptable et au secrétaire général ayant la charge de l'administration de la chambre, dont la concertation était indispensable pour parvenir à leurs fins ; que les faits sont d'une gravité certaine au regard des missions de la chambre des métiers et aux principes tels que précisés par l'article 18 du code de l'artisanat ; que les faits seront sanctionnés par une peine d'emprisonnement avec sursis, à hauteur de six mois en ce qui concerne M. X... et à hauteur de huit mois en ce qui concerne MM. Z... et Y... qui ont eu un rôle prépondérant ;
" 1) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 432-10 du code pénal ne vise que les agents dépositaires de l'autorité publique ou chargés d'une mission de service public ; que les personne investies d'un mandat électif, tel que le trésorier élu d'une chambre des métiers, ne figurent pas parmi les agents susceptibles de se voir imputer le délit de concussion à la différence des autres manquements aux devoirs de probité ; que, dès lors, la cour d'appel a violé le principe et l'article précité ;
" 2) alors que le délit de concussion n'est constitué que si le prévenu a émis un ordre de percevoir et non un simple ordre de paiement, ni a fortiori une simple opération de mise en paiement ; qu'ainsi, l'ordonnancement des dépenses et l'exécution d'un ordre de paiement sont étrangers au délit de concussion ; que, faute d'avoir caractérisé un tel ordre de percevoir de la part de M. Z..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3) alors qu'aucun fait de concussion ne peut être légalement caractérisé en la personne du trésorier de la chambre des métiers et de l'artisanat qui n'a pas la qualité d'ordonnateur et, à défaut d'avoir la qualité de comptable public, n'a aucun pouvoir pour s'opposer au paiement des dépenses ordonnées par le président de cet organisme consulaire ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a derechef violé les articles visés au moyen ;
" 4) alors que le délit de concussion est un délit intentionnel ; que M. Z... ne saurait être déclaré coupable de cette infraction dès lors qu'il n'a fait qu'exécuter les obligations qui lui incombaient en qualité de trésorier élu de la chambre de l'artisanat et des métiers, en l'espèce mettre en paiement les sommes dont l'ordonnancement a été décidé par le président de ladite chambre sur le vu des états préparés par son secrétaire général, M. Y..., selon une pratique d'indemnisation qui préexistait à son élection à la fonction de trésorier au sein de la chambre ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les dispositions visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 1 000 euros la somme que MM. X..., Y... et Z... devront payer chacun à la chambre des métiers et de l'artisanat de la Seine Saint-Denis ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-86222
Date de la décision : 15/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juillet 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 déc. 2010, pourvoi n°09-86222


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, Me de Nervo, SCP Piwnica et Molinié, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.86222
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